Chapitre 12 - anesthésiologie analgésie en milieu obstétrical
LE POINT SUR L'ANALGESIE PERIDURALE EN 1996 ; UTILISATION EN
AMBULATOIRE ?
F.J. MERCIER, C. LHUISSIER, H. BOUAZIZ et M. DOUNAS
Deux années se sont écoulées depuis la parution dans Génésis de l'article
intitulé " Analgésie & anesthésie péridurale en obstétrique " [1]. Nous
ne ferons donc ici qu'un rapide rappel sur la douleur du travail, l'efficacité
analgésique de la péridurale, et les autres avantages principaux qu'elle présente.
L'objet essentiel de ce nouvel article est de préciser en quoi la déambulation, la
rachianalgésie-péridurale combinée, et la PCEA (Patient Controlled Epidural Analgesia)
sont en train de modifier profondément non pas tant l'analgésie que la philosophie de
cette technique afin de satisfaire davantage les attentes des parturientes.
DOULEUR MATERNELLE LORS DU TRAVAIL ET DE L'ACCOUCHEMENT,
EFFICACIT&EACUTE DE L'ANALGESIE PERIDURALE
Chez la plupart des femmes, les seuils douloureux augmentent de façon physiologique en
fin de grossesse [2]. Pourtant, le travail et l'accouchement provoquent une douleur aigu'
intense pour 2/3 des parturientes ; dans 20 % des cas, elle est même considérée comme
intolérable [3]. Ces données (que certains ont pu juger excessives) ont été largement
confirmées récemment auprès de 1 091 parturientes d'origine nordique [4]. Une
analgésie puissante au cours du travail est donc souvent nécessaire et constitue une
exigence maternelle légitime à laquelle on ne doit pas opposer l'existence de facteurs
psychogènes et/ou socioculturels, même s'ils sont bien réels et nombreux. L'intensité
douloureuse reste en effet principalement influencée par la primiparité, l'utilisation
d'ocytocine et surtout par le stade du travail [4]. De plus, le caractère
" naturel " de l'accouchement ne doit pas nous égarer : la douleur,
qu'elle soit d'origine pathologique (maladie, accident), thérapeutique (postopératoire)
ou naturelle (accouchement) mérite la même attention puisque dans tous les cas elle fait
mal ! ...
Compte tenu des caractéristiques de la douleur énoncées ci-dessus, il n'est pas
étonnant que l'analgésie péridurale se soit tant développée ces vingt dernières
années. En effet, comparée aux autres techniques (Dolosal®, protoxyde d'azote inhalé,
bloc des nerfs honteux ou paracervical), elle est la seule qui procure une analgésie
régulièrement efficace [4, 5].
AUTRES AVANTAGES DE L'ANALGESIE PERIDURALE
L'intérêt de l'analgésie péridurale ne se limite pas à calmer la douleur du
travail. Elle présente d'autres avantages qui sont d'ailleurs souvent méconnus des
parturientes :
- La péridurale atténue de façon très nette les conséquences potentiellement
délétères de la douleur (l'hyperventilation maternelle et la stimulation sympathique)
[1].
- Le développement de la péridurale au sein des maternités permet de réduire
considérablement le nombre d'anesthésies générales pratiquées en urgence. En effet,
à condition qu'une analgésie péridurale satisfaisante pour le travail soit déjà en
place, l'extension à une anesthésie permettant la césarienne est obtenue normalement
dans un délai de 7 à 12 minutes [6]. Cet aspect "prophylactique " de la
péridurale est très important car il est bien établi que c'est surtout dans ce contexte
d'anesthésie générale en urgence que surviennent la plupart des complications
maternelles graves d'origine anesthésique [7]. De plus, sauf urgence extrême, rare
(délai d'intervention < 5 mn), il a été clairement montré sur de larges séries de
césariennes pour souffrance foetale que les paramètres néonatals sont meilleurs après
une anesthésie loco-régionale qu'après une anesthésie générale [8, 9].
- Enfin, la péridurale présente des avantages spécifiques en cas de situations
obstétricales particulières (toxémie, gémellaire, siège, et même utérus
cicatriciel) [1, 10] ou en cas de pathologies maternelles à risque anesthésique
spécifique (asthme, terrain allergique) [1].
