Progestatifs
et pathologie cardiovasculaire
C.Jamin
Paris
L'augmentation
du risque cardiovasculaire après 50 ans est très probablement
en rapport en partie avec la carence hormonale. Ce risque relève de deux
composantes, l'une aigüe par thrombose, l'autre chronique par athérome.
L'administration d'une hormonothérapie substitutive (THS) peut donc avoir
dans ce domaine deux objectifs :
- prévenir
l'apparition de la plaque d'athérome (prévention primaire)
- prévenir
l'apparition d'accident aigü chez une femme ayant déjà
un athérome ou ayant déjà fait un accident (prévention
secondaire).
L'effet
protecteur d'une substitution par les estrogènes est encore discuté
(73, 74) et probablement surestimé par des biais dans des études
épidémiologiques non randomisées ; par ailleurs, il existe
des études spécifiques randomisées uniquement dans la population
"à risque" en prévention secondaire.
Nous
ne reprendrons pas ici ce débat mais nous focaliserons sur l'influence
de l'adjonction d'un progestatif sur l'effet des estrogènes.
Pour évaluer cette question il faut tenir compte, outre des problèmes
méthodologiques communs à ceux observés sous estrogènes
seuls, de ceux liés à l'hétérogénéité
des types de progestatifs, de leur dose, et de leur durée d'administration.
Le problème d'un éventuel effet délétère
des progestatifs sur le bénéfice cardiovasculaire apporté
par les estrogènes est actuellement le frein majeur outre-Atlantique
à l'utilisation des progestatifs dans le THS. La majorité des
études épidémiologiques portant sur l'effet du THS sur
le risque cardiovasculaire vient des Etats-Unis et seules quelques études
y ont mesuré l'effet des progestatifs. Les résultats de ces études
ne sont pas différents de ceux observés lors de l'utilisation
d'estrogènes seuls ou d'estro- progestatifs , avec un risque relatif
cardio-vasculaire à environ 0,5 à 0,8.
Dans une étude prospective, FALKEBORN M. et coll. (19) mettent en évidence
une réduction de 50 % du risque d'infarctus du myocarde chez des femmes
traitées par l'association séquentielle oestradiol et de lévonorgestrel,
alors que les femmes ne prenant que de oestradiol ne voient leur risque diminuer
que de 25% seulement.
Dans une étude cas-contrôle portant sur le risque d'infarctus du
myocarde PSATY B.M. et coll. (69) comparant non utilisatrices, utilisatrices
d'estrogènes seuls et utilisatrices d'estro-progestatifs trouvent un
risque d'infarctus du myocarde diminué identiquement de 30 % dans les
deux groupes traités.
Récemment les résultats de la Nurses' Health Study ont apporté
des précisions sur l'effet de l'association estro-progestative sur le
risque cardio-vasculaire (26). Cette étude prospective d'une durée
de 16 ans, qui a permis d'observer 60.000 femmes ayant 30 à 55 ans au
début de l'étude, met en évidence un risque relatif de
coronaropathie sous estrogènes seuls de 0,60 (95 % IC, 0.43-0.83) alors
qu'il est de 0,39 (95 % IC, 0.19-0.78) sous traitement associant estrogènes
et progestatifs. Le risque d'accident vasculaire cérébral n'est
pas significativement modifié par l'utilisation d'estrogènes seuls
ou associés aux progestatifs.
Plusieurs études cliniques ( et non épidémiologiques) récentes
ont évalué l'influence du THS en prévention secondaire.
Les objectifs de ces études réalisées chez des femmes déjà
porteuses d'un athérome étaient d'évaluer soit la survenue
d'un nouvel accident, soit la mortalité coronarienne, soit l'évolution
de la plaque d'athérome. Toutes ces études ont été
réalisées avec des estrogènes conjugués équins
par voie orale et le plus souvent associées à un progestatif.
Toutes ces études sont négatives, aucune d'entre elles ne montre
d'amélioration du pronostic chez les femmes prenant un THS comparativement
à celles prenant un placebo. Il a même été constaté
une augmentation du risque les deux premières années de traitement.
