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Titre: Accouchement prématuré : relation entre l'infection et les modifications cervicales
Année: 1998
Auteurs: - Goffinet F.
Spécialité: Obstétrique
Theme: prématurité

Accouchement prématuré : relation entre l'infection et les modifications cervicales

F Goffinet

Chef de Clinique-Assistant, Maternité de Baudelocque Port-Royal, 123 Bd de Port-Royal, 75 014 PARIS

 

La prématurité reste la principale cause avec le retard de croissance intra-utérin (RCIU) de la morbidité et de la mortalité périnatales. Ainsi, près de 60 % de la mortalité néonatale provient des 1 à 2 % d'enfants nés avant 30 SA. Malgré une baisse dans les années 70 et 80 elle semble être stabilisée aux environ de 6 % en France [Blondel 1996]. Une des raisons principales pour laquelle les traitements institués pour réduire la prématurité sont peu efficaces est que nous distinguons mal les patientes à haut risque des patientes à faible risque et ceci aussi bien en population générale que dans une population de patientes en menace d'accouchement prématuré (MAP). La deuxième raison est que la cause de l'accouchement prématuré est rarement déterminée en anténatal et qu'il sera difficile de réduire la prématurité si l'on agit pas sur ses causes. Toute amélioration dans nos connaissances sur les mécanismes de l'accouchement prématuré est fondamentale pour espérer intervenir efficacement.

 

A Les modifications cervicales

Il est bien établit que les modifications cervicales sont prédictives d'accouchement prématuré [Bouyer 1989, Papiernik 1989, Cabrol 1991]. Ce facteur est un critère prédictif mais peut aussi être considéré comme une étiologie de l'accouchement prématuré représentée par l'incompétence cervico-isthmique. Une des preuves de l'existence de cette cause est l'effet bénéfique du cerclage prophylactique en cas de deux antécédents d'accouchements prématuré et/ou d'avortements du deuxième trimestre [MRC 1993].

Ces modifications cervicales interviennent "systématiquement" dans le processus du travail prématuré, qu'elles soient primaires ou secondaires à d'autres mécanismes comme les contractions utérines ou peut-être l'infection.

En population générale, l'association entre modifications cervicales et accouchement prématuré est claire avec un risque d'accouchement prématuré élevé en cas de col raccourci ou ouvert entre 24 et 28 SA dans l'étude de Haguenau [Bouyer 1989]. Mais il ne faut pas confondre association significative et valeur prédictive; le nombre de faux-positifs et de faux négatifs est en fait élevé et rend les conclusions des différentes études contradictoires sur la pertinence de l'examen clinique comme méthode de dépistage [Papiernik 1989, Bouyer 1989, Copper 1990, Litter 1992, Stubbs 1996]. Ainsi, le taux de faux-positifs est frèquemment situé entre 20 et 40 %, celui des faux-négatifs entre 40 et 60 %. Il n'est donc pas du tout certain que la pratique systématique du toucher vaginal permette une réduction du nombre d'accouchement prématuré. Ainsi, dans un essai européen randomisé mené sur 5 600 femmes, le taux de prématurité était comparable entre le groupe de femmes ayant eu en moyenne 6 touchers vaginaux pendant leur grossesse et celui des femmes témoins en ayant eu 1 en moyenne [Buekens 1994].

Dans une population à haut risque représentée par les MAP, le premier objectif est de distinguer les patientes qui sont en vrai travail prématuré aboutissant à un accouchement prématuré en l'absence de traitement efficace des patientes en faux travail prématuré qui accoucheront à terme quelles que soient la prise en charge et les traitement institués. Les méthodes classiques utilisées sont décevantes pour réaliser cette distinction en particulier les différents scores cliniques [Bishop 1964, Dellenbach 1975, Hodr 1974, Liu 1978, Richter 1977, Van Lierde 1982]. Ainsi la prise en compte de la symptomatologie et des contractions utérines ne sont prédictives que dans les 24 heures qui précèdent l'accouchement prématuré dans les deux seules études prospectives [Copper 1990, Iams 1994]. Le toucher vaginal est décevant dans les études prospectives sur une population de MAP où on s'attend à retrouver une valeur prédictive très élevée dans ce type de population à haut risque. En fait, le nombre de faux-positifs et de faux-négatifs reste élevé.