POURQUOI LE RECOURS A UNE ANALGESIE RéGULIèREMENT EFFICACE
(PéRIDURALE) RESTE-T-IL DISCUTé DANS LE CADRE DE L'ACCOUCHEMENT ?
A l'issue de ce tour d'horizon résumant les intérêts multiples de l'analgésie
péridurale pour le travail et l'accouchement, et en laissant de côté le problème de la
disponibilité de cette technique qui est liée à celle des anesthésistes, on est amené
en effet à s'interroger : Pourquoi de nombreuses femmes hésitent-elles encore, en 1996,
à recourir à cette méthode si performante ? La réponse semble tenir essentiellement en
2 points :
1. la crainte de complications neurologiques et/ou de la douleur lors de la ponction ;
2. la crainte d'interférences avec le déroulement naturel de l'accouchement,
c'est-à-dire :
d'une altération de la mécanique obstétricale ;
et d'une altération de la perception du travail ainsi que son autonomie en raison du
bloc moteur péridural et/ou l'impossibilité de déambuler.
QUELLES SOLUTIONS DOIT-ON APPORTER POUR S'AFFRANCHIR DE CES
OBJECTIONS PERSISTANTES CONTRE L'ANALGESIE PERIDURALE ?
1. La crainte de complications neurologiques est une question que
l'anesthésiste ne peut éluder puisque ces complications, actuellement tout à fait
exceptionnelles (1/11 000-20 000) et le plus souvent transitoires [11], existent cependant
et sont surtout largement médiatisées. Il est vrai qu'il n'existe pas de
" risque zéro " en médecine et la péridurale n'échappe pas à
cette règle. Cependant, à condition de respecter " les règles de
l'art " , les complications neurologiques liées à l'analgésie péridurale
pour le travail sont nettement plus rares que :
- les complications neurologiques périphériques d'origine obstétricale ou
chirurgicale qui sont 3 à 4 fois plus fréquentes [11] et encourues du seul fait
d'accoucher ;
- les complications neurologiques et/ou vitales de l'anesthésie générale en urgence
rendue nécessaire par l'absence de cathéter péridural déjà en place. Ce dernier point
illustre un concept fondamental en médecine que l'on doit expliquer à son patient : il
faut raisonner en termes de balance bénéfices / risques qui peut être favorable à une
technique malgré ses risques propres (autrement dit, il ne faut pas raisonner en termes
de risques seuls qui sont forcément toujours défavorables à une technique quelle
qu'elle soit).
La crainte de la douleur lors de la ponction péridurale est un problème qui
peut être souvent facilement résolu. Pour cela, il faut :
- que l'anesthésiste accepte l'idée que la ponction peut être parfois douloureuse
bien que la zone ligamentaire soit classiquement peu innervée et donc normalement peu
sensible ;
- qu'il accepte en conséquence de prendre le temps nécessaire pour effectuer
systématiquement une anesthésie locale de la peau qui soit de bonne qualité ;
- et qu'il explique à la parturiente que la ponction péridurale sera interrompue à
tout moment en cas de douleur, le temps de renforcer l'anesthésie locale de la zone de
ponction.
2. La crainte d'interférences avec le déroulement naturel de l'accouchement
est un problème réel à l'origine d'une longue réflexion de la communauté médicale
ayant débuté dans les années 80 [12] et dont l'aboutissement ultime pourrait être la
" péridurale ambulatoire ".
Le problème a été abordé en 2 temps. Le premier temps (années 80) a été
centré sur la réduction du bloc moteur induit par la péridurale afin d'éviter un
retentissement sur la mécanique obstétricale. On doit tout particulièrement à
Chestnut d'avoir réalisé plusieurs études d'une très grande qualité [12] grâce à sa
double formation en obstétrique puis en anesthésie. La mise en évidence du rôle joué
par le type d'anesthésique local (Xylocaïne, Marcaine¨) et surtout par la dose et la
concentration utilisées ont conduit à une métamorphose de la péridurale pour le
travail, qui est passée d'une technique anesthésique (Xylocaïne à 2 % ou Marcaïne®
à 0,5 %) à une véritable technique d'analgésie utilisant la Marcaïne® entre 0,125 et
0,0625 % associée avec un morphinique (fentanyl ou sufentanil). Dans ces conditions
précises, l'analgésie obtenue demeure le plus souvent bonne (c'est-à-dire suffisante
pour la parturiente) et le retentissement sur la mécanique obstétricale in fine (taux de
forceps, de césariennes), bien qu'encore débattu [13], est nettement réduit [12, 13],
et semble finalement nul ou très faible.
