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Titre: Données épidémiologiques sur la grande prématurité
Année: 1997
Auteurs: - Bréart G.
Spécialité: Néonatologie
Theme: prématurité

Chapitre 8 - La grande prématurité : jusqu'où aller ?

DONNÉES EPIDEMIOLOGIQUES SUR LA GRANDE PREMATURITE

M. KAMINSKI ET G. BREART* INSERM-U.149 - 123, bd de Port-Royal, 75014 Paris.

Une bonne connaissance épidémiologique de la grande prématurité nécessite une estimation précise de sa fréquence, à la fois chez les enfants nés vivants et les mort-nés, et des données sur le devenir des enfants, leurs chances de survie et risques de séquelles, en fonction de l'âge gestationnel.

ETAT ACTUEL DE LA GRANDE PREMATURITE EN FRANCE

Les données nationales les plus récentes proviennent de l'enquête nationale périnatale de 1995 (Blondel et coll 1996). Cette enquête, réalisée par la DGS, les services départementaux de PMI, le SESI et l'INSERM porte sur un échantillon national de 13 000 naissances. En 1995, en France métropolitaine, 1,2 % des enfants sont nés à un âge gestationnel inférieur ou égal à 32 semaines (en semaines révolues d'aménorrhée), 0,9 % des enfants nés vivants, 50 % des mort-nés. Environ 25 % des enfants nés avant 33 semaines sont des mort-nés. Sur la base d'un nombre annuel de 750 000 naissances, ces taux représentent environ 9 000 naissances d'enfants grands prématurés chaque année, dont 6 500 à 7 000 nés vivants.

CARACTERISTIQUES DES NAISSANCES TRES PREMATUREES

Les grossesses multiples contribuent largement aux naissances très prématurées. Alors que la fréquence des naissances avant 33 semaines est de 1,1 % en cas de grossesse unique, cette fréquence atteint 7 % chez les jumeaux et 25 % chez les triplés. Le pourcentage d'enfants nés de grossesse multiple est de 2 % sur l'ensemble des naissances, mais de 15 % avant 33 semaines (tableau I). Par ailleurs, pour plus de la moitié des naissances avant 33 semaines, il y a eu césarienne avant travail, ou plus rarement, déclenchement (tableau II).

Au total, 15 % des enfants nés avant 33 semaines sont issus de grossesse multiple, 45 % sont nés de grossesse unique après une décision d'extraction (césarienne avant travail ou déclenchement) et 40 % après un accouchement prématuré spontané. Ces taux sont proches de ceux observés dans d'autres pays (Etats-Unis, Danemark, Australie) pour les naissances avant 33 semaines : de 40 à 50 % de naissances sur décision médicale (Adams et coll 1995, Kristensen et coll 1995, Hagan et coll 1996-1).

Tableau I - Pourcentage de naissances multiples selon l'âge gestationnel. Enquête nationale périnatale 1995

Tableau II - Pourcentage des césariennes avant travail et de déclenchement selon l'âge gestationnel. Enquête nationale périnatale 1995

EVOLUTION DE LA GRANDE PREMATURITE

Les résultats de 1995 peuvent être comparés à ceux obtenus dans une enquête similaire réalisée dans un certain nombre de régions en France en 1988-89 (Bréart et coll 1991). Si le pourcentage de grands prématurés a peu varié chez les mort-nés entre 1988-89 et 1995, parmi les naissances vivantes il semble y avoir eu augmentation : de 0,7 % à 0,9 %. Les effectifs sont trop faibles pour que l'on puisse l'affirmer formellement ; cependant un certain nombre d'éléments pourraient expliquer une telle tendance. On observe en particulier que la part des extractions précoces a augmenté, de 31 % à 46 % chez les naissances vivantes uniques. Des modifications dans la pratique obstétricale et néonatale sont intervenues : le développement de nouveaux moyens de dépistage de la souffrance foetale pendant la grossesse, et de thérapeutiques permettant d'améliorer le pronostic vital des nouveau-nés, principalement l'administration prénatale de corticoïdes, et l'utilisation de surfactant (Walti 1996) ont augmenté les chances de survie des nouveau-nés à des âges gestationnels de plus en plus faibles. Elles ont conduit à des extractions de plus en plus précoces, le plus souvent par césarienne, et à une pratique plus intensive de la réanimation néonatale des grands prématurés. L'augmentation des naissances multiples (Blondel 1996) contribue également à une augmentation de la grande prématurité.

DEVENIR DES GRANDS PREMATURES : DONNEES FRANCAISES

Etant donné leur immaturité, les grands prématurés sont exposés à un risque élevé de décéder dans les jours ou semaines suivant la naissance. Chez les survivants, le risque de séquelles plus ou moins sérieuses est élevé également. Compte tenu de leur fréquence et de la gravité de leurs conséquences, ou s'intéresse en priorité aux atteintes neurologiques.

