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Titre: Medicaments antihypertenseurs et grossesse : criteres de choix et d'adaptation
Année: 2001
Auteurs: - Dutemple C.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Hypertension et grossesse

Médicaments antihypertenseurs et grossesse : critères de choix et d’adaptation

DUTEMPLE C.

L’hypertension artérielle (HTA) complique 5 à 10 % des grossesses et représente la première cause de morbidité maternelle, de prématurité et mortalité périnatale dans le monde (1). Les règles du traitement antihypertenseur ne sont pas les mêmes pendant et en dehors de la grossesse, ceci pour plusieurs raisons:
La définition même de l’HTA au cours de la grossesse a été discutée en raison de divergences sur les modalités de mesure (phase IV ou V de Korotkoff) et de la baisse physiologique de la pression artérielle (PA) au premier trimestre. La majorité des auteurs s’accordent pour retenir une pression artérielle supérieure à 140 mm Hg pour la systolique (PAS) ou 90 mmHg pour la diastolique (PAD) en phase V, mesurée en position assise au moins à deux reprises successives.

  1. L’indication du traitement doit être évaluée en pensant que le gain attendu et les risques potentiels concernent deux patients, la mère et l’enfant.
  2. Le bénéfice démontré du traitement antihypertenseur dans l’HTA en général n’est pas forcément transposable à la situation de grossesse. Celle-ci est plus exposée aux complications aigües qu’au retentissement à long terme de la maladie hypertensive.
  3. L’HTA pendant la grossesse peut être le signe d’une HTA chronique, habituellement présente avant la grossesse et persistant après elle, ou d’une HTA gravidique pure, qui se développe le plus souvent après vingt semaines et disparaît après l’accouchement. Le pronostic est très variable, avec des HTA légères (PAD = 90-100 mm Hg) ou modérées (PAD = 100-110 mm Hg) non compliquées et des HTA sévères (PAD > 110 mm Hg) qui peuvent s’accompagner d’une atteinte rénale ou cardiovasculaire. Les HTA sévères ont plus que les autres un risque de complication: prééclampsie, caractérisée par la survenue isolée ou combinée d’une aggravation soudaine de l’HTA et de protéinurie (> 1 g/24h), d’hyperuricémie et d’oedèmes; hématome rétroplacentaire; éclampsie; retard voire arrêt de croissance et mort fœtale (2-8).

I. MOYENS THERAPEUTIQUES

Le traitement idéal devrait répondre à plusieurs objectifs : abaisser la PA maternelle pour éviter les complications mécaniques (hémorragie cérébrale), prévenir la protéinurie et l’éclampsie, amener la grossesse à son terme normal, et réduire ainsi la morbidité et la mortalité périnatales. Les antihypertenseurs utilisés doivent aussi être dénués d’effet tératogène, respecter la perfusion placentaire et ne pas perturber l’accouchement.

Le traitement non médicamenteux, principalement le repos au lit, en fin de grossesse, pourrait être une alternative au traitement médicamenteux en cas d’HTA légère ou modérée, mais il n’a pas fait la preuve d’un bénéfice majeur et son impact ne peut être évalué seul en cas d’HTA sévère (3, 5).

Le traitement antihypertenseur médicamenteux a fait l’objet de nombreux essais, dont l’objectif était habituellement l’obtention d’une PAD inférieure à 90 mm Hg. Les antihypertenseurs ont ainsi diminué l’incidence de l’HTA sévère et de la protéinurie lors de la délivrance. Ce bénéfice a été constaté quelque soit la classe thérapeutique utilisée, avec le plus souvent une bonne tolérance maternelle. (4-7).

Trois classes thérapeutiques sont contre-indiquées :
les diurétiques , car ils réduisent l’expansion volémique nécessaire à la perfusion placentaire et favorisent la diminution du poids de naissance.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), responsables d’oligoamnios, persistance du canal artériel, insuffisance rénale et anurie néo-natales, troubles respiratoires et mortalité fœtale (9).
Les antagonistes de l’angiotensine II qui ont selon toute vraisemblance les mêmes inconvénients.

