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Titre: Les grands principes des decrets sur la perinatalite
Année: 1999
Auteurs: - Dehan M.
Spécialité: Périnatalité
Theme: Organisation de la santé

LES GRANDS PRINCIPES DES DECRETS SUR LA PERINATALITE

 

M. DEHAN et R.FRYDMAN

Service de Pédiatrie et Réanimation Néonatales

Hôpital Antoine Béclère. F.92141 CLAMART

Introduction

La publication au J.O. du 10 octobre 1998 des décrets relatifs à la sécurité périnatale dans les établissements de santé, est un événement important pour tous ceux qui sont préoccupés professionnellement par la périnatalité, notamment les obstétriciens, les anesthésistes, les sages-femmes et les pédiatres. Ces décrets, pour la première fois, disent les règles qui vont devoir s’appliquer aussi bien aux établissements privés qu’aux établissements publics : ils concernent ainsi tous ceux qui participent à la prise en charge de la mère et de son enfant, quelles que soient les modalités d’exercice. Ils constituent le pivot d’un plan d’ensemble plus vaste, comportant des mesures touchant à la formation des médecins et sages-femmes, à la révision de certains actes de la nomenclature, au renforcement des commissions techniques régionales de la naissance, à la diffusion de la télémédecine..

Contexte général

Dans les années soixante dix, à la suite des programmes d’action mis en place par les autorités sanitaires (1,2) la France se situait dans le peloton de tête des pays développés pour ce qui concerne les grands indicateurs de la périnatalité : la mortalité périnatale, la mortalité maternelle notamment. Or, dans les décennies suivantes, la France s’est vu rattrapée, puis dépassée par nombre de pays, si bien qu’elle s’est retrouvée mal positionnée, environ au 13ème rang pour ces indicateurs, au début des années 1990. Que s’était-il passé ? Les médecins étaient-ils moins bien formés, les techniques et les équipes moins performantes, n’y avait-il pas assez de moyens mis en oeuvre ? Qu’avaient pu réaliser les autres pays qui n’existait pas en France ?

La raison principale du recul de la France a été rapidement connue : il s’agissait en fait d’un problème d’organisation dans la prise en charge des mères et des enfants (1, 2, 3). En effet, considérant que, a priori, la grossesse est un événement physiologique, on a laissé se disséminer les lieux d’accouchement. Résultat, certaines maternités se sont trouvé isolées, ne pouvant pas disposer d’un plateau technique et d’une expertise suffisants face aux grandes urgences obstétricales (on rappelle que la moitié des morts maternelles pourrait être évitable), et les services d’hospitalisation des nouveau-nés ont continué à être séparés des lieux d’accouchement (rendant ainsi difficile la continuité des prises en charge pédiatriques malgré la mise en place des SMUR pédiatriques).

L’exemple le plus probant de l’inefficacité du système provient des études menées sur une population particulière, celle des grands prématurés. Cette population est intéressante car, si elle ne représente que 1,4% des naissances, elle est responsable de 50% de la mortalité périnatale, et de près de la moitié des handicaps moteurs observés dans l’enfance. Or, les études internationales (4,5) comme les études françaises (6, 7, 8, 9), on montré que les grands prématurés “ in born ” avaient un bien meilleur pronostic que les “ out born ”. Une étude menée en région parisienne chez des enfants de 31 et 32 semaines a montré qu’un statut “ in born ” donnait 7,5 fois plus de chances de survie sans séquelle à l’âge de 2 ans, par rapport à un statut “ out born ”, malgré une prise en charge particulièrement performante par les SMUR pédiatriques (9). L’étude menée en Seine-Saint-Denis a montré que le risque est multiplié par 11 quand un prématuré de moins de 33 semaines naît dans une maternité de type I (sans hospitalisation de nouveau-né), par rapport à celui qui naît dans une maternité de type III (disposant d’un service de réanimation néonatale), risque multiplié par 8 dans une maternité de type II (avec hospitalisation de nouveau-né), par rapport à une naissance dans une maternité de type III (6). Et pourtant, d’après l’enquête GAIN, seuls 16% des accouchements de grands prématurés s’effectuaient, en France en 1991, dans un centre de type III, alors que ce taux peut atteindre 80%, comme le montre les statistiques des pays voisins qui ont “ régionalisé ” leur politique de soins périnatals (7).

