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Titre: La pédiatrie : une mutation nécessaire
Année: 2000
Auteurs: - Laugier J.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Leçon inaugurale 2000

LA PÉDIATRIE : UNE MUTATION NÉCESSAIRE

J. LAUGIER

Depuis quelques vingt ans, les pédiatres s’interrogent sur l’avenir de leur spécialité. D’abord inquiets, ils sont devenus, pour nombre d’entre eux, désenchantés voire fatalistes. Quelques propositions peuvent être faites pour que les pédiatres conservent (ou retrouvent) l’optimisme qui sied à une spécialité aussi belle.

Tout d’abord nombre de mutations mal contrôlées ou prévenues sont survenues au fil des ans et n’ont pas été prises en compte. La première est la conséquence de modifications importantes de la pathologie : les maladies infectieuses, et affections carentielles ont disparu, ou tout au moins diminué en nombre. D’autres affections ont vu par contre leur fréquence et leur gravité augmenter : ce sont en particulier les affections allergiques et dermatologiques, les troubles du comportement du nourrisson et de l’enfant, les pathologies de l’adolescent, les problèmes nutritionnels (obésité). Par ailleurs le pédiatre est devenu co-responsable des décisions concernant le foetus et a en charge le nouveau-né en ville comme à l’hôpital. Si nos collègues libéraux sont confrontés dès leur installation à ces nouvelles demandes pédiatriques, il n’est pas sûr que les enseignants enfermés dans l’hôpital et leur surspécialisation aient su apprécier à temps ces besoins et en enseigner suffisamment la prise en charge.

S’y ajoute un transfert d’activité des soins. Les médecins généralistes, mieux formés qu’antérieurement au traitement des affections courantes, prennent volontiers la place des pédiatres (1/4 seulement des actes pédiatriques sont exercés par des pédiatres), transfert d’autant plus facile que les pédiatres n’ont jamais su ou pu se présenter comme généralistes de l’enfant ou comme consultants.

Autre constatation, le profil du pédiatre s’est considérablement modifié: il n’est pas nécessaire d’insister sur la féminisation (80 % des pédiatres de moins de 35 ans sont des femmes), et sur le fait que nos collègues femmes ne peuvent assurer le même temps de travail que leurs collègues masculins pour des raisons familiales évidentes.

Quel que soit le sexe, les revendications des médecins (et il ne s’agit pas que des pédiatres) sont celles de la population en générale : récupération, repos de sécurité, week end, et peut être bientôt les 35 heures font maintenant partie du vocabulaire médical. Ces exigences de temps libre (après tout normales) rendent encore plus sensibles le déficit en nombre de pédiatres.

Enfin, alors que la démographie pédiatrique montre que le nombre de pédiatres va en diminuant, les charges augmentent :

* exigence des parents pour lesquels l’enfant plus rare est précieux doit être performant, gratifiant, guéri « instantanément »

* création de surspécialités pédiatriques (dont la néonatologie)

* exigence de permanence de soins sous forme de gardes hospitalières (auxquelles participent heureusement les pédiatres libéraux). Pour des raison de sécurité, les pouvoirs publics ont souhaité la séniorisation des urgences hospitalières, et la présence permanente d’un pédiatre qualifié dans les grandes maternités. La Pédiatrie est ainsi la seule spécialité assurant 4 gardes par jour dans tous les grands hôpitaux. Cette perspective, et cette pénibilité ne sont pas forcément attirantes pour une jeune femme.

Modifications des besoins de santé de l’enfant, rôle croissant des généralistes, pénibilité particulière de la spécialité vont-ils conduire à la disparition à terme de la pédiatrie libérale comme le suggérerait une conclusion simpliste ? On aboutirait alors à un système dit « à l’anglaise » dans lequel des généralistes assureraient les besoins de l’enfant en ville, besoins ramenés aux seuls soins primaires, tandis que des spécialistes uniquement hospitaliers traiteraient des problèmes de surspécialité.

Ce serait une erreur lourde. A côté de surspécialistes (peu nombreux, et dans leur grande majorité hospitaliers pour des raisons de plateau technique) le pédiatre, responsable de l’être en développement qu’est l’enfant, a un rôle primordial. Suivre un enfant, cela signifie une continuité dans le suivi, une comparaison des examens successifs, apprécier l’aptitude de l’enfant aux situations que notre société lui impose (nourrice, crèche, école, garderie), savoir détecter les causes d’échecs scolaires, d’intégration familiale ou sociale, savoir dépister les troubles sensoriels, les troubles de l’apprentissage où il faut faire la part des déficits cognitifs, des troubles psychiques, des conditions familiales (famille éclatée, recomposée, monoparentale, enfant immigré étranger dans la société et sa propre famille). Prendre en compte ses préoccupations, son milieu de vie, comprendre l’inadéquation possible entre l’enfant et l’environnement, au total permettre à l’enfant de s’épanouir dans son environnement.

