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Titre: Defecographie ou colpo-cysto-defecogramme ?
Année: 2001
Auteurs: - Dubreuil A.
Spécialité: Gynécologie
Theme: incontinence fécale

DEFECOGRAPHIE OU COLPO-CYSTO-DEFECOGRAMME ?

A. Dubreuil

Imagerie Médicale - Clinique du Mail - 43, avenue Marie Reynoard - 38100 Grenoble

INTRODUCTION

La défécographie a été réintroduite en Europe depuis 1984 grâce à MAHIEU. Elle a permis une description précise des différentes anomalies morphologiques de l’ampoule rectale et du canal anal lors de la défécation (examen réalisé en position assise avec de la baryte épaisse).

Antérieurement, BETTOUX avait décrit une méthode d’exploration radiologique dynamique de la partie antérieure du plancher pelvien : le colpo cystogramme, réalisé en position debout, décrivant toutes les anomalies morphologiques des compartiments antérieurs.

Ces dernières années, une vision globale des troubles du plancher pelvien s’est imposée, on parle de périnéologie. L’imageur a pris tout naturellement sa place dans le bilan des troubles de la statique pelvienne puisqu’il peut étudier simultanément les 3 étages pelviens après les avoir opacifiés, grâce au colpo cysto défécogramme.

Dans un premier chapitre, nous envisagerons la technique et les résultats normaux et pathologiques du colpo cysto défécogramme.

Dans un deuxième chapitre, nous analyserons de façon plus spécifique les données de la défécographie en nous interrogeant sur la responsabilité des anomalies morphologiques mises en évidence dans les troubles fonctionnels de l’évacuation rectale (dyschésie, incontinence fécale).

La comparaison avec les données urologiques (dysurie, incontinence urinaire), la connaissance des lois rhéologiques régissant l’évacuation rectale et nos données de débitmétrie nous amèneront, dans un troisième chapitre, à discuter nos conceptions de la physiologie de la défécation.

I – LE COLPO CYSTO DEFECOGRAMME

1- Les principes

Opacifier chacun des trois organes du plancher pelvien : vessie, vagin, rectum et analyser leurs variations morphologiques avant, pendant et après la défécation. L’opacification rectale utilise une baryte dont les caractéristiques rhéologiques sont proches de celles de matières fécales normales (cf plus bas). La défécation a lieu en position physiologique assise. Des efforts répétés de poussée abdominale sont demandés en fin d’évacuation pour révéler des défects qui auraient pu rester "latents" lors de la première poussée.
Après un interrogatoire précis et un examen clinique soigneux, toute la procédure est expliquée clairement à la patiente ainsi que les principales informations qu’on est en droit d’attendre. Un climat de confiance doit s’installer, il est le garant d’une bonne coopération et de l’excellente tolérance de l’examen.

2- La technique

a) Opacifier successivement :

  • La vessie par une cystographie classique (50 ml de produit iodé concentré). La sonde urinaire est laissée en place grâce à un ballonnet gonflé d’air. Elle permet de situer exactement la position du col vésical et de voir le trajet de l’urètre.
  • Le vagin sur toute sa longueur avec de la baryte liquide pure introduite avec une seringue de 10 ml.
  • Le rectum avec une pâte barytée épaisse (traitement préalable de la baryte liquide par de la fécule de pomme de terre puisque les laboratoires ne produisent pas à notre connaissance une telle baryte). La réplétion rectale nécessite un pistolet injecteur. Elle est poursuivie jusqu’à la sensation franche du besoin d’évacuation.

b) Prendre des clichés radiologiques (numérisés avec post traitement de l’image) en position assise en incidence de profil, aux différents temps de l’évacuation. Cinq clichés sont utiles : avant évacuation au repos, à la contraction des releveurs, en cours d’évacuation rectale, en fin de poussée d’évacuation et lors du retour au repos après évacuation.

c) Enregistrer la totalité de la procédure radiologique sur une bande vidéo, l’enregistrement du son dans la salle de radiologie est une aide importante à la relecture du film.