Dans ces études, bien que le rôle négatif du progestatif
(MPA) ait été envisagé (29,30) , rien ne permet d'affirmer
l'innocuité de oestrogénothérapie orale.
- EFFETS DE DIFFERENTS PROGESTATIFS SUR LES
MARQUEURS DU RISQUE CARDIO-VASCULAIRE
L'étude
des marqueurs du risque cardiovasculaire ne peut se limiter au qualificatif
"progestatif" trop souvent utilisé dans les publications anglo-saxonnes.
Nous envisagerons donc tour à tour les effets connus des différents
progestatifs disponibles.
A - Effet sur les lipides et les lipoprotéines circulants
La
ménopause s'accompagne d'une élévation du cholestérol
total et du LDL cholestérol. Les modifications du HDL cholestérol,
des triglycérides et des VLDL sont minimes (75). L'élévation
de la Lp (a) est liée, de façon conjointe, à l'âge
et à la carence oestrogénique
oestrogénothérapie substitutive entraîne une baisse du cholestérol
total et du LDL cholestérol, d'instauration rapide avec les estrogènes
administrés par voie orale , plus lente par voie cutanée, aux
doses moyennes utilisées en thérapeutique (18).
Seuls les estrogènes administrés par voie orale élèvent
de manière substantielle le HDL cholestérol et les triglycérides
(54). Tous les estrogènes abaissent la Lp (a) (20).
L'effet
de l'adjonction de nombreux progestatifs à des doses variées et
suivant différentes durées d'administration a fait l'objet d'innombrables
publications. Les résultats en sont homogènes. Aux doses utilisées
dans le traitement hormonal substitutif de la ménopause :
-les progestatifs quels qu'ils soient ne modifient pas l'effet des estrogènes
sur la baisse du LDL cholestérol (4),
-les progestatifs androgéniques et notamment les dérivés
19-nortestostérone s'opposent à l'élévation du HDL
cholestérol induite par les estrogènes oraux et entraînent
une baisse du HDL cholestérol lors de l'utilisation d'estrogènes
par voie cutanée (83).
-Les autres progestatifs ont des effets variables sur le HDL cholestérol
: la progestérone (78), la dydrogestérone (50), le chlormadinone
acétate (62), la promégestone (79), le nomégestrol acétate
(16), n'ont pas d'effet sur le HDL cholestérol. Le cyprotérone
acétate (72) et la médrogestone (42) abaissent parfois légèrement
l'élévation du HDL cholestérol induite par les estrogènes
; il en est de même, avec un effet plus marqué, avec le médroxyprogestérone
acétate (78)
.
Pour ce qui est des triglycérides, les progestatifs dérivés
de la 19-nortestostérone et dans une moindre mesure le médroxyprogestérone
acétate, associés aux estrogènes oraux ou cutanés,
entraînent une diminution de leur taux. Les autres progestatifs : progestérone
(78), dydrogestérone (50), chlormadinone acétate (62), médrogestone
(42), promégestone (79), nomégestrol acétate (32) cyprotérone
acétate (75), n'ont pas ou très peu d'effets sur les triglycérides.
Enfin,
les progestatifs dérivés de la 19-nortestostérone accentuent
la baisse des taux de Lp (a) observée sous estrogènes (20). Le
médroxyprogestérone acétate est sans effet (35). Le nomégestrol
acétate ne modifie pas l'action bénéfique des estrogènes
sur ce marqueur (32).
B
- Effets sur l'athérome
Progestatifs
et surface de la plaque d'athérome
L'effet
de la substitution hormonale sur les plaques d'athérome est actuellement
observé grâce au modèle de Clarkson : il s'agit de comparer
la surface des plaques d'athérome chez des guenons castrées soumises
à des régimes hyperlipidiques selon qu'elles reçoivent
ou non un traitement hormonal.
La substitution oestrogénique entraîne une diminution importante
de la surface des plaques d'athérome chez les guenons traitées
comparée à celles qui ne le sont pas (- 72 % de surface de plaque).
Il est important de noter que cet effet des estrogènes est indépendant
des modifications des lipides circulants, il peut donc être dû en
partie à un effet direct des estrogènes sur les parois artérielles
(81).