Dans un deuxième temps (début des années 90), l'adoption de ces nouvelles modalités
d'analgésie a permis l'émergence d'une nouvelle préoccupation : la satisfaction
éprouvée par la mère lorsqu'elle conserve la sensation d'un travail naturel, "
malgré la péridurale ". Dans l'idéal, la sensation d'un travail "
complètement " naturel (mis à part la douleur) passe par :
- la perception conservée du bas de son corps ;
- la mobilité du fait de l'absence de bloc moteur prononcé ;
- la sensation de ses contractions ;
- et finalement l'autonomie grâce à la capacité de déambuler.
En pratique, les deux premiers objectifs doivent être toujours recherchés en
utilisant la dose et la concentration minimale nécessaire pour procurer l'analgésie
requise par la parturiente. Les deux derniers objectifs doivent pouvoir être proposés et
être régulièrement atteints avec les parturientes qui sont motivées et qui n'exigent
pas de principe une analgésie complète. L'objet de la dernière partie de cet exposé
est d'examiner les modalités de cette déambulation en passant en revue les données de
la littérature puis en émettant des recommandations pratiques.
La littérature concernant la " péridurale ambulatoire " reste
jusqu'à présent étonnamment pauvre par le nombre de publications et surtout par la
rareté des études fournissant des données quantifiées précises. La première étude,
faite par Breen et coll. [14], date de 1993 et demeure actuellement une des meilleures sur
le sujet. étaient retenues comme contre-indications à la déambulation : 1) un bloc
moteur des membres inférieurs ; 2) une hypotension orthostatique ; 3) une anomalie
obstétricale (présentation ou RCF anormaux) ; 4) une analgésie devenant insuffisante au
cours du travail et nécessitant le passage à une solution d'anesthésique local plus
concentrée (³ 0125 %). L'insatisfaction (rare : 4,3 %) des parturientes a été
principalement reliée à 2 causes : un délai trop long et/ou une puissance trop faible
de l'analgésie et, une réponse trop lente lors de la recrudescence de la douleur.
Malgré l'usage d'une très faible concentration de Marcaine¨ (0,04 %) associée au
fentanyl, 13 parmi les 77 parturientes de l'étude (17 %) ont présenté un bloc moteur
très faible mais détectable en position allongée et interdisant le lever. La chute
(sans gravité) d'une parturiente, malgré 2 heures de déambulation préalable sans
difficulté apparente, a conduit les auteurs à adjoindre une épreuve de flexion
partielle des genoux lorsque le lever était autorisé. Ce test, réalisé sur les 16
dernières parturientes de l'étude a révélé que deux d'entre elles (10-15 %) étaient
dans l'impossibilité de le pratiquer correctement alors qu'elles n'avaient pas de bloc
moteur détectable en position allongée et qu'elles pouvaient tenir debout jambes tendues
; ces parturientes n'ont pas été autorisées à déambuler. Une hypotension
orthostatique empêchant le lever était présente dans 9 % des cas. La solution très
diluée d'anesthésique local (Marcaïne® 0,04 % + fentanyl) n'a suffi pour l'ensemble du
travail et de l'accouchement que dans la moitié des cas. Ceci a fréquemment conduit à
une interruption prématurée de la déambulation de par la nécessité d'injecter un
bolus d'anesthésique local concentré. Au total, 68 % des parturientes ont choisi de
déambuler mais le plus souvent (69 %) une seule fois pour aller dans la salle de bain ou
aux toilettes (32 % de miction spontanée). Il est possible que l'usage (inutile) d'une
dose-test à la Xylocaïne (60 mg) dans cette étude ait favorisé ce taux relativement
important d'échec de déambulation.
