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Titre: Apports hydriques et adaptation cardio-respiratoire
Année: 2002
Auteurs: - Jarreau Ph.
Spécialité: Gynécologie
Theme: prématurité

APPORTS HYDRIQUES ET ADAPTATION CARDIO-RESPIRATOIRE

Pierre-Henri JARREAU

Service de Médecine néonatale de Port-Royal
Centre Hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul-La Roche-Guyon
123, Bd de Port-Royal
75014 PARIS
e-mail : pierre-henri.jarreau@cch.ap-hop-paris.fr

Les apports hydro-électrolytiques en période néonatale immédiate sont encore l'objet de controverses, le problème étant de trouver la juste balance entre les apports nécessaires pour hydrater et apporter les calories nécessaires, et leur limitation, imposée par leur mise en cause dans la pathogénie de la maladie des membranes hyalines, de la persistance du canal artériel, et de la dysplasie bronchopulmonaire.
Rappels physiologiques
Les pertes hydriques sont détaillés dans une autre article de ce recueil.

Rappelons donc que :

1) le poumon fœtal est rempli de liquide, indispensable à sa croissance et à son développement, et évacué dans le liquide amniotique. La production de ce liquide dépend d'un transport actif de chlore entre le secteur interstitiel pulmonaire et l'espace alvéolaire.
2) A l'approche du terme ou lors de la mise en travail, l'évacuation de ce liquide est l'un des éléments essentiels pour l'adaptation respiratoire. La production de liquide pulmonaire et l'eau pulmonaire extra-vasculaire diminuent de 60 % pendant cette période. Le transport actif de sodium à travers l'épithélium alvéolaire permet l'inversion des flux liquidiens. Une fois dans l'interstitium, il est réabsorbé essentiellement par les capillaires, en raison de la forte pression oncotique intra?vasculaire, et partiellement par les lymphatiques (1).

Apports hydriques et maladie des membranes hyalines

Physiologie

Une insuffisance de clairance de l'eau pulmonaire et son accumulation dans les poumons concourent à la sévérité de la maladie des membranes hyalines. Le prématuré est à haut risques du fait :
- d'une forte pression hydrostatique dans le lit vasculaire pulmonaire ;
- d'une faible pression oncotique intra-vasculaire ;
- d'une augmentation de la perméabilité capillaire ;
- d'une augmentation de la perméabilité de l'épithélium des voies aériennes ;
- d'une diminution du transport actif du sodium ;
- d'un déficit en surfactant et d'une ventilation alvéolaire insuffisante.

Un apport hydrique excessif est donc susceptible d'aggraver un syndrome de détresse respiratoire en :
- augmentant la pression hydrostatique intra-capillaire, favorisant la fuite liquidienne vers l'interstitium ;
- diminuant l'efficacité du surfactant par dilution de celui-ci dans des alvéoles partiellement remplies ;
- en favorisant la persistance du canal artériel (voir paragraphe spécifique).

Données cliniques

Depuis longtemps, les néonatologistes avaient constaté que l'augmentation post-natale de la diurèse (définie par une excrétion d'eau supérieure à 80% des entrées) précédait ou survenait simultanément à la guérison spontanée (non traitée par le surfactant) de la maladie des membranes hyalines chez le prématuré ventilé. Ceci avait fait soulever l'hypothèse d'un effet favorable de cette perte hydrique sur l'évolution de la maladie des membranes hyalines. Cette hypothèse n'a pas été clairement confirmée depuis l'apparition des surfactants exogènes. L'administration de ce traitement n'a pas d'effet évident sur la diurèse, et il est possible que la survenue de cette "crise diurétique" soit simplement concomitante à la guérison spontanée de la maladie des membranes hyalines mais sans influence sur son évolution (2).

Il est en revanche clairement prouvé que des apports excessifs de fluides sont associés à une aggravation du syndrome de détresse respiratoire évaluée sur l'oxygénation et des index de ventilation (3), que les enfants soient ou non traités par du surfactant exogène. Enfin, l'efficacité du surfactant semble meilleure si les enfants ont reçu des quantités limitées d'apports hydro-électrolytiques (4).

Plus récemment, une métaanalyse a montré un bénéfice à l'utilisation d'une restriction hydrique modérée dans les premiers jours de vie comparée à des apports larges, en termes notamment de mortalité, et une tendance en terme de diminution du risque de dysplasie bronchopulmonaire (5).

