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Titre: Césarienne en urgence : l'anesthésie générale est le meilleur choix
Année: 1997
Auteurs: - Benhamou D.
Spécialité: Obstétrique
Theme: Césarienne


Chapitre 12 - anesthésiologie analgésie en milieu obstétrical

CESARIENNE EN URGENCE : L'ANESTHESIE GENERALE EST LE MEILLEUR CHOIX

D. BENHAMOU

L'auteur rappelle que ce texte et les opinions qui y sont présentées font partie d'une controverse sur le choix de la méthode d'anesthésie à pratiquer en cas de césarienne urgente et que ces données ne reflètent pas nécessairement l'avis personnel de l'auteur.

L'anesthésie générale est généralement considérée par les anesthésistes impliqués dans la pratique obstétricale comme devant être évitée chaque fois que possible. Cette règle générale est basée sur des résultats d'études telles que l'Enquête Confidentielle sur les morts maternelles au Royaume-Uni [1]. Ces études ont régulièrement montré que l'anesthésie générale est plus que l'anesthésie loco-régionale responsable de mauvais résultats maternels en particulier lorsque l'anesthésie générale est utilisée pour des procédures d'urgence. Les complications majeures de l'anesthésie générale sont bien documentées et sont en rapport principalement avec l'inhalation de liquide gastrique acide (syndrome de Mendelson) et avec l'intubation difficile ou impossible qui résulte en une hypoxémie maternelle qui si elle est prolongée peut conduire à des dommages cérébraux voire aux décès. Dans certaines circonstances cependant (anomalie franche de la coagulation ou patiente avec une pathologie cardiaque par exemple), l'anesthésie générale est acceptée comme étant la méthode de choix. Ce texte défendra le point de vue que dans de nombreuses circonstances cependant l'anesthésie générale n'est pas le " Diable " et peut être raisonnablement utilisée en cas de césarienne urgente.

Par définition, au cours des procédures d'urgence, l'équipe médicale manque de temps. Ceci est particulièrement vrai dans certaines urgences obstétricales dans lesquelles l'obstétricien considère que le foetus doit être extrait dans un délai ne dépassant pas 2 à 5 minutes. Dans ces conditions, l'anesthésie doit être d'excellente qualité dans ce délai de 2 à 5 minutes. Aucune technique d'anesthésie loco-régionale n'est appropriée dans ces conditions.

La rachianesthésie est considérée généralement comme ayant la latence d'installation la plus rapide. Cependant, lorsque l'on utilise la bupivacaïne (qui est actuellement le médicament utilisé presque exclusivement), le temps d'installation de l'anesthésie est certes observé dans les 2 à 3 minutes suivant l'injection intrathécale mais l'extension maximum du bloc (c'est-à-dire jusqu'à un niveau sensitif supérieur cutané à T4) nécessite généralement 10 à 30 minutes [2]. Lorsque la lidocaïne est utilisée en rachianesthésie, les caractéristiques de l'installation du bloc sensitif ne sont pas très différentes [3]. Lorsque l'anesthésie péridurale est utilisée (et son utilité n'est cliniquement importante seulement chez les patientes ayant déjà un cathéter péridural mis en place pour le travail), Price et coll. ont montré de façon très élégante que l'extension de l'analgésie péridurale en une anesthésie pour césarienne peut être réalisée par l'injection de 20 ml de lidocaïne 2 % adrénalinée avec une efficacité excellente [4]. Cependant chez toutes les patientes le bloc était excellent pour pouvoir réaliser la césarienne en 12,5 minutes, et 11 sur 36 patientes (30,5 %) seulement avaient un bloc excellent en 5 minutes ce qui élimine les capacités de cette technique à pouvoir être utilisées dans les grandes urgences obstétricales.

