OS
ET THS : A T-ON EVOLUE SUR LES DOSES ET LA DUREE ?
Florence
TREMOLLIERES, Jean-Michel POUILLES et Claude RIBOT
Unité
Ménopause et Maladies Osseuses Métaboliques
Service d'Endocrinologie
CHU Rangueil
1, avenue Jean Poulhès
31403 Toulouse Cedex 4
Le traitement
hormonal substitutif (THS) est utilisé dans la prévention de l'ostéoporose post-ménopausique
depuis la fin des années 1940. Les travaux de Fuller Albright (1) avaient été
les premiers à établir la relation entre la carence estrogénique de la ménopause
et la survenue des fractures ostéoporotiques. Ils ont permis de souligner l'efficacité
des estrogènes dans deux situations qui constituent les bases toujours actuelles
de leur utilisation (2) :
- Les estrogènes, administrés dès le début de la ménopause préviennent l'apparition
des tassements vertébraux.
- Chez les femmes présentant déjà une ostéoporose vertébrale, les estrogènes
en ralentissent l'évolution.
Depuis, le traitement hormonal a été largement utilisé dans la prévention de
l'ostéoporose et les nombreux travaux réalisés, tant sur le plan fondamental
que clinique, ont contribué à améliorer nos connaissances des relations entre
estrogènes et tissu osseux. Les progrès de la pharmacologie permettent actuellement
de proposer un traitement qui se rapproche le plus possible des conditions de
la physiologie ovarienne, ce qui a permis de lever la plupart des contre-indications
métaboliques.
Les
estrogènes sont avant tout de puissants inhibiteurs de l'activité ostéoclastique.
A la ménopause, la carence estrogénique est à l'origine d'une augmentation du
remodelage osseux avec prépondérance de l'activité de résorption osseuse. Il
en résulte une accélération de la perte osseuse et l'apparition d'anomalies
de la micro-architecture osseuse. Du fait de leur action antiostéoclastique,
l'effet protecteur des estrogènes est donc pour une large part lié à la préservation
de la masse osseuse et des qualités architecturales du tissu osseux.
De manière générale, tous les estrogènes (à l'exception de l'estriol) sont similairement
actifs, quelles que soient leur structure (dérivés 17-éthynilés, estrogènes
conjugués équins, 17ß-estradiol) et leur voie d'administration (orale, percutanée,
transdermique). Leur effet bénéfique s'étend à l'ensemble du squelette et persiste
aussi longtemps que le traitement est prescrit. Du fait de leur action antiostéoclastique,
la mise en route d'un traitement estrogénique s'accompagne en général, durant
la première année, d'une augmentation significative de la masse osseuse variant
de 3 à 6% en moyenne, correspondant à la réduction de l'espace de résorption
et au maintien de l'activité de minéralisation de l'unité de remodelage. Par
la suite, et au delà du 12ème-18ème mois de traitement, la masse osseuse ne
varie plus du fait d'un ralentissement global du remodelage osseux. L'addition
d'un progestatif ne modifie pas les effets osseux des estrogènes et seul l'acétate
de norethisthérone par des mécanismes mal élucidés pourraient avoir un effet
propre, additif de celui des estrogènes. Egalement, nous ne disposons d'aucun
argument vis-à-vis de la supériorité éventuelle en terme d'efficacité osseuse
des schémas combinés continus par rapport aux schémas séquentiels.
Si nos
connaissances de l'action osseuse des estrogènes a largement progressé ces dernières
années, deux questions restent encore débattues. La 1ère interrogation concerne
les posologies optimales d'estrogènes à utiliser. Cette question reste toujours
d'actualité et se pose avec d'autant plus d'acuité qu'il existe parfois une
tendance à privilégier des schémas thérapeutiques basés sur un apport faible
en estrogènes qui, en diminuant les effets secondaires potentiels, seraient
susceptibles d'améliorer l'observance au traitement. La 2ème concerne la durée
du traitement et il s'agit certainement là du point le plus important. En effet,
la totalité des données épidémiologiques soulignent l'importance d'un traitement
hormonal prolongé de plusieurs années, voire "à vie" pour prévenir
de manière efficace le risque fracturaire. Or, l'observance du traitement hormonal
substitutif reste médiocre, un nombre non négligeables de femmes interrompant
leur traitement après seulement quelques mois d'utilisation. De plus, les traitements
prolongés soulèvent le problème de leur association avec une augmentation du
risque du cancer du sein tel qu'il l'a été rapporté dans la plupart des études
épidémiologiques. Il convient donc de s'interroger sur les moyens dont nous
disposons pour définir la meilleure stratégie d'utilisation du THS pour la prévention
de l'ostéoporose post-ménopausique.
