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Titre: Oesophago-gastrites du nouveau-né
Année: 1997
Auteurs: - Benhamou P.-H.
Spécialité: Néonatologie
Theme: Gastroentérologie pédiatrique

OESOPHAGOGASTRITE DU NOUVEAU-NE

P-H BENHAMOU, DE BOISSIEU D, DUPONT C

mots clés: oesophago-gastrite néo-natale, oesophagite, gastrite, nouveau-né

Unité de gastro-entérologie pédiatrique. Hôpital Saint Vincent de Paul, 82, Avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris Cedex 14

Summary

The occurence of severe inflammatory lesions involving both the esophagus and the stomach and in some cases the duodenum appears to be a frequent event in neonates, as recently demonstrated through upper endoscopy. The cause of these early acute esophago-gastritic lesions, which are associated most of the time with severe clinical symptoms, remains unknown.

Allergic or infectious processes were incriminated but not confirmed. Stress, documented as a potential cause of digestive mucosal alterations can up to now hardly be proposed as a contributing factor, underlining the need for further appropriate studies

La survenue de lésions sévères du tractus digestif haut en période néonatale est relativement fréquente. Décrite sous le terme d'oesophago-gastrite néonatale (OGNN), elle associe de façon diverse des atteintes oesophagiennes, gastriques et parfois duodénales. Le contraste entre la sévérité des signes cliniques et endoscopiques et le caractère habituellement rapidement favorable de leur évolution caractérise les OGNN.

Depuis la première description en 1978 par Liebman et al (1) d'ulcères gastriques responsables d'une hématémèse chez un nouveau-né, plusieurs auteurs ont fait état d'atteintes sévères du tractus digestif supérieur à cet âge de la vie. La mise au point de fibroscopes digestifs de petit calibre a permis de décrire tour à tour des oesophagites peptiques du nouveau-né (2), puis des gastrites hémorragiques rapportées par les auteurs à une allergie aux protéines du lait de vache (3). Ghisolfi et al, en 1981 (4), puis Olives et al (5,6) ont fait état de l'association d'atteinte gastrique et oesophagienne sans qu'il soit possible d'en préciser l'étiologie. Enfin, plus récemment le cadre des oesophago-gastro-duodénites néonatales a été clairement défini par de Boissieu et al (7). Ni le RGO, ni les états de souffrance ou d'infection néonatale ne permettent, semble-t-il, d'expliquer la survenue de l'OGNN (8) qui pourrait d'ailleurs relever de plusieurs étiologies comme pourrait le suggérer le récent travail de Deneyer et al (9).

La recherche des facteurs étiologiques de l'OGNN fait actuellement l'objet d'un protocole de recherche multicentrique en France. Ce travail, dont les résultats en sont pas encore disponibles a été précédé par un travail préliminaire, non publié, qui sera exposé ici.

Les signes d'appel :

Les signes révélateurs sont variables, ils peuvent être banals, (refus d'alimentation, régurgitations, vomissements, pleurs incessants...) (2,7,9) ou au contraire particulièrement alarmants à type d'hémorragies digestives, de cyanose, de bradycardies ou de malaise (2,7).

En fait, la fréquence respective de chacun des signes révélateurs dépend largement du délai d'établissement du diagnostic et de la pratique de chacune des équipes pédiatriques en maternité. Seule la survenue d'une hématémèse est régulièrement rattachée à une cause digestive. Dans les autres cas, le diagnostic peut rester méconnu. C'est ainsi que les malaises et accès de cyanose qui, dans la littérature et dans notre propre expérience en représentent la circonstance de découverte la plus fréquente, ne sont pas toujours rattachés à une OGNN (7).

Les premiers signes peuvent apparaître très précocement, parfois dès les premières heures de vie (10,11). Dans la plupart des séries publiées, le diagnostic est porté en moyenne à la 72è heure de vie (7,9). Là encore, le délai du diagnostic varie considérablement d'une maternité à l'autre, en fonction des pratiques de chaque équipe et de la possibilité d'obtenir facilement une endoscopie par un opérateur expérimenté disposant d'un matériel adapté au nouveau né.

Aspect endoscopique :

L'aspect endoscopique est variable, du simple érythème aux lésions ulcérées et hémorragiques. L'atteinte est généralement diffuse sur l'ensemble de l'oesophage et de l'estomac. Il est cependant possible d'observer des lésions strictement oesophagienne (dont on ne peut éliminer la nature peptique) ou gastrique. L'atteinte duodénale est plus rare, ne dépassant pas 30% des cas dans les différentes études publiées à ce jour.

Les lésions œsophagiennes peuvent être simplement érythémateuses (5),ou à type d'ulcération et/ou d'enduits fibrineux réalisant des fausses membranes s'étendant sur toute la hauteur de l'oesophage (5,7,9).

Les lésions gastriques peuvent être à type de pétéchies et /ou d'ecchymoses, soit diffuses, s'étendant sur toute la muqueuse gastrique soit localisées à la région antrale sur une muqueuse inflammatoire, riche en lacis vasculaires. Parfois, il s'agit d'ulcérations de taille variable, généralement dispersées sur l'ensemble de la muqueuse gastrique (5).

