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Titre: Traitement médicamenteux des diarrhées aigües de l'enfant
Année: 1999
Auteurs: - Duhamel J F.
Spécialité: Néonatologie
Theme: Diarrhèes aïgues du nourrisson

Traitement médicamenteux des diarrhées aiguës de l’enfant

 CHU de CAEN - Service de Pédiatrie A - 14000 CAEN

JF. DUHAMEL, M. LAURANS, S. DAUGER, A. ARION, G. de SCHREVEL *.

 

Les diarrhées aiguës restent en Pédiatrie, à l’aube du XXIème siècle, l’une des affections pédiatriques les plus fréquentes - environ un milliard de cas par an chez des enfants de moins de cinq ans sur notre planète.

Si en Europe de l’Ouest ou aux Etats-Unis, son pronostic est en règle excellent, dans les pays en voie de développement, les complications et les décès restent fréquents (3 à 5 millions/an) justifiant pleinement, les recommandations en terme d’hygiène, de prise en charge hydroélectrolytique et nutritionelle et les recherches thérapeutiques de ces dernières années.

En France, les agents responsables de diarrhée aiguë sont le plus souvent viraux, dominés par les rotavirus qui représentent 60 à 80 % du total . Les étiologies bactériennes ne dépasseraient pas 5 à 10 % (1) ; c’est dire que les antibiotiques ont, ou devraient avoir, une place limitée et que la prescription des autres préparations médicamenteuses, très larges en pratique libérale, demande pour une utilisation rationnelle une réflexion quant au mécanisme physio-pathologique de la diarrhée. Ceci concerne les ferments lactiques, les inhibiteurs de la motricité intestinale, les agents anti-sécrétoires, la cholestyramine ou les silicates (2).

QUELLE EST LA PLACE DE L’ANTIBIOTHERAPIE ?

Cette question doit être corrélée aux résultats des travaux concernant l’étiologie des diarrhées aiguës observées dans notre pays.

L’antibiothérapie ne peut être justifiée que dans les situations de diarrhées aiguës en rapport avec des bactéries invasives soit 5 à 10 % des cas voire à une giardiase  ; pour les autres étiologies, diarrhées liées à la libération d’entérotoxines, ou diarrhées virales, l’utilisation d’une antibiothérapie n’a aucune justification ; elle pourrait même favoriser le développement de résistances plasmidiques et accroitre, pour les salmonelloses, les risques de rechutes. Les difficultés viennent souvent de l’incertitude devant laquelle se trouve souvent le praticien, quant à l’origine de la diarrhée aiguë ; les arguments cliniques sont utiles : selles glairo-sanglantes, fièvre élevée, signes extra-digestifs, état nutritionnel, âge ; le contexte épidémiologique est important : existence de cas identiques à la crèche, à l’école ou dans des communautés telles que les colonies de vacances. Les coprocultures peuvent bien sûr apporter des renseignements mais certains germes sont difficiles à mettre en évidence comme les Yersinia, les campylobacters ou certaines shigelles présents à faible concentration ; leur résultat est souvent tardif et leur coût élevé. C’est dire que leur prescription doit être réfléchie et que leur interprétation et les décisions thérapeutiques qui vont se discuter, méritent toujours réflexion aussi bien pour l’enfant que pour son environnement scolaire ou familial. Ceci intéresse en particulier le portage chronique de salmonelles (3, 4).

En règle, la décision dans notre pays du traitement antibiotique d’une diarrhée aiguë se limite à quelques situations et à quelques étiologies.

Les indications universellement reconnues sont le choléra, la typhoïde et les shigelloses. On y ajoute en Pédiatrie les formes graves de salmonelloses et peut-être les giardiases aiguës (5).

 

 

  • pour les salmonelloses

Le traitement par antibiotique de la fièvre typhoïde ou des salmonelloses à para-typhi A, B, C est systématique. On peut y ajouter celui des diarrhées aiguës glairo-sanglantes à coproculture et hémoculture positives (3). Pour les autres cas, on sait l’inefficacité fréquente des antibiotiques et la survenue fréquente des guérisons spontanées : un âge inférieur à 6 mois et une malnutrition doivent nuancer cette position. Les antibiotiques choisis dépendent du tableau observé : le Cotrimoxazole est proposé pour certains, les bêta-lactamines malgré leur faible pénétration intra-cellulaire et, en cas d’échec et malgré leur absence d’autorisation en pédiatrie, les fluoroquinolones peuvent être proposées.

  • shigelloses

Il existe un consensus pour proposer un traitement antibiotique en raison de l’efficacité clinique et compte-tenu de la gravité des tableaux observés (5). En première intention, l’ampicilline 100mg/kg/jour ou le cotrimoxazole 50mg/kg/jour doivent être mis en place et ceci pour cinq jours au moins.

  • campylobacter

Le traitement n’est pas systématique sauf chez les immunodéprimés et dans les formes sévères. Les macrolides 100mg/kg/jour ont alors leur indication.

