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Titre: Bilan biologique des fausses couches à répétittion
Année: 2002
Auteurs: - Reznikoff M.-F.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Fausses couches spontanées à répétition

BILAN BIOLOGIQUE DES FAUSSES COUCHES
À RÉPÉTITION

Dr Marie Françoise Reznikoff-Etiévant

Les fausses couches spontanées (fcs) peuvent être primaires (sans enfant vivant) ou secondaires (avec enfant vivant). Elles sont précoces si la mort embryonnaire intervient avant la douzième semaine d'aménorrhée, au-delà on parle de fcs tardive, puis de mort fœtale intra-utérine.
Il est habituel de considérer qu'une femme fait des fausses répétées (fcsr) après trois accidents spontanés successifs. Toutefois après deux fcsr, les risques de faire une nouvelle fcs sont près de 2 fois supérieurs à la fréquence des fcs isolées. Il semble donc raisonnable d'entreprendre les investigations après 2 fcsr surtout chez la patiente de plus de 35 ans.
Le diagnostic de grossesse, correspondant à ces fcsr, aura été posé sur des éléments de certitude et non sur un retard ou des signes sympathiques. Dans les fcsr très précoces, il faut au moins un taux de bhCG élevé à distance d'un traitement d'HCG, ultérieurement des signes échographiques de grossesse ou une histologie des débris ovulaires dans les produits de fcs.
Le bilan biologique de fcsr se fait après un interrogatoire attentif permettant de déceler les moindres antécédents personnels et familiaux: HTA, diabète, thyroïdite, hormonal, gynécologique et thrombotique. Ce bilan comprendra :

BILAN HABITUEL

Lorsqu'une cause mécanique a été éliminée (voir l'exposé précédent), ce bilan comprendra :

Un bilan génétique:

Les caryotypes
Ils sont effectués chez les deux conjoints. Cette recherche peut mettre en évidence un remaniement chromosomique équilibré (translocation ou inversion) chez l'un des partenaires. Ces remaniements conduisent à un risque accru de déséquilibre chromosomique lors de la méiose, affectant l'embryon qui s'ensuivra. Deux grandes séries rassemblant plusieurs centaines de couples examinés chacune, donnent des résultats concordants de la fréquence de ces anomalies : entre 2,8 et 3% des couples avec fcsr (Makino 1992, Portnoi 1998).
En réalité, ces pourcentages sont sous-estimés, en effet une technique de caryotypage haute définition permet de voir des remaniements plus fins, qui seraient passés inaperçus par la technique classique. Malheureusement ce test est long, très délicat et beaucoup plus onéreux. Il n'est pratiqué actuellement que pour des cas particuliers de famille avec nombreuses fcsr souvent entrecoupées de naissances normales, ou de familles ayant présenté des anomalies fœtales faisant suspecter un micro-remaniement.

Les caryotypes du produit de fcs
Un taux important d'anomalies chromosomiques est observé sur les produits de fcs de femmes avec ou sans antécédents de fcsr (Stern 1996) Il serait donc utile d'effectuer un caryotype sur les produits de fcs après une première fcs afin d'éliminer une cause chromosomique de novo du produit de conception. Cet examen qui est effectué systématiquement dans certains pays est exceptionnellement réalisé en France pour le moment. Il permettrait cependant avec le résultat de l'examen anatomopathologique, d'apporter des éléments essentiels au diagnostic dans les cas difficiles et aiderait à préciser le conseil génétique.

Un bilan hormonal:

Qualité ovulaire
Chez une femme de plus de 38 ans ou en cas d'antécédents familiaux de ménopause précoce les dosages de FSH, estradiol et inhine B au troisième jour du cycle peuvent objectiver une FSH et un estradiol élevés et une inhibine B diminuée. Ces résultats donnant une indication sur une insuffisance ovarienne débutante (IOD). On sait en effet que les fcs sont de 2,1% avant 35 ans et de 20% après 40 ans (Smith 1996). La notion d'IOD doit être prise en charge avec urgence.
Une augmentation de la LH effectuée en phase folliculaire et l'aspect échographique des ovaires peuvent orienter vers une dystrophie ovarienne .
Ces anomalies secondaires à une mauvaise qualité ovulaire entraîneraient des fcsr très précoces.

