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Titre: Dfinition et pidmiologie des encphalopathies anoxiques du nouveau-n terme
Anne: 2000
Auteurs: - Dehan M.
Spcialit: Nonatologie
Theme: Encphalopathies

DEFINITION ET EPIDEMIOLOGIE DES ENCEPHALOPATHIES ANOXIQUES

DU NOUVEAU-NE A TERME

Michel DEHAN

Service de Pédiatrie et Réanimation Néonatales. Hôpital Antoine Béclère.

 

INTRODUCTION

Latteinte de lintégrité cérébrale dun enfant au moment de sa naissance a toujours été et reste la grande crainte des obstétriciens. Le dépistage de ce quil est convenu dappeler " la souffrance foetale " dorigine anoxique est donc un élément central de la stratégie dorganisation des soins dans les maternités : le monitorage continu de laccouchement et la prise en charge à la naissance des nouveau-nés ayant " un mauvais APGAR " ont été, depuis plusieurs décennies, parmi les premi"res mesures mises en oeuvre par les professionnels, encouragés dailleurs par les pouvoir publics.

Cependant, force est de reconnaitre que les taux de handicaps neuro-moteurs observés dans lenfance nont guere varié au cours des 30 dernieres années, ce qui a amené à poser le probl"me du rôle réel que joue la souffrance foetale per-partum dans la survenue de ces handicaps. Actuellement, on estime que le taux de " cerebral palsy " observé dans lenfance stagne autour de 2 à 3 pour 1000 naissances vivantes, et que le taux dinfirmité motrice cérébrale reste en France stable autour de 1 pour 1000 : dans les deux situations, la souffrance foetale aigu nest directement en cause que dans 15 à 20% des cas (1, 9, 11) . Bien que ce pourcentage puisse paraitre peu important, cest actuellement chez le nouveau-né à terme, le seul groupe étiologique o une stratégie thérapeutique peut être envisagée pour prévenir ou diminuer les lésions cérébrales.

Dans la pratique obstétricale, la fréquence de survenue dune souffrance foetale per-partum dorigine asphyxique reste relativement élevée, bien que son estimation soit tr"s variable dune étude à lautre, allant de 0,5 à 5% selon les études et les criteres retenus pour son diagnostic (2, 4, 12, 13). Fort heureusement, la grande majorité des souffrances foetales nentrane pas de handicap, alors même quelles ont préoccupé les médecins lors de leur survenue, conduisant à des interventions thérapeutiques telles que césarienne, réanimation à la naissance, hospitalisation de lenfant, etc... Mais le risque danomalie cérébrale acquise per-partum demeure un probl"me majeur, ne serait-ce que par son incidence médico-légale (6, 11). Cependant, il reste difficile à cerner, incitant à réaliser de nombreuses recherches : certaines dentre elles ouvrent des perspectives très intéressantes et ont donc justifié cette table ronde.

 

COMMENT PEUT-ON DFINIR LENCPHALOPATHIE ANOXIQUE (EA) ?

La définition de lEA nest pas simple : elle est même extrêmement difficile à cerner, car elle ne peut reposer que sur un ensemble de données plus ou moins faciles à recueillir ou à quantifier et dont aucune nest spécifique. De plus, il faut définir simultanément un degré de gravité, puisque toute atteinte cérébrale nest pas forcément grave et source de séquelle (1, 6, 9, 13).

1. La premi"re difficulté provient de la définition de " la souffrance foetale aigu ".

Ce terme recouvre en fait une asphyxie foetale qui, sur le plan biologique, est déterminée par une baisse de la PO2 et une augmentation du CO2 circulant. Or, dune part, aucune de ces données nest disponible pendant laccouchement, dautre part, on ne connat pas les corrélations entre le degré des perturbations biologiques et la survenue de lésions cérébrales. De plus il faut tenir compte des phénom"nes dadaptation que les nouveau-nés sont plus ou moins capables de mettre en place face à une asphyxie, selon les circonstances de naissance et les capacités propres de lenfant.