I
- Les posologies efficaces dans la prévention de l'ostéoporose :
Il est
particulièrement important de rappeler que tous les estrogènes n'ont pas la
même "puissance" cellulaire en fonction de leur structure chimique.
De plus, il existe une hiérarchie tissulaire dans la réponse aux estrogènes
et des doses apparaissant suffisantes pour contrôler les symptômes climatériques
(bouffées de chaleur..) ou induire des hémorragies de privation peuvent ne pas
être suffisantes pour freiner la perte osseuse. Cette hiérarchie rend ainsi
particulièrement difficile l'extrapolation de l'efficacité des estrogènes sur
le tissu osseux à partir de leurs effets sur d'autres tissus.
En ce
qui concerne les estrogènes conjugués équins, la posologie de 0,625 mg par jour
apparait nécessaire pour freiner la perte osseuse. Pour le 17ß-estradiol, qui
constitue le seul apport hormonal réellement substitutif, plusieurs travaux
ont conclu à la nécessité d'un taux plasmatique moyen de 50-60 pg/ml pour obtenir
cet effet. Ainsi, dans une étude longitudinale de deux ans, déjà ancienne, nous
avions étudié les relations entre la réponse osseuse au THS et les concentrations
plasmatiques de l'estradiol evaluées de manière précise par rapport au moment
de l'administration du 17ß-estradiol (3). Cent dix femmes en début de ménopause
avaient été étudiées : 74 femmes recevaient un THS basé soit sur l'application
journalière de 1,5 mg de 17ß-estradiol, soit sur l'administration par voie transdermique
de 50 µg/j de 17ß-estradiol, 21 jours par mois; le traitement estrogénique étant
associé à un progestatif, 12 jours par mois. 36 femmes ne recevaient pas de
traitement et ont servis de contrôle. Le suivi densitométrique avait permis
de montrer, au terme de 2 ans, une augmentation significative moyenne de la
densité osseuse vertébrale de 4,5% dans les 2 groupes de femmes traitées et
une perte moyenne de 4,4% chez les femmes du groupe non traité. L'estradiolémie
plasmatique moyenne variait de 62 à 69 pg/ml dans le groupe traité par voie
percutanée et de 44 à 55 pg/ml dans celui traité par voie transdermique. Plus
intéressant, nous avions pu démontrer que seules des estradiolémies supérieures
à 50 pg/ml étaient associées de manière significative à une réponse osseuse
positive. La valeur prédictive positive de ce paramètre était de 93% pour une
sensibilité et une spécificité, respectivement de 57% et de 70% (analyse ROC).
La nécessité d'une concentration estrogénique au moins supérieure à 55 pg/ml
pour freiner la perte osseuse avait également été rapportée par Wimalawansa.
De même, dans un travail visant à évaluer l'évolution des marqueurs biochimiques
du remodelage osseux lors de l'initiation d'un THS, Reginster et al (4) avaient
déterminé qu'une diminution significative de l'excrétion urinaire du calcium
et de l'hydroxyproline n'était observée que lorsque l'estradiolémie plasmatique
était supérieure à 60 pg/ml. Par contre, lorsque l'estradiolémie était plus
élevée, supérieure à 120 pg/ml, il n'y avait pas de bénéfice supplémentaire
en terme de freination de la résorption osseuse.