Les antihypertenseurs centraux ont été les premiers utilisés. Ils sont intéressants par leur action très progressive et leur inocuité sur le développement fœtal.
La méthyldopa est un agoniste des récepteurs alpha-2 adrénergiques du système nerveux central et réduit le tonus sympathique. Elle s’est avérée bénéfique dans l’HTA chronique, avec une réduction de la fréquence des avortements au deuxième trimestre. Utilisée seule ou associée à l’hydralazine de manière à maintenir la PA au-dessous de 140/90, elle a réduit la fréquence d’HTA sévère et le nombre d’hospitalisations, sans effet défavorable sur la morbidité ou la mortalité périnatales. Administrée en fin de grossesse, elle ne modifie pas l’hémodynamique utéroplacentaire et fœtale et son inocuité sur le développement ultérieur de l’enfant est maintenant bien démontrée. Les effets secondaires chez la mère sont le plus souvent modérés (2, 10, 11).
La clonidine, autre agoniste alpha central, a des indications identiques, avec des effets secondaires comparables chez la mère, mais un risque de poussée hypertensive en cas d’interruption brutale du traitement.
Les béta-bloquants ont également été testés au cours de nombreux essais contrôlés versus placebo ou méthyldopa, avec des résultats parfois contradictoires: l’aténolol, l’oxprénolol, le métoprolol et le labétalol (béta-bloquant aussi doué d’un effet alpha-bloquant périphérique) ont une efficacité antihypertensive comparable à celle de la méthyldopa. Leur tolérance est satisfaisante, bien que, du fait du passage placentaire, on ait pu craindre une mauvaise adaptation cardio-respiratoire lors de l’accouchement et la survenue d’hypoglycémie néo-natale chez l’enfant. Ces réserves justifient une surveillance néo-natale attentive (2).
La prazosine, alpha-bloquant périphérique à forte liaison protéique et faible passage transplacentaire, a été moins étudiée mais son efficacité et sa tolérance sont correctes (2, 12).
L’hydralazine, vasodilatateur par effet myorelaxant direct, bénéficie d’un recul comparable à celui de la méthyldopa. Elle a été utilisée en monothérapie, ou associée pour limiter la tachycardie réflexe à un béta-bloquant ou à la méthyldopa. Elle a l’avantage d’un passage transplacentaire nul ou très faible. La posologie doit tenir compte d’une biodisponibilité variable.
Les inhibiteurs calciques sont des vasodilatateurs actifs par blocage des canaux calciques des cellules musculaires lisses. Il n’y a pas d’étude contrôlée qui permette de les utiliser sans réserve. Certains (nifédipine, diltiazem) sont tératogènes chez l’animal et donc contre-indiqués en début de grossesse. Ils ont une activité tocolytique franche, utile en cas de menace d’accouchement prématuré, mais pouvant être source de difficulté au cours de l’accouchement. Néanmoins, leur efficacité antihypertensive explique qu’ils soient utilisés plus couramment en fin de grossesse, notamment dans les HTA sévères ou l’éclampsie. Dans cette indication, un risque d’hypotension et de blocage neuro-musculaire a été rapporté lors d’utilisation simultanée de sulfate de magnésium (2, 3).

II. CHOIX DES ANTIHYPERTENSEURS

De tous les antihypertenseurs utilisables, aucun ne se détache réellement en terme d’efficacité sur l’HTA ou le pronostic de la grossesse. C’est donc le critère de tolérance qui guide le choix initial, en s’adressant de ce fait aux médicaments les plus anciens, méthyldopa et bétabloquants.

Quand l’HTA n’est pas contrôlée en monothérapie, l’association d’antihypertenseurs peut permettre de gagner du temps, si l’HTA est isolée, moyennant une surveillance très attentive, coordonnée en milieu spécialisé. En effet, 15 à 25 % de ces patientes risquent une pré-éclampsie: lorsque le pronostic maternel est menacé, ou s’il y a souffrance fœtale, la seule mesure susceptible d’inverser la situation est en effet la délivrance, à programmer « au meilleur moment pour la mère et l’enfant » (2-6).