La multitude des crit"res étudiés témoigne bien quaucun dentre eux nest satisfaisant:

  • La surveillance du rythme cardiaque foetal manque de sensibilité et de spécificité. Certaines anomalies (décélérations tardives répétées, diminution de la variabilité) sont associées à une augmentation de lincidence des lésions neurologiques, mais le taux de faux positifs reste néanmoins élevé.
  • La mesure des gaz du sang artériel ou de la lactacidémie, au scalp ou au cordon, pose le même probl"me de sensibilité et de spécificité. Bien quun pH < 7,00 soit corrélé à une augmentation de la fréquence des complications neurologiques néonatales, 80% de ces enfants seront toutefois normaux ultérieurement. Une mani"re de mieux apprécier limportance de lacidose métabolique, qui reste un bon témoin de lanoxie tissulaire, est de mesurer léquilibre acido-basique à distance de la naissance (vers la 30"me minute de vie) : en effet, un relargage dacide lactique séquestré dans les cellules peut seffectuer au moment o la circulation saméliore et se redistribue équitablement au niveau de tous les organes (13, 14).
  • Un mauvais Apgar à 5 minutes de vie est un bon témoin dune souffrance foetale, mais son évaluation reste très subjective, sa valeur peut dépendre des médicaments sédatifs et analgésiques administrés à la m"re pendant le travail et la grande majorité des enfants atteints dinfirmité cérébrale avaient un Apgar normal à la naissance.
  • Loxymétrie de pouls foetal, lanalyse de lECG foetal (étude du segment QT) sont en cours dévaluation et pourront peut-être constituer des param"tres fort utiles dans lavenir.
  • Après la naissance, de tr"s nombreux criteres ont été explorés dans le sang ou le LCR, dont la liste est fort longue : iso-enzymes BB de la créatine kinase, dosage des acides aminés excitateurs, énolase neurone-spécifique, protéine acide gliofibrillaire, acide ascorbique réduit, hypoxanthine, ATP intra-érythrocytaire, arginine vasopressine, interleukine 6, adénosine monophosphate, et, tout récemment, rapport lactate sur créatinine urinaire (5) (liste non exhaustive).

2. La deuxi"me difficulté concerne la définition de lencéphalopathie et de sa gravité.

Plusieurs grilles regroupant un certain nombre de signes ont été proposées, mais aucune na fait lobjet dun consensus international. En pratique, les cliniciens pédiatres distinguent schématiquement 3 types dencéphalopathies (cf. article e J.C. Janaud).

  • Une forme légère : lenfant est hyperactif, les yeux grand ouverts, souvent agité spontanément mais surtout à la moindre stimulation, avec une exagération des réflexes. Lexamen rév"le une franche hypotonie de laxe, un réflexe de succion faible. Ces signes sont transitoires et disparaissent en moins de 48 heures.
  • Une forme modérée : lenfant apparat au contraire excessivement calme et peu réactif. Des convulsions peuvent survenir. Le réflexe de succion est absent, les pupilles sont en myosis. Lorsque ces signes disparaissent en totalité avant la fin de la premi"re semaine de vie, le pronostic est plutôt favorable ; lorsque les signes persistent, des séquelles sont à craindre.
  • Une forme sévère : lenfant est comateux, totalement hypotonique (" poupée de chiffon ") et totalement aréactif. Il na plus dautonomie ventilatoire, aucun réflexe pupillaire, des convulsions sont souvent présentes réalisant un état de mal, des mouvements anormaux de décérébration peuvent être observés. Le pronostic est ici tr"s sombre : si lenfant ne meurt pas, il souffrira de séquelles graves.

Bien évidemment, ces crit"res cliniques seront complétés par une évaluation électrique, et par une imagerie (IRM plus quéchographie transfontanellaire).

 

3. La troisi"me difficulté consiste à relier les signes observés à létiologie anoxique.

Le risque est ici de se contenter dun diagnostic trop facile de souffrance foetale aigu risquant docculter une autre pathologie, ou surtout une pathologie associée, qui peut être cause (par exemple infection, maladie neuro-musculaire) ou conséquence (par exemple détresse respiratoire, malaise, hypoglycémie) dune souffrance anoxique. Un des crit"res actuellement retenu comme tr"s significatif de létiologie anoxique, tout au moins dans les formes sév"res, est lassociation des signes dencéphalopathie à une atteinte dautres organes (poumons, reins, coeur, foie, tube digestif...) témoignant dune anoxie diffuse (7).