Les lésions duodénales sont retrouvées dans environ 50% des cas d'OGNN. Elles sont également d'aspect variable, réalisant un aspect inflammatoire diffus ou des lésions plus sévères ulcéro-hémorragiques (7).

Évolution :

Quel que soit l'aspect endoscopique, les lésions sont d'évolution rapidement favorable. Le caractère spontanément favorable de l'OGNN a pu faire discuter par certains l'indication d'un traitement médical. Celui-ci apparaît cependant indispensable compte tenu de l'importance de la symptomatologie douloureuse.

Ce traitement fait largement appel aux anti-sécrétoires. Dans notre expérience, aucune décision d'arrêt d'alimentation n'a du être prise et ce même en présence de lésions muqueuses sévères.

L'évolution sous traitement est généralement rapidement favorable, la guérison clinique étant généralement obtenue en 24 à 48 heures (9). La guérison des lésions endoscopiques est généralement plus tardive. De Boissieu (7) a observé une persistance de lésions dans 7 cas sur 25 contrôles endoscopiques effectués, 14 jours en moyenne après le diagnostic.

Il ne semble donc pas justifié d'effectuer un contrôle endoscopique avant un mois de traitement anti-sécrétoire. Ce n'est qu'après la constatation d'une guérison complète à l'endoscopie que pourra être interrompu le traitement. Notons enfin que le contrôle endoscopique ne semble pas devoir être systématique mais qu'il doit être réservé aux formes les plus sévères comportant des lésions constituées (ulcérations ou fausses membranes).

La persistance d'un RGO à distance semble fréquente après une OGNN. Au cours du suivi des nouveau nés atteints d'OGNN, de Boissieu et al ont effectué une pH-métrie dans un délai moyen de 2,5 mois. Celle-ci s'est révélée positive dans 50% des cas (8). De tels résultats incitent donc à poursuivre le traitement anti-reflux après l'arrêt des anti-sécrétoires.

Hypothèses étiopathogèniques

Le mécanisme et la cause de l'OGNN restent mal connus. Plusieurs hypothèses sont avancées sans qu'aucune ne puisse apporter une solution satisfaisante à toutes les situations rencontrées en clinique.

De Boissieu retrouve un fréquence augmentée de menaces d'accouchement prématuré au cours de la grossesse, mais le mode d'alimentation à la naissance ne semble pas être un facteur discriminant (7). Dans cette étude, les auteurs ont effectué des prélèvements bactériologique au niveau de la muqueuse gastrique et dans les selles et n'ont pas retrouvé de facteur infectieux prédominant.

Pour Deneyer et al, la survenue d'une oesophagite néonatale pourrait être liée au caractère traumatiques des manoeuvres d'aspiration pharyngée, oesophagienne ou gastrique à la naissance (8). Les auteurs soulignent à l'appui de cette hypothèse, la prédominance des lésions au niveau de l'oesophage proximal, ainsi que la sévérité et le caractère rapidement régressif de celles-ci. S'il apparaît justifié d'invoquer ces manoeuvres traumatiques dans un nombre réduit de cas, il semble que cette hypothèse ne puisse s'appliquer dans la plupart des cas d'OGNN sévères caractérisées par des lésions particulièrement diffuse de l'ensemble de revêtement muqueux.

Enfin, parmi d'autres hypothèses étiopathogéniques évoquées à ce jour, signalons le stress maternel (12) qui n'apparaît pas discriminant dans l'étude de de Boissieu, les troubles de l'hémostase, qui n'ont jamais pu être mis en évidence (11), le RGO (13) qui ne permet pas d'expliquer le caractère diffus de l'atteinte oesophagienne et gastrique et enfin l'allergie aux protéines du lait de vache (14,15)

La multiplicité des hypothèses étiopathogéniques souligne la nécessité d'études adaptées effectuées sur un nombre suffisant d'enfant.

Résultats d'une étude cas-témoin (étude préliminaire)

Une série de 34 enfants atteints d'OGNN sévère a été étudiée. Le but de cette étude préliminaire était de dégager des éléments d'orientation étiologique des OGNN.

Une population de 34 enfants nés à la maternité de l'Hôpital Saint Vincent de Paul entre 1991 et 1993 et présentant des lésions sévères (ulcérées et/ou hémorragiques) d'OGNN, a été comparée à un groupe témoin, fait de 34 enfants nés dans la même maternité immédiatement après chaque enfant atteint. Aucune différence entre ces groupes n'a été notée pour les antécédents médicaux, chirurgicaux ou obstétricaux maternels, les conditions socio-économiques et d'exercice professionnel, l'âge maternel, la parité, la gestité et la prise de médicament durant la grossesse.