III. INDICATIONS DES ANTIHYPERTENSEURS

Il est légitime de s’interroger sur l’opportunité du traitement pharmacologique de l’HTA légère ou modérée, puisqu’il est établi qu’il n’améliore pas le pronostic foetal. Une récente méta-analyse de 45 essais randomisés contrôlés, publiés entre 1966 et 1997, ayant évalué le traitement antihypertenseur dans l’HTA légère et modérée chez 3773 femmes enceintes, a mis en évidence une relation significative entre la baisse de la PA moyenne sous traitement et un retard de croissance fœtale associé à un plus faible poids de naissance pour le terme. C’est l’importance de la baisse tensionnelle qui était en cause, et non le type ni la durée du traitement, toutes les femmes traitées l’ayant été en moyenne pendant 10,3 semaines et un minimum de 3,3 semaines au cours du troisième trimestre. Aucune relation n’a cependant été observée entre la variation de PA et le poids moyen des placentas (13).
Si la décision du traitement ne fait pas de doute en cas d’HTA très évolutive ou sévère, le choix est donc délicat en cas d’HTA légère ou modérée . L’objectif est de ne pas altérer l’hémodynamique placentaire par une baisse excessive de PA, tout en prévenant les complications maternelles (AVC hémorragique).
Quand la grossesse survient chez une hypertendue connue, habituellement bien équilibrée, le traitement a dans l’idéal été modifié au préalable (arrêt des diurétiques, des IEC et des inhibiteurs calciques). Au fur et à mesure de l’évolution, il faut l’adapter en fonction de la PA et des critères de surveillance, bien souvent en l’allégeant dans les premiers mois pour le reprendre en fin de grossesse.
En cas d’HTA gravidique, l’important est de ne pas laisser passer le moment de la décision dans une situation qui peut évoluer à bas bruit et s’aggraver soudainement. Le pronostic de la grossesse chez une femme hypertendue est fonction de la qualité de la surveillance clinique et paraclinique: mesure de la PA, données biologiques et échographiques (biométrie fœtale, Doppler utérin et ombilical).


IV. CRITERES DE SURVEILLANCE

La mesure de la PA par la méthode auscultatoire, sur laquelle reposent encore le diagnostic et les essais thérapeutiques; est un élément très important du suivi, même si elle est en partie tributaire des conditions de l’examen. Il faut la répéter, au repos, en position assise ou en décubitus latéral gauche. Dans l’idéal, la PAS est comprise entre 130 et 140, la PAD entre 85 et 90 mm Hg. Néanmoins, il faut tenir compte du rythme nycthéméral de la PA et de ses variations ponctuelles, en particulier réaction d’alarme ou « effet blouse blanche », très fréquent chez les femmes enceintes.
Deux méthodes devraient permettre aujourd’hui une évaluation plus objective de la variabilité de la PA et le calcul du niveau tensionnel moyen, en évitant les faux diagnostics d’HTA qui pourraient conduire à des traitements abusifs: 
L’automesure tensionnelle permet la multiplication des mesures et le calcul des valeurs moyennes , de niveau généralement inférieur à ce qui est observé en milieu ostétrical. Cette méthode peut améliorer le suivi des patientes (télétransmission) et diminuer le nombre d’hospitalisations anténatales, mais les normes ne sont pas encore établies et les données pour la valider peu nombreuses (14, 15).
La mesure ambulatoire de la PA (MAPA) donne une vision dynamique de la PA des 24 heures, analyse la charge tensionnelle d’activité et le cycle nycthéméral. A partir de travaux récents, elle paraît avoir une bonne valeur diagnostique et pronostique: dépistage précoce des grossesses à risque, par la présence de pics tensionnels nocturnes, la perte ou l’inversion du cycle, la présence de tachycardie (> 90 /mn à 28 semaines), qui semblent prédictifs de souffrance fœtale chronique, pré-éclampsie ou complications néo-natales. Dès le premier trimestre, on peut objectiver une altération de la courbe nycthémérale et une élévation des valeurs tensionnelles moyennes en cas de grossesse compliquée. La MAPA est aussi une méthode de surveillance utile pour dépister une éventuelle hypotension sous traitement. Plusieurs auteurs ont proposé des valeurs de référence, fonction du terme de la grossesse, comme celles du tableau ci-dessous (16, 17).

Jour
6h-22h
Nuit
22h-6h
Premier trimestre
120/77
102/62
Deuxième trimestre
121/77
100/64
Troisième trimestre
124/82
108/69

Valeurs de référence de la MAPA

(Club des Jeunes Hypertensiologues, 15)

Les paramètres biologiques précisent le contexte et le retentissement de l’affection : protéinurie, hyperuricémie (> 350 umol/l) associée aux formes sévères, thrombopénie et élévation des transaminases.
Le doppler des artères ombilicales et utérines permet l’étude des deux faces de la circulation placentaire et donne des indications utiles pour l’adaptation du traitement antihypertenseur, afin d’éviter un surdosage médicamenteux délétère pour la vascularisation utéro-placentaire. Il est couplé à la surveillance échographique de la croissance fœtale.


V. CONCLUSION

Le traitement antihypertenseur s’inscrit dans un ensemble de mesures qui visent à optimiser le pronostic de cette grossesse à risques. La première étape est l’obtention d’un diagnostic exact de l’HTA et de son contexte, en s’aidant dans l’idéal des procédés de monitorage. Ce premier temps doit permettre de dégager les modalités de surveillance et les orientations thérapeutiques, dont dépend la poursuite de la grossesse en cas d’HTA sévère, alors que beaucoup d’arguments incitent à la prudence du traitement dans les HTA légères.

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