3 – Les résultats

L’étude différée des cinq images radiologiques et de la bande vidéo doit être rigoureuse : à chacun des cinq différents temps, on analyse les variations morphologiques et les positions respectives des trois différents organes opacifiés. Le temps le plus riche en informations est celui en fin de poussée d’évacuation.

a) Les images normales
- Au repos, la région ano-rectale se projette, de profil, sur les ischions superposés. La base de la vessie est juste au dessus du bord inférieur de la symphyse pubienne. Le canal anal, souvent repérable grâce à la mucographie de ses plis, est fermé. Le vagin suit la courbure antérieure de l'ampoule rectale, il n’en est séparé que par un espace étroit. La contraction des releveurs déplace en avant et en haut la jonction ano-rectale.
- En poussée d’évacuation, descente de la jonction ano-rectale, inférieure à 3 cm. Le canal anal est court, largement ouvert (2 à 3 cm). Le volume global de l'ampoule rectale diminue de façon harmonieuse en longueur et en diamètre pendant l'évacuation. L'espace recto-vaginal reste constant, inférieur à un centimètre. L’axe du vagin se rapproche de l’horizontale. La longueur totale du vagin n’est pas modifiée. La base vésicale n’est pas mobile. En fin d'évacuation, l'ampoule rectale est pratiquement vide.
- Au repos après évacuation, la jonction ano-rectale reprend sa position de départ.

b) La descente périnéale
Classiquement, la descente périnéale correspond à la mesure en centimètres de la descente de la jonction ano-rectale depuis sa position de repos jusqu’à sa position en fin de poussée d’évacuation. On opposait ainsi les périnées normaux, dont la descente est inférieure à trois centimètres et les périnées descendants dont la descente était supérieure à trois centimètres. En fait, l’imagerie permet une analyse plus objective. Cette appréciation doit être pondérée en tenant compte de la position de repos du périnée avant l’évacuation par rapport aux plans osseux fixes. Ignorer cette correction ferait classer comme normal un périnée qui descendrait peu en poussée s’il partait d’une position de repos déjà trop basse.
Cette classification radiologique plus précise définit les périnées normaux (projection de la jonction ano rectale au repos sur les ischions, descente en poussée inférieure à 3 cm), les périnées descendants vrais (position normale de repos, descente en poussé supérieure à 3 cm) et les périnées descendus (projection au repos plusieurs centimètres sous les ischions, descente en poussée inférieure à 3 cm).

En pratique, cette classification a un intérêt très limité. Certes la pathologie d’étirement des nerfs pelviens par une descente périnéale excessive favorise l’apparition d’une incontinence. Mais tous les périnées descendus ne présentent pas d’incontinence et la plupart des périnées descendants ne sont pas incontinents.

c) Les cystocèles

La base de la vessie descend en dessous de la ligne horizontale passant par le bord inférieur de la symphyse pubienne. L’urètre devient horizontal. On parle de cervico cysto ptose.
Une descente vésicale plus importante isole, en arrière du col vésical, une poche vésicale postérieure (cystocèle). Son volume augmente lors des efforts de poussée réalisant une véritable colpocèle antérieure. L’axe de la portion initiale de l’urètre est inversé, dirigé vers le haut. Ces anomalies doivent être très importantes pour être responsables d’une dysurie.

d) Les variations de l’angle ano-rectal
La mesure de l’angle entre l’axe du canal anal et celui de l’ampoule rectale (ou sa tangente au bord postérieur) et son ouverture en poussée est aussi une mesure classique. En fait, ces mesures sont peu reproductibles pour un même observateur et entre des observateurs différents. En pratique, seule l’appréciation à " l’oeil " de son absence d’ouverture en poussée est utile car elle est assez bien corrélée à l’existence d’un anisme vrai.