Les conséquences de ces faux-positifs sont importantes puisque des traitements vont être institués avec les inconvénients physiques et psychologiques connus mais aussi des inconvénients non mesurables. Les principaux composants de cette prise en charge sont l'hospitalisation, un transfert in utero dans une maternité de niveau III couteuse et souvent loin du domicile, une corticothérapie, une tocolyse par voie intraveineuse. Ainsi pour un nombre important de patientes, toute cette prise en charge est inutile. D'autre part, en l'absence de sélection pertinente des patientes réellement en travail prématuré, l'effet de notre prise en charge est "dilué" dans cette population hétérogène. On peut donc difficilement mettre en évidence d'effet bénéfique dans un groupe de patientes où même sans prise en charge 40 à 70 % des patientes accoucheront après 37 SA comme le montrent les études prospectives sur les MAP hospitalisées [INSERM 1997].

Ce nombre faux-positifs et faux-négatifs élevé ne démontre pas que les modifications cervicales n'interviennent pas de manière prépondérante dans le mécanisme du travail prématuré. Le toucher vaginal qui est l'examen de mesure de référence est connu depuis longtemps pour avoir une mauvaise reproductibilité intra et inter-observateur. Depuis quelques années, un autre moyen d'apprécier les modifications cervicales, l'échographie du col par voie endovaginale, a été abondamment étudié. Par opposition au toucher vaginal, les intérêts théoriques de l'exploration du col par échographie endovaginale sont une bonne reproductibilité, l'évaluation totale de la longueur du col (en particulier la portion supravaginale non explorable par le toucher vaginal) et enfin la "morphologie" de l'orifice interne pas toujours explorable ou exploré pendant le toucher vaginal. Cette nouvelle approche de l'évaluation des modifications cervicales pourraient non seulement permettre de mieux prédire le risque d'accouchement prématuré mais aussi de mieux comprendre ses mécanismes en explorant l'orifice interne et les modifications de longueur de manière reproductible.

En population générale, l'étude qui fait référence est l'étude prospective multicentrique de Iams et al portant sur près de 3 000 patientes avec deux évaluations à 24 et 28 SA [Iams 1996]. Il existe une relation significative entre la longueur du col mesurée par échographie endovaginale et un accouchement avant 35 SA. Cette relation est de plus continue, c'est à dire qu'il n'existe pas de seuil à partir duquel le risque existe; ainsi les notions d'incompétence et de compétence cervico-isthmique sont remises en question par ces auteurs. Enfin, la comparaison en terme de valeur prédictive avec le score de Bishop semble montrer un léger avantage à l'échographie.

Sur une population de femmes présentant une MAP, les études prospectives retrouvent des chiffres de valeur prédictive très élevés avec d'excellentes sensibilité et spécificité [Gomez 1994, Iams 1994, Goffinet 1997]. Iams retrouvait une sensibilité à 100 % contre 62 % avec un col ouvert à plus de 1 cm et 83 % avec un effacement >= 50 % (mais avec 61 % de faux-positifs pour ces deux derniers critères) [Iams 1994]. Dans une étude prospective française, les auteurs retrouvaient une sensibilité à 75 % et une spécificité à 73 % [Goffinet 1997]. Les rares études comparant le toucher vaginal à l'échographie du col retrouvent toutes une supériorité de l'échographie [INSERM 1997]. Cependant, on peut reprocher à ces études de ne pas prendre en compte certains critères importants de l'examen clinique (consistance du col, hauteur de la présentation). D'autre part, ces études ont été réalisées dans des pays et des centres où le toucher vaginal n'était pas obligatoirement un "gold standard".

Il est donc bien établi que les modifications cervicales sont associées à un accouchement prématuré. Ces modifications cervicales peuvent être simplement un marqueur de risque et n'intervenir qu'en deuxième lieu, la cause primaire étant extérieure. Ces causes entrainant des modifications cervicales ne sont pas toutes connues; les plus étudiés sont les causes socio-économiques [Papiernik 1989]. Hormis cette action des modifications cervicales intervenant dans un deuxième temps, elles peuvent intervenir directement, comme primum novens, en cas d'incompétence cervico-isthmique, ce qui en fait une étiologie à part entière d'accouchement prématuré [Cabrol 1997].

