De
quoi se plaignent les hommes qui consultent pour andropause ?
Sylvain
MIMOUN, Gynécoloque-Andrologue Directeur du "Centre d'Andrologie",
Service d'Urologie de l'Hôpital Cochin (Pr. B. Debré) Paris
Bien
que le terme andropause soit loin de faire l'unanimité parmi les praticiens,
il est de plus en plus souvent employé par les patients ou même
par les femmes de ces patients.
Habituellement, c'est la plainte sexuelle (du fait de l'existence de troubles
érectiles) qui est le vrai motif de consultation, le patient se demandant
alors si c'est dû à l'âge et à son "andropause".
Cependant, il existe un nombre progressivement grandissant d'hommes qui consultent
pour des symptômes non sexuel, voire pour faire un bilan et "prévenir"
l'andropause.
Sur le plan hormonal on peut considérer que l'andropause est une baisse
de la secrétion des androgènes (hypo-androgènie) survenant
autour et après la cinquantaine. Cependant cela ne survient pas chez
tous les hommes, et l'âge de survenue est très variable. Des symptômes
cliniques peuvent attirer l'attention sur ce syndrome, le dosage de la testostérone
bio-disponible confirmera ou infirmera le diagnostic.
Un
syndrome, des définitions :
Alors
qu'il y a pléthore d'articles sur la ménopause, ceux sur l'andropause
sont rares voire inexistants. Le terme d'andropause lui-même est sans
cesse discuté. Il est rejeté par certains (ceux qui considèrent
à juste titre qu'il n'y a pas de "pause", pas d'arrêt
de la sécrétion hormonale, comme dans la ménopause), et
admis par d'autres qui soulignent le fait qu'il y a chez 10 à 20%, voire
1/3 des hommes de plus de 50 ans (3, 7), une baisse notable du taux de testostérone,
hypoandrogènie que l'on pourrait qualifier d'andropause par commodité.
Actuellement, on semble préférer le terme de PADAM (Partial Androgen
Deficiency of the Aging Male), la déficience partielle étant en
général admise.
Dans une population normale, le taux plasmatique moyen de testostérone
est stable jusqu'à 55 ans environ, pour diminuer ensuite d'environ 1
% par an , de sorte qu'à 80-85 ans, le taux moyen représente à
peu prés 60 % de celui observé à 25 ans.
Par contre le taux de testostérone libre, commence à diminuer
dés 35 ans et à 80 ans, il ne correspond qu'à 40 % seulement
du taux moyen observé à 25 ans.
De nombreux facteurs interfèrent sur ces taux (7) :
- les facteurs génétiques,
- l'indice de masse corporelle (une augmentation de cet indice s'accompagne
d'une diminution de la testostérone totale, car la SHBG diminue),
- le stress (physique ou psychique, probablement par le biais de l'ACTH-RH
- l'athérosclérose (les coronaropathies s'accompagnent d'une diminution
du taux de testostérone),
- le tabagisme (chez les fumeurs, il est de 10 % supérieur à celui
observé chez les non-fumeurs).
Notons cependant qu'à la différence de la ménopause, cette
baisse partielle, quand elle a lieu, peut survenir à des âges très
variables (dés la cinquantaine pour certains et au-delà de 80
ans pour d'autres).
Les
Symptômes :
Aucun
des symptômes suivants n'est spécifique mais leur groupement est
évocateur. Il est à noter que certains ressemblent à ceux
de la ménopause.
En effet parmi les signes fonctionnels, on peut noter :
- une fatigue récente s'accompagnant souvent de douleurs musculaires
et de tendinites récidivantes .
- des troubles du sommeil, avec un sommeil discontinu
- des troubles de la mémoire portant sur les faits récents
- une anxiété intermittente, particulièrement le matin,
- un état sub-dépressif sans ralentissement important, vécus
comme une simple lassitude, une moindre combativité, un manque d'entrain
et de projets...
- des troubles urinaires (pollakiurie, mictions impérieuses…) perturbations
du système neuro-végétatif vésical.
- une prise de poids plutôt abdominale, (avec augmentation du risque cardiovasculaire)
ou de type gynoïde (hanches, fesses, seins ) avec féminisation de
la silhouette.
- les bouffées de chaleur (plus rarement que chez la femme, mais elles
peuvent exister), perturbant le sommeil ,entraînant des sueurs localisées
au tronc et au cuir chevelu.
- les troubles O.R.L. chroniques ou répétitifs sont relativement
fréquent
- les troubles de la sexualité sont les plus fréquents. Au début
il peut s'agir d'une diminution du désir sexuel, (inhabituelle pour le
patient, parfois alors même que les érections persistent). Cependant
le jeu sexuel est stéréotypé, les érections spontanées
sont rares et si elles surviennent elles ont du mal à se maintenir. Les
troubles de l'éjaculation sont également allégués
(éjaculation sans plaisir avec diminution du volume éjaculé).
Selon
Desy et Comhaire (3), parmi ces symptômes 4 sont particulièrement
notables pour déterminer si un homme présente un PADAM :
1. Augmentation de la masse graisseuse abdominale et prise de poids d'environ
10 kg sur une période de 10 ans.
2. Fragilité psychologique et intellectuelle, dépression, troubles
du sommeil…
3. Douleurs ostéo-articulaires, faiblesse et atrophie musculaires et
changement d'aspect de la peau.