Comme on l'a vu plus haut, les données sur le devenir des grands prématurés en France, y compris la survie, ne peuvent provenir que d'enquêtes ad hoc. On dispose des données de deux populations à base régionale : Paris et petite couronne en 1985 (Dehan et coll 1990) et Franche-Comté en 1990-92 (Burguet et coll 1995, Burguet et coll 1996). Ces deux études portent sur les naissances de 25 à 32 semaines, avec sensiblement la même distribution d'âge gestationnel dans les deux populations. Elles ont utilisé les mêmes critères de définition des pathologies au cours du suivi des enfants. Dans la première étude, le taux de survie à 2 ans est de 74 % des enfants nés vivants ; chez les survivants, après exclusion des perdus de vue (6 %), 14 % sont porteurs d'une pathologie psychomotrice ou sensorielle majeure confirmée ; le taux de survie sans pathologie majeure est de 64 % des enfants nés vivants, le taux de survie avec pathologie de 10 % (chiffres calculés à partir de données de l'article de Dehan et coll 1990). Dans la seconde étude, le taux de survie est de 84 %, le taux de pathologie majeure confirmée de 13 % chez les survivants, le taux de survie sans pathologie de 71 % et le taux de survie avec pathologie de 11 % (chiffres calculés à partir de données fournies par Burguet - Communication personnelle). Une comparaison par âge gestationnel semble montrer que l'augmentation de la survie sans handicap concerne surtout les enfants nés à moins de 28 semaines, mais les effectifs sont trop faibles pour en juger valablement.

BILAN DE LA LITTERATURE INTERNATIONALE : RESULTATS

Malgré les limites discutées ci-dessus, on peut tirer un certain nombre de conclusions de la littérature française et internationale sur le devenir des grands prématurés.

Concernant la mortalité

Le bilan fait par Truffert (1996) sur les études portant sur les enfants grands prématurés nés depuis la fin des années 1970 montre que la survie à la sortie du service de réanimation est comprise entre 70 et 85 % selon les études pour les cohortes d'enfants nés avant 33 semaines, et entre 30 et 60 % pour les cohortes d'enfants nés avant 29 semaines. Les chances de survie augmentent avec l'âge gestationnel suivant une courbe exponentielle comme le montrent des données sur les naissances de 1990-1993 d'une région d'Angleterre (Rutter 1995), ces chances demeurent cependant extrêmement faibles en deçà de 24 semaines. Le risque de mortalité a diminué au cours des années, y compris pour les très faibles âges gestationnels et les poids de naissance les plus bas. Les données les plus récentes confirment cette tendance (Fanaroff et coll 1995).

Concernant les séquelles neurologiques

Il y a peu de données concernant les grands prématurés, et le bilan, notamment pour ce qui concerne l'évolution au cours des années, s'appuie surtout sur le devenir des enfants de très petits poids. Comme la mortalité, le risque de séquelles graves chez les survivants, en particulier le risque d'infirmité motrice cérébrale (IMC), est d'autant plus élevé que âge gestationnel est faible (Dehan et Zupan 1995). Malheureusement les données quantitatives demeurent limitées. Pour les enfants nés en région parisienne en 1985, chez les survivants, le risque de pathologie psychomotrice ou sensorielle majeure à 2 ans passait de 23 % entre 27 et 30 semaines à 8 % à 31-32 semaines. Dans une étude nationale aux Pays-Bas en 1983, 15 % des enfants nés avant 32 semaines et survivants étaient porteurs d'un handicap à 5 ans. Ce pourcentage était d'environ 50 % à 25 semaines et décroissant régulièrement avec l'augmentation de âge gestationnel (Veen et coll 1991). Un suivi à 9 ans montrait un taux élevé de difficultés et retards scolaires, y compris chez les enfants non handicapés (Hille et coll 1994). Des résultats analogues ont été observés à l'âge de 4 ans chez des enfants nés avant 29 semaines de gestation en Angleterre ; seulement un tiers des enfants avaient un fonctionnement dans les limites de la normalité et 23 % étaient sérieusement handicapés ; le taux de handicap était particulièrement élevé (70 %) chez les enfants nés avant 26 semaines (Johnson et coll 1993).

Les données provenant de l'observation des enfants de très petit poids montrent que chez les survivants, le risque de séquelles graves, en particulier d'infirmité motrice cérébrale (IMC) est, selon les études, en augmentation, ou au mieux en stagnation (Stanley 1992, McCormick 1993, Truffert 1996, Hagberg et coll sous presse). L'augmentation de la survie notamment aux âges gestationnels les plus faibles, associée à la stagnation ou l'augmentation du risque de séquelles chez les survivants fait que l'on observe chez les grands prématurés à la fois une augmentation du nombre d'enfants survivants sans séquelles et une augmentation du nombre d'enfants survivants atteints de séquelles graves, en particulier d'IMC (Stanley 1992, Nicholson et Alberman 1992, Bhushan et coll 1993, McCormick 1993, Truffert 1996).

CONCLUSION

La prévention de la grande prématurité est particulièrement nécessaire, compte tenu des graves conséquences que celle-ci peut entraîner. Toutefois, le but final n'est pas la diminution de la grande prématurité pour elle-même, mais l'amélioration de la santé des enfants. Or une part importante des naissances très prématurées sont des naissances décidées pour raison médicale. S'il était avéré que, compte tenu des moyens de surveillance et de traitement, les chances de survie en bonne santé de certains enfants étaient plus grandes après une naissance très précoce plutôt qu'in utero, une augmentation de la grande prématurité pourrait être acceptable. Il faut toutefois se rappeler qu'une part de séquelles neurologiques associées à la grande prématurité provient de lésions constituées in utero (chapitre Evrard), et qu'un des enjeux est la prévention de ces lésions.

BIBLIOGRAPHIE

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