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Titre: Impacts diagnostiques, therapeutiques et qualitatifs des consultations d'oncogénétique
Année: 1998
Auteurs: - Nogues C.
Spécialité: Gynécologie
Theme: oncogénétique

Impacts diagnostiques, thérapeutiques et qualitatifs des consultations d’oncogénétique

Dr C. Noguès, Centre René Huguenin, Saint-Cloud

Position du problème

L'existence d'une prédisposition génétique pour le cancer est étayée par la découverte depuis le début des années 1980 de gènes de susceptibilité à certains cancers ou à des syndromes associés à certains cancers (gènes TP53 en 1980, RB1en 1986, WT1 et NF1 en 1990, APC en 1991, NF2, VHL et RET en 1993). Mais c’est en deux ans, 1994 et 1995, que sept gènes (MSH2, MLH1, PMS1, PMS2, BRCA1, BRCA2, P16) prédisposant à des cancers fréquents (cancers du côlon, de l’endomètre, de l’estomac, de l’ovaire, du sein et mélanomes) ont été identifiés, tournant ainsi l’une des premières pages de la recherche sur les prédispositions aux tumeurs.

Pour mémoire, une cascade de remaniements et de mutations de nombreux gènes sont nécessaires à l’apparition d’un cancer. Dans la très grande majorité des cas, ces événements génétiques sont acquis " accidentellement " par un petit nombre de cellules dans un tissu donné (mutations somatiques). Lorsque l’on parle de prédisposition au cancer (environ 5% de la totalité des cancers), les personnes portent dans toutes les cellules de leur organisme, y compris la lignée germinale, une mutation d’un gène (mutation constitutionnelle ou germinale) qui est donc transmissible. Cette mutation n’a aucun potentiel malin à elle seule, elle crée un état de prédisposition se traduisant par une augmentation du risque de déclenchement de la cascade des mutations d’autres gènes, aboutissant finalement au cancer.

Une nouvelle discipline : l’oncogénétique

Le développement de consultations d'oncogénétique orientées vers les prédispositions aux cancers du sein et de l'ovaire a débuté en Europe et aux Etats-Unis, à partir du début des années 90 avec la localisation d'un premier gène de prédisposition aux cancers du sein. par l'équipe de Mary-Claire King. Ces résultats, perçus alors comme la première étape tangible vers la compréhension des formes héréditaires de cancer du sein, ont suscité beaucoup d'espoir dans les possibilités de prédiction par la réalisation de tests moléculaires, et, à terme, de prise en charge de femmes à haut risque tumoral.

L’objectif des consultations d’oncogénétique est de répondre aux patients qui, compte tenu de leur histoire familiale, s’interrogent sur le risque qu’ils ont de développer à leur tour un cancer et de les informer des modalités de prévention et de dépistages adaptés. Cette discipline entraîne un certain nombre de difficultés nouvelles. Il s’agit en effet d’une médecine fondée sur l’évaluation des risques et qui peut impliquer les membres de toute une famille. C’est aussi l’émergence des problèmes posés par la disponibilité d’un diagnostic pré-symptomatique dans des maladies à révélation tardive. La légitimité de cette démarche médicale, située encore souvent entre recherche et clinique, s'appuie sur les avantages attendus d'un diagnostic précoce, voire d'une prévention primaire proposée aux sujets identifiés comme porteurs d'une prédisposition génétique majeure. Les connaissances sont encore récentes et devraient continuer à augmenter tant sur les aspects les plus fondamentaux que sur l’optimisation de la prise en charge médicale des sujets prédisposés, le retentissement psychologique du résultat d’un test génétique et l’adhésion à des recommandations de surveillance.

Après avoir mis en avant les espoirs considérables voir l’enthousiasme soulevés par cette démarche, le débat largement relayé par la presse grand public s’est ensuite orienté vers les limites actuelles et à venir des tests génétiques, l’absence de certitudes sur l’efficacité de la prise en charge proposée, le risque de stigmatisation (1). Un plus juste milieu devrait pouvoir être obtenu dans ce débat : il n’existe pas encore de " panoplie diagnostique " et il est vrai que ces connaissances encore récentes doivent être largement évaluées tant du point de vue de l’impact sur les indicateurs sanitaires habituels que sur le retentissement sur le psychisme des personnes à risque mais rien ne pourra être démontré sans la réunion de femmes à " haut risque " définies par un statut génétique commun (2,3).

Du risque familial à la caractérisation d’un " haut risque " génétique.

Prédisposition aux cancers du sein : approche épidémiologique

L'observation de familles présentant un grand nombre de cas de cancers du sein ont suggéré depuis longtemps l'existence de facteurs génétiques de prédisposition.