Par la suite, ces données ont été corroborées par la démonstration d'un "effet
dose" de la réponse densitométrique. Ainsi, l'étude de Field et al (5)
réalisée chez des femmes jeunes hystérectomisées en début de ménopause, a montré
que le 17ß-estradiol par voie transdermique était associé à une prévention de
la perte osseuse plus ou moins marquée selon les posologies utilisées. Les femmes
ne recevant que 25 µg/j présentaient une perte osseuse comparable à celles des
femmes recevant le placebo (-3% vs -6,4%), alors que les femmes recevant 50
µg/j ou 100 µg/j présentaient au terme des 2 ans de traitement un gain densitométrique,
respectivement de +0,9% et +3,7%. Egalement, dans une étude plus récente, Weiss
et al (6) ont montré qu'un patch transdermique à 25 µg/j n'entrainait au bout
de 2 ans de traitement qu'une augmentation de la densité fémorale de +0,26%,
alors que les patchs à 50 et 100 µg/j augmentaient significativement la densité
osseuse à ce site de +2,85% et +2,03%. Surtout, l'étude de la réponse densitométrique
individuelle permettait de retrouver dans le groupe de femmes traitées par 25
µg/j un pourcentage de "non répondeurs" élevé (sur la base d'une variation
densitométrique négative) et non significativement différent de celui du groupe
placebo (36% vs 62%, p=0,106).
Les
doses minimales d'estrogènes nécessaires pour freiner la perte osseuse post-ménopausique,
en fonction du type de molécule et de leur voie d'administration, ont donc ainsi
été définies sur la base d'études prospectives contrôlées et méthodologiquement
correctes : 0,625 mg/j pour les estrogènes conjuguées équins, 2 mg/j pour le
17ß-estradiol par voie orale, 50 µg/j pour le 17ß-estradiol par voie transdermique
et 1,5 mg/j pour la voie percutanée.
Dans la pratique quotidienne cependant, la situation n'apparait pas aussi schématique,
compte tenu d'une variation individuelle des besoins en estrogènes. Différentes
études ont documenté, en fonction des sites osseux considérés, un pourcentage
de non réponse (c'est à dire un pourcentage de femmes qui présentaient une perte
osseuse malgré la poursuite d'un THS aux posologies "standards") qui
pouvait varier de 1% à l'extrémité inférieure du radius (7), à 5 à 10% au rachis
(3,6) et 10 à 25% à l'extrémité supérieure du fémur (6,8). Les facteurs de prédictifs
de cette "non-réponse" osseuse restent mal appréhendés, la variation
des besoins pouvant être liée à des facteurs cliniques propres à la patiente
(développement du tissu adipeux, tabagisme, caractère précoce et/ou chirurgical
de la ménopause, ancienneté de la ménopause...), mais aussi à un déterminisme
génétique conditionnant le métabolisme des estrogènes ou la réponse des tissus
cibles, non détectable cliniquement. Une étude récente (9) a rapporté par exemple
qu'un tabagisme important était susceptible de modifier la réponse osseuse à
l'administation de 17ß-estradiol par voie orale, avec une diminution de l'efficacité
osseuse des faibles doses d'estrogènes. Ainsi, pour la posologie de 1 mg/j,
l'évolution densitométrique vertébrale et fémorale à 2 ans était significativement
plus faible chez les femmes tabagiques que chez les non tabagiques et comparable
à celle observée dans le groupe placebo. Par contre, pour la posologie de 2
mg/j, il n'y avait pas de différence dans les variations densitométriques des
2 groupes de femmes tabagiques et non tabagiques. Chez les fumeuses ne recevant
qu'1 mg de 17ß-estradiol, une diminution significative de l'estradiolémie était
observée, parallèlement à une majoration des taux de FSH, en faveur d'une augmentation
du catabolisme des estrogènes et expliquant l'imprégnation estrogénique insuffisante
pour freiner la résorption osseuse. Par contre, au delà de cette posologie,
et même si l'estradiolémie restait plus basse chez les fumeuses que chez les
non fumeuses, les concentrations estrogéniques restaient suffisantes pour freiner
le remodelage osseux.