La fonction thyroïdienne
Elle sera évaluée par le dosage de la TSH, complété éventuellement par les dosages de T4 et T3 si le dosage de TSH est perturbé, à la recherche d'une hypothyroïdie

Un bilan du conjoint:

En dehors des causes chromosomiques, le spermocytogramme peut objectiver une anomalie qui pourrait être à l'origine de fcsr. Les tératospermies et surtout les polyspermies paraissent pouvoir être en cause dans certaines fcs.
Une spermoculture peut y être associée afin d'éviter une contamination de la femme et en vue d'une évolution normale d'une grossesse ultérieure.

Un bilan infectieux:

Un prélèvement cervico-vaginal et des examens sérologiques à la recherche d'une infection chronique à mycoplasme, clamydia, toxoplasme, listéria ou certains virus (herpes, CMV). Ces causes de fcsr restent très discutées et le plus souvent hypothétiques.

Un bilan général:

Un diabète avéré ou l'hypertension artérielle peuvent entraîner des accidents plus ou moins tardifs de la grossesse.

BILAN IMMUNOLOGIQUE ET HÉMATOLOGIQUE

Bilan auto-immun

Le lupus érythémateux disséminé
Cette maladie est généralement diagnostiquée lorsque la patiente consulte pour fcsr. Mais en présence d'une patiente présentant des arthralgies, une atteinte rénale, des lésions cutanées ou un livedo qui n'auraient pas été investigués au paravent, un bilan biologique minimum sera entrepris. Il comporterait une numération formule sanguine et numération plaquettaire, une vitesse de sédimentation une recherche d'anticorps antinucléaire, anti-DNA, et antiphospholides. Cette patiente serait à adresser selon les résultats, en médecine interne, en dermatologie, en néphrologie ou en hématologie.

Le syndrome des antiphospholipides
Il a été défini en 1988 par Asherson RAA. Il comporte au minimum deux des éléments suivants:
1°) un des éléments cliniques : thrombose artérielle ou veineuse ou fcsr
2°) un élément biologique: la présence d'anticorps antiphospolipides
Les anticorps antiphospholipides habituellement recherchés sont (Reznikoff-Etiévant 1999) :
1°) Les anticoagulants circulants de type lupique, sont identifiés par un temps allongé de thromboplastine diluée, celui-ci n'étant pas corrigé par adition d'un sérum normal. Ces anticorps lorsqu'ils sont effectués par un laboratoire de coagulation bien confirmé sont très en faveur de fcsr autoimmunes, mais ils sont peu fréquents chez les femmes qui présentent des fcsr précoces. Ils sont plus fréquents en cas de fcsr tardives.
2°) La présence des anticorps anticardiolipines IgG et IgM est d'interprétation plus difficile. Ces anticorps sont recherchés par des techniques d'ELISA. Leur titre peut varier beaucoup dans le temps et d'un laboratoire à l'autre d'où la nécessité de les explorer à plusieurs reprises surtout s'ils ne sont que modérément élevés. Ainsi les anticorps titrant environ 20 à 30 UGPL ou UMPL (anticorps faibles) doivent être retrouvés à distance au même titre ou à un titre supérieur. Ce sont les anticardiolipines IgG qui sont les plus fréquemment associés aux fcsr. Le rôle pathologique des anticardiolipines, lorsque leur titre est faible, reste très incertain.
3°) Les anticorps anti-b2GP1 sont également mis en évidence par des techniques ELISA. Ils sont très peu fréquents dans les fcsr précoces. La b2GP1 est une protéine qui lie des phospholipides, elle est nécessaire à la fixation de certains anticorps circulants sur les phospholipides.
Les fcsr associées aux anticorps antiphospholides sont plus fréquemment des fcs tardives du second ou troisième trimestre, mais elles peuvent être associées à des fcsr précoces, le plus souvent avec les anticardiolipines de type IgG.
Les mécanismes physiopathologiques sont multiples. Une thrombose placentaire unique ou multiple semble être le mécanisme principal surtout en ce qui concerne les fcsr tardives. Ce mécanisme est moins net en cas de fcsr précoces.