La plupart des études épidémiologiques classiques (études de cohorte, cas-témoins) ont objectivé des agrégations familiales de cancer du sein en montrant par exemple, que le risque de cancer du sein pour une femme est augmenté d'un facteur 1,5 à 3 si elle a une apparentée du 1er degré (mère, soeur, fille) atteinte de cette affection. Mais il existe un différentiel de ces risques relatifs (1,5 à 9) en fonction de l'âge au diagnostic et de la bilatéralité de l'atteinte chez cette apparentée. Il s'agit donc d'un risque relatif moyen. et le problème est donc de pouvoir distinguer les sous-groupes de femmes qui ont un risque beaucoup plus élevé que celui de la population générale.

En effet, les agrégations familiales de cancers peuvent s'expliquer de différentes manières. Les cancers familiaux ne veulent pas forcément dire risque héréditaire. La détermination du risque génétique est une situation complexe lorsqu'elle repose sur la notion d'une agrégation familiale de cancers aussi fréquents que le cancer du sein où l'on peut évoquer le hasard seul (accumulation fortuite de cancers dans une même famille), un risque environnemental commun aux membres d'une même famille mais aussi la transmission d'une prédisposition au cancer d'une génération à l'autre.

Des études d'épidémiologie génétique (analyses de ségrégation) ont établi que 5% des cas de cancer du sein sont liés à une prédisposition génétique dite majeure. La transmission de la prédisposition a lieu selon le mode dominant (risque de transmission : 1/2) et peut être autant d'origine maternelle que paternelle. Le fait d’être porteuse d'une prédisposition génétique confère à une femme un risque de cancer du sein, cumulé au cours de la vie, de 80%. Ces risques peuvent varier selon les publications et les populations d’étude - entre 56% et 87% - mais restent nettement supérieurs à ceux de la population générale (4,5). Dans tous les cas, Le risque tumoral est déjà majeur avant la ménopause puisqu'il est supérieur à 50%.

Les résultats des études précédentes, même en l’absence d’analyse moléculaire, permettent d'estimer la probabilité qu'une situation familiale reflète une prédisposition sous-jacente, en prenant en compte les âges au diagnostic, l'âge des femmes indemnes et la répartition des cas dans la famille. Mais la fréquence élevée des cancers du sein dans la population (risque cumulé de 8%) peut être à l'origine de cas fortuits (ou sporadiques) dans les familles.

Au moins trois gènes impliqués

Des études de liaison génétique (analyses de linkage) entreprises dans des familles à cas multiples de cancers du sein ont permis de localiser un premier gène de prédisposition, BRCA1 (BReast CAncer 1) sur le bras long du chromosome 17. Il s'est révélé rapidement que ce gène ne pouvait rendre compte de tous les cas "héréditaires" de cancer du sein. Reprenant les grandes familles, non liées à BRCA1, un second gène, BRCA2, a été localisé sur le bras long du chromosome 13. Ce gène est impliqué dans la majorité des familles comprenant des cas de cancer du sein chez l'homme. BRCA1 et BRCA2 rendent compte de près de 85% des prédispositions génétiques aux cancer du sein.

Un troisième gène, p53, est impliqué dans moins de 1% des cas de cancer du sein de la femme de moins de 40 ans. Il est alors à l'origine de tableaux familiaux très particuliers caractérisés par un large spectre de tumeurs (principalement sarcomes, cancers du sein, tumeurs cérébrales et hémopathies), un âge au diagnostic précoce (avant 30 ans dans 70% des cas) et l’existence de cancers primitifs multiples dans un tiers des cas. Il s'agit du syndrome de Li-Fraumeni (6).

Il est vraisemblable que d'autres gènes seront prochainement localisés : probablement au moins un autre gène conférant un risque tumoral élevé et des gènes concernant peut-être un plus grand nombre de femmes mais associés à un risque génétique plus faible.

Prédisposition au cancer du sein et au cancer de l'ovaire

Des associations familiales et individuelles de cancer du sein et de l'ovaire sont rapportées là aussi depuis longtemps. Le caractère non fortuit de ces observations a été apprécié par la mise en évidence d'un risque relatif de cancer du sein de 1,7 pour une femme apparentée au premier degré avec une femme atteinte de cancer de l'ovaire et un risque de cancer de l'ovaire de 1,6 pour une femme apparentée avec une femme atteinte d'un cancer du sein.

Des études de liaison génétique ont montré que le gène BRCA1 était impliqué dans environ 70% de ces familles. Le gène BRCA2 peut également être à l'origine de telles situations familiales, mais dans une moindre mesure. Le risque de tumeur ovarienne épithéliale des patientes prédisposées est moindre que le risque mammaire mais reste de l'ordre de 40% à 80 ans - entre 16% et 84% selon les publications - (4,5). Ce risque cumulé est de toute façon bien supérieur à celui d’une femme de la population générale (0.9%).

Identification des gènes BRCA1 et BRCA2

L'équipe de Mark Skolnick a identifié (cloné) le gène BRCA1 en octobre 1994 (7). BRCA1 est un grand gène d'environ 100 kilobases, codant pour une protéine de 1863 acides aminés. La fonction de cette protéine et a fortiori, son rôle dans la physiologie mammaire, sont encore inconnus. Ses particularités structurales suggèrent néanmoins qu'il pourrait s'agir d'un facteur de transcription de gène.