e) Les prolapsus rectaux
La totalité de la paroi rectale, muqueuse et musculeuse, sont extériorisées par l’anus. La relecture des bandes vidéos montre une évacuation habituellement rapide du contenu baryté intrarectal immédiatement suivie de l’invagination des parois rectales, puis leur extériorisation à travers l’anus. Ces prolapsus rectaux élargissent le diamètre de l’appareil sphinctérien qui reste en place. Ils peuvent être très volumineux, contenant le cul de sac de Douglas avec des anses grêles. L’appareil sphinctérien trop sollicité perd de son tonus, et ne peut plus assurer une continence parfaite.
Si l’extériorisation des parois rectales invaginées ne se produit pas complètement, la tête d’invagination peut rester dans l’ampoule rectale. On parle alors de prolapsus interne du rectum, d’invagination intrarectale ou d’intussusception intra-rectale.
Si la tête d’invagination pénétre dans le canal anal, on parle alors de prolapsus rectal intra-anal ou d’invagination ou d’intussusception intra anale.
Ces prolapsus rectaux ne doivent pas être confondus avec de simples prolapsus muqueux hémorroïdaires où les parois rectales restent en place. Ces derniers ne "forcent" pas l’appareil sphinctérien et n’entrainent pas d’incontinence.

f) Les rectocèles et colpocèles postérieures
Très fréquentes, elles ont une expression radiologique variable en fonction de leur taille et de leur association ou non à une élytrocèle et à un prolapsus rectal vrai. On peut classer les rectocèles en quatre catégories qui déboucheront sur des indications thérapeutiques différentes :

  • les rectocèles isolées, petites. Leur taille est inférieure à 2 ou 3 cm. Il s’agit d’images normales. 80 % des femmes nullipares de moins de 35 ans ont une telle petite rectocèle de moins de 3 cm de profondeur sur des images défécographiques réalisées en fin de poussée d'évacuation. Aucune correction chirurgicale ne peut être justifiée.
  • Les rectocèles isolées, volumineuses : lorsqu’elles deviennent plus profondes (4 à 6 cm), elles peuvent séquestrer en fin d’évacuation une certaine quantité de matières. Celles-ci peuvent n’être évacuées, de façon complémentaire, que par la manœuvre du soutien digital sur la face postérieure et inférieure de la vulve (habituellement la dernière phalange du pouce). Plus profondes encore (8 à 10 cm), elles réalisent une véritable colpocèle postérieure basse qui peut sortir par la vulve, gêner la marche ou les rapports. Une correction chirurgicale va s’imposer. Une voie basse paraît suffisante.
  • Les rectocèles associées à une élytrocèle :
    Le cul de sac de Douglas contenant des anses grêles ou le sigmoïde vient s’insinuer entre la face postérieure du vagin et la face antérieure du rectum élargissant l’espace recto-vaginal à plusieurs centimètres alors qu’il n’excède normalement pas 1 cm. Il peut descendre jusqu’à la vulve, réalisant une colpocèle postérieure à deux étages : l’un inférieur, la rectocèle ; l’autre supérieur, l’élytrocèle. L’élytrocèle peut n’être présente que pendant les efforts de poussée d’évacuation et échapper à l’examen clinique le plus soigneux, même en station debout. L’analyse rétrospective de la bande vidéo est fondamentale. Elle montre le conflit entre les volumes respectifs de l’élytrocèle qui augmente au cours de l’évacuation rectale alors que celui de la rectocèle diminue. La correction chirurgicale devra comporter un temps sur le cul de sac de Douglas.
  • Les rectocèles associées à un prolapsus rectal extériorisé.
    La paroi supérieure de la rectocèle peut aussi s’invaginer dans l’ampoule rectale. Cette invagination peut être, comme pour les intussusceptions, plus ou moins profonde : rectale, anale ou extériorisée. Plus l’invagination progresse, moins le volume radiologique de la rectocèle est important, ce que montre bien la relecture des enregistrements vidéos. La correction chirurgicale devra comporter, outre la résection du Douglas, une rectopexie.
    L’appréciation radiologique du volume d’une rectocèle n’est pas toujours corrélée avec celui de l’examen clinique par toucher rectal et flexion de l’index. En effet, l’index de l’examinateur mesure le " volume clinique maximum possible " refoulant en avant les autres organes pelviens. L’exploration radiologique mesure " le volume physiologique " au repos et en fin de poussée d’évacuation. Ces mesures radiologiques sont toujours inférieures aux volumes cliniques puisque cystocèle, élytrocèle et invagination peuvent, chacune pour leur propre compte, réduire l’expansion volumétrique de la rectocèle. Une correction chirurgicale limitée à une rectocèle volumineuse peut favoriser l’apparition, après l’intervention, d’une élytrocèle ou d’une cystocèle méconnue.
    Le volume de la rectocèle ne peut pas non plus être corrélé avec l’importance de la dyschésie (cf plus bas).