Bilan allo-immun

Les fcsr peuvent-elles être considérées comme un rejet de greffe ? Cette hypothèse, très séduisante, a fait et continue de faire l'objet de très nombreux travaux. Cependant il n'existe actuellement aucun examen de routine qui permette de confirmer un diagnostic dans ce domaine et notamment, il faut proscrire du bilan de fcsr :
-l'étude des phénotypes HLA des conjoints
-la recherche d'anticorps bloquants ou anti-paternels, très en vogue il y a une vingtaine d'années pour déboucher sur un traitement par injections de lymphocytes du conjoint.
D'autres examens peuvent être effectués soit au niveau du sang périphérique soit au niveau de l'endomètre. En particulier, ceux qui explorent l'immunité Th1, celle-ci joue très probablement un rôle dans les fcsr et l'immunité Th2 qui est particulièrement développée au cours de la grossesse normale. Ces tests sont encore du domaine de la recherche.

Bilan de coagulation

1°) La thrombocytémie
Ce désordre myéloprolifératif rare entraîne des thromboses et des hémorragies liées au nombre particulièrement élevé des plaquettes, à leur fonction et à leur morphologie (Pagliaro 1996).

2°) Les déficits de la fibrinolyse:

Déficits en protéines C, S, anti-trombine III
De tels déficits entraînent le plus souvent des accidents tardifs de la grossesse. Ils n'ont pas été retrouvés plus fréquemment chez les femmes avec fcsr comparativement à une série de femmes témoins sans antécédent de fcs (Gris 1997).

Les anomalies de la cascade fibrinolytique
La fibrinolyse est significativement réduite chez près de 50% des patientes présentant des fcsr sans autre circonstance étiologique (Gris 1997).
Ces auteurs observent un deficit en urokinase et en TPA (Tissue Plasminogen Activator) avec un excès d'inhibiteurs de la fibrinolyse PAI-1 et PAI-2 (Plasminogen-Activator-Inhibitor). Ces tests ne sont pas sont effectués en routine mais peuvent être réalisés dans des laboratoires spécialisés.

Mutations du facteur V de Leiden et G20210A de la prothrombine
Ces mutations entraînent un état de thrombophilie responsable de fcsr, plus fréquemment de fcsr tardives mais également dans de fcsr précoces (Reznikoff-Etiévant 2001). Elles conduisent également à une augmentation importante du risque de thrombophlébite et de thromboembolies chez la femme enceinte. Les risques de fcsr et d'accident thrombotique sont d'autant plus importants que la femme est homozygote ou qu'elle possède les deux mutations à l'état hétérozygote. Les femmes ne présentant qu'une forme hétérozygote de l'une des deux mutations peuvent avoir présenté des fcsr secondaires (enfant vivant et fcsr).
Le test ACV (réponse anticoagulante au venin d'agkristrodon contortrix), effectué malheureusement dans peu de laboratoires, présente l'intérêt d'explorer en même temps la protéine C, la résistance à la protéine C activée et donc le facteur V de Leiden. Lorsque ce test est pathologique, il suffit ensuite d'étudier la protéine C et le facteur V de Leiden. En outre le test ACV peut être diminué en l'absence d'anomalie de la protéine C ou de la résistance à la protéine C activée, cette situation correspond à un déficit encore non connu, mais qui a la même signification que celle de la résistance à la protéine C activée diminuée (Robert 1999). Dans notre série de femmes avec fcsr précoces (Reznikoff-Etiévant 2001), 20% de tests ACV diminués sont de ce type, ce qui est supérieur à une série de femmes témoin. Cette observation reste à confirmer, mais de telles patientes pourraient bénéficier d'un traitement anticoagulant prophylactique.

Les dysfibrinoghénémies
Elles touchent les rares femmes dont la famille est porteuse de l'anomalie. La transmission est autosomale dominante. La dysfibrinogénémie peut-être suspectée avec des temps allongés de Quick ou de céphaline activée. Elle est ensuite confirmée par des tests spécialisés.