Les menaces d'accouchement prématuré étaient plus fréquentes chez les enfants atteints d'OGNN que chez les témoins, 11,76 % vs 0 (p<0,05). Le terme était comparable dans les deux groupes, 39,82 ± 1,11 semaines vs 39,55 ± 1,37 semaines, ainsi que la durée du travail et de l'expulsion, le mode d'accouchement et d'anesthésie. Le score d'Apgar à 1 et 5 minutes était identique dans les deux groupes, 8,38 ± 1,41 vs 8,82 ± 0,71 et 9,88 ± 0,32 vs 9,94 ± 0,23. Le liquide amniotique était teinté ou méconial chez 26,47 % des enfants atteints d'OGNN et 14,7% des témoins (NS). La mise en place d'une sonde gastrique permettant de vérifier la perméabilité de l'oesophage a été systématiquement effectuée chez tous les enfants. Une broncho-aspiration a été réalisée chez 32,25 % des enfants atteints et 17,65 % des témoins (NS).

L'allaitement exclusif au sein était moins fréquent chez les enfants atteints d'OGNN que chez les témoins, 17,7% vs 47,1% (p<0,01). L'alimentation était débutée plus tardivement chez les sujets atteints d'OGNN que chez les témoins, 3,2 ± 2,1 h vs 2,1 ± 1,2 h (p<0,05). Chez les enfants allaités, la mise au sein était plus tardive chez les enfants atteints d'OGNN que chez les témoins, 4,5 ± 1,9 h vs 1,5 ± 1,8 h (p=0,0001).

Une étude multicentrique

Sous l'égide du groupe francophone de gastroentérologie et nutrition pédiatrique, une étude multicentrique a été mise en route en 96. Cette étude regroupant une grande partie des centres d'endoscopie pédiatrique s'est attachée à rechercher des facteurs étiologiques tant organiques que psychologiques.

Conclusion

L'OGNN est une affection fréquente du nouveau né, dont le diagnostic peut aujourd'hui être plus facilement posé grâce à l'extension des techniques d'endoscopie en période néonatale. Il s'agit d'une affection dont l'étiologie est encore méconnue, bien que certaines hypothèses étiopathogéniques puissent apparaître crédibles. L'OGNN est souvent méconnue et il faut savoir rapporter à l'atteinte digestive, des accès de bradycardie ou des malaises en période néonatale et ne pas hésiter à effectuer une endoscopie, examen simple et parfaitement toléré pour peu qu'il soit effectué par une équipe entraîné disposant d'un matériel adapté au nouveau né.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

1-LiebmanWM, Thaler MM, Bujanover Y. Endoscopic evaluation upper gastrointestinal bleeding in the newborn. Am J Gastroenterol 1978 69: 607-608

2-Narcy P, Manach Y, Bompart Y, Chouraki JP. l'œsophagite peptique du nouveau-né. A propos de 40 cas. Arch Fr Pediatr 1979; 39: 59-62

3-Brunerie M, Olives JP, Couvaras O, Ghisolfi J. Gstroduodénite aigüe hémorragique par intolérance aux protéines du lait de vache. Arch Fr Pediatr 1986; 43: 291-294

4-Ghisolfi J, Baculard A, Olives JP, Rives JJ, Bloom MC. Manifestations cliniques et évolution du reflux gastro-œsophagien de l'enfant. XXVIè congrès des pédiatres de langue française, Toulouse, 1981: 37-47

5-Olives JP, Rives JJ, Ghisolfi J. L'endoscopie œsogastroduodénale chez le nouveau-né avant un mois. Acta Endoscopica 1984;14: 317-320

6-Olives JP Neonatal gastrointestinal endoscopy. Front Gastrointest Res 1989;15: 65-73.

7-De Boissieu D, Bargaoui K, Sakiroglu O, Francoual C, Dupont Ch, Badoual J. Les œsogastroduodénites du nouveau-né. A propos de 32 cas. Arch Fr Pediatr 1989; 46:711-5

8-De Boissieu D, Dupont C, Barbet JP, Bargaoui K, Badoual J. The distinct features of upper gastrintestinal endoscopy in the newborn. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1994;18:334-8

9-Deneyer M, Goossens A, Pipeleers-Marichal M, Hauser B, Blecker U, Sacre L, Vandenplas Y. Esophagitis of likely traumatic origin in newborns. J pediatr Gastroenterol Nutr 1992;15: 81-84

10-LiebmanWM, Thaler MM, and Bujanover Y. Endoscopic evaluation of upper gastrointestinal bleeding in the newborn. Am J Gastroenterol 1978;69:607-8

11-Madan A, Lavine JE, Heyman MB, Townsend SF. acute hemorragic gastritis in the newborn infant. J Perinatol1992; 12:377-380

12-Adeyemi SD, Simpson JS. Perforated stress ulcer in infants. Ann Surg 1979;190:706-708

13-Lelong-Tessier MC, Narcy P, Dreyfus M et al. Hématémèses néonatales par œsophagite peptique. Arch Fr Pediatr 1979;36: 205-257.

14-Coello-Ramirez P et Larrosa-Haro A. Gastrointestinal occult hemorrage and gastroduidenitis in cow's milk protein intolerance. J Pediatr gastroenterol Nutr 1984;2: 215-218

15- Borowitz SM. Ulcérative esophagitis: a rare source of upper gastrintestinal bleeding in neonate. Clin Pediatr 1989;28:89-91