II – LA DEFECOGRAPHIE – ANALYSE CRITIQUE

Quelle est la part de responsabilité des anomalies morphologiques de la sphère ano rectale décrites au chapitre précédent, dans les troubles de l’évacuation rectale ? (dyschésie et incontinence fécale).

La correction chirurgicale de ces anomalies entraînera-t-elle une amélioration fonctionnelle ? Ne risquerait-elle pas de révéler secondairement un trouble fonctionnel latent voire d’en faire apparaître un qui n’existait pas antérieurement ? Ces interrogations fondamentales sont-elles réellement éclairées par nos connaissances de la physiologie ano-rectale ?
Un parallèle doit être fait avec la sphère urologique. Ces 20 dernières années, nos connaissances en physiologie urinaire ont été considérablement enrichies par les données des explorations fonctionnelles. Au terme de ces explorations, on peut habituellement savoir si une incontinence urinaire est due à un déficit sphinctérien ou à une instabilité contractile de la vessie et si une dysurie est due à un obstacle sphinctérien ou à un défaut de contraction du muscle detrusor.
Pour l’étage rectal, nos connaissances sont beaucoup plus réduites et des données aussi fondamentales en pathologie urinaire que la mesure du résidu post-mictionnel et la débitmétrie d’évacuation n’ont pas d’équivalent dans l’exploration fonctionnelle ano-rectale classique.
Pour les incontinences fécales, on évalue l’intégrité anatomique de l’appareil sphinctérien anal par échographie et sa valeur fonctionnelle au repos et en poussée par la manométrie et l’exploration électromyographique. Pour les dyschésies, on dispose des mêmes données sur l’appareil sphinctérien permettant d’identifier les anismes vrais par augmentation du tonus sphinctérien en poussée. La mesure du temps de transit colique apporte une information complémentaire permettant de reconnaître des constipations de transit qu’elles soient globales ou segmentaires. (On peut relever toute l’imprécision du terme constipation). Quoi qu’il en soit, tous les auteurs s’accordent pour reconnaître qu’on ne peut pas déterminer avec certitude l’origine exacte d’environ 50 % des incontinences fécales et des dyschésies.

Ce grand contraste d’efficacité diagnostique dans l’analyse des troubles de l’évacuation urinaire et ceux de l’évacuation rectale, l’absence d’amélioration tangible ces dernières années, nous a amené à nous demander s’il ne faudrait pas, pour espérer quelques progrès, mesurer d’autres paramètres qu’on aurait jusqu’à maintenant négligé. C’est ce que nous voudrions exposer maintenant en nous focalisant sur quelques données rhéologiques de base des matières fécales et de la géométrie de l’appareil recto-anal et sur nos résultats préliminaires de la débitmétrie moyenne d’évacuation rectale avec mesure du résidu post-défécation.

1) Rhéologie des matières fécales :

Des mesures rhéométriques précises des selles liquides, moulées ou dures n’ont, à notre connaissance, jamais été publiées. Nous ne pouvons pour l’instant que nous baser sur les données connues de la mécanique des fluides (rhéologie) et celles de notre expérience clinique.

Ces lois rhéologiques nous apprennent qu’il existe deux types d’écoulement, bien différents, suivant que l’on est en présence d’un liquide pur (fluide de Newton) ou d’un liquide à seuil (fluide de Bingham) (cf schéma 1).
Pour le premier , qui s’applique à l’urine et qui doit aussi s’appliquer à des selles liquides diarrhéiques, un écoulement débute dès qu’une contrainte lui est appliquée. Ainsi dès que la pression vésicale ou rectale est supérieure à la pression sphinctérienne, l’évacuation débute. Evacuer des selles liquides est toujours plus facile que d’évacuer des selles dures (la difficulté est plutôt de pouvoir les garder sans fuite !).
Pour le deuxième, fluide à seuil, pour que débute un écoulement, il faut que la contrainte qui lui est appliquée soit supérieure à celle d’une certaine valeur seuil. Cette valeur de seuil (mesurée en kiloPascal grâce à un rhéomètre) augmente avec la densité du liquide considéré. Il apparaît raisonnable de penser que des matières fécales moulées ont un tel comportement de fluide à seuil. Il apparait aussi logique de penser que ce seuil d’écoulement augmente à mesure que les selles deviennent de plus en plus dures. En d’autres termes, conformément à notre expérience clinique, plus le liquide arrivé de l’iléon séjourne longtemps dans le colon, plus les matières qui viendront remplir l’ampoule rectale seront dures, nécessitant pour leur évacuation des forces propulsions croissantes. (A l’inverse, les risques de fuites spontanées diminuent).

