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Titre: Importance du déficit d'oxygène pour le développement foetal
Année: 1999
Auteurs: - Schaaps J.-P.
Spécialité: Néonatologie
Theme: L'embryon humain et oxygéne

L’embryon humain a-t-il besoin d’une grande quantité d’oxygène pour se développer d’une façon optimale ?

Jean-Pierre SCHAAPS, Jean-Michel FOIDART

 

INTRODUCTION

  • Les connaissances concernant l’évolution de la grossesse au cours du premier trimestre sont récentes. Les incertitudes et les zones d’ombre la concernant n’en sont que plus criantes.

A côté des freins, des tabous, voire des superstitions d’ordre éthique, philosophique ou religieux, la difficulté résidant dans l’observation directe du phénomène et la non-possibilité de réaliser des expérimentations cliniques ou physiologiques nous en ont rendu l’étude malaisée.

Ce n’est que depuis une quinzaine d’années que les progrès de l’échographie ont permis l’observation de plus en plus fine de la grossesse humaine dès la 3ème semaine de vie.

  • Les techniques de procréation médicalement assistée ou d’aide au traitement de l’infertilité nécessitent, de jour en jour, une meilleure approche de l’ensemble des mécanismes amenant à un développement embryonnaire harmonieux.
  • Les progrès de la biologie moléculaire permettent aussi de tenter de comprendre les différents mécanismes régulant les interactions hôte greffe qui soutendent la tolérance et l’acceptabilité de cet embryon en développement dans le milieu interstitiel maternel.
  • L’ensemble de ces progrès dans les investigations et les nécessités impérieuses de connaître pour mieux traiter ont permis de mieux cerner la vie de l’embryon humain au cours des 13 premières semaines de sa vie et de discerner des différences fondamentales entre le mode de fonctionnement embryonnaire et celui qu’il acquerra au cours des deuxième et troisième trimestres de la grossesse.
  • Il semble, en effet, établi que le mode d’échange métabolique et gazeux entre l’embryon et sa mère peuvent être complètement réévalués. L’embryologie humaine constitue une synthèse entre la phylogénèse (évolution entre les espèces de plus en plus élaborées apparues sur la terre) et l’ontogénèse (succession de pas ou d’étapes transitoires amenant à l’organisation définitive des organes de type adulte).

    Dans l’élaboration de l’organisme humain, il n’est donc pas surprenant de voir apparaître successivement une série de structures transitoires mimant celles d’autres espèces moins élaborées, permettant le développement pendant une période de temps courte, le temps que puissent se définir et arriver à leur fonction les organes dont l’anatomie est celle que nous connaissons.

    Cette période va intéresser tout le premier trimestre. Le placenta, organe d’échange et de frontière, va lui aussi montrer une évolution progressive.

I. ORGANISATION DU TROPHOBLASTE

    a. Invasion de l’endomètre

    Dès l’effraction de la membrane basale soutenant l’épithélium de l’endomètre, par la libération d’enzymes protéolytiques libérées par le syncitiotrophoblaste par la reconnaissance de composants du conjonctif qui la constitue (laminine), l’organe trophoblastique se trouve en contact avec l’interstitiel de l’endomètre.

    Sa prolifération vers la profondeur se réalise sous forme de cordons de syncitiotrophoblaste très mal organisés, sous-tendus en leur centre par les cellules cytotrophoblastiques dont les mitoses accélérées en alimentent le développement.

    Ces villosités primitives progressent de façon apparemment anarchique au sein de l’interstitiel de l’endomètre, elles se ramifient, confluent et isolent de la sorte des îlots interstitiels qui bientôt vont être, à leur tour, digérés et se transformer en lacunes intratrophoblastiques.