En conclusion, le toucher vaginal est la méthode classique pour évaluer les modifications cervicales; il permet de prédire le risque d'accouchement prématuré mais avec un nombre de faux-positifs et de faux-négatifs élevé aussi bien en population générale qu'en population à risque comme celle de patientes en MAP. La mesure du col par échographie endovaginale permet une meilleure reproductibilité des mesures et une évaluation de l'orifice interne du col. Les premières études semblent montrer sa supériorité par rapport au toucher vaginal mais il faudra attendre des études plus larges dans des centres qui utilisent couramment le toucher vaginal pour pouvoir conclure. Enfin, un des intérêts potentiels de l'exploration du col par échographie est de pouvoir améliorer nos connaissances dans la compréhension des mécanismes qui entraînent des modifications cervicales et un accouchement prématuré.

B Infection et prématurité

De nombreuses études ont démontré l'importance de l'infection dans la survenue d'un accouchement prématuré [Gomez 1995]. Celle-ci interviendrait directement ou indirectement dans 40 à 60 % des accouchements prématurés [Romero 1988, Newton 1989, Gomez 1995]. La part de l'infection serait d'autant plus importante que le terme est précoce; ainsi, 80 % des accouchements avant 30 SA seraient associées à une chorioamniotite histologique [Mueller-Heubach 1990]. C'est de plus dans ces cas d'accouchement prématuré associés à une infection que l'on retrouve les leucomalacies néonatales avec séquelles neurologiques [Béjar 1988]. Les principaux mécanismes avancés de l'accouchement prématuré causé par l'infection sont d'une part une atteinte de l'intégrité des membranes entraînant une rupture (par inflammation mais aussi par action des protéases), et d'autre part une libération de prostaglandines en particulier E2 par les phospholipases bactériennes.

Les germes associés de manière formelle à l'accouchement prématuré sont le streptocoque B, le gonocoque, le tréponème pâle, les bacteroides et le gardnerella vaginalis avec de grandes différences de fréquence selon les études et les populations d'origine [Gibbs 1992]. Les résultats sont plus contradictoires concernant l'escherischia coli, le trichomonas, l'ureaplasma urealyticum, le mycoplasme hominis et le chlamydiae trachomatis où la relation entre ces germes et un accouchement prématuré n'est pas retrouvée par tous les auteurs [Gibbs 1992]. Une des caractéristiques des plus fréquents micro-organismes (ureaplasma urealyticum, mycoplasme hominis, bacteroides et gardnerella) est d'être peu virulents et de pouvoir exister de manière asymptomatique pendant longtemps dans les sécrétions cervico-vaginales mais également au niveau des membranes fœtales puisque que sont ces germes que l'on retrouve préférentiellement en cas de chorioamniotite histologique [Gibbs 1992]. Cette entité de chorioamniotite histologique est fondamentale car dans toutes les études qui l'ont recherché, ce critère subclinique est retrouvé associé à l'accouchement prématuré, la chorioamniotite clinique et l'infection néonatale.

Un autre argument en faveur de la relation entre l'infection et l'accouchement prématuré est l'association entre des cultures positives dans le liquide amniotique et un accouchement prématuré [Gibbs 1992, Romero 1989]. Ainsi, parmi les patientes qui présentent une MAP, celles dont la culture dans le liquide amniotique est positive accouchent dans les 24 à 48 heures alors que les autres ont tendance à prolonger leur grossesse de plusieurs semaines [Romero 1989]. Cependant, la constatation d'une association ne veut pas dire qu'il existe une relation causale obligatoire; rien de prouve que l'infection dans ces cas là n'est pas secondaire au "travail prématuré".

Les marqueurs habituels de l'infection en anténatal sont peu pertinents pour prédire une infection subclinique en particulier le prélèvement vaginal classique, la température maternnelle, le nombre de globules blancs dans le plasma ou la CRP. Depuis quelques années, de nouveaux moyens dans le but de prédire une infection subclinique ont été étudiés. Il s'agit principalement de la recherche d'un infection dans le liquide amniotique après amniocentèse, de la recherche d'un vaginose bactérienne et enfin de la recherche des médiateurs de l'infection dans les sécrétions cervico-vaginales et dans le liquide amniotique.