A contrario,
des posologies faibles d'estrogènes peuvent suffir dans certaines circonstances
à prévenir la perte osseuse. Le cas le plus caricatural est représenté par les
femmes présentant une surcharge pondérale où, dans la majorité des cas, lorsqu'il
est nécessaire d'utiliser un traitement hormonal, des doses faibles sont suffisantes
pour bloquer la résorption osseuse qui est, dans tous les cas à l'état basal,
rarement élevée (10). De même, à distance de la ménopause, chez la femme âgée,
des données préliminaires semblent démontrer que de plus faibles doses d'estrogènes
pourraient suffire à diminuer le remodelage osseux et la résorption ostéoclastique
(11-13).
Il n'en demeure pas moins qu'en dehors de ces quelques situations cliniques
et surtout lorsque l'indication du traitement hormonal est la prévention du
risque d'ostéoporose, il reste toujours nécessaire d'utiliser des posologies
d'estrogènes suffisantes pour bloquer la résorption osseuse. Si la tolérance
clinique ne permet que l'utilisation de faibles doses d'estrogènes, il est alors
nécessaire d'être extrêmement vigilant au plan osseux (évaluation dans les 6
premiers mois de traitement du degré de freination de la résorption osseuse)
et d'envisager leur association avec un autre traitement antiostéoclastique
tels les bisphosphonates. Cela apparaît particulièrement important pour la prévention
de la perte osseuse fémorale, du fait d'un pourcentage de "non-réponse"
qui apparait plus élevé qu'au plan vertébral (6,8).
II
- Quelle durée optimale pour la prévention de l'ostéoporose ?
Cette
question se pose avec une acuité toute particulière pour la prévention de la
fracture du col du fémur qui survient généralement à un âge avancé (âge moyen
de survenue en France de 82 ans). A cet âge, la très grande majorité des femmes
parmi celles qui ont bénéficié d'un traitement hormonal au moment de la ménopause,
l'ont souvent interrompu depuis de nombreuses années. On peut donc très raisonnablement
s'interroger sur la persistance, à distance du THS, d'un effet protecteur des
estrogènes vis à vis du risque fracturaire.
Il est clair de toute façon, compte tenu du caractère multi-factoriel des fractures
de l'extrémité supérieure du fémur, que le traitement hormonal ne saurait avoir
qu'un effet limité sur cette incidence fracturaire, même si son efficacité n'apparaît
pas uniquement lié à un effet sur la masse osseuse.
Au plan
épidémiologique, la totalité des études qui ont examiné la relation entre traitement
estrogénique et risque de fracture du col du fémur souligne la notion d'une
efficacité anti-fracturaire d'autant plus importante que le traitement a été
prolongé. Ainsi, le THS est associé à une diminution du risque relatif de fracture
du col du fémur de l'ordre de 50% lorsque celui-ci a été poursuivi pendant au
moins 5 à 7 ans (14). Il faut cependant remarquer que la diminution de ce risque
est toujours rapportée pour les femmes en cours de traitement et dans la plupart
des cas âgées de moins de 75 ans. Au delà de cet âge, nous disposons actuellement
de données qui remettent en cause la notion d'un effet préventif prolongé à
distance du THS. Ainsi l'analyse de l'étude MEDOS (15) ayant porté sur plus
de 2 000 fractures de l'extrémité supérieure du fémur chez des femmes de plus
de 50 ans, avait montré que le risque relatif était significativement diminué
(RR = 0,51, p = 0,009) chez les femmes de moins de 80 ans ayant reçu des estrogènes
(pendant une durée moyenne de 5 ans) et non chez celles de plus de 80 ans (RR
= 0,70, ns). Plus récemment, l'étude américaine SOF (16) réalisée chez 9 704
femmes de plus de 65 ans, notait une diminution de l'effet protecteur du THS
sur l'incidence des fractures du col du fémur au delà de l'âge de 75 ans, même
chez les femmes qui avaient débuté ce traitement dès l'installation de la ménopause
et l'avaient poursuivi pendant plus de 10 ans. De même, dans un suivi prospectif
de plus de 25 ans réalisé chez 490 femmes dont la moitié avait reçu une estrogénothérapie
de longue durée (pendant en moyenne 17,1 ± 7,8 ans), Maxim et coll (17) observaient
une disparition de l'effet protecteur des estrogènes sur le risque de fracture
du col de fémur au delà de 80 ans. Alors que le risque relatif de fracture vertébrale
(RR = 0,67 - 95%IC [0,41-1,10]) et du poignet (RR = 0,46 - IC 95% [0,25-0,86])
restaient significativement plus bas chez les femmes de plus de 80 ans ayant
reçu un traitement estrogénique, le risque de fracture du col du fémur était
identique à celui des femmes qui n'avaient jamais été traitées (RR = 1,16 -
IC 95% [0,51-2,62]). Des résultats de même nature avaient été rapporté par Felson
et coll (18) non plus pour le risque de fracture, mais la valeur de densité
osseuse au col fémoral qui, au delà de l'âge de 75 ans, était identique chez
les femmes ayant reçu un THS et chez celles jamais traitées. L'analyse des résultats
de densité osseuse de la cohorte de San Bernardo (19) a montré également une
absence de différence significative pour la densité osseuse fémorale entre des
femmes âgées en moyenne de 74 ans et ayant été traitées pendant 9,7 ans et des
femmes de même âge n'ayant jamais bénéficié d'un THS.