En effet, d'autres équipes rapportent des résultats beaucoup plus favorables sans
dose-test mais avec des solutions d'emblée légèrement plus concentrées en Marcaïne®
(0,06 à 0,10 %). Cependant, les résultats obtenus demeurent pour l'instant mal
quantifiés. Ainsi, Guedj [15] rapporte, sur un collectif de 35 parturientes, 34 succès
(97 %) de déambulation avec une analgésie très satisfaisante et 89 % de miction
spontanée. Juette [16], à partir d'une expérience très large acquise depuis un an et
demi sur la base d'analgésies péridurales ambulatoires quotidiennes, rapporte Ç des
résultats très probants ainsi qu'une analgésie idéale dans la majorité des cas, très
satisfaisante pour la quasi-totalité. Il est également probable qu'hormis l'expérience
des différentes équipes, le taux de succès de l'analgésie péridurale ambulatoire soit
très dépendant de la psychologie de la population prise en charge et notamment, dune
part de l'importance de la motivation des parturientes pour la déambulation, et d'autre
part de l'intensité de l'analgésie réclamée et obtenue. Afin d'établir des
comparaisons et de bénéficier de l'expérience des équipes obtenant les meilleurs
résultats, il serait souhaitable de disposer à l'avenir d'une quantification chiffrée
de ces deux paramètres. A l'heure actuelle, on ne dispose en particulier d'aucune donnée
chiffrée sur le besoin analgésique réclamé et sur celui obtenu.
A côté du principe fondamental " Marcaïne® très diluée (0,06 à 0,10 %) +
morphinique puissant " indispensable au succès de la péridurale ambulatoire,
certaines équipes utilisent une ou deux méthodes supplémentaires pour réduire
davantage encore la quantité totale d'anesthésique local utilisée tout en maintenant
(voire en améliorant dans certains cas) la qualité globale de l'analgésie. Ces deux
méthodes ont d'ailleurs été développées bien avant l'avènement de la péridurale
ambulatoire. La première méthode consiste à utiliser la technique de
rachianalgésie-péridurale combinée [17, 18]. Brièvement, l'aiguille de Thuoy est
placée dans l'espace péridural selon la technique habituelle de perte de résistance et
sert d'introducteur à une aiguille longue et très fine de rachianesthésie (Whitacre®
27 Gauge) qui permet de franchir la dure-mère avec un risque de céphalées post-brèche
quasi nul (0,1-0,2 %) [18]. Puis un morphinique puissant (ex : sufentanil 5 microgrammes)
éventuellement associé à une minidose de Marcaïne® (² 2,5 mg) est injecté dans
l'espace intrathécal contenant le liquide céphalo-rachidien. L'aiguille de
rachianesthésie est ensuite retirée et le cathéter est introduit comme d'habitude à
travers l'aiguille de Thuoy dans l'espace péridural. Cette injection intrathécale
initiale fournit une analgésie spectaculaire car très rapide (< 5 minutes), fiable et
très puissante y compris au niveau des racines sacrées responsables de l'innervation
périnéale ; de plus, elle donne très peu voire pas du tout de bloc moteur [19]. Sa
durée est malheureusement limitée à 2 heures en moyenne ; la déambulation est très
souvent possible dans notre expérience durant cette période. Dès que cette analgésie
intrathécale commence à s'estomper, le relais est pris par le cathéter péridural selon
les modalités habituelles décrites plus haut pour la péridurale ambulatoire "
conventionnelle ". La place de cette technique par rapport à l'analgésie
péridurale ambulatoire conventionnelle est actuellement un grand sujet de discussion,
voire de polémique entre les équipes : ainsi, certains l'utilisent systématiquement
[18] et d'autres jamais [15]. Si son intérêt peut être encore discuté chez une
parturiente ayant une douleur modérée en début de travail [20], il apparaît en
revanche très net chez celles ayant une dilatation rapide, avancée, ou une douleur très
intense [19].