    Au sein de cet endomètre, la progression des cordons trophoblastiques va, bien entendu, rencontrer à la fois des glandes endométriales, des artères et veines spiralées. Celles-ci vont subir le même sort que le conjonctif : leurs parois vont être détruites. Ces hémorragies localisées vont donc mettre en contact directement et très tôt, au cours de la deuxième semaine de vie, le tissu trophoblastique et les composants sanguins maternels.

    b. Constitution de la coque trophoblastique

    La progression vers la profondeur des colonnes trophoblastiques va être brutalement arrêtée lorsque celles-ci vont arriver au contact de la couche compacte profonde de l’endomètre. A cet endroit de blocage, les cordons trophoblastiques voient leurs structures se modifier par effraction en dehors du syncitiotrophoblaste, de cellules cytotrophoblastiques qui perdent, à ce moment, tout contact avec les villosités en train de se constituer plus haut et sont à l’origine du trophoblaste extra-villositaire.

    Ces cellules vont tapisser la couche compacte de la caduque et, bien entendu, venir au contact des vaisseaux qui ont été érodés par l’action syncitiale. Il est à remarquer que ces phénomènes, extrêmement agressifs au point de vue vasculaire, n’entraînent aucun phénomène de coagulation. Il ne semble pas y avoir de souffrance des endothélia vasculaires et les cellules trophoblastiques démasquent, à leur surface, le facteur VIII qui empêche toute information déclenchant la coagulation.

    Si la majorité des cellules cytotrophoblastiques reste figée au contact de la déciduale, certaines d’entres-elles la franchissent cependant et, de façon isolée, entament une migration vers le myomètre.

    c. Modifications vasculaires induites par l’implantation

    Dès de début de l’implantation, on détecte, à l’échographie, une accentuation de la perception vasculaire dans l’endomètre et le myomètre.

    Cette action se manifeste contre et à distance du site d’implantation. Il s’agit vraisemblablement de la libération, par les cellules trophoblastiques, d’agents vasodilatateurs et d’agents angioformateurs.

    Un réseau vasculaire extrêmement dense se développe autour du site d’implantation et de la couronne trophoblastique qui est en train de se constituer. Si jusque 5 semaines, il est possible de mettre en évidence l’arrivée de flux maternels dans la zone trophoblastique, passé 6 semaines cette circulation ne parvient plus à être décelée en échographie.

    La première réaction maternelle vasculaire à l’implantation consiste donc en un accroissement du débit local dû à une vasodilatation vasculaire et une angiogénèse intéressant jusque le 1/3 moyen du myomètre.

    d. Invasion des artères spiralées par les cellules trophoblastiques

    La coque trophoblastique constituée par le trophoblaste extra-villeux se trouve en contact avec la partie encore intacte des artères spiralées dont les extrémités ont été détruites par l’invasion et par la protéolyse trophoblastique. La composante cytotrophoblastique, en contact avec les lumières vasculaires, va conserver une activité de multiplication intense lui permettant de s’engouffrer dans ces vaisseaux maternels. Leur nombre est tel qu’en quelques jours les lumières terminales artérielles sont quasiment obturées par des bouchons de cellules trophoblastiques serrées les unes contre les autres et ne possédant que très peu de jonctions intercellulaires. Celles-ci laissent entres-elles des petits pertuis d’un calibre qui peut être estimé à 2 microns bloquant complètement le passage des éléments figurés du sang mais permettant une percolation de la fraction liquide de celui-ci.

    Ce trophoblaste intra-vasculaire va migrer vers l’amont en suivant la lumière vasculaire. Les cellules vont progressivement glisser le long de la membrane basale de l’endothélium vasculaire en décollant les cellules endothéliales et en les remplaçant. Cette migration de cellules trophoblastiques vers l’amont se déroule tout au long du premier trimestre et occupe la moitié du deuxième trimestre de la grossesse. Les modifications pariétales des artères utéro-placentaires essentiellement constituées par la destruction des tuniques musculaires et élastiques seront plutôt l’œuvre de cellules trophoblastiques extra-vasculaires qui ont envahi l’interstitiel de la partie proche du myomètre.

