ALIMENTATION DU NOURRISSON ET DIARRHÉE AIGUË
JP OLIVES - Gastroentérologie et Nutrition - Hôpital
des Enfants
CHU PURPAN - BP 3119
31026 TOULOUSE Cedex 3
L’incidence annuelle des diarrhées aiguës infantiles dans les pays
industrialisés est estimée actuellement entre 1,3 à 2,3 épisodes par enfant, les chiffres étant
plus élevés chez les enfants séjournant en collectivité. Aux Etats-Unis, plus de 200 000 enfants
sont hospitalisés chaque année pour diarrhée aiguë, ce qui représente environ 900 000 journées
d’hospitalisation (1). Les enquêtes publiées récemment montrent que les recommandations thérapeutiques
et/ou diététiques largement diffusées concernant l’utilisation des solutions de réhydratation
orale (SRO) et les indications très limités des médicaments sont peu suivies (2-9). De nombreuses
études confirment que les diarrhées aiguës dans les pays favorisés sur le plan économique sont
peu sévères et évoluent favorablement de manière spontanée (1,10-14). La poursuite de
protocoles thérapeutiques surannés conduisant à la prescription de nombreux médicaments et/ou à
l’indication d’hospitalisation inutiles ont un coût considérable en terme de santé publique
(9,15,16).
Toute diarrhée aiguë peut être à l’origine de troubles de la
digestion et de l’absorption de certains nutriments. Des lésions épithéliales et une atrophie
villositaire modérée ont surtout été démontrées au cours des infections à rotavirus (11).
Elles sont à l’origine d’une diminution des activités
disaccharidasiques. Les troubles de la motricité intestinale peuvent également diminuer les
capacités d’absorption des hydrates de carbone. La survenue d’un déficit en lactase et d’une
intolérance secondaire en lactose ont pendant longtemps été considérés comme des complications
fréquentes des diarrhées aiguës et ont été à l’origine de la mise en uvre de régimes spéciaux
ou de protocoles de réintroduction très progressive
du lait. Si le déficit en lactose secondaire à l’atrophie villositaire qui accompagne la
malnutrition reste une complication fréquente et redoutable dans les pays pauvres chez un enfant
qui va présenter en plus une diarrhée aiguë, l’intolérance au lactose au cours des diarrhées
aiguës habituellement rencontrée dans les pays développés est devenue exceptionnelle, la
diminution nette de cette complication avait déjà été rapportée en 1987 (10) ; actuellement la fréquence de l’intolérance au lactose au
cours des diarrhées aiguës peut être estimée comme inférieure à 1 % des cas (16). L’étude
par méta-analyse des différentes études publiées depuis une quinzaine d’années concernant la
tolérance au lactose au cours des protocoles de réalimentation des diarrhées aiguës du
nourrisson montrent qu’à partir de 1985, il n’y a pas de différence entre les groupes
d’enfants recevant du lactose et ceux chez qui il est exclu (ou réintroduit progressivement),
pour ce qui concerne la durée du syndrome diarrhéique et le nombre d’échecs ou de rechutes
(18).
Au contraire, les quantités de lait ingérées et la prise de poids sont
supérieures chez les enfants recevant du lactose (18,19). Une étude récente (20) menée sous l’égide
de la Société Européenne (ESPGHAN) chez 230 enfants dans 12 centres hospitaliers en Europe
confirme ces données et conduit cette Société à ne plus recommander l’utilisation des laits
sans lactose et à préconiser une renutrition très précoce au cours de tout épisode de diarrhée
aiguë.
Une autre complication a également conduit la prescription de régime spéciaux
plus particulièrement chez le jeune nourrisson : il s’agit du risque de sensibilisation aux
protéines du lait de vache. Cette entité a été un temps dénommée « syndrome post-entéritique »
et semblait plus spécifiquement liée à l’infection à rotavirus (21).
En fait cette complication paraît peu fréquente et fait discuter
l’utilisation systématique d’hydrolysats de protéines, en des formules partiellement hydrolysées
chez les nourrissons de moins de 4 mois présentant un épisode diarrhéique. Seule une évolution
supérieure à une semaine justifie, chez les très jeunes enfants, l’utilisation de formules
extensivement hydrolysées (14,19,22).
La nécessité d’une alimentation précoce, voire très précoce 4 heures
après le début de la réhydratation (16,19,20), n’est plus à discuter. L’alimentation précoce
maintient ou améliore l’état nutritionnel sans aggraver le syndrome diarrhéique (9,18). La
prise en charge de l’enfant diarrhéique doit se fonder plus sur la surveillance de la courbe de
poids que sur l’aspect de selles (19). C’est déjà au milieu du 20ème siècle que
quelques auteurs avaient montré la supériorité d’une alimentation normale par rapport à la réintroduction
progressive des aliments (23). Les conclusions des études
récentes (18,20) et les recommandations actuelles peuvent être résumées de la façon suivante.
- pour les enfants atteints de diarrhée aiguë modérée ou bénigne en
Europe, une réintroduction rapide de l’alimentation avec le lait habituel de l’enfant, non dilué,
doit être proposée dès la 3ème ou 4ème heure de la réhydratation avec
SRO, tout en poursuivant celle-ci. Si l’enfant est nourri au sein, l’allaitement maternel sera
maintenu pendant toute la durée de l’épisode diarrhéique.
- il n’y a pas plus de complications et de rechutes chez les enfants avec
déshydratation modérée ou absente qui reçoivent immédiatement un lait non dilué que chez eux
à qui une réintroduction progressive est proposée (18,24).
- l’utilisation de formules sans lactose n’est pas justifiée lorsque
l’enfant a reçu dans un premier temps une SRO et qu’il est par ailleurs nourri avec des
aliments solides (18).
Lorsque l’enfant reçoit une alimentation diversifiée celle-ci peut être
poursuivie normalement durant l’épisode diarrhéique, cependant certains aliments semblent améliorer
le confort en ralentissant le transit et en augmentant la consistance des selles c’est le cas du
riz, de la carotte, de la banane, de la pomme ou du coing (19).
Dans un certain nombre de cas, rares dans notre pays, la reprise de
l’alimentation habituelle et impossible, soit parce qu’un syndrome diarrhéique important
persiste, soit parce que la diarrhée rechute lors de la réintroduction des aliments en particulier
lactés. Ces diarrhées à rechutes ou prolongées s’observent particulièrement chez l’enfant
de moins de six mois, lorsqu’existe un état de malnutrition ou après une infection à rotavirus.
Ces situations doivent conduire à moduler l’apport alimentaire ou supprimer dans un premier temps
les apports lactés et le gluten et à utiliser des aliment naturels solides en proportion équilibrée.
En cas d’échec, l’attitude diététique sera plus prudente et ce
d’autant que l’enfant à moins de 3 mois, que la diarrhée reste grave et qu’il existe un état
de malnutrition.
Dans ce cas, il est préférable d’éliminer les protéines antigéniques
et l’alimentation polymérique et de proposer une diète
semi élémentaire équilibrée sous la forme d’un hydrolysat de protéines (14,22,25).
Exceptionnellement la persistance et la gravité de ce syndrome, malgré
l’utilisation d’une nutrition entérale à débit continu, conduisent à l’indication d’une
nutrition parentérale et à la recherche de facteurs favorisants de diarrhée grave prolongée.
19 - Références bibliographiques
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