Certains considèrent que comme l'anesthésie générale est nécessairement légère pour éviter la dépression néonatale, les mémorisations peuvent survenir et peuvent même conduire à des problèmes médico-légaux. En effet lorsqu'on utilise une technique traditionnelle d'anesthésie générale (thiopental 3mg/kg, N20/oxygène, 0,5 halothane ou 1 % d'isoflurane et succinylcholine) King et coll. [5] ont récemment montré qu'au moment de l'incision environ 100 % des patientes présentent des signes évidents de réveil (pleurs et flexion des doigts). Cependant dans cette même étude lorsque toutes les patientes ont été interrogées en postopératoire, aucune d'entre elles n'avait mémorisé un événement peropératoire. De plus Lyons et coll. [6] ont montré que l'on peut sans aucun danger pour la mère et le nouveau-né augmenter la dose de thiopental jusqu'à atteindre une dose habituelle de 5 à 7mg/kg. Dans leur expérience, cette augmentation de la dose a permis d'obtenir une réduction significative de l'incidence de mémorisation dans leur institution. D'autre part l'anesthésie loco-régionale peut être un échec complet ou partiel. Alahuhta et coll. [7] ont montré par exemple qu'une douleur viscérale peut survenir chez 50 % des patientes bénéficiant d'une césarienne sous rachianesthésie. Dans cette même étude le même taux de douleur viscérale est observé chez les patientes ayant une anesthésie péridurale pour la même indication. Même dans des mains très expérimentées, la douleur est ressentie par les patientes dans 9 % des rachianesthésies pour césarienne urgente [8].

Ainsi qu'il a été précisé plus haut, l'anesthésie générale est souvent préférée chez les patientes présentant une pathologie cardiaque sévère, en particulier celles chez lesquelles le retour veineux doit absolument être maintenu. Cependant même chez les patientes ayant un système cardio-vasculaire normal, l'anesthésie loco-régionale est responsable d'une baisse du retour veineux avec ses conséquences cliniques. Au cours des césariennes urgentes, Juhani et Hannele [9] ont trouvé une incidence d'hypotension de 32 % malgré un remplissage vasculaire de 1 000 à 1 500 ml de Ringer Lactate. Bien que cette hypotension ne soit généralement pas dangereuse pour la mère, il est important de rappeler que cette hypotension peut être délétère pour le foetus/nouveau-né. Roberts et coll. ont en effet récemment démontré que l'anesthésie loco-régionale était associée à une incidence de 18 % d'acidémie foetale (pH de l'artère ombilicale à la naissance < 7,19) et que cette complication était beaucoup plus fréquente lorsque la rachianesthésie était utilisée [10].

Les procédures obstétricales en urgence sont plus souvent réalisées chez les patientes ayant une pathologie préexistante ou des complications liées à la grossesse. Ces patientes peuvent également recevoir des médicaments qui affectent particulièrement la coagulation tel que l'aspirine. Un exemple de cette situation est bien entendu la pré éclampsie au cours de laquelle les césariennes urgentes sont extrêmement fréquentes. D'autres situations peuvent conduire à des hémorragies et etre associées à des coagulations intravasculaires disséminées infra-cliniques du moins initialement. Dans ces conditions également la césarienne urgente est possible pour des conditions maternelles ou foetales. Ici encore l'anesthésie générale est certainement le meilleur choix pour au moins deux raisons : 1) la tolérance cardio-vasculaire de ces patientes est en général mauvaise et l'anesthésie loco-régionale conduit à des modifications hémodynamiques beaucoup plus importantes que l'anesthésie générale, 2) les anomalies de la coagulation secondaires à la pathologie ou à l'administration de médicaments mettent ces patientes à haut risque de développer un hématome péridural.

Bien que l'anesthésie générale est considérée comme étant à haut risque d'hypertension au cours de l'intubation chez les patientes pré éclamptiques (avec les risques d'hémorragie cérébrale), Wallace et coll. ont récemment comparé les résultats anesthésiques après anesthésie générale, péridurale ou rachianesthésie péridurale combinée dans cette situation [11]. L'intervalle entre l'induction anesthésique et la naissance était significativement plus court dans le groupe ayant reçu une anesthésie générale. L'hypotension est survenue plus fréquemment chez les patientes recevant une anesthésie loco-régionale (6 à 8 % des patientes ont nécessité de l'éphédrine) alors que l'hypertension n'a pas été rencontrée chez les patientes ayant une anesthésie générale. Les patientes ayant reçu l'une ou l'autre technique d'anesthésie loco-régionale (c'est-à-dire anesthésie péridurale ou rachianesthésie péridurale combinée) ont reçu des quantités de liquide beaucoup plus importante (2 000 à 2 400 ml d'équivalent de Ringer Lactate) ce qui expose ces patientes à un risque d'oedème pulmonaire post partum.