La deuxième méthode consiste à utiliser la technique de " PCEA "
(Patient Controlled Epidural Analgesia) [21]. Cette technique fait appel à une pompe
programmable qui permet à la parturiente de s'autoadministrer des bolus par voie
péridurale avec un bouton-poussoir selon ses besoins propres. Les volumes des bolus, la
solution administrée et les périodes " d'interdiction " (temps minimal de
sécurité séparant deux bolus acceptés par la machine) sont déterminés par le
médecin anesthésiste. Par rapport à une perfusion équianalgésique classique à la
seringue électrique, la PCEA permet de réduire en moyenne d'un tiers la dose reçue
et/ou de diminuer le nombre d'interventions pour défaut d'analgésie [21]. Ce dernier
point présente le double avantage de réduire la charge de travail de l'équipe médicale
et l'insatisfaction qui résulte régulièrement du délai d'attente d'un supplément
d'analgésie [14, 22]. Par rapport aux injections intermittentes administrées par la
sage-femme, la dose reçue est du même ordre de grandeur [21] mais la PCEA présente
l'avantage pour la parturiente de pouvoir ajuster plus précisément l'analgésie au
niveau souhaité ; ceci peut être une source de satisfaction importante en particulier
lorsque la parturiente souhaite une analgésie modérée ne " gommant " pas la
sensation du travail [22]. La PCEA peut être proposée à toutes les femmes hormis celles
ne disposant pas dÕun niveau de compréhension suffisant et celles qui sont anxieuses à
l'idée de " s'autogérer " et qui préfèrent être totalement prises
en charge par un tiers pour leur analgésie. La PCEA mérite un développement très
large. Cette diffusion se heurte actuellement à des considérations financières, à des
boîtiers encore insuffisamment adaptés à la déambulation, et à différents petits
problèmes techniques incluant un temps de mise en oeuvre encore trop long par rapport à
une perfusion continue classique même si l'inexpérience y fait pour beaucoup ... La
rachianalgésie-péridurale combinée et la PCEA peuvent être aussi utilisées
conjointement [23, 24]. Dans un avenir proche (horizon 2000 ?), d'autres produits comme la
ropivacaïne, la clonidine, ou d'autres agents pharmacologiques antalgiques en cours de
développement devraient faciliter davantage encore le développement et la qualité de
l'analgésie péri-médullaire (rachianalgésie et/ou péridurale) ambulatoire.
Aujourd'hui, il est trop tôt pour savoir si la péridurale ambulatoire favorise ou non
la mécanique obstétricale. Mais ceci ne doit pas nous étonner puisque dans l'article de
Breen et coll. [14], les auteurs citent 13 références qui montrent que l'effet propre de
la déambulation (bien avant l'avènement de la péridurale ambulatoire) restait débattu
parmi les obstétriciens. Cependant, certaines de ces études suggèrent que la
déambulation en elle-même pourrait : 1) augmenter l'intensité des contractions et
réduire le besoin de stimulation par l'ocytocine ; 2) réduire la douleur et
l'inconfort des parturientes ; 3) réduire la durée de la phase de dilatation du travail
et ; 4) augmenter bien naturellement la satisfaction maternelle. Il apparaît en tout cas
clairement qu'elle n'entraîne pas d'effets délétères, à condition bien sur que le
travail soit suivi avec la même rigueur qu'à l'accoutumée. Pour ce qui concerne la
péridurale ambulatoire comparée à la péridurale non ambulatoire, un travail
préliminaire récent confirme l'absence d'effets délétères (mais également l'absence
de bénéfices) sur l'état néonatal [25]. En revanche, aucune amélioration de la
mécanique obstétricale in fine (nombre de forceps, de césariennes) n'est retrouvée
dans l'unique étude comparative (randomisée) publiée à ce jour [17]. Pourtant cette
étude bénéficie d'un collectif important comportant 98 parturientes sous
rachianalgésie-péridurale combinée ambulatoire versus 99 parturientes sous péridurale
non ambulatoire faisant appel à une concentration forte d'anesthésique local (Marcaïne
0,25 %). Il reste néanmoins de bonnes raisons d'être optimiste. Ainsi récemment, un
travail préliminaire très comparable a, au contraire, mis en évidence une dilatation
cervicale souvent nettement plus rapide après rachianalgésie-péridurale combinée
" légère " qu'après péridurale classique
" lourde " (Marcaïne 0,25 %) et ce malgré l'absence de toute
tentative de déambulation dans les deux groupes [26]. Par ailleurs, une équipe disposant
d'une expérience considérable de la péridurale ambulatoire fait état d'une impression
très favorable quant à l'amélioration de la dynamique obstétricale : la dilatation
paraît être en moyenne nettement plus rapide, la stimulation par l'ocytocine moins
souvent nécessaire, et la douleur souvent plus modérée par rapport à la période
antérieure des analgésies péridurales classiques (non ambulatoires et avec de la
Marcaïne® concentrée) [16].