II.CONSEQUENCES DE CES MODIFICATIONS ANATOMIQUES SUR LA CHAMBRE INTERVILLEUSE

a. Les bouchons trophoblastiques terminaux qui se trouvent aux extrémités des artères spiralées permettent une percolation du sang maternel réduit à sa partie plasmatique.

Plusieurs conséquences en découlent :

1) les hématies et les leucocytes, y compris les lymphocytes immuno-compétants, ne pénètrent pas dans la chambre intervilleuse qui est en train de s’organiser;

2) les fins pertuis inorganisés, qui existent au sein des amas de cellules trophoblastiques, permettent la circulation du plasma et des éléments énergétiques, au sens large, qui s’y trouvent dissous;

3) ce système constitue, en fait, un filtre à haute résistance qui décapite la tête de pression vasculaire et induit une chute de pression dans la chambre intervilleuse.

b. Si les éléments dissous dans le plasma peuvent pénétrer librement dans la chambre intervilleuse, les gaz n’y arrivent que par diffusion à partir du sang contenu dans les nombreux vaisseaux néoformés qui entourent la couronne trophoblastique. La disponibilité gazeuse est donc dépendante uniquement de différences de pressions partielles et sa disponibilité est celle permise par ses coefficients de diffusibilité à partir de la région extra-trophoblastique.

c. L’hémoglobine embryonnaire existant dans les hématies primitives possède un pouvoir oxyphorique différent de celui qu’a l’hémoglobine fœtale. Cette hémoglobine particulière se sature à des pressions partielles en oxygène encore plus basses que celles requises par l’hémoglobine fœtale. 

d. Les villosités qui, dès le 23ème jour de vie, montrent l’existence d’une circulation contiennent donc une capacité très élevée de fixation de l’oxygène dissous dans le liquide de la chambre intervilleuse. Ces structures se comportent donc comme une pompe à oxygène appelant l’oxygène dissous et provoquant la chute de sa pression partielle dans le liquide inter-trophoblastique.

e. L’oxygène saisi par les hématies embryonnaires (elles sont peu nombreuses et contiennent une charge faible en hémoglobine) va être transporté vers l’économie de l’embryon où elles pourront libérer leur chargement. La courbe ( ? ? ?) de dissociation de l’oxyhémoglobine fonctionnera dans l’autre sens pour autant que la pression partielle en oxygène des tissus interstitiels soit encore plus faible que celle qui a permis sa saturation.

III. DONNEES CONNUES SUR LA TENSION PARTIELLE EN OXYGENE

En 1992, RODESCH et coll. ont publié une étude portant sur la mesure directe, par électrodes polarographiques, de la chambre intervilleuse au cours du premier trimestre, entre 8 et 10 semaines, et au début deuxième trimestre, vers 13–14 semaines.

Il ressort de ces mesures que la pression partielle en oxygène dans la chambre intervilleuse au cours du premier trimestre, est de 17.9 + 6.9 mm de Hg alors que, vers 13-14 semaines, cette pression partielle en oxygène monte à 60.7 + 8.5 mm de Hg (lorsque les bouchons trophoblastiques commencent à se déliter suite aux forces d’étirement latéral dues à la croissance du placenta).

Ces mesures ont été faites dans la chambre intervilleuse. Elles ne permettent pas de chiffrer quelle est la pression partielle de l’interstitiel de l’embryon. Mais ce qui est sûr, c’est que si l’hémoglobine embryonnaire se sature à une pression de + 20 mm de Hg, l’interstitiel extra-vasculaire intra-embryonnaire montre une tension en oxygène encore inférieure.

Le métabolisme embryonnaire fonctionne donc en hypoxie profonde.

IV.IMPLICATIONS METABOLIQUES DE LA BASSE TENSION EN OXYGENE INTRA-EMBRYONNAIRE

Elles sont au nombre de deux : l’activité des mitochondries et la protection contre des radicaux libres.

a. Les mitochondries

Celles-ci peuvent fonctionner en utilisant les mêmes chaînes de transporteurs protoniques que celles que nous connaissons dans notre organisme.