2) Géométrie de l’appareil ano-rectal :

Rectum et canal anal ont la géométrie d’une filière d’extrusion qui obéit aussi à des lois rhéologiques connues : tout passage de fluide, du réservoir dans la filière, est d’autant plus facile que celle-ci est plus courte et que le rapport des diamètres du réservoir et de la filière est peu important. Il existe des cas où la géométrie de la filière recto-anale est favorable à l’évacuation : canal anal large et court, diamètre rectal pas trop élevé. Ce sont les conditions physiologiques habituelles d’une évacuation rectale normale, non dyschésique. A l’inverse, il existe des cas où la géométrie de cette filière est défavorable : canal anal long et de faible diamètre (anisme), diamètre rectal trop élevé (megarectum). Dans chacune de ces deux conditions anatomiques, pour que l’évacuation rectale puisse avoir lieu, il faut que l’ampoule rectale dispose de forces de propulsions plus importantes que dans les conditions anatomiques habituelles. Si elles sont limites, l’évacuation devient dyschésique.

3) Données de la débitmétrie d’évacuation rectale :

- Technique :
Une débitmétrie grossière peut être réalisée de façon simple en défécographie en utilisant une balance et un chronomètre qui permettent de mesurer les deux paramètres indispensables : la quantité de baryte évacuée pendant l’examen d’une part (Q2 exprimée en grammes) et le temps qu’a duré l’évacuation d’autre part (T en secondes). Le rapport Q2/T est la mesure en g/sec du débit moyen d’évacuation rectale. Si on avait pris préalablement la peine de mesurer la quantité
de baryte qui avait été mise en place dans l’ampoule rectale (Q1 en grammes), le rapport :
(Q1 – Q2) x 100 / Q1
exprime le résidu post- défécation en pourcentage du poids de baryte mis en place.

- Nos résultats
154 patients dyschésiques et 25 sujets normaux ont été analysés avec précision.
Ils ont fait l’objet d’une publication récente. Les résultats sont résumés dans le tableau I.
Les patients normaux, non dyschésiques, avaient un débit d’évacuation de 14 g/sec. Pour les patients dyschésiques, les 13 anismes et les 12 avec megarectum avaient un débit effondré respectivement à 3 et 6 g par seconde et un résidu significatif.
Le débit moyen des 60 rectocèles et des 11 invaginations intrarectales était globalement un peu inférieur aux valeurs de référence avec de grandes variations.
Curieusement, les 26 patients avec élytrocèle et les 10 patients avec un prolapsus rectal extériorisé avaient un débit supérieur aux valeurs moyennes normales de référence, respectivement mesurées à
15 et 20 g par seconde sans résidu.

L’interrogation de la base de données faisait aussi ressortir une correlation schématique entre l’existence ou non d’une dyschésie aux selles molles et les valeurs moyennes de débitmétrie d’évacuation rectale. 50 patients voyaient leur dyschésie disparaître quand ils évacuaient des selles molles. Ils avaient une débitmétrie moyenne d’évacuation normale à 15 g / sec.
Les 57 patients dont la dyschésie n’était pas modifiée par la consistance dure ou molle des matières évacuées avaient une débitmétrie d’évacuation effondrée à moins de 4 g / sec.
Un groupe de 9 patients dyschésiques a été isolé. Ces patients ne présentaient aucune des étiologies connues de dyschésie. Leur dyschésie persistait aux selles molles. Ils ne présentaient aucune anomalie morphologique, leur manométrie était normale. Malgré d’épuisants efforts d’évacuation, leur rectum radiologiquement normal, un anus court et grand ouvert en poussée, leur débit d’évacuation restait inférieur à 5 g / sec et leur résidu post-défécation supérieur à 30 %.