En bref, il faut retenir que la disparition du bloc moteur obligatoirement recherchée
dans l'analgésie péridurale ambulatoire pourrait avoir des effets favorables sur la
mécanique obstétricale. Le rôle propre de la déambulation est encore moins clair mais
il semble qu'elle permette de réduire le besoin en ocytocine et le stimulus douloureux du
travail. Cependant, alors qu'il est bien établi que la réduction franche du bloc moteur
obtenue par l'emploi d'anesthésiques locaux dilués (depuis le début des années 90) a
eu une influence nette sur le taux d'extraction instrumentale et peut-être également sur
le taux de césarienne, il n'a pas été démontré à ce jour qu'il existe un bénéfice
supplémentaire avec la péridurale ambulatoire. Cela pourrait signifier que le
" taux planche " lié à l'anesthésie a déjà été atteint ou en
d'autres termes, qu'une péridurale même non ambulatoire n'a déjà plus de
retentissement significatif sur la mécanique obstétricale in fine dès lors qu'une
réduction franche du bloc moteur est obtenue grâce à l'emploi d'anesthésiques locaux
dilués.
QUELLES RECOMMANDATIONS DOIT-ON APPORTER POUR LA PRATIQUE DE
L'ANALGESIE PERIDURALE EN 1996 ?
1. Utiliser de principe une concentration de Marcaïne® diluée (par exemple à 0,08
%) associée d'emblée à un morphinique puissant (par ex. le sufentanil à 0,5
microgrammes / ml) ;
2. n'augmenter la concentration d'anesthésique local qu'en cas : a) d'analgésie
insuffisante, après avoir vérifié l'absence de globe vésical et s'être assuré que la
péridurale est suffisamment symétrique et étendue (hypoesthésie sus-ombilicale) et b)
de manoeuvre et/ou d'extraction instrumentale pour l'accouchement ;
3. utiliser la rachianalgésie-péridurale combinée en cas de douleur intense, de
dilatation rapide ou déjà avancée ;
4. développer la péridurale ambulatoire quelles que soient les modalités
préférées (conventionnelle avec injections discontinues ou combinée à la
rachianalgésie et/ou à la PCEA).
La seule réserve (mais de taille !) à la déambulation est actuellement de nature
structurelle : il faut disposer de moyens de surveillance obstétricaux équivalents
à ceux habituellement employés en routine pour le travail non ambulatoire (RCF,
tocodynamométrie externe pour la plupart des équipes) et d'un moyen d'appel parturiente
/ sage-femme fonctionnant dans les deux sens. Ceci nécessite l'acquisition d'équipements
télémétriques " passant " effectivement à travers les murs des
locaux.
Les autres considérations sont plus contingentes : un bloc moteur " infraclinique
" doit être écarté avant d'autoriser la déambulation ; il est recherché en
faisant pratiquer une épreuve de flexion partielle des genoux, une fois la parturiente
levée avec succès. Le retentissement hémodynamique des péridurales permettant la
déambulation est très faible et une étude importante a montré que les rares cas
d'hypotension semblent constamment survenir dans les 30 premières minutes, avant même le
lever [27] (ou au plus tard au lever [14]). L'espacement du monitorage régulier de la
pression artérielle, après cette première période précédant la déambulation,
paraît donc légitime. La PCEA peut être utilisée à condition de limiter les doses
délivrables et d'utiliser le bouton-poussoir en position assise [23]. De même,
l'administration d'un faible débit d'ocytocine reste envisageable à l'aide d'une pompe
portable fiable. Enfin, la parturiente doit être accompagnée durant la déambulation. Le
conjoint est généralement le plus à même de jouer ce rôle.
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F.J. MERCIER, C. LHUISSIER, H. BOUAZIZ et M. DOUNAS* Département
d'Anesthésie-Réanimation, Hôpital Antoine-Béclère, 92141 Clamart Cedex.
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