4. Au total, de nombreux auteurs retiennent, à quelques nuances près, le diagnostic dencéphalopathie dorigine anoxique lorsque sont réunis plusieurs des critères suivants : circonstances de naissance favorisantes, APGAR inférieur à 3 à la naissance et encore franchement anormal au-delà de 5 minutes de vie, acidose métabolique sévère (pH < 7, BD > -15), manifestations cliniques dencéphalopathie, atteinte dun ou plusieurs autres organes. Des scores de risques ont pu être proposés à partir de ces éléments (2).

 

FINALEMENT, PEUT-ON QUANTIFIER LA FREQUENCE DE LENCEPHALOPATHIE ANOXIQUE NEONATALE ?

Malgré lincertitude sur les définitions précises, plusieurs études ont tenté de quantifier la fréquence de lencéphalopathie anoxique chez le nouveau-né. Le tableau I résume les résultats de 3 publications récentes (4, 12, 13) : la fréquence de lasphyxie périnatale va de 5,4 à 46,6 pour 1000 naissances vivantes, celle de lencéphalopathie anoxique de 1,8 à 12 pour 1000, un tiers à la moitié des encéphalopathies étant considérées comme modérées ou sévères. La mortalité due à lasphyxie foetale se situe entre 0,2 et 0,9 pour 1000, ce qui représenterait en France plus de 200 décès par an.

 

 

QUE PEUT-ON RETENIR EN CONCLUSION ?

  1. Dans le cadre de recherches cliniques, il est indispensable de fixer de faon très précise les critères dencéphalopathie anoxique, même sils peuvent paratre arbitraire, et au risque de ne pas pouvoir sélectionner la population entière. Mais, pour les essais thérapeutiques et les études multicentriques, il faut être sér de recruter une population homogène correspondant bien à la pathologie que lon veut étudier ou traiter. Ceci est particulièrement important aujourdhui, en raison des perspectives thérapeutiques nouvelles qui doivent être évaluées, concernant notamment lhypothermie cérébrale (cf. article de S. Marret).
  2. En pratique clinique quotidienne, le problème est différent : les critères sont plus flous, mais ils doivent aider le pédiatre dans sa conduite à tenir : peut-on garder lenfant en maternité ? Faut-il mettre en place une surveillance particulière, et pendant combien de temps ? Doit-on hospitaliser et dans quel service ? Quelles investigations doivent être menées, quel traitement doit être prescrit ? Plusieurs études récentes ont abordé ce problème (2, 3, 8, 10). On peut retenir quil faut tenir compte :
  • du contexte étiologique de la souffrance,
  • du degré de gravité des anomalies du RCF,
  • de lApgar à 5 minutes de vie,
  • de limportance de lacidose, surtout métabolique,
  • de létat clinique de lenfant à H2 de vie.

Quelques repères schématiques peuvent alors guider la conduite à tenir :

  • On peut laisser lenfant en suites de couches auprès de sa mère : si, malgré un mauvais état à la naissance, il récupère très vite (Apgar > 7 à 5 minutes de vie) après les manoeuvres de réanimation appropriées, ses gaz du sang ne sont pas très perturbés ou se sont corrigés très rapidement (intérêt dune mesure à 30 minutes de vie) et son comportement clinique est normal après une surveillance des 2 premières heures.
  • On doit immédiatement transférer en réanimation-soins intensifs : lenfant qui na pas dautonomie ventilatoire, dont lApgar reste inférieur à 5 à 5 minutes, dont lacidose est majeure (pH < 7, BD > -15) ou, a priori, sil présente demblée un état neurologique inquiétant.
  • Il faut se méfier de certains enfants qui semblent récupérer facilement sur le plan clinique (au décours dune césarienne pour HRP par exemple), mais qui restent ples par vasoconstriction cutanée (décharge dadrénaline) et dont létat clinique nest pas parfait à 2 heures de vie : ces enfants peuvent convulser secondairement, il faut donc organiser une surveillance hospitalière, au moins pendant les premières 24 heures.