- Discussion
Les données de la rhéologie et ces résultats préliminaires de débitmétrie, à priori étonnants, sont pourtant conformes à notre expérience clinique. N’est-il pas toujours plus facile d’évacuer des selles liquides que des selles dures ? La plupart des incontinences fécales ne surviennent-elles pas surtout quand les matières sont liquides et ne disparaissent-elles pas habituellement quand les matières durcissent et que leur seuil rhéologique augmente ? Jamais la taille des rectocèles n’a pu être corellée aux symptomes présentés par les patients, et les patients qui présentent un prolapsus rectal extériorisé sont rarement dyschésiques.
Si on se réfère à nouveau à l’urologie où il est bien admis que la valeur du débit d’évacuation reflète grossièrement la qualité de la contraction du muscle détrusor vésical on peut se demander si le débit moyen d’évacuation rectale ne serait pas aussi le reflet de la qualité de la contraction de la musculature propre du rectum au cours de la défécation, paramètre souvent évoqué en proctologie,
mais jamais mesuré.

Prendre en considération ce nouveau paramètre qu’est la valeur de la contraction rectale permet aussi d’expliquer l’absence de baisse significative de nos mesures de débitmétrie dans la plupart des anomalies purement morphologiques observées dans les troubles de la statique pelvienne : rectocèles, élytrocèles et prolapsus rectaux qu’ils soient internes, anaux ou extériorisés.

Les invaginations rectales sont classiquement considérées comme un obstacle anatomique à l’évacuation du rectum. En fait, l’analyse retrospective des bandes vidéo d’évacuation montre bien que de telles plicatures rectales ne surviennent que sur une ampoule qui vient de se vider. Elles ne se produisent jamais sur une ampoule rectale en réplétion. La présence du boudin d’invagination rectale peut être à l’origine d’une fausse perception par le patient d’une vidange incomplète. Cette fausse information sollicite des efforts ultérieurs de poussée d’évacuation qui ne peuvent bien sûr pas entraîner d’évacuation complémentaire d’une ampoule rectale qui vient d’être vidée. Ces échecs itératifs des efforts d’évacuation sont faussement interprétés par patients et médecins comme une dyschésie.

III – PHYSIOLOGIE DE LA DEFECATION – NOUVELLES CONCEPTIONS : DYSCHESIE ET INCONTINENCE FECALE

L’intégration de ces nouvelles données de rhéologie et de débitmétrie nous amènent à voir d’un œil neuf la physiologie de l’appareil recto-anal. S’il est, de façon caricaturale, régi par le jeu des forces résistives des pressions anales qui s’opposent au passage du contenu intrarectal et celles des pressions propulsives rectales qui en permettent l’évacuation tout en tenant compte de la consistance des matières fecales, dures ou molles, le fonctionnement de cet appareil pourrait être comparé à celui de la mise en mouvement d’une bicyclette : la contraction rectale serait la force de pédalage, le tonus du canal anal serait les freins et les matières fécales la bicyclette elle-même.

Lors d’une évacuation normale non dyschésique, la relaxation du canal anal est (relachement des freins) induite par le réflexe recto-anal inhibiteur. La poussée abdominale qui l’a déclenchée est suivie d’une contraction du muscle rectal (mouvement de pédalage). L’évacuation rectale peut avoir lieu (la bicyclette avance). Si l’appareil sphinctérien ne se relache pas complètement ou même s’il se contracte un peu en poussée comme c’est le cas dans l’anisme des sujets asymptomatiques, l’évacuation peut cependant avoir lieu tout à fait normalement si les forces de propulsions rectales sont supérieures aux forces résistives de l’anus. (On peut faire avancer une bicyclette dont les freins sont un peu serrés si on pédale assez fort ).