  • Pour les Yersinia, particulièrement les souches de Yersinia Enterocolitica, le cotrimoxazole peut être proposé même s’il ne raccourcit pas la durée de la diarrhée.

  • Dans le choléra, exceptionnel en France, l’activité de l’antibiothérapie est limitée ; la prescription d’acide nalidixique ou d’une fluoroquinolone a un intérêt plus collectif qu’individuel.

  • Les giardiases aiguës enfin sont traitées par le métronidazole, 15 à 20 mg/kg/jour pendant 5 jours.

Les ferments lactiques et levures avaient jusqu’à ces dernières années une efficacité thérapeutique non démontrée (1). Depuis 1991, plusieurs études internationales versus placebo ont apporté des informations intéressantes (6, 7). ISOLAURI chez des nourrissons de 4 à 45 mois en bon état nutritionnel a observé que le groupe recevant Lactobacillus Casei GG sous forme de produit laiter fermenté a une évolution de sa diarrhée plus courte que celui recevant du placebo (6). En 1994, BOULLOCHE et al concluent que l’adjonction d’une préparation à base de Lactobacillus acidophilus tués souche LB (Lactéol ® ) au traitement d’une diarrhée aiguë chez des enfants de 1 à 48 mois avec perte de poids supérieure ou égale à 5 % accélère le retour à des selles normales par rapport au groupe placebo et raccourcit la durée de l’hospitalisation (7).

En 1997, COCONNIER et al confirment in vitro l’activité antibactérienne de Lactobacillus acidophilus souche SB dans les infections à germe gram positif ou négafif -comme des salmonelles, shigelles ou staphylocoques (8). Leur mécanisme d’action associe, selon ces auteurs, une réduction de l’adhésion des bactéries invasives aux entérocytes et la sécrétion d’une substance à activité antimicrobienne (8). Saccharomyces Boulardi (SB) a une action démontrée dans les diarrhées de l’antibiothérapie, les colites pseudo-membraneuses ; son bénéfice et son innocuité dans la diarrhée aiguë imposent des travaux complémentaires (2).

Les médications du groupe des opaciés

Leur efficacité sur le symptôme diarrhée est connue depuis des siècles. Leur mécanisme a été discuté : réduction de la vitesse du transit ou action directe sur les entérocytes, sur les échanges d’eau et d’électrolytes en particulier. Le Loperamide ® , qui appartient à cette famille, a été très largement utilisé chez les enfants comme chez les adultes ; son efficacité a été démontrée versus placebo chez le nourrisson dans des diarrhées bactériennes et graves (9, 10). Actuellement, l’autorisation de prescription est limitée pour la forme en gouttes aux enfants de plus de 2 ans (0,3mg/kg/jour), pour la forme en gélules à ceux de plus de 8 ans. Elle a été recommandée et utilisée à des posologies beaucoup plus fortes il y a une dizaine d’années ; cette restriction récente de prescription est consécutive aux risques chez le jeune nourrisson de distension abdominale voire rarement d’iléus par ralentissement du transit colique et a de rares effets centraux pour des doses importantes.

 

On peut cependant rappeler que J. NAVARRO et al avaient administré 0,5 mg/kg de Loperamide à 14 nourrissons de 1 à 36 mois atteints de diarrhée sévère et prolongée, que 9 ont été améliorés et qu’il n’y a eu de développement anormal de la flore bactérienne intestinale (11).

Les médicaments à action anti-sécrétoire

Nous avons déjà souligné les propriétés anti-sécrétoires du Lopéramide et la restriction récente de sa prescription chez le nourrisson.

Dans la même période, a été développé un inhibiteur de l’enképhalinase dont l’action est uniquement anti-sécrétoire et qui est commercialisé pour l’adulte sous le nom de Tiorfan ® .

Nous avons récemment participé à une étude multicentrique à double insu versus placebo qui a permis de confirmer l’efficacité et la bonne tolérance du produit chez de jeunes nourrissons (12).

Les autres substances à action antisécrétoire telles la somatostatine, les corticoïdes , les AINS ou les antagonistes calciques n’ont pas leur place dans le traitement des diarrhées aiguës.

Les agents intraluminaux, non absorbés

Ils ont été et sont encore largement utilisés en pratique libérale. Le Bismuth est maintenant interdit en France à la suite de rares encéphalites rapportées avec le sous-nitrate de Bismuth. Certains auteurs étrangers recommandent encore le salicylate basique de Bismuth chez les enfants de plus de 3 ans et pour des formes modérées de diarrhée aiguë (13).