On comprend ainsi les conclusions des rapports du Haut Comité de Santé Publique, finalement reprises par le Gouvernement qui a publié en avril 1994 un Plan Périnatalité destiné à réduire la mortalité et la morbidité périnatales. Certaines régions de France (il faut citer ici les pays de Loire, la région Bourgogne en particulier) avaient déjà commencé à mettre en place des systèmes plus cohérents, mais la publication de ce plan gouvernemental a favorisé la diffusion plus collective de ces informations et a annoncé la publication des décrets actuels. Ces décrets sont destinés à remplacer la réglementation existante, devenue obsolète en matière de normes techniques en obstétrique (Décret du 21 février 1992 et Circulaire du 5 mai 1988 notamment), et à constituer la première réglementation dans le domaine de la pédiatrie néonatale.

Quelles sont les principales idées soutenues par ces décrets?

Les décrets (décrets en Conseil d’Etat et décrets simples) définissent 3 types d’activités : l’activité d’obstétrique, de néonatologie, et de réanimation néonatale.

Les grands principes qui sous-tendent la rédaction de ces décrets peuvent être schématiquement résumés en 3 mots : sécurité, proximité, complémentarité.

  • La sécurité impose une “ identification des facteurs de risque pour la mère et pour l’enfant en cours de grossesse, afin d’orienter la mère, avant l’accouchement, vers une structure adaptée, permettant le transfert de l’enfant in utero ”. De même, l’accouchement doit se réaliser “ dans des unités dotées de moyens visant la réduction maximale des risques pour la mère et le nouveau-né et permettant de faire face aux conséquences de leur éventuelle survenance ”. La sécurité impose également aux unités d’obstétrique la responsabilité de la prise en charge “ des actes de chirurgie abdomino-pelvienne liée à la grossesse, à l’accouchement et à la délivrance ”. Sont aussi définies des normes minimales pour les médecins (obstétriciens, anesthésistes, pédiatres), les sages-femmes et le personnel paramédical, dans le secteur de naissance et dans le secteur d’hospitalisation.
  • La proximité est abordée sous plusieurs angles. Proximité des structures obstétricales, néonatologiques, et réanimations néonatales, afin d’éviter au maximum les séparations mère-enfant : c’est ainsi qu’on évoque la possibilité d’une organisation des lits d’hospitalisation pédiatrique au sein même de la maternité, connue sous la dénomination “ d’unités kangourous ”. Mais la proximité, c’est aussi poser le problème des petites maternités : théoriquement, hormis des situations particulières déterminées par des conditions géographiques spécifiques, aucune maternité ne pourra plus faire moins de 300 accouchements. Dans les cas où il serait nécessaire de maintenir des petites structures, les décrets définissent “ des centres périnatals de proximité ” qui développeront des activités pré et postnatales et seront reliés par convention à un établissement de référence autorisé, mettant à disposition des sages-femmes et au moins un gynécologue obstétricien.
  • La complémentarité, c’est bien évidemment renforcer la coopération obstétrico-pédiatrique, c’est l’obligation de travailler en réseaux de soins, chaque établissement étant lié par des conventions créant “ des liens prioritaires, mais non exclusifs ”, avec les autres établissements de sa région ou des régions limitrophes. A noter que ces conventions doivent être “ co-signées par les représentants légaux des établissements ” et non par les seuls chefs de service.