Pour les évacuations dyschésiques, 3 éventualités seraient à envisager.

a) Les forces de rétention anale augmentent soit par défaut d’ouverture du canal anal, c’est le cas de l’anisme soit par sténose anale (les freins sont trop serrés).
b) Les matière fécales trop dures ont un seuil rhéologique trop élevé pour les forces de propulsion dont dispose l’ampoule rectale (la bicyclette est trop lourde pour être mise en mouvement par les forces de pédalage pourtant normales du cycliste).
c) Les forces de propulsion rectale sont insuffisantes, la musculature rectale se contracte mal, quelle qu’en soit la cause, même si l’appareil sphinctérien se relâche correctement, l’évacuation ne peut avoir lieu (lâcher les freins n’est pas suffisant pour faire avancer la bicyclette). C’est l’akinésie rectale.
Cette dernière éventualité n’est habituellement pas prise en considération.

Pour les incontinences fécales, 3 éventualités "en miroir" sont à envisager :

a) les forces de rétention anale diminuent par défaut de fermeture du canal anal, c’est le cas des lésions sphinctériennes visibles en échographie et des hypotonies sphinctériennes avec ou sans lésion nerveuse (les freins sont déficients)
b) les matières fécales, trop liquides, n’ont plus de seuil rhéologique, la moindre augmentation de la pression intra abdominale peut déclencher une fuite.
c) Les forces de propulsion rectale se déclenchent involontairement, une onde de contraction rectale se propage à l’insu du patient, une évacuation de matière de consistance normale peut avoir lieu même si l’appareil sphinctérien est tout à fait normal et fonctionne normalement. Ce sont les incontinences nocturnes des sujets âgés et les vidanges massives des jeunes encoprésiques.

CONCLUSION

Les troubles de la statique pelvienne sont fréquents. Leur analyse et leur traitement ne peuvent plus actuellement être envisagés étage par étage par des spécialistes différents. Une vision globale des différentes fonctions urinaires, génitales et proctologiques du plancher pelvien s’impose. L’imageur peut aujourd’hui, grâce au colpo cysto défécogramme, aider le clinicien dans le bilan pré-opératoire des anomalies présentes et latentes.
Si on se réfère à ce qui est pratiqué en pathologie urinaire, il peut aussi évaluer, par la mesure du débit moyen d’évacuation d’une baryte à seuil rhéologique stable, la valeur de la contraction du muscle rectal. Un débit d’évacuation rectale pré-opératoire autour de 15 g / sec est probablement le garant du maintien post-opératoire de bonnes fonctions d’évacuation rectale (à condition que l’innervation rectale soit bien respectée). Un débit pré-opératoire inférieur à 5 g / sec devrait inciter à la plus grande prudence dans l’espoir d’amélioration d’une dyschésie par la correction chirurgicale d’un trouble de la statique pelvienne.
Bien sûr, des études complémentaires doivent être entreprises pour vérifier l’exactitude de ces résultats préliminaires.

Tableau 1 :
Résultats de la vidéo colpo proctographie dynamique chez 154 patients dyschésiques et 25 sujets normaux

Nombre de
Patients

Débit moyen en g/sec
et écart type

Résidu en %
Moyenne et écart type

Normaux

25

14 (7-20)

8 (0-20)

Anisme

13

3 (1-8)

56 (40-90)


Megarectum


12


6 (4-8)


35 (30- 45)


Rectocèle


60


9 (4-16)


13 (5-20)

Invagination rectale

40

11 (5-17)

10 (0-25)

Elytrocèle

26

15 (7-24)

11 (5-15)

Prolapsus rectal extériorisé

10

20 (11-27)

0

Akinésie rectale

9

2 (2-4)

54 (30-65)


Total supérieur à 179 patients en raison de multiples associations : anisme + anomalie morphologique ; élytrocèle + rectocèle ou + prolapsus rectal.
Un groupe de 9 patients, très dyschésiques sans étiologie reconnue, est isolé. Ils ont à notre avis une akinésie rectale.


Schéma 1 : courbes viscosimétriques des selles. Selles liquides : courbes identiques à celles de fluides de Newton. Selles pâteuses : courbes identiques à celles des liquides à seuil de Bingham.
S1 : seuil des selles molles S2 : seuil des selles normales S3 : seuil des selles dures
Ce seuil augmente de S1 à S3. Il est plus bas pour les selles molles que pour les selles dures. Lorsqu’il est trop élevé pour les forces’évacuation disponibles, un fécalome se forme.

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