La vaginose bactérienne est définie par un déséquilibre de la flore vaginale normale avec le remplacement des lactobacilles normalement prédominants par des bactéries anaérobies, principalement gardnerella, mycoplasmes hominis, bacteroides. La vaginose bactérienne est associée à l'accouchement prématuré, la rupture prématurée des membranes, la chorioamniotite histologique ou clinique, une culture bactériologique positive dans le liquide amniotique, une production élevée de cytokines dans le liquide amniotique [Hillier 1995]. La relation causale entre ce type d'infection et l'accouchement prématuré est admise par la plupart des auteurs. L'étude la plus importante est la cohorte multicentrique d'Hillier et al sur plus de 10 000 patientes à bas risque [Hillier 1995]. Une regression logistique permettait de mettre en évidence un risque d'accouchement prématuré augmenté de 40 % chez les patientes présentant une vaginose bactérienne entre 23 et 26 SA. Encore plus prometteurs sont les résultats de deux essais randomisés qui montrent une réduction du nombre d'accouchement prématuré en cas de traitement antibiotique dans des populations à risque présentant une vaginose bactérienne [Hauth 1995, Morales 1994]. Ces résultats doivent bien sûr être confirmés par d'autres études, mais ils ouvrent déjà des perspectives fondamentales dans la prévention de la prématurité. Il est à noter que la vaginose n'a pas été étudiée sur des populations à haut risque avec MAP et aucune étude française sur la vaginose bactérienne n'a été jusqu'à présent rapportée.

La recherche d'une culture bactériologique positive dans le liquide amniotique après amniocentèse a une bonne valeur prédictive sur l'infection même si le nombre de faux-négatifs semble élevé. La recherche dans le liquide amniotique de marqueurs indirects de l'infection pourraient permettre d'augmenter la sensibilité de la méthode. Plusieurs types de médiateurs ont été étudiés. Ainsi, il est établit que les patientes en travail prématuré associé à une invasion microbienne dans le liquide amniotique ont des concentrations élevées dans le liquide amniotique de pGE2, PGF2alpha et certains de leurs métabolites, une concentration élevée en leucotriènes et autres métabolites de la lipooxygénase, et une concentration élevée en lipopolycassharides [Romero 1989, Gibbs 1992]. Le fait que leur concentration est élevée seulement lorsqu'il existe une infection ou une chorioamniotite histologique a été confirmé par d'autres auteurs [Gibbs 1992]. Cependant, rien ne prouve que ce sont ces substances qui initient le travail prématuré, et leur production pourrait être secondaire. Enfin, il n'y a pour l'instant aucune application clinique aux dosages de ces molécules qui sont complexes, couteux et difficiles en pratique courante. Les recherches actuelles se sont plutôt portés sur des dosages plus simples.

Les cytokines sont des médiateurs glycoprotéiques impliqués dans la réaction inflammatoire. Elles résultent principalement de l'activation des macrophages et jouent probablement un rôle important dans le mécanisme de la parturition en cas d'infection. Il est établi qu'une élévation des concentrations en cytokines dans le liquide amniotique est un bon marqueur d'invasion microbienne, de chorioamniotite clinique et de chorioamniotite histologique [Gomez 1995]. Les cytokines les plus étudiés ont été l'interleukine 6 (IL-6), l'IL-1 béta, le Tumor Necrosis Factor alpha (TNF alpha). L'interleukine 6 (IL6) a été particulièrement étudié comme marqueur d'une infection subclinique en cas de MAP. Les premières études sur du liquide amniotique prélevé par amniocentèse ont montré une association nette entre l'augmentation d'IL6 et la présence de germes d'une part, et un accouchement prématuré d'autre part [Romero 1990, Hillier 1993, Greig 1993, Coultrip 1994, Gomez 1995]. L'amniocentèse étant une méthode invasive, des études plus récentes ont étudié la présence d'IL6 au niveau des sécrétions cervico-vaginales et ont montré une relation avec la survenue d'un accouchement prématuré dans une population de MAP [Lockwood 1994, Rizzo 1996]. Cependant, ces dosages dans les sécrétions vaginales se heurtent à des problèmes techniques de reproductibilité et ne peuvent être actuellement utilisés en pratique clinique. Enfin, des données récentes sont venues renforcer l'intérêt potentiel du dosage des cytokines en cas de MAP. Yoon et al ont étudié les concentrations d'IL-6 et d'IL-1béta dans le liquide amniotique chez 94 patientes ayant accouché avant 35 SA (en moyenne vers 32 SA); ils retrouvent après ajustement sur le poids de naissance et le terme d'accouchement une relation significative entre ces concentrations avant accouchement et les enfants à risque de leucomalacie et d'infirmité motrice cérébrale. Ces données, qui méritent bien sûr d'être confirmées, peuvent avoir une importance capitale en pratique. Elles permettent de renforcer l'idée que certaines séquelles neurologiques en cas de prématurité peuvent être liées à une infection anténatale. Des stratégies visant à prévenir cette infection (par de antibiotiques) ou à extraire les enfant avant les effets de cette infection (le moment où l'on observe ces taux élevés de cytokines est peut-être beaucoup trop tardif pour espérer éviter la constitution des lésions neurologiques) pourraient s'avérer capitales en terme de santé puisque l'on pourrait enfin agir sur l'issue la plus préoccupante de la prématurité, la morbidité neurologique à long terme.