Les schémas régionaux d’organisation sanitaire devront comporter un volet spécifique concernant la périnatalité : ces SROS devront indiquer les relations et collaborations nécessaires entre les établissements autorisés à pratiquer ces différents types d’activité, et devront préciser “ l’organisation retenue en matière d’orientation de la femme enceinte, préalablement à son accouchement, en cas de risque décelé pour elle-même ou son enfant, ainsi que les modalités de transfert éventuel des enfants vers les unités de néonatologie ou de réanimation néonatale ”. Ces SROS devront être révisés dans un délai maximum d’un an à compter de la publication des décrets.

Les autorisations devront être demandées par tous les établissements de santé souhaitant poursuivre ou exercer les 3 types d’activité (obstétrique, néonatologie, réanimation néonatale) dans un délai de 6 mois. Ce délai peut être porté à 3 ans si l’établissement souhaite se mettre en conformité avec les conditions techniques, et à 5 ans si la mise aux normes des locaux nécessite un regroupement de sites. Ces autorisations seront données à 3 conditions :

  1. Répondre aux besoins sanitaires de la population, tels qu’ils sont définis par la carte sanitaire pour la zone considérée.
  2. Etre compatibles avec les objectifs fixés par les SROS.
  3. Satisfaire à des conditions techniques de fonctionnement, telles qu’elles sont fixées dans les décrets.

Un certain nombre de dérogations sont prévues, notamment pour ce qui concerne les zones géographiques particulièrement difficiles d’accès. S’agissant des activités de néonatologie et de réanimation néonatale par ailleurs, celles-ci pourront continuer à être développées dans les services de pédiatrie générale ou de réanimation pédiatrique polyvalente, à condition que les secteurs concernant les nouveau-nés soient parfaitement individualisés, avec un relevé d’activité spécifique.

En pratique

On aboutit à une organisation comportant plusieurs types d’établissements, caractérisés notamment par leurs possibilités de prise en charge pédiatrique (10) :

  • Les maternités de type I qui prendront en charge les femmes sans risque particulier pendant leur grossesse et leur accouchement : dans ces maternités, les soins pédiatriques seront limités aux affections sans gravité, ne nécessitant pas d’hospitalisation (soins pédiatriques de niveaux 1 et 2).
  • Les maternités de type II A, auront la possibilité d’hospitaliser des nouveau-nés (minimum 6 lits) ayant besoin de soins spécialisés, mais non intensifs (soins pédiatriques de niveaux 1 à 3).
  • Les centres obstétrico-pédiatriques de type II B, seront caractérisés par la possibilité d’hospitaliser des nouveau-nés (minimum 12 lits) dont les pathologies nécessitent une surveillance continue, 24 h. sur 24, tous les jours de l’année (soins pédiatriques de niveaux 1 à 4).
  • Les centres obstétrico-pédiatriques de type III, comporteront des lits de réanimation néonatale (minimum 6) associés à des lits de surveillance continue (minimum 3) et à des lits de néonatologie simple (minimum 6 lits).

La mise en application de ces décrets va certainement se heurter à de nombreuses difficultés. Parmi celles-ci, ont peut citer :

  • La diversité des structures administratives qui, dans certains cas, malgré la bonne volonté des professionnels, risque d’entraîner une inertie peu propice aux changements.
  • Pour les maternités de type I, il peut s’avérer difficile de pouvoir réaliser en toute sécurité des soins pédiatriques de niveau 2, alors que le nouveau-né peut être encore considéré administrativement comme “ un passager clandestin ”.
  • Pour les maternités de type II dans le secteur libéral, il conviendra de négocier avec les caisses des prix de journée adaptés pour l’hospitalisation des nouveau-nés en néonatologie (soins pédiatriques de niveau 3) ou en soins intensifs (soins pédiatriques de niveau 4).
  • Le problème des gardes va être difficile à régler : comment dégager les moyens pour les rémunérer dans le secteur public qui est déjà étranglé au niveau de ses budgets, et dans le secteur libéral pour lequel actuellement rien n’est prévu ?
  • La démographie médicale, c’est-à-dire en fait la raréfaction des professionnels en obstétrique, anesthésie et pédiatrie va imposer ses propres contraintes, surtout dans les régions peu urbanisées.
  • La politique de transfert in utero en cas de pathologie maternelle et/ou foetale grave ou prévisible, va imposer un surcroît de dépenses aux services receveurs : ces services ont individualisé un secteur dit de “ grossesses à haut risque ”. Mais dans le cadre actuel du PMSI, ce type d’activité ne peut pas être correctement coté.