Enfin, bien que la mortalité soit maternelle en rapport avec l'anesthésie de façon très significative au cours des vingt dernières années, cette diminution a été attribuée en particulier à une utilisation accrue de l'anesthésie loco-régionale. Cependant dans la plupart des rapports triennaux anglais récents, il est affirmé de façon répétitive que les décès en rapport avec l'anesthésie générale sont en général associés avec des soins de qualité insuffisante. De plus le rôle des médecins anesthésistes en formation (internes) est de plus en plus cite comme un phénomène extrêmement important : l'inexpérience de ces internes en formation explique probablement la fréquence élevée des intubations difficiles, des inhalations de liquide gastrique acide et le maintien d'un nombre non négligeable de décès par anesthésie générale. Il faut alors considérer que la délégation inappropriée à des médecins inexpérimentés doit être évitée absolument et comme le rappelle Roberts et coll. [12], " le problème n'était pas réellement la méthode d'anesthésie : il s'agit plutôt de praticiens inexpérimentés et mal préparés ". L'anesthésie générale pour situation obstétricale urgente peut être sans danger réel lorsqu'elle est pratiquée par des anesthésistes expérimentés et présents sur place.

BIBLIOGRAPHIE

[1] Report on Confidential Enquiries into Maternal Deaths in the United Kingdom 1988-1990. Death Associated with Anaesthesia. London : HMSO, 1994 : 80-99.

[2] Chung C.J., Bae S.H., Chae K.Y., Chin Y.J. : Spinal anaesthesia with 0.25 % hyperbaric bupivacaine for caesarean section : effects of volume. Br. J. Anaesth., 1996, 77 : 145-9.

[3] Toft P., Bruun-Mogensen C.H.R., Kristensen J., Hole P. : A comparison of glucose-free 2 % lidocaine and hyperbaric 5 % lidocaine for spinal anaesthesia. Acta Anaesthesiol. Scand., 1990, 34 : 109-13.

[4] Price M.L., Reynolds F., Morgan B.M. : Extending epidural blockade for emergency caesarean section. Evaluation of 2 % lignocaine with adrenaline. Int. J. Obstet. Anesth., 1991, 1 : 13-8.

[5] King H.K., Ashley S., Brathwaite D., Decayette J., Wooten D.J. : Adequacy of general anesthesia for cesarean section. Anesth. Analg., 1993, 77 : 84-8.

[6] Lyons G., Macdonald R. : Awareness during caesarean section. Anaesthesia, 1991, 46 : 62-4.

[7] Alahuhta S., Kangas-Saarela T., Hoolmén A.I., Edstršm H.H. : Visceral pain during caesarean section under spinal and epidural anaesthesia with bupivacaine. Acta Anaesthesiol. Scand., 1990, 34 : 95-8.

[8] Russell I.F. : Levels of anaesthesia and intraoperative pain at caesarean section under regional block. Int. J. Obstet. Anesth., 1995, 4 : 71-7.

[9] Juhani T.P., Hannele H. : Complications during spinal anesthesia for cesarean delivery : a clinical report of one year's experience. Reg. Anesth., 1993, 18 : 128-31.

[10] Roberts S.W., Leveno K.J., Sidawi J.E., Lucas M.J., Kelly M.A. : Fetal acidemia associated with regional anesthesia for elective cesarean delivery. Obstet. Gynecol., 1995, 85 : 79-83.

[11] Wallace D.H., Leveno K.J., Cunningham F.G., Giesecke A.H., Sheared V.E., Sidawi J.E. : Randomized comparison of general and regional anesthesia for cesarean delivery in pregnancies complicated by severe preeclampsia. Obstet. Gynecol., 1995, 86 : 193-9.

[12] Roberts S.W., Leveno K.J., Lucas M.J., Sidawi J.E. : Fetal acidemia associated with regional anesthesia for elective cesarean delivery. In reply. Obstet. Gynecol., 1995, 85 : 803-4.

D. BENHAMOU* Département d'Anesthésie-Réanimation, Hôpital Antoine-Béclère, 157, rue de la Porte de Trivaux, 92141 Clamart Cedex, France.