En revanche, l'utilisation systématique de diurétiques à la phase aiguë de la maladie des membranes hyalines n'a pas fait la preuve de son efficacité. Un tel choix a été proposé dans le but de limiter l'œdème alvéolaire et interstitiel habituellement présents, de reproduire la crise diurétique qui précédait la guérison spontanée, et d'accélérer la réabsorption du liquide pulmonaire soit par un effet rapide indépendant de la diurèse, soit par augmentation de celle?ci. Une autre métaanalyse récente montre que cette thérapeutique n'améliore ni la mortalité, ni le risque de survenue d'une persistance du canal artériel, ni le risque d'évolution vers une dysplasie bronchopulmonaire. Des risques potentiels de telles thérapeutiques systématiques ne la font pas recommander en routine (6).

Apports hydriques et persistance du canal artériel

L'excès précoce d'apports hydriques augmente l'incidence du canal artériel et diminue la réponse à l'indométhacine (7, 8). Dans une première étude datant de 1980, Bell avait randomisé des apports hydriques larges ou restreints chez 170 prématurés de 750 à 2000g. Les apports étaient contrôlés dès le 3ème jour et jusqu 30ème jour de vie. Au total, les enfants en "restriction" avaient reçu des apports moyens de 122ml/kg/j et les enfants non restreints de 169 ml/kg/j. La différence entre le nombre de persistances du canal artériel (9 vs 35) est significative.
Weiss publie en 1995 une étude cas-témoins sur 62 enfants prématurés mettant en évidence un apport hydrique initial important chez les enfants présentant une persistance du canal artériel (189 ml/kg/j) comparés à ceux ne présentant pas la pathologie (144 ml/kg/j). De plus, il observait une diminution de l'efficacité de l'indométhacine chez ceux ayant reçu les plus forts apport hydriques.
Les métaanalyses récentes, confirment clairement ce fait (5).
Enfin, rappelons que la restriction hydrique fait partie du traitement classique de la persistance du canal artériel.

Apports hydriques et dysplasie broncho-pulmonaire

Deux problèmes se posent : l'influence des apports hydriques sur le développement de la dysplasie broncho-pulmonaire , et leur rôle une fois celle-ci constituée.

Apports hydriques et prévention de la dysplasie broncho-pulmonaire

Le développement d'une dysplasie broncho-pulmonaire est associé clairement à des apports hydriques importants, mais bien évidemment, sa survenue est aussi liée à la pathologie initiale, en particulier à la maladie des membranes hyalines, et au développement d'une persistance du canal artériel, eux-mêmes dépendants des apports hydriques. C'est dire combien il est difficile d'isoler ce dernier facteur dans une pathogénie complexe.
Une association entre des apports hydriques importants et le développement d'une dysplasie broncho-pulmonaire avait été évoquée dans 2 études non-randomisées : l'une ancienne (9) et sur un petit groupe, qui avait observé des apports hydriques supérieurs chez les enfants ayant développé une dysplasie broncho-pulmonaire ; l'autre plus récente, cas?témoins, qui observait le même phénomène sur un groupe beaucoup plus conséquent (10). Mais cette association ne ressort pas clairement de la métaanalyse récente de la base de données Cochrane (5). Si la tendance est en faveur d'une réduction du risque de DBP chez les enfants ayant été restreints, elle n'est pas significative.

Apports hydriques et traitement de la dysplasie broncho-pulmonaire

On rentre là dans un choix difficile qui fait intervenir un équilibre délicat entre rétention hydro-sodée, toujours présente chez ces enfants, et nécessité d'apports caloriques optimaux.
Les enfants dysplasiques ont en effet une tendance à la rétention de liquides dans les poumons, en particulier dans le secteur interstitiel, dont le mécanisme est encore discuté et fait intervenir (11) :
- la pression dans les vaisseaux pulmonaires, augmentée par l'hypoxémie, l'hypercapnie et la réduction du lit vasculaire pulmonaire ;
- la pression oncotique, qui peut être diminuée par une diminution de la concentration protéique du plasma due à la dénutrition ;
- une perméabilité capillaire augmentée causée par l'oxygénothérapie, le baro / volutraumatisme et les épisodes infectieux ;
- une éventuelle altération du drainage lymphatique.
Les conséquences de ce sub-œdème chronique sont susceptibles d'aggraver encore la pathologie puisque chaque épisode aigu peut entraîner le recours ou l'augmentation de la ventilation mécanique, perpétuant une agression délétère sur ces poumons fragilisés.
La thérapeutique va donc comporter à la fois des apports hydriques contrôlés, mais sans limiter les apports caloriques, indispensables à la guérison de ces enfants, et l'utilisation large de diurétiques, furosémide ou spironolactone le plus souvent, ou thiazidiques.
Les métaanalyses montrent un bénéfice à l'utilisationde diurétiques après 3 semaines de vie, essentiellement en termes d'oxygénation et de mécanique respiratoire, que ce soit pour le furosémide(12), ou la spironolactone et les thiazidiques (13). En revanche, les effets sur la durée d'oxygénation ou de ventilation ne sont pas clairement documentés.
L'administration systématique de furosémide inhalé, qui a des effets spécifiques broncho-pulmonaires, améliore transitoirement la mécanique ventilatoire, mais n'est pas recommandée en routine dans la mesure ou ses effets à plus long terme, bénéfiques ou secondaires, n'ont pas été évalués.