4. Dysfonction sexuel.
Ce qui fera évoquer l'andropause, c'est la diminution des taux plasmatiques
et tissulaires de testostérone.
Chez
l'homme, une ostéoporose asymptomatique s'installe en moyenne 10 ans
plus tard que chez la femme.
L'examen
clinique recherche :
-
une gynécomastie,
- une diminution du volume testiculaire, (avec une diminution de la sensibilité
et/ou de la consistance du testicule).
- Le plissement scrotal disparaît qui est un signe très spécifique
de l'imprégnation hormonale en testostérone, disparaît.
Le scrotum est lisse, peu épais, dépigmenté.
- une diminution de la pilosité pubienne.
- une peau sèche, une raréfaction des poils, (au niveau du thorax
par exemple...), une perte de cheveux récente,
- une diminution de la masse musculaire avec augmentation de la masse grasse.
- Vérifier l'état de la prostate, dans un but de dépistage
systématique et pour savoir s'il n'y a pas de contre-indications à
utiliser un traitement hormonal si cela s'avérait nécessaire.
Le bilan hormonal
-
Testostérone biodisponible (ou éventuellement la Testostérone
total + la SHBG)
- Prolactine et éventuellement la LH.
- PSA (antigène spécifique de la prostate), avant de mettre en
place un éventuel traitement hormonal. L'échographie de la prostate
peut-être demandée pour les mêmes raisons.
Facteurs psychologiques:
Même
si le terme d'andropause évoque d'abord les aspects médicaux,
ne perdons pas de vue qu'il nous faut aussi tenir compte de la perception psychologique
de ces symptômes et de ces modifications corporelles. D'autant que l'après
soixantaine chez l'homme est souvent vécue comme l'heure des bilans.
- bilans professionnels: on peut avoir réussi sa carrière, mais
se sentir stressé car il faut tenir le coup. On peut penser que l'on
n'a pas atteint les buts que l'on s'était fixé. La préretraite
ou le chômage, quand ils existent, ne facilitent pas le contexte.
- sur le plan sexuel : L'érection est plus longue à venir, l'éjaculation
est un peu retardée, le temps de latence entre 2 rapports s'allonge.
Ces différences de réactions peuvent suffire à inquiéter
le sujet au point de le faire entrer dans un véritable cercle auto-entretenu,
où la peur de l'échec entraîne l'échec et ainsi de
suite...
Les prises médicamenteuses qui ne sont pas rares à cet âge
ont parfois des effets secondaires agissant sur l'intérêt ou sur
la capacité sexuelles.
Par ailleurs l'interruption des relations sexuelles ou la continence peuvent
avoir au moins momentanément des effets nocifs chez les plus de 60 ans.
- Interférence de la vie du couple, comme soutien, ou comme renforcement
d'une mésentente déjà ancienne.
Nous aurons à prendre en compte ces différents éléments
dans la prise en charge thérapeutique.
La
prise en charge thérapeutique
L'information
sur ce qui peut se passer physiologiquement à cette période de
la vie, fait déjà partie de la prise en charge thérapeutique
par la dédramatisation et l'action préventive des attitudes néfastes
(tabac, excès de poids, exposition excessive au soleil…) qu'elle
induit.
En effet le traitement de l'andropause repose sur une correction complète
des troubles présentés : surpoids, prise en compte des troubles
relationnels et dépressifs, amélioration du confort urinaire,
de l'hygiène du sommeil et mise en place d'une activité physique
adaptée. C'est dans ce contexte que la prescription de produits sera
la plus efficiente. Si l'hormonothérapie substitutive dépend des
auteurs et du contexte hormonal, il est aisé d'utiliser des oligo-éléments
(comme le zinc), des vitamines (C, E en particulier), du sélénium,
des antioxydants aidant à ralentir le vieillissement, ou des compléments
nutritionnels renfermant nombre ou partie de ces éléments.
Si la plainte est aussi, voire surtout sexuelle, une prise en charge thérapeutique
plus spécifique est souvent nécessaire.
Aujourd'hui pour beaucoup d'hommes l'andropause apparaît non pas comme
une crise face au cheminement de la vie, une prise de conscience, un désir
de prendre en charge sa vie. Et cela peut être un réel nouveau
"départ".
Réfèrences
1
. Belaïsch J. Kervasdoué de A. "Questions d'hommes" Ed.
Odile Jacob Paris 1996.
2. Clippinger, J. A. "Human Sexuality and Aging", Journal of Corrective
and Social Psychiatry, vol 32, n° 3, 1986, p. 82-88.
3. Desy W. Comhaire F.H. "Thérapie hormonale substitutive (THS)
chez l'homme vieillisant" Cahiers sexol. Clin. -Vol. 25- N° 144 - 1999
4. Germain, B., Langis, P. "La Sexualité, Regards actuels"
Ed. Maloine, Paris 1990
5. Humphey et al., 1995 "Hepatocyte growth factor and its receptor (c-MET)
in prostatic carcinoma. Am. J. Pathol. 1995 ; 147 : 386-396
6. Mimoun S. Chaussin E. "L'univers masculin" , Seuil, Paris 1999.
7. Vermeulen A. "Face à l'andropause" Orgyn N°1, 1997
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