Dans ce modèle, l'adjonction aux estrogènes de faibles doses de
médroxyprogestérone acétate (équivalent à
2,5 mg par jour chez la femme) (1), comme l'administration isolée de
médroxyprogestérone acétate en continu (1) ne reproduisent
pas le bénéfice observé avec les estrogènes seuls.
Cette perte de bénéfice de l'administration conjointe de médroxyprogestérone
acétate et d'estrogènes conjugués équins n'est pas
expliquée par les modifications des lipides circulants.
Dans une autre étude utilisant toujours le même modèle,
l'adjonction de progestérone naturelle par implant n'a pas d'effets délétères
sur l'effet bénéfique des estrogènes. Selon les auteurs,
la baisse de la surface de la plaque d'athérome est pour 25 % liée
à la modification des lipoprotéines plasmatiques et pour les 75
% restants liée à une baisse de l'accumulation des LDL sur les
parois vasculaires par un effet local du traitement (81).
Chez la femme une étude de prévention secondaire n'a malheureusement
pas montré les mêmes résultats bénéfiques.
Chez des femmes porteuses de plaque d'athérome recevant soit un placebo
soit des estrogènes conjugués équins seuls soit ces mêmes
estrogènes associés à du MPA on a étudié
par échographie doppler l'évolution des plaques d'athérome.
Aucune différence d'évolution n'a été mise en évidence
dans les trois groupes. On ne peut donc incriminer la responsabilité
du progestatif dans ce piètre résultat.
Progestatifs
et oxydation des LDL
Parmi
les mécanismes invoqués pour expliquer la diminution de l'athérome
sous estrogènes, figure leur effet anti-oxydant sur les LDL. En effet,
les LDL oxydés non reconnus par leurs récepteurs classiques sont
épurés par les macrophages qui se transforment en cellules chargées
de graisse, première phase de la création d'une plaque d'athérome.
Dans le modèle de singe décrit plus haut, l'effet antioxydant
d'une substitution oestrogénique par voie parentérale a été
mis en évidence (48). Cet effet est toutefois atténué par
l'administration conjointe sous-cutanée de progestérone chez la
guenon (48). D'autres travaux (52) ne montrent aucun effet contrariant du MPA
et de dérivés 19 nortestostérone chez la femme sur la propriété
anti-oxydante des estrogènes.
Progestatifs
et prolifération des cellules musculaires lisses des artères
La prolifération et la migration des cellules musculaires lisses artérielles
sont des protagonistes de la constitution de la plaque d'athérome (64).
Dans un modèle in vitro, il a été montré sur des
cellules musculaires lisses d'origine humaine que les estrogènes peuvent
inhiber ces prolifération et migration. L'addition de progestérone
au milieu ne modifie pas ces effets inhibiteurs (77)
Il semble même que la progestérone ait un effet inhibiteur propre
sur l'inhibition de la prolifération des cellules musculaires lisses
(41,51). Par ailleurs elle n'altère pas l'effet de l'oestradiol sur la
diminution de la migration des cellules musculaires lisses (77).
Effet
sur l'adhésion des monocytes
L'une des premières étapes de l'athérogénèse
est l'adhésion des monocytes au niveau endothélial grâce
à des protéines d'adhésion (VCAM, ICAM, sélectines,
etc). Les estrogènes inhibent la production de ces protéines d'adhésion.
La progestérone et la demegestone ont aussi un effet d'inhibition de
la synthèse de VCAM, le MPA lui n'a pas cet effet. (58). De plus la progestérone
et le MPA ne s'opposent pas à la baisse de sélectine et d'ICAM
induite par l'oestradiol (34, 36).
Effet
sur l'accumulation lipidique dans les macrophages.
Le noyau lipidique des plaques d'athérome est formé de cellules
spumeuses, macrophages " gavés " de LDL à la fois par
synthèse in situ et épuration des LDL oxydés. Les estrogènes
s'opposent à cette accumulation mais la progestérone elle-même
aussi (47).
La synthèse du cholestérol in situ est aussi inhibée par
la progestérone (9).