 

  1. Enfin, en termes dépidémiologie et de santé publique, on peut regretter quen France il ny ait pas suffisamment de moyens, ou quon ne porte pas suffisamment dintérêt à lencéphalopathie anoxique, puisque, à ma connaissance, aucune étude na été entreprise au niveau national avec cet objectif spécifique. Il serait pourtant utile et intéressant de mener une étude prospective sur plusieurs années et dans plusieurs régions, alors même que, suite aux décrets périnatalité doctobre 1998, les schémas régionaux dorganisation sanitaire vont contribuer à mettre en place un nouveau dispositif dorganisation des maternités et de la néonatologie. Malheureusement, rien na été prévu pour mesurer limpact de cette nouvelle organisation de soins : lencéphalopathie dorigine anoxique chez le nouveau-né à terme aurait pourtant été un critère de choix.

 

Publications

1995 (12)

1996 (4)

1998 (13)

Origine

Type détude

 

N. Naissances vivantes à terme

Années

Asphyxie périnatale

 

Encéphalopathie anoxique (p. 1000)

légère

modérée

sévère

Mortalité due à asphyxie (p. 1000)

Handicaps dus à asphyxie (p. 1000)

Suède

Rétrospective

Multicentrique

42.203

 

1985-91

277

5,4 p. 1000

1,8

0,9

0,5

0,4

0,3

 

0,2

 

Espagne

Prospective

Unicentrique

3.342

 

1991-95

156

46,6 p. 1000

12

9

1,5

1,5

0,9

 

0,6

Belgique

Prospective

Multicentrique

10.065

 

1992-95

152

15 p. 1000

5,9

3

2,7

0,2

0,2

 

Tableau I

Bibliographie

  1. Bréart G and Rumeau-Rouquette C. Infirmité motrice cérébrale et asphyxie périnatale chez lenfant né à terme. Arch Pédiatr 1996 ; 3 : 70-4.
  2. Carter BS, McNabb F and Merenstein GB. Prospective validation of a scoring system for predicting neonatal morbidity after acute perinatal asphyxia. J Pediatr 1999 ; 132: 619-23.
  3. Ekert P, Perlman M, Steinlin M and Hao Y. Predicting the outcome of postasphyxial hypoxic-ischemic encephalopathy within 4 hours of birth. J Pediatr 1997 ; 131 : 613-7.
  4. Gonzales de Dios J and Moya A. Perinatal asphyxia, hypoxic-ischemic encephalopathy and neurological sequelae in full-term newborns : an epidemiological study. Rev Neurol 1996 ; 24 : 812-9.
  5. Huang CC, Wang ST, Chang YC, Lin KP and Wu PL. Measurement of the urinary lactate : creatinine ratio for the early identification of newborn infants at risk for hypoxic-ischemic encephalopathy. N Engl J Med 1999 ; 341 : 328-35.
  6. Low JA. Intrapartum fetal asphyxia : Definition, diagnosis, and classification. Am J Obstet Gynecol 1997 ; 176 : 957-9.
  7. Martin-Ancel A, Garcia-Alix A, Cananas FGF, Burgueros M and Quero J. Multiple organ involvement in perinatal asphyxia. J Pediatr 1995 ; 127 : 786-93.
  8. Patel J and Edwards AD. Prediction of outcome after perinatal asphyxia.Curr Opin Pediatr 1997 ; 9 : 128-32.
  9. Nelson KB and Leviton A. How much of neonatal encephalopathy is due to birth asphyxia ? Am J Dis Child 1991; 145 : 1325-31.
  10. Perlman JM and Risser R. Can asphyxiated infants at risk for neonatal seizures be rapidly identified by current high-risk markers ? Pediatrics 1996 ; 97 : 456-62.
  11. Perlman JM. Intrapartum hypoxic-ischemic cerebral injury and subsequent cerebral palsy : Medicolegal issues. Pediatrics 1997 ; 99 : 851-9.
  12. Thornberg E, Thiringer K, Odeback and Milsom I. Birth asphyxia : incidence, clinical course and outcome in a Swedish population. Acta P3/4diatr 1995 ; 84 : 927-32.
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  14. Westgren M, Kruger K, Ek S, Grunevald C, Kublickas M, Naka K et al. Lactate compared with pH analysis at fetal scalp blood sampling : a prospective randomised study. Br J Obstet Gynaecol 1998 ; 105 : 29-33.