Perturbations du métabolisme de la méthionine-homocystéine:

Hyperhomocystéinémie
L'élévation de l'homocystéine plasmatique confère un risque de thrombose veineuse ou artérielle. La régulation du métabolisme de l'homocystéine est assurée en particullier par deux mécanismes principaux : sa reméthylation en méthionine et sa trans-sulfuration en cystéine. La conversion de l'homocystéine en méthionine fait intervenir, entre autres : la vitamine B12, le 5-méthyltétrahydrofolates (la forme essentielle des folates) et l'enzyme MTHFR (méthylènetétrahydrofolate réductase). Dans le système de trans-sulfuration, l'homocystéine est convertie en cystathionine par l'intermédiare de la cystathionine beta synthase.
L'hyperhomocystéine est donc la conséquence soit d'une mutation de la MTHFR ou de la cytathionine beta synthase, soit d'un déficit en folate, en vitamine B6 ou vitamine B12.
Qu'elle soit génétique ou nutritionnelle, cette hyperhomocytéinémie entraîne des fcsr, qui sont le plus souvent tardives, des retards de croissance intra-utérine, des anomalies du tube neural et des infarctus placentaires.
On voit l'intérêt d'effectuer ce dosage de l'homocystéine plasmatique et non comme cela se fait parfois la recherche d'une mutation MTHFR qui est beaucoup moins spécifique et plus onéreuse.

Cas du déficit en vitamine B12
Des observations récentes posent le problème du rôle de la vitamine B12 dans la survenue de fcsr. Dans un travail personnel, nous avons observé chez 110 femmes présentant des fcsr précoces inexpliquées par les critères décrits précédemment, 9% de femmes présentant une vitamine B12 abaissée, souvent sans signe hématologique, dont la moitié n'avaient pas d'hyperhomocytéinémie, tandis que ce déficit n'était observé que chez 1% des témoins sans antécédent de fcs. Pour la majorité des femmes les fcs survenaient très précocement, avant 5 ou 6 semaines d'aménorrhée toutes avant 8 semaines. Un traitement par vitamine B12 a pu permettre des grossesses normales. La survenue de fcsr pourrait être secondaire à un déficit en vitamine B12 avant même que n'apparaisse une hyperhomocystéinémie. L'hypothèse d'une action propre de la vitamine B12 dans la survenue de fcsr est également soulevée dans un récent article concernant 14 patientes avec un déficit en vitamine B12 (Bennett 2001): 9 cas de femmes avec fcsr précoces avec ou non épisode de stérilité et 5 cas de femmes avec stérilité. De plus amples études doivent être menées pour confirmer cette hypothèse. Quoi qu'il en soit le dosage de vitamine B12 et le traitement qui s'en suivrait sont très facilement applicables.

CONCLUSIONS

Il paraît actuellement admis que les investigations des fcsr doivent pouvoir être entreprises avant même d'attendre une troisième fcs surtout chez les femmes âgées ou hypofécondes. Les fcsr secondaires (avec enfants vivants) ne seront pas exclues de ces bilans ; en effet certaines anomalies peuvent n'apparaître que tardivement après une ou plusieurs grossesses normales c'est le cas de la survenue d'anticorps antiphospholipides ou bien lorsque l'anomalie est d'intensité faible, une grossesse peut être évolutive mais pas les suivantes.
Il est habituel de définir les fcsr comme survenant avec un même conjoint. ce qui est une erreur car les anomalies portées par la femme interviendront sur toutes ses grossesses même si elles proviennent de conjoints différents.
Enfin l'âge des fcsr très précoces ou plutôt tardives peut orienter vers une origine plutôt qu'une autre. Un facteur chromosomique, une IOD, un déficit en vitamine B12 correspondent plutôt à des fcsr très précoces. Les anticorps antiphospholipides, les mutations génétiques correspondent plutôt à des fcsr plus tardives ou très tardives.

Mots clés : examens biologiques, fausses couches répétées.

REFERENCES

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