Plus récemment, les recherches dans le liquide amniotique ont porté sur des dosages plus simples et moins couteux que ceux des cytokines et permettant d'obtenir un résultat rapidement. L'invasion microbienne au niveau de la decidua entraîne une activation des macrophages. Le métabolisme des leucocytes activés entraîne alors une glycolyse avec accumulation de lactates (avec une augmentation de lactate deshydrogenase) et diminution du glucose. Ainsi, des études ont retrouvé une relation significative entre ces marqueurs et une cultures positive dans le liquide amniotique ou un accouchement dans les 24 à 48 heures. Ces marqueurs dans le liquide amniotique sont principalement une élévation du nombre de globules blancs, de la lactate deshydrogenase une diminution de la glucosamnie et la mise en évidence de bactéries par la coloration de Gram [Garry 1996, INSERM 1997]. Il est à noter que ces test rapides ne permettent pas d'identifier les cultures positives au mycoplasmes ce qui diminue leur sensibilité de manière importante.

Un certain nombre de réserves sont à faire concernant les conclusions des auteurs à propos des dosages de ces différents marqueurs dans le liquide amniotique. Le premier point méthodologique est qu'il n'existe pas de grande série permettant de comparer tous ces marqueurs. De plus, le nombre de faux positifs et de faux négatifs est soit non évalué (les résultats ne sont donnés qu'en terme d'association significative) soit mal évalué en raison des petits effectifs. Le deuxième point et probablement le plus important est qu'aucune étude d'intervention visant à démontrer l'intérêt réel de ces marqueurs n'a été publiée. Quelles décisions prendre à la suite du résultat de ces dosages ? Déjà, certaines équipes prennent des décisions de mettre sous antibiotiques ces patientes et même d'extraire les enfants sur tel résultat du glucose ou du nombre de globule blancs dans le liquide amniotique. Il n'y a aucune étude sérieuse qui ait démontré l'intérêt pour la mère ou l'enfant de telles attitudes qui pourraient même être délétères pour les fœtus en induisant une prématurité inutile et évitable. Les conséquences de l'amniocentèse ne sont pas non plus évaluées et on peut dans chaque étude calculer le nombre important d'amniocentèse dite "inutiles" puisque négatives. Aucune étude comparant l'attitude de faire une amniocentèse à celle de ne pas en faire n'existe. Dans une revue de la littérature, Gibbs donne le chiffre de 10 à 15 % de cultures positives dans le liquide amniotique en cas de MAP, soit si l'on se réfère à ce critère de jugement 85 à 90 % d'amniocentèses inutiles [Gibbs 1997].

Ces réserves ne s'adressent qu'aux conclusions actuelles des auteurs concernant les décisions à prendre. Il est évident que la possibilité de disposer d'une facteur prédictif pertinent d'infection subclinique chez les patientes présentant une MAP pourrait être déterminant pour prévenir un accouchement prématuré dans ce groupe de patientes. En effet, nous aurions alors à notre disposition une intervention potentiellement efficace avec les antibiotiques. Des essais d'interventions ont déjà été réalisés sur des populations avec MAP à membranes intactes mais les résultats sont contradictoires [INSERM 1997]. Les raisons pouvant expliquer l'absence d'effet des antibiotiques dans certains essais sont multiples : les effectifs sont trop faibles pour observer un effet; trop peu de cas de MAP sont d'origine infectieuse dans la population étudiée; les antibiotiques utilisés ne sont pas toujours les plus adaptés; les antibiotiques sont donnés trop tardivement dans le processus infectieux qui conduit à l'accouchement prématuré. Ces arguments, loin d'écarter la possibilité de donner des antibiotiques en cas de MAP, renforcent l'importance de disposer d'un marqueur pertinent de l'infection subclinique. Celui-ci pourrait nous permettre de mieux sélectionner la population cible, d'intervenir plus efficacement et plus précocément.