Conclusion

Malgré les difficultés réelles de la mise en application de ces décrets, les objectifs qu’ils sous-tendent devraient réunir l’ensemble des professionnels, afin que les effets bénéfiques sur la santé des mères et des enfants puissent se manifester le plus rapidement possible. Il est clair en outre que les contraintes économiques actuelles, ainsi que les contraintes inhérentes à la démographie médicale dans les 3 disciplines concernées (obstétrique, anesthésie et pédiatrie), nous poussent à regrouper nos efforts pour aboutir le plus rapidement possible à des solutions cohérentes. Certes, les moyens ne seront pas tous disponibles immédiatement, mais ils seront d’autant plus facilement obtenus que les solutions proposées par les professionnels apparaîtront rationnelles et adaptées aux besoins locaux et régionaux. Comme dans beaucoup d’autres domaines de la médecine, nos disciplines doivent évoluer, non seulement sur le plan technique et scientifique, domaines qui nous animent et nous passionnent le plus, mais également sur le plan de notre organisation de travail, en ayant le souci de la santé publique.

Références

  1. PAPIERNIK E, KEITH L.G, “ The regionalization of perinatal care in France. Description of a missing policy ”. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol, 1995 : 61, 99-103.
  2. PONTONNIER G, “ Nécessité d’une politique périnatale cohérente en France ”. Presse Med, 1996 : 25, 1356-1357.
  3. NAIDITCH M, WEILL C, “ Transferts maternels et transferts d’enfants en France : pourquoi les pratiques évoluent-elles si lentement ? ” In 26es Journées nationales de la Société Française de Médecine Périnatale, Arnette Blackwell (ed), Paris, 1996 : pp. 113-128.
  4. PHIBBS C.S, BRONSTEIN J.M, BUXTON E, PHIBBS R.H, “ The effects of patient volume and level of care at the hospital of birth on neonatal mortality ”. JAMA, 1996 : 276, 1054-1059.
  5. FINNSTRÖM O, OTTERBLAD OLAUSSON P, SEDIN G et al, “ The Swedish national prospective study on extremely low birthweight (ELBW) infants. Incidence, mortality, morbidity and survival in relation to level of care. Acta Paediatr, 1997 : 86, 503-511.
  6. PAPIERNIK E, COMBIER E, “ Morbidité et mortalité des prématurés de moins de 33 semaines ”. Bull Acad Natle Méd, 1996 : 180, 1017-1031.
  7. CHALE JJ, PAPIERNIK E, COLLADON B et al, “ Analyse des lieux et des conditions d’accouchement en 1991 des mères d’enfants dont le poids de naissance était inférieur à 1500g et/ou l’âge gestationnel inférieur strictement à 33 semaines ”. J Gynecol Obstet Biol Reprod, 1997 : 26, 137-147.
  8. FRESSON J, GUILLEMIN F, ANDRE M et al, “ Influence du mode de transfert sur le devenir à court terme des enfants à haut risque périnatal ”. Arch Pediatr, 1997 : 4, 219-226.
  9. TRUFFERT, P, GOUJARD J, DEHAN M et al, “ Outborn status with a medical neonatal transport service and survival without disability at two years. A population-based cohort survey of newborns of less than 33 weeks of gestation ”. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol, 1998 : 79, 13-18.
  10. FRANCOUAL C, BOULLEY AM, CARLUS et al, “ Comment soigner un nouveau-né malade près de sa mère ”. In XXès Journées Nationales de la Société Française de Médecine Périnatale, Arnette Blackwell (ed), Paris, 1990 : pp. 71-83.