Qui peut répondre à ces exigences si ce n’est un médecin formé spécifiquement, c’est à dire un pédiatre qui aura la charge de l’enfant, certes lors de ce qu’on a appelé les âges clefs mais tout au long du développement ?.

Mais revendiquer cette fonction de soins entraîne des obligations de mutation, d’évolution. Pour être compétitif, le pédiatre doit intégrer toutes ces modifications dans sa formation, après que les besoins actuels du nourrisson, de l’enfant et de l’adolescent aient été étudiés. Les pédiatres libéraux en ont pris conscience les premiers et ont mis en place une formation médicale continue pour combler les déficits de la formation initiale.

En fait, cette dernière doit évoluer et se restructurer en privilégiant d’autres saxes que ceux de maladies passionnantes par leur intérêt scientifique, mais rares, voire exceptionnelles. C’est ainsi que pourraient être enseignés le repérage et soutien des difficultés des liens parentaux en néonatologie, le dépistage précoce des handicaps, le développement psychomoteur et sa pathologie, le dépistage des troubles sensoriels, la pathologie ORL, dermatologique et orthopédique courante, la nutrition de terrain. Il faut souligner dans ce nouveau « programme » la part essentielle que représentent la neurobiologie du développement, la neuropsychologie, l’approche médicosociale de l’enfant, avec étude des structures contribuant à la protection de l’enfant, et la prise en charge de ses handicaps.

Au total former un pédiatre disponible à l’enfant et aux parents, capable de repérer toute défaillance et proposer le soutien le plus adapté.

Cette nouvelle formation ne veut pas « saucissonner » l’enfant mais le prendre en charge dans la totalité de sa personnalité. Il s’agit donc de consultations longues car faites d’écoute, de dialogue et de conseils. Les pouvoirs publics et l’assurance maladie devraient savoir rémunérer autrement cette consultation. Qu’il ne soit pas opposé les dépenses de santé. Même si le calcul en est difficile, chacun sait que la prévention coûte cher mais est « rentable ». Pensons au prix de toutes les conduites d’opposition et du goût des risques extrêmes de l’adolescent et à leur prix. Un diagnostic précoce permet de développer des conduites de prévention, et de rééducation d’autant plus efficaces que précoces.

Les modalités de travail du pédiatre doivent pouvoir se modifier : ainsi, l’encombrement des urgences hospitalières, particulièrement le soir et les week end, est peut être en partie une conséquence de fermetures des consultations hospitalières, de P.M.I. et des cabinets libéraux trop précoces pour des mères qui travaillent et rentrent tard dans leur foyer. Ces modalités devront tenir compte des horaires de travail des femmes. Le Pédiatre doit être disponible et organiser une présence permanente (cabinet de groupe, modification d’horaires de consultation, gardes et astreintes plus institutionnalisées que les quelques expériences locales).

Il faut souligner à ce propos combien est regrettable la quasi absence de pédiatres dans ce qui est appelé médecine communautaire, P.M.I., médecine scolaire. Le repérage de facteurs de risque, l’organisation de mesures de soutien précoce sont des préoccupations prioritaires de ces services spécialisés dans la prévention et la promotion de la santé, en direction des familles les plus en difficulté. Cette médecine médico-sociale doit être réinvestie par les pédiatres qui ont abandonné tout ce pan de la pédiatrie.

L’exercice de cette médecine n’est pas attractif tant par les salaires que par le décalage entre la formation et les savoirs utiles à ce type de pratique. Là encore la responsabilité de l’échec est double : enseignants pour la formation, pouvoirs publics pour l’attractivité financière.

Lorsque la pénurie s’installe, seuls l’entente et le partage des tâches permettent de faire face à la situation. Un premier exemple de la coopération nécessaire entre pédiatres d’exercice différent est celui des gardes seniors aux urgences hospitalières, coopération où chacun trouve son intérêt, mais d’autres actions de réseau doivent être mises en place avec une réelle coopération, transmission de données et de savoir entre le surspécialiste et le pédiatre (généraliste) libéral. C’est à ce dernier que revient de suivre au quotidien l’enfant dans sa globalité alors que le surspécialiste apportera son aide spécifique au traitement de la maladie aiguë ou chronique.

Faut-il être pessimiste ?. Là encore sûrement pas, et il faut faire confiance aux facultés d’adaptation. Les pouvoirs publics, prenant conscience que la pédiatrie était une spécialité sinistrée, ont créé une « filière » pédiatrie et augmentent le nombre des internes de pédiatrie. Des réseaux de soins et de gardes se sont créés et se créent. La formation continue est vivante.

Peut être faut-il seulement souhaiter une accélération de toutes les mutations pour éviter malaises, accusations, divisions et oppositions avec d’autres catégories de médecins.