L'ensemble
de ces données pose donc le problème de la meilleure stratégie d'utilisation
du THS pour prévenir la fracture du col du fémur au delà de l'âge de 75 ans.
La proposition d'un traitement à vie apparaît peu réaliste dans la pratique
quotidienne. On pourrait également envisager de prolonger la prescription du
THS après la ménopause pendant 10 à 15 ans afin de renforcer son efficacité
préventive au delà de 75 ans. Cette stratégie soulève cependant tout comme la
précédente le problème de sa compliance et de son inocuité au plan mammaire
(20).
Une autre alternative serait de débuter le THS plus tardivement, non pas au
moment de la ménopause, mais après 65 ans en ciblant les femmes les plus à risque
de fracture. Cette proposition, si elle offre le plus d'avantages en terme de
coût de santé, présente cependant l'inconvénient majeur de n'aborder le problème
du THS que par le biais exclusif de la prévention de la fracture du col du fémur
et d'ignorer tous les autres bénéfices du THS.
La troisième alternative que nous suggérons pourrait être basée sur deux séquences
de traitement :
- une première séquence, à partir de la ménopause pendant 5 à 7 ans, offrirait
l'avantage de prévenir l'ostéoporose vertébrale et la fracture de Pouteau-Colles,
tout comme de contrôler les manifestations fonctionnelles, génito-urinaires
et de diminuer le risque cardio-vasculaire chez les sujets prédisposés. De plus,
cette durée de traitement n'apparaît pas susceptible, d'après les dernières
données épidémiologiques, d'augmenter le risque de cancer du sein.
- une seconde séquence hormonale (ou non hormonale) pourrait ensuite être envisagée
vers l'âge de 70 ans en ciblant les femmes les plus à risque de fracture du
col du fémur. Cette approche est rendue possible par la possibilité de dépister
à cet âge les sujets à risque sur des critères cliniques (antécédents de fracture
par fragilité, antécédents familiaux de fracture de l'extrémité supérieure du
fémur) ainsi que par une mesure de la densité osseuse fémorale par DXA. Au delà
de 70 ans également, un pré-screening utilisant une mesure de la densité osseuse
au poignet ou au calcanéum apparaît plus performant pour dépister les femmes
à risque qu'au moment de la ménopause. Enfin, et même chez le sujet âgé, les
estrogènes gardent toute leur efficacité pour freiner le remodelage osseux (21).
Des données récentes témoignent ainsi de la persistance de l'estrogéno-dépendance
de la perte osseuse (22), avec des valeurs de densité osseuse plus élevées et
une incidence fracturaire moindre chez les femmes conservant une imprégnation
estrogénique résiduelle (même faible, avec des concentrations de l'ordre de
10 à 25 pg/ml) par rapport à celles dont les concentrations estrogéniques sont
indétectables, inférieures à 5 pg/ml (23-25). Cette prévention plus ciblée,
plus courte, à un âge où l'incidence de ces fractures augmente de façon exponentielle
serait probablement plus efficace sur la réduction du nombre de fractures et
donc en terme de coût de santé. Par ses bénéfices extra-osseux sur la fonction
locomotrice et la force musculaire, le THS pourrait également contribuer à réduire
le risque de chute, déterminant important de ces fractures. Le schéma thérapeutique
devra être adapté à l'âge (dose d'estrogènes plus faible et progestatif en continu)
et précédé d'une évaluation gynécologique. Enfin, il ne doit pas dispenser de
toutes les autres mesures préventives vis-à-vis de ces fractures.