Celles-ci peuvent fonctionner en utilisant les mêmes chaînes de transporteurs protoniques que celles que nous connaissons dans notre organisme.

b. La bascule brutale entraîne brutalement une augmentation de pression partielle en oxygène au niveau embryonnaire. Si les mécanismes protecteurs ne sont pas mis en place de façon préventive, des lésions mitochondriales, essentiellement des constituants lipidiques de membranes, vont apparaître dues à l’apparition des anions superoxydes.

V. INFORMATIONS FONCTIONNELLES TIREES DE CULTURES DE TISSUS TROPHOBLASTIQUES

En 1998, WATSON et coll. se sont intéressés à ce problème. Ils ont réalisé des cultures de trophoblastes issus de grossesses d’une part entre 8 et 9 semaines et d’autre part de 13 à 14 semaines. Ces cultures ont été menées pour tenter d’estimer la viabilité de l’ensemble syncitial et cytotrophoblastique des villosités.

Elles ont été faites dans deux environnements expérimentaux : d’une part dans les conditions standards avec un équilibre gazeux constitué par 21 % d’oxygène, 5 % de CO2 et 74 % d’azote et d’autre part dans des conditions proches de celles que l’on pense être au sein de l’utérus c’est-à-dire 2.5 % d’oxygène, 5 % de CO2 et 92.5 % d’azote (2.5 % d’oxygène = 18 mm de pression partielle d’oxygène).

Plusieurs paramètres ont été étudiés, entre autre la libération d’HCG, du LDH et une observation attentive en microscope électronique de l’ultrastructure mitochondriale. La libération d’HCG et de LDH n’a été réalisée que sur des trophoblastes issus de grossesses du premier trimestre. Ils montrent que dans les conditions normales (21 % d’oxygène), l’HCG est libéré brutalement et de façon très importante entre les jours 4 et 6 de la culture ; le jour 6 montrant une décroissance brutale de cette libération.

Par contre, lorsque le tissu trophoblastique est cultivé à basse pression d’oxygène, on ne rencontre pas ces pics de libération d’HCG et on constate un lent accroissement de celle-ci dès le 4ème jour ne montrant aucune déflection au jour 6.

La libération du LDH, par contre, est signe de souffrance cellulaire et constamment plus élevée dans les cultures réalisées avec 21 % d’oxygène.

Au niveau mitochorial, les informations sont plus évidentes. Les cultures de trophoblaste de premier trimestre cultivées à 21 % d’oxygène montrent des altérations profondes de l’ultrastructure cellulaire : il s’agit de lésions de l’appareil de Golgi et du réticulum endoplasmique, de vacualisations, de réduction du nombre de microvillosités dans la partie apicale du syncitiotrophoblaste et enfin on constate un gonflement et une distension des mitochondries.

Toutes ces lésions n’apparaissent pas lorsque les cultures sont réalisées à basse pression d’oxygène et n’apparaissent pas non plus lors de cultures en normoxie classique dès lors que l’on utilise un matériel issu de grossesses du second trimestre.

Morphologiquement, il semble donc évident que les cellules trophoblastiques issues de grossesses du premier trimestre supportent mal la présence d’oxygène en concentration habituellement rencontrée plus tard dans la vie. La libération brutale d’HCG, rencontrée en début de culture, peut s ‘expliquer par une libération et non une synthèse de l’hormone excrétée par des cellules en état précaire, en train de mourir.

CONCLUSION

De plus en plus d’éléments nous forcent à admettre comme plausible que le fonctionnement métabolique de l’embryon au cours du premier trimestre de la grossesse ne suit pas les mêmes voies que celles qu’il empruntera plus tard.

L’ambiance hypoxique semble être la règle. Plus que cela, un apport " normal " en oxygène peut avoir une influence extrêmement négative sur des outils métaboliques ne possédant pas les mécanismes de protection contre les radicaux libres.