Progestatifs
et épaisseur de l'intima média
La mesure de l'épaisseur de l'intima média au niveau carotidien
par échographie serait un bon reflet de l'athérosclérose
carotidienne. Ce modèle ne semble pas pour tous adapté à
l'appréciation de l'effet délétère de la carence
hormonale, ni à celle de l'effet bénéfique du traitement
hormonal substitutif. En effet, il n'existe, dans certaines études, aucune
différence significative entre les mesures effectuées chez des
femmes non ménopausées, ménopausées depuis plus
ou moins de 5 ans, ménopausées sous traitement hormonal substitutif,
que le traitement hormonal substitutif comprenne des estrogènes seuls
ou associés à un progestatif (54).
D'autres études cependant montrent une diminution de cette épaisseur
sous estrogènes non contrariée par la progestérone (43).
C
- Effets sur la vasomotricité
Les
estrogènes agiraient sur la vasomotricité directement au niveau
des cellules endothéliales en
augmentant la libération de substances vasodilatatrices telles que l'endothélium-derived
relaxing factor (EDFR) ou monoxyde d'azote (NO) (7) et en inhibant la libération
d'endotheline, puissant vasoconstricteur (86). De plus, les estrogènes
augmenteraient la production de prostacycline (dérivé anti-agrégant
et vasorelaxant) et diminueraient celle du thromboxane (puissant agent agrégant
et vasoconstricteur) (68). L'oestradiol agirait en partie par un effet anti-calcique
(82).
Les effets bénéfiques de loestradiol sur la vasomotricité
artérielle sont aussi mis en évidence par le test à l'acétylcholine
: la perfusion par cathéter intracoronarien d'acétylcholine (vasodilatateur)
entraîne dans les vaisseaux athéroscléreux un effet vasoconstricteur
dit paradoxal qu'un traitement oestrogénique permet de corriger (23).
Au cours d'une épreuve d'effort chez la femme présentant une pathologie
coronarienne, une prise aiguë d'oestradiol retarde l'apparition du sous
décalage du segment ST et en diminue l'importance (70).
Les effets vasodilatateurs de l'oestradiol ont été notamment mis
en évidence au niveau des artères utérines (28), des carotides
(21), des coronaires (22) et de l'aorte (24).
L'influence des progestatifs sur l'effet vasodilatateur des oestrogènes
a donné lieu à de nombreuses études réalisées
in vivo et in vitro. Les effets in vitro doivent être interprétés
avec précaution du fait des interactions multiples entre les différents
mécanismes conduisant à la vasodilatation.
Les androgènes s'opposeraient à l'inhibition de libération
d'endothéline par les vaisseaux mais ceci n'a été démontré
que pour des doses pharmacologiques nettement supérieures à l'effet
androgénique induit par certains progestatifs utilisés dans le
traitement hormonal substitutif de la ménopause (39). Le noréthistérone
acétate diminuerait aussi la libération d'EDRF induite par les
oestrogènes (39). A contrario, in vitro, la progestérone induit
une relaxation de vaisseaux intacts et désendothélialisés
avec un effet anti-calcique équivalent à celui observé
sous oestrogènes (39).
Les résultats des études réalisées in vivo sont
variables selon le progestatif utilisé. Les études avec le médroxyprogestérone
acétate, tant chez la guenon castrée que chez la femme, montrent
un effet inhibiteur de ce progestatif sur le bénéfice vasodilatateur
induit par les oestrogènes ceci a été observé au
niveau de l'avant-bras (76), de l'artére utérine (28), de l'aorte
(24). Cet effet inhibiteur n'est pas retrouvé par (37) chez la femme
saine. . Chez la guenon castrée, le médroxyprogestérone
acétate, qu'il soit administré de manière cyclique ou continue
(85), s'oppose à l'effet bénéfique des oestrogènes
conjugués équins sur les coronaires athéromateuses.
Chez la femme, le noréthistérone acétate s'oppose aussi
à l'effet vasodilatateur des oestrogènes au niveau des artères
utérines (28).