Cette approche demande cependant encore à être validée par des études cliniques
prospectives.
Nous
disposons actuellement d'un nombre très important de données témoignant du bénéfice
du traitement hormonal substitutif dans la prévention de l'ostéoporose, comme
dans celle d'autres pathologies associées à la phase post-ménopausique. Il reste
vrai cependant, que toutes les interrogations soulevées par ce traitement ne
sont pas résolues, même dans le cadre de la prévention de l'ostéoporose. En
particulier, plus que le problème des doses efficaces auquel nous pouvont actuellement
répondre avec l'amélioration des moyens de la surveillance de l'effet antiostéoclastique
des estrogènes, la question de la durée optimale du THS pour une prévention
efficace de l'ostéoporose reste débattue. Cette question est d'autant plus importante
que le vieillissement démographique que connaissent tous les pays industrialisés
va être associé dans le futur à un accroissement majeur de toutes les pathologies
du vieillissement avec un coût socio-économique de plus en plus marqué. Un rapport
récent de la National Osteoporosis Foundation a ainsi estimé que les dépenses
de santé liées aux fractures ostéoporotiques chez les personnes de plus de 45
ans, représentaient aux USA et en 1995, la somme de 13,8 billions de dollars.
Pendant cette période, 432 448 fractures dont 246 643 fractures du col du fémur
avaient été recensées. Les estimations les plus récentes prévoient une augmentation
exponentielle du nombre de ces fractures pour atteindre le chiffre, sur la seule
base du vieillissement démographique, d'au moins 840 000 fractures du col du
fémur en 2040. En France, les estimations les plus récentes font état d'un chiffre
de l'ordre de 120 000 fractures du col du fémur par an d'ici les 25 prochaines
années.
Il est donc particulièrement important que nous puissions disposer dans un futur
proche de données complémentaires sur les effets antifracturaires des estrogènes
chez le sujet âgé si nous voulons que le THS puisse réellement jouer le rôle
clé qui pourrait être le sien dans la stratégie de prévention de l'ostéoporose
de ces prochaines années.
REFERENCES :
1 - Albright F, Smith
PH, Richardson AM: Postmenopausal osteoporosis. JAMA 1941; 116: 2465-2474.
2 - Wallach S, Henneman PH. Prolonged estrogen therapy in postmenopausal women.
JAMA 1959; 171: 113-118.
3 - Ribot C, Trémollieres F, Pouilles JM. Prevention of postmenopausal bone
loss by long-term parenteral administration of 17ß-estradiol : comparison of
percutaneous and transdermal route. In : De Luca H, Mazess R, eds. Osteoporosis.
Physiological basis, assessment and treatment 1989; 37-45.
4 - Reginster JY, Sarlet N, Deroisy R, Albert A, Gaspard U, Franchimont P. Minimal
levels of serum estradiol prevent postmenopausal bone loss. Calcif Tissue Int
1992; 51:340-3.
5 - Field CS, Ory SJ, Wahner HW, Hermann RR, Judd HL, Riggs BL. Preventive effect
of transdermal 17ß-estradiol on osteoporotic changes after surgical menopause
: a two-year placebo controlled trial. Am J Obstet Gynecol 1993; 168:114-121.
6 - Weiss SR, Ellman H, Dolker M for the Transdermal Estradiol Investigator
Group. A randomized controlled trial of four doses of transdermal estradiol
for preventing postmenopausal bone loss. Obstet Gynecol 1999; 94:330-6.
7 - Hassager C, Jensen SB, Christiansen C. Non-responders to hormone replacement
therapy for the prevention of postmenopausal bone loss : do they exist ? Osteoporosis
Int 1994; 4:36-41.