 

C Relation entre l'infection et les modifications cervicales

L'association entre l'existence d'une infection et l'accouchement prématuré n'est pas discutable. Cependant, association n'est pas synonyme de relation causale. On peut émettre deux hypothèses (qui ne s'excluent pas obligatoirement) sur la relation entre l'infection et l'accouchement prématuré. Dans la première, l'infection intervient comme un facteur primaire et indépendant. Elle agirait directement au niveau des tissus intra-utérins (decidua, chorion, amnion) avec comme conséquences la production de cytokines et de prostaglandines entraînant des contractions utérines et des modifications cervicales. Dans la deuxième, cette infection n'a un rôle décisif sur l'accouchement prématuré que si il existe une ouverture du col qui fait perdre alors au col ses propriétés de protection contre une ascension des germes. Dans ce cas là, les modifications cervicales jouent alors un rôle prépondérant et peut-être primaire dans le mécanisme de l'accouchement prématuré.

Dans une étude prospective sur 5758 patientes, Chambers et al montrent que l'infection cervico-vaginale est associée à un accouchement prématuré seulement lorsque le col est court avant 28 SA ou ouvert avant 37 SA [Chambers 1990]. Ceci semble confirmer l'hypothèse selon laquelle un col fermé est une barrière naturelle contre l'infection ascendante. En cas de col ouvert, l'infection continue à jouer un rôle déterminant. Ainsi, si le col est ouvert et court avant 28 SA, le risque d'accoucher avant 37 SA est de 6,6 sans colonisation vaginale et de 12,3 en cas de colonisation. D'autres arguments indirects sont en faveur d'une ascension des germes en cas des modifications cervicales. Levine dans une population de patientes exposées in utero au diethylstilbestrol (DES syndrome) retrouve 26 % de pertes de grossesses en cas d'infection génitale haute ou basse contre 13 % sans infection [Levine 1993]. De même il a été montré que les patientes ayant subi une conisation avaient un déséquilibre de la flore vaginale normale et une augmentation du nombre de rupture des membranes [Svare 1992]. Les arguments théoriques en faveur d'une infection ascendante sont nombreux : prédominance de la chorioamniotite histologique au niveau du site de la rupture des membranes, infection materno-fœtale associée avec une chorioamniotite histologique, les germes retrouvés dans les infections congénitales sont également retrouvés dans les sécrétions cervico-vaginales, et enfin la chorioamniotite histologique est plus fréquemment retrouvée chez le premier jumeau que chez le deuxième [Gibbs 1997]. Les germes issus des sécrétions cervico-vaginales atteindraient le segment inférieur utérin par le canal cervical pour entrainer une infection au niveau de la decidua, de l'amnios et du placenta. L'étape ultérieure est l'accouchement prématuré avec parfois la chorioamniotite clinique avec infection fœtale [McGregor 1990].

Une autre hypothèse concernant le rôle de l'infection dans la survenue d'un accouchement prématuré a été récemment rapportée. L'infection subclinique préexisterait au niveau de l'utérus sous la forme d'une endometrite chronique asymptomatique et une ouverture du col n'est pas indispensable pour favoriser cette infection. Les arguments en faveur de cette dernière hypothèse sont les suivants [Goldenberg 1996] : on retrouve les mêmes germes au niveau de l'endometrite que dans la survenue des accouchements prématurés; l'endometrite chronique est très fréquente chez les patientes non enceintes mais présentant une vaginose bactérienne; on retrouve fréquemment une histoire infectieuse chez les patientes qui présentent des fausses couches tardives du deuxième trimestre à répétition; on retrouve du mycoplasme dans le liquide amniotique avant 20 SA chez des patientes asymptomatiques qui vont présenter un accouchement prématuré.

En conclusion, de nombreux arguments semblent montrer que l'infection est une cause majeure d'accouchement prématuré. Les modifications cervicales jouent un rôle déterminant et favorisent probablement l'action de l'infection. Certaines interventions visant à prévenir les modifications cervicales sont connues même si leur efficacité est mise en doute par de nombreuses études. La raison principale de l'absence d'efficacité de nos interventions est la mauvaise compréhension des mécanismes qui entraînent ces modifications cervicales. En effet, ces interventions portent principalement sur la réduction des contractions utérines qui ne sont probablement pas le seul mécanisme conduisant à des modifications cervicales. En revanche, la possibilité de dépister à l'aide de marqueurs précoces une infection subclinique est potentiellement très intéressante. Elle permettrait d'agir à l'aide d'antibiotiques avant que l'effet de l'infection au niveau des membranes fœtales et maternelles ne soit irréversible.

 

réferences

 

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