En revanche, le nomégestrol acétate (15), comme la progestérone
micronisée (14), ne modifient pas la vasodilatation induite par l'oestradiol
au niveau des artères utérines. Enfin, chez la guenon castrée,
l'adjonction de nomégestrol acétate ne modifie pas les effets
bénéfiques de l'oestradiol sur la vasomotricité coronarienne
(84).
Or, selon les résultats de l'étude ARIC (53) menée chez
5436 femmes âgées de 45 à 64 ans, les effets du THS de la
ménopause sur la réduction des pathologies cardio-vasculaires
athéroscléreuses sont plus certainement liés aux modifications
hémodynamiques bénéfiques entraînées, qu'à
l'effet sur l'athérosclérose (mesurée notamment par l'épaisseur
de l'intima-média de la carotide interne).
Une partie des effets du THS sur l'endothélium est médié
par le récepteur AT1 des cellules endothéliales. Les oestrogènes
diminuent l'expression de ce gène, ce qui est bénéfique,
alors que la progestérone l'exacerbe (56), ce qui ne l'est pas..
D
- Effets sur la glycorégulation
Il
existe, chez la femme ménopausée, une détérioration
de l'équilibre hydrocarboné liée à une insulino-résistance.
L'administration d'strogènes par voie orale aux doses habituelles
du traitement hormonal substitutif entraîne une amélioration de
l'insulino-sensibilité, alors qu'à doses plus élevées
et avec des estrogènes conjugués équins (1,25 mg par jour),
il a été noté une altération de la sensibilité
(44) . A l'inverse, l'utilisation d'estrogènes par voie cutanée
permet d'observer un effet bénéfique, même à dose
élevée (45) .
Plusieurs
études ont montré que l'adjonction de médroxyprogestérone
acétate avait un effet défavorable sur l'insulino-sensibilité
(44, 45) . Ces résultats ont été retrouvés tant
dans l'espèce humaine (44) que chez la guenon castrée supplémentée
en estrogènes (8) . Ces résultats négatifs sur l'insulinosensibilité
ont été retrouvés avec la majorité des progestatifs.
Instaurés dans le cadre d'un traitement hormonal substitutif de la ménopause,
la progestérone (25), la dydrogestérone (50), les dérivés
de la 17 OH progestérone (42, 62) et la promégestone (79) ne modifient
pas la glycémie de base ; le nomégestrol acétate a fait
la preuve de son absence d'effet délétère sur la glycémie
et l'insulinémie, de base et après test de charge (17, 32) .
E
- Effets sur le poids
Le
poids constitue un marqueur de risque cardio-vasculaire, mais plus que le poids
chez la femme, c'est le morphotype qui est important : seule une distribution
androïde des graisses est en effet associée à une augmentation
du risque coronarien. La répartition androïde est aussi corrélée
à l'insulino-sensibilité (57) . La ménopause s'accompagne
d'une modification androïde du morphotype, bien que l'âge agisse
également dans ce sens et de manière indépendante (60)
.
L'influence
du traitement hormonal substitutif sur la distribution des graisses chez la
femmes ménopausée est très discutée. Pour HAARBO
J. et coll. (27) dans une étude prospective, randomisée, sur deux
ans contre placebo, la prise d'un traitement hormonal substitutif oestro-progestatif
(valérate d'stradiol 2 mg associé au cyprotérone
acétate 1 mg par jour, ou au lévonorgestrel 75 µg par jour)
prévient la distribution androïde de graisses. Tandis que le poids
total ne change ni sous traitement, ni sous placebo, la masse grasse augmente
uniquement dans le groupe placebo.
En revanche, dans une étude transversale, KRITZ-SILVERSTEIN D. (38) ne
trouvent pas de relation entre le poids, le morphotype et la prise d'un traitement
hormonal substitutif pendant plus de 15 ans.
Dans
l'étude PEPI (78), randomisée, prospective sur 3 ans, portant
sur 600 femmes, la prise de poids sous placebo est supérieure à
celle observée sous traitement hormonal substitutif quelle que soit sa
modalité : estrogènes seuls, associés en continu ou en
séquentiel au médroxyprogestérone acétate ou à
la progestérone naturelle.
F
- Effets sur la coagulation
Le
risque de thrombose au niveau veineux ou vasculaire cérébral ne
doit pas être sous-estimé sous traitement hormonal substitutif.