8 - Komulainen M, Kröger H, Tuppurainen MT, Heikkinen A-M, Honkanen R, Saariskoski
S. Identification of early postmenopausal women with no bone response to HRT
: results of a 5-year clinical trial. Osteoporosis Int 2000; 11:211-8.
9 - Bjarnasson NH, Christiansen C. The influence of thinness and smoking on
bone loss and response to hormone replacement therapy in early postmenopausal
women. J Clin Endocrinol Metab 2000; 85:590-596.
10 - Trémollieres F, Pouilles JM, Ribot C. Vertebral postmenopausal bone loss
is reduced in overweight women : a longitudinal study in 155 early postmenopausal
women. J Clin Endocrinol Metab 1993; 7:683-686.
11 - Naessen T, Berglund L, Ulmsten U. Bone loss in elderly women prevented
by ultralow doses of parenteral 17ß-estradiol. Am J Obstet Gynecol 1997; 177:115-119.
12 - Recker RR, Davies M, Dowd RM, Heaney RP. The effect of low-dose continuous
estrogen and progesterone therapy with calcium and vitamin D on bone in elderly
women. A randomized controlled trial. Ann INtern Med 1999; 130:897-904.
13 - Prestwood KM, Thompson DL, Kenny AM, Seibel MJ, pilbeam CC, Raisz LG. Low
dose estrogen and calcium have an additive effect on bone resorption in older
women. J Clin Endocrinol Metab 1999; 84:179-83.
14 - Ribot C, Trémollieres F, Pouilles JM. Traitement hormonal et prévention
de l'ostéoporose post-ménopausique: analyse critique. In: Caulin C, Chastang
C, Kuntz D eds. Evaluation des traitements de la ménopause. Springer-Verlag.
Paris, France. 1992; 61-71.
15 - Kanis JA, Johnell O, Gullberg B et al. Evidence for efficacy of drugs affecting
bone metabolism in preventing hip fractures. BMJ 1992; 305:1124-8.
16 - Cauley JA, Seeley DG, Ensrud K, Ettinger B, Black D, Cummings SR. Estrogen
replacement therapy and fractures in older women. Ann Intern Med 1995; 122:
9-16.
17 - Maxim P, Ettinger B, Spinalty GM. Fracture protection provided by long-term
estrogen treatment. Osteoporosis Int 1995; 5: 23-29.
18 - Felson DT, Zhang Y, Hannan MT, Kiel DP, Wilson PWF, Anderson JJ. The effet
of postmenopausal estrogen therapy on bone density in elderly women. New Engl
J Med 1993; 329:1141-1146.
19 - Schneider DL, Barrett-Connor L, Morton DJ. Timing of postmenopausal estrogen
for optimal bone mineral density. JAMA 1997; 277: 543-547.
20 - Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer. Breast cancer
and hormone replacement therapy : collaborative reanalysis of data from 51 epidemiological
studies of 52 705 women with breast cancer and 108 411 women without breast
cancer. Lancet 1997; 350:1047-1059.
21 - Riggs BL, Khosla S, Melton LJ III. A unitary model for involutional osteoporosis
: estrogen deficiency causes both type I and type II osteoporosis in postmenopausal
women and contributes to bone loss in aging men. J Bone Miner Res 1998; 13:
763-773.
22 - Heshmati HH, Khosla S, Robins SP, Geller N, McAlister CA, Riggs BL. Endogenous
residual estrogen levels determine bone resorption even in late postmenopausal
women. J Bone Miner Res 1997; 12(S1): 121.
23 - Ettinger B, Pressman A, Sklarin P, Bauer DC, Cauley JA, Cummings SR. Associations
between low levels of serum estradiol, bone density, and fractures among elderly
women: the Study of Osteoporotic Fractures. J Clin Endocrinol Metab 1998; 7:
2239-2243.
24 - Stone K, Bauer DC, Black DM, Sklarin P, Ensrund KE, Cummings SR. Hormonal
predictors of bone loss in elderly women : a prospective women. J Bone Miner
Res 1998; 13: 1167-1174.
25 - Cummings SR, Browner WS, Bauer D et al. Endogenous hormones and the risk
of hip and vertebral fractures among older women. N Engl J Med 1998; 339:733-738.
|