Conséquences pratiques

Les apports hydro-électrolytiques chez le prématuré doivent être soigneusement contrôlés et plutôt restreints dans des limites acceptables, évitant deshydratation sévère et dénutrition, afin de ne pas aggraver l'état respiratoire et l'équilibre cardio-vasculaire. Ils seront bien évidemment adaptés à chaque enfant et il est donc difficile de donner des recommandations chiffrées. Leur adaptation repose sur le poids, la diurèse, les ionogrammes sanguins et urinaires.
Les principes guidant ces apports peuvent être les suivants (1) :
- au 2ème et 3ème jours de vie, la balance hydrique doit être négative ;
- la perte de poids post-natale raisonnable (et probablement nécessaire) se situe entre 5 et 15% ;
- au-delà de la première semaine, les apports doivent se situer entre 150 et 170 ml/kg/j, en évitant de dépasser 150 chez l'enfant dysplasique.

mots-clefs : prématurité, maladie des membranes hyalines , persistance du canal artériel

REFERENCES

1. Bauer K et Vermold H, Conséquences des apports hydriques excessifs chez le prématuré, In J-B Gouyon, J-P Guignard, U Simeoni, Equilibre hydro-électrolytique du grand prématuré, Arnette, Paris.,1997. 61-76.
2. Oh W, Fluid and electrolyte management, In AA Fanaroff, RJ Martin, Neonatal-Perinatal Medicine, Mosby, Saint Louis, MO.,1997. 622-638.
3. Hallman M, The severity of RDS during the first two neonatal days in relationship to fluid intake. Acta Paediatr Scand Suppl, 1989, 360, 93-100.
4. Hallman M, Merritt TA, Bry K et Berry C, Association between neonatal care practices and efficacy of exogenous human surfactant: results of a bicenter randomized trial. Pediatrics, 1993, 91, 552-60.
5. Bell EF et Acarregui MJ, Restricted versus liberal water intake for preventing morbidity and mortality in preterm infants. Cochrane Database Syst Rev, 2000, 2.
6. Brion LP et Soll RF, Diuretics for respiratory distress syndrome in preterm infants. Cochrane Database Syst Rev, 2000, 2.
7. Bell EF, Warburton D, Stonestreet BS et Oh W, Effect of fluid administration on the development of symptomatic patent ductus arteriosus and congestive heart failure in premature infants. N Engl J Med, 1980, 302, 598-604.
8. Weiss H, Cooper B, Brook M, Schlueter M et Clyman R, Factors determining reopening of the ductus arteriosus after successful clinical closure with indomethacin. J Pediatr, 1995, 127, 466-71.
9. Brown ER, Stark A, Sosenko I, Lawson EE et Avery ME, Bronchopulmonary dysplasia: possible relationship to pulmonary edema. J Pediatr, 1978, 92, 982-4.
10. Van Marter LJ, Leviton A, Allred EN, Pagano M et Kuban KC, Hydration during the first days of life and the risk of bronchopulmonary dysplasia in low birth weight infants. J Pediatr, 1990, 116, 942-9.
11. Bancalari E, The respiratory system : neonatal chronic lung disease, In AA Fanaroff , RJ Martin, Neonatal-Perinatal Medicine, Mosby, Saint Louis, MO.,1997. 1074-1089.
12. Brion LP et Primhak RA, Intravenous or enteral loop diuretics for preterm infants with (or developing) chronic lung disease. Cochrane Database Syst Rev, 2000, 4.
13. Brion LP, Primhak RA et Ambrosio-Perez I, Diuretics acting on the distal renal tubule for preterm infants with (or developing) chronic lung disease. Cochrane Database Syst Rev, 2000, 3.