D'un point de vue épidémiologique, après des années
d'incertitude, il semble que la prise d'un traitement hormonal substitutif augmente
le risque thrombo-embolique veineux (13,33, 63) . Il parait exister un effet
dose des estrogènes sur ce risque, par ailleurs plus élevé
lors de la première année d'utilisation. L'administration cutanée
de l'estrogène entraînerait un risque moindre que la voie orale,
avec sur ce dernier point de grosses difficultés d'interprétation
du fait de la méthodologie des études. La comparaison entre les
groupes prenant un traitement oestrogénique seul ou un traitement combiné
montre des résultats contradictoires : la prise d'un progestatif ne modifie
pas le risque (63), le diminue (40) ou l'augmente (13) selon les études.
Le
risque d'accident vasculaire cérébral en particulier d'origine
thrombotique n'est pas augmenté sous traitement hormonal substitutif
(61) ; dans certaines études, il est parfois même diminué
(59) mais l'existence d'un "effet bonne santé" des patientes
étudiées et traitées peut constituer un biais méthodologique.
On sait cependant que l'augmentation des concentrations plasmatiques de fibrinogène
augmente le risque d'accident vasculaire cérébral (49) ; or, celui-ci
ne serait pas augmenté -voire serait abaissé pour certains- sous
traitement hormonal substitutif (54) . Les résultats ne sont pas différents
lors de traitements utilisant les estrogènes seuls ou associés
à un progestatif.
La
carence oestrogénique modifie l'équilibre de la coagulation et
de la fibrinolyse puisque la ménopause s'accompagne d'une élévation
du fibrinogène, du facteur VII et du PAI-1 (71) .
L'utilisation d'une oestrogénothérapie active l'hémostase
avec une intensité qui dépend de la molécule utilisée,
de sa dose et de sa voie d'administration. L'équilibre de la coagulation
peut être rompu au niveau veineux par des anomalies congénitales
de la coagulation (déficit en protéine S et antithrombine, résistance
à la protéine C activée, mutation du facteur II, hyperhomocystéinémie)
ou par des anomalies acquises (immobilisation, traumatisme, anticoagulant circulant...)
.
Au niveau artériel l'administration orale d'estrogènes semble
susceptible aussi de provoquer des thromboses dont les mécanismes sont
moins clairs et liés à l'insulino-résistance.
L'administration d'estrogènes suivant les schémas et les doses
classiques utilisés lors des traitements hormonaux substitutifs diminuent
le taux de PAI-1 (43) et de facteur VII (71) et augmentent le plasminogène
(12) .
L'étude
PEPI (78) permet de juger de la neutralité des progestatifs vis-à-vis
des facteurs veineux de la coagulation, tant avec le médroxyprogestérone
acétate que la progestérone naturelle.
Le médroxyprogestérone acétate a été beaucoup
étudié : aux doses utilisées dans le traitement hormonal
substitutif il ne modifie ni les facteurs de coagulation, ni l'antithrombine,
ni ceux de la fibrinolyse (40,46), et diminuerait les taux plasmatiques du PAI-1
(36,37). En revanche, alors qu'il n'entraîne pas de modifications de la
fonction plaquettaire lorsqu'il est donné seul, l'agrégation plaquettaire
diminuée par l'administration d'estrogènes conjugués équins
est altérée par l'adjonction de médroxyprogestérone
acétate (2).
Ni l'acétate de chlormadinone (10), ni la promégestone (10), ni
le nomégestrol acétate (11) n'ont d'effet sur l'antithrombine,
le plasminogène, la protéine C et la protéine S et les
nombreux facteurs de la coagulation étudiés.
Les dérivés des androgènes ont des effets variables suivant
les doses et les produits. On observe une baisse de l'antithrombine chez les
femmes recevant du lynestrenol (10) et l'absence de modification du facteur
VII sous acétate de noréthistérone (40). L'influence de
ces produits sur l'activité fibrinolytique et antifibrinolytique est
mal connue. Il semble que certains produits à forte activité androgénique
comme le lévonorgestrel augmentent le t PA et inhibent le PAI-1, tant
dans les parois veineuses que dans le plasma (40).