Les silicates, actapulgite ® , diosmectite ® bien que déconseillés par l’OMS, méritent quelques commentaires. Les auteurs constatent unanimement que leur prescription réduit le nombre des selles et la durée de la diarrhée et que, par contre, ils ne réduisent pas la perte hydro-électrolytique induite par l’agent infectieux (2). En complèment, on peut observer dans l’étude de MADKOUR effectuée chez 90 nourrissons de 3 à 24 mois, que le poids de selles reste égal dans le groupe diosmectite (1,5g x 4/jour) et dans le groupe placebo (14). Les auteurs insistent sur le rôle protecteur de la diosmectite au niveau de la muqueuse intestinale. Leur bonne tolérance explique que bien que leur action soit uniquement symptomatique, leur prescription reste large en pratique libérale car elle améliore le confort des enfants. Par contre, la colestyramine ® , proposée par certains en raison de son pouvoir absorbant et de chélation des sels biliaires, n’a pas d’indication dans les diarrhées aiguës ; la seule exception est celle du groupe très limité des diarrhées à Clostridium difficiles.

CONCLUSION :

Les diarrhées aiguës occupent journellement les pédiatres. Les objectifs essentiels de leur traitement, rétablissement ou contrôle des compartiments liquidiens et de leur composition et prévention de la dénutrition, reposent avant tout sur des mesures diététiques. La place du traitement médicamenteux est limitée surtout chez le nourrisson ; ils doivent être utilisés avec discernement en respectant les contre-indications. Pour l’avenir, les études récentes concernant Lactobacillus acidophilus et l’acétorphan font envisager des perspectives très intéressantes. Pour la période actuelle et particulièrement pour les jeunes nourrissons, il faut rappeler la place des mesures préventives : l’allaitement maternel et le respect des règles d’hygiène sont

particulièrement importants chez le nouveau-né et le nourrisson de moins de trois mois.

 

 

 

B I B L I O G R A P H I E

 

1 - GHISOLFI J.

Diarrhées aiguës et diarrhées graves prolongées.

In : Navarro J, Schmitz J, eds. Gastroentérologie Pédiatrique. 1 st ed. Paris : Flammarion Médecine-Sciences 1986 : 189-96.

2 - CEZARD JP.

Traitement médicamenteux des diarrhées aiguës de l’enfant : quelles nouveautés ?

In : Journées Parisiennes de Pédiatrie. Paris : Flammarion Médecine Sciences 1997 : 265-9.

3 - GENDREL D.

Traitement des diarrhées infectieuses.

M T Pediatr 1998 ; 1 : 43-8.

4 -KEUSCH GT.

Ecological control of the bacterial diarrheas : a scientific strategy.

Am J Clin Nutr 1978 ; 31 : 2208-18.

5 - ASHENAZI S, CLEARY TG.

Antibiotic treatment of bacterial gastroenteritis.

Pediatr Infect Dis 1991 ; 10 : 140-8.

6 - ISOLAURI E, JUNTUNEN M, RAUTANEN T, SILLANAUKEE P,

KOIVULA T.

A human lactobacillus strain (Lactobacillus casei sp strain GG) promotes recovery from acute diarrhea in children.

Pediatrics 1991 ; 88 : 90-7.

7 - BOULLOCHE J, MOUTERDE O, MALLET E.

Traitement des diarrhées aiguës chez le nourrisson et le jeune enfant.

Etude contrôlée de l’activité antidiarrhéique de L acidophilus tués (souche LB)

contre un placebo et un médicament de référence (Loperamide).

Ann Pédiatr 1994 ; 41 : 1-7.

8 -COCONNIER MH, LIEVIN V, BERNET-CAMARD MF, HUDAULT S, SERVIN AL.

Antibacterial effect of the adhering human Lactobacillus acidophilus strain LB.

Antimicrob Agents Chemother 1997 ; 41 : 1046-52.

9MOTALA C, HILL JD, MANN MD, BOWIE MD.

Effect of loperamide on stool output and duration of acute infections diarrhea in infants.

J Pediatr 1990 ; 117 : 467-71.

10 - SANDHU BK, TRIPP JH, MILLA PJ, HARRIES JT.

Loperamide in severe protracted diarrhoea.

Arch Dis Child 1983 ; 58 : 39-43.

11 - LAMBERT-ZECHOVSKY N, BINGEN E, CEZARD JP, MASHAKO L, MARINIER E, NAVARRO J.

Effet du loperamide sur la flore fécale de l’enfant au cours des diarrhées graves sévères.

Pathol Biol 1987 ; 35 : 656-60.

12 - CEZARD JP, DUHAMEL JF , MEYER M et al.

Efficacy and tolerance of acetorphan in infant acute diarrhea. A multicentric double blind study.

Gastroenterology 1996 ; 110 : A795.

13 - DUPONT HL.

Bismuth sub salicylate in the treatment and prevention of diarrheal disease.

Drug Intell Clin Pharm 1987 ; 21 : 687-93.

14 -MADKOUR AA, MADINA EMH, EL-AZZOUNI OEZ et al.

La diosmectite dans le traitement de la diarrhée aiguë chez l’enfant : essai contrôlé en double insu contre placebo.

J Pediatr Gastroenterol Nutr 1993 ; 17 : 176-81.