G
- Effets sur la tension artérielle
La
tension artérielle s'élève progressivement avec l'âge
chez l'homme comme chez la femme et ceci indépendamment de la ménopause
(6).
oestrogénothérapie
post-ménopausique ne semble pas modifier l'évolution des chiffres
tensionnels ; cependant, quelques divergences existent selon la molécule
utilisée, sa dose et sa voie d'administration : ainsi, sous estrogènes
conjugués équins, la tension artérielle de certaines utilisatrices
tend à augmenter (87).
L'adjonction d'un progestatif ne semble pas non plus modifier les chiffres tensionnels.
Dans l'étude PEPI (78), la tension artérielle systolique moyenne
s'élève modérément dans tous les groupes de traitement
(estrogènes conjugués équins seuls ou associés à
la progestérone ou au médroxyprogestérone acétate),
mais aussi dans le groupe placebo, sans différence entres ces groupes
; la tension artérielle diastolique moyenne ne se modifie pas après
3 ans, quel que soit le groupe considéré.
H
- Effets cardiaques directs
Les
estrogènes auraient un effet sur la structure et la fonction myocardique.
L'administration d'estrogènes à des femmes ménopausées
entraîne une augmentation du volume et de la vitesse d'éjection
systolique (65,66). Ce résultat a été décrit lors
de l'utilisation d'un traitement associant estrogènes et progestatifs,
sans que le type de ce dernier soit précisé. Cet effet bénéfique
sur la fonction ventriculaire gauche a été retrouvé par
VOUTILAINEN S. (80) qui a utilisé de l'oestradiol en association avec
du lévonorgestrel ou du médroxyprogestérone acétate.
Ultérieurement ces résultats ont été confirmés
avec l'utilisation oestradiol par voie transdermique seul ou associé
au médroxyprogestérone acétate (67).
Les effets du traitement oestro-progestatif de la ménopause sur la fonction
ventriculaire gauche s'accompagnerait aussi d'une diminution de l'épaisseur
du myocarde (66).
I
- Effets sur l'inflammation
L'inflammation
est le marqueur le plus sensible actuellement du risque coronarien avec le taux
de HDL cholestérol spontané. L'inflammation s'évalue par
la mesure de la CRP ultrasensible. oestrogénothérapie a des effets
variables sur la CRP ultra-sensible suivent sa voie d'administration, absence
d'effet de la voie parentérale, élévation avec la voie
orale. Nul ne sait si cette élévation pharmacologique à
la même signification que le taux spontané. Il ne semble pas exister
d'influence du progestatif sur les variations de CRP induite par oestrogénothérapie
(31)
CONCLUSION
Les
estrogènes endogènes protègent des maladies cardiovasculaires
jusqu'à la ménopause. L'administration d'un traitement oestrogénique
en post ménopause reproduit la grande majorité des effets bénéfiques
des estrogènes endogènes avec cependant d'autres effets, lors
de l'administration orale, dont les conséquences sont mal évaluées.
Les études épidémiologiques en prévention primaire
confirment que l'administration d'estrogènes en post ménopause
prolonge la protection naturelle apportée par les estrogènes endogènes
après leur disparition. En prévention secondaire les résultats
sont en revanche nettement moins favorables. L'administration conjointe de progestatifs
étant rendue nécessaire pour la protection endométriale,
il est logique de se préoccuper d'un effet défavorable éventuel
de cette administration conjointe sur le risque cardio-vasculaire.
Les études épidémiologiques sont rassurantes. Aucune d'entre
elles ne montre de diminution de l'effet protecteur des estrogènes.
Pour les marqueurs de risque, il semble que les progestatifs aient des effets
variables suivant leur structure. Le médroxyprogestérone acétate
semble avoir un effet défavorable sur l'athérogénèse,
la glycorégulation et la vasomotricité vasculaire. Les autres
dérivés du groupe des prégnanes et des norprégnanes,
quoique très variablement étudiés, ne semblent avoir aucun
effet délétère démontré ni sur l'athérogénèse,
ni sur la coagulation, ni sur la vasomotrocité.
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