Actuellement sur la base de données internationale BIC (Breast Cancer Information data base) 332 mutations différentes sont décrites pour ce gène dont environ un tiers d’entre elles ne sont rapportées qu’une seule fois. La grande diversité et la dispersion des altérations du gène BRCA1 rendent difficile et lourde l'identification d'une mutation BRCA1 dans une famille donnée (plusieurs mois). Il faut souligner néanmoins que lorsque la mutation a été identifiée dans une famille, sa recherche chez les autres membres de la famille devient plus simple (quelques semaines). Dans plus de 85% des cas, les mutations identifiées se traduisent par une altération majeure voire l'absence de la protéine BRCA1, leur rôle dans la prédisposition est alors sans ambiguïté. Dans les cas restants, il s'agit de mutation faux-sens qui ont pour effet de substituer un acide aminé à un autre. Leur caractère délétère reste en suspens en l'absence, à l'heure actuelle, d'un test fonctionnel capable de mettre en évidence la présence ou l'absence de fonctions de la protéine issue de ces mutations faux-sens.

Jusqu'à maintenant aucune corrélation entre le type de mutation et les différentes atteintes tumorales (sein ou ovaire) n'a pas pu être établie (pas de corrélation génotype-phénotype évidente): la même mutation peut être à l'origine de concentrations familiales de cancers du sein seuls et de cancers du sein et de l'ovaire, voire de l'ovaire seuls. Le risque ovarien serait néanmoins plus élevé en fonction de la position de la mutation sur la séquence codante de BRCA1.

A peine un an après sa localisation, le gène BRCA2 a été identifié par l'équipe de M Stratton (8). Il s'agit là encore d'un grand gène dont la séquence codante est deux fois plus importante que celle de BRCA1. Sa séquence codante ne présente pas d'homologie avec des protéines connue. Les mutations, décrites jusque là sont diverses et conduisent à une protéine tronquée. Pour le moment, 135 mutations différentes sont décrites pour ce gène dans la base BIC.

Pronostic, autres risques tumoraux et facteurs de risques associés

Le pronostic des tumeurs survenant dans un contexte de prédisposition n'est pas clairement établi. Il s’agit plus volontiers de cancers de la femme jeune (43 versus 60 ans). Plusieurs études dont une internationale ont rapportées qu’il s’agissait de tumeurs plus prolifératives et indifférenciées que dans le groupe témoin (9). Paradoxalement, il semble que le pronostic de ces cancers ne soit pas plus défavorables en terme de survie.

Le risque de cancer du sein controlatéral est élevé chez les femmes porteuses d'une mutation BRCA1 ; une première estimation de ce risque, faite dans les familles liées à BRCA1, est de 60% à 70 ans. Cette même étude a rapporté que le risque de cancer du colon est multiplié par 4 et celui de cancer de la prostate multiplié par 3,5 chez les sujets porteurs. Ces chiffres sont à retenir avec précaution dans la mesure où ils ont été établis à partir de l'analyse de familles recensées pour leur grand nombre de cas de cancer du sein ou de l'ovaire, les valeurs peuvent avoir été ainsi surestimées.

Des études sont en cours sur les interactions entre les facteurs génétiques et les facteurs de risque plus classiques du cancer du sein comme les facteurs liés à la reproduction.

De la caractérisation du risque génétique à la prise en charge

Indications actuelles de la consultation d’oncogénétique

L'état de nos connaissances, encore limitées aux prédispositions génétiques majeures, et la lourdeur des investigations familiales et moléculaires conduisent à poser des indications de consultation avec le souci de retenir les cas familiaux les plus probablement d'origine génétique. Il est vraisemblable néanmoins qu'à moyen terme, l'amélioration de nos connaissances et les progrès technologiques réalisés permettront d'élargir ces indications.

Il n’y a pas de définition unique de la famille à risque mais les critères de base qui permettront au praticien de sélectionner les familles sont une incidence élevée de cancers du sein (+/- ovaire) et une distribution familiale compatible avec la transmission d’un gène de susceptibilité, un âge précoce au diagnostic. Il peut exister d’autres arguments d’orientation comme la multifocalité, la bilatéralité, l’existence de tumeurs primitives multiples. Il n’existe pas d’argument pathognomonique sur une présentation clinique individuelle.

Les indications retenues le plus fréquemment à l'heure actuelle sont les suivantes :

- présence d'au moins trois cas de cancers du sein ou de l'ovaire chez des sujets appartenant à la même branche parentale et dont deux sont unis entre eux par un lien de premier degré ;

- présence d'au moins deux cas de cancers du sein, unis par un lien de premier degré et dont l'âge au diagnostic de l'un d'eux est au plus de 40 ans ou dont l’un des cas est masculin. La bilatéralité de l’atteinte mammaire est souvent prise en compte au même titre qu’un cancer du sein précoce ;

- présence d'un cas de cancer du sein et d’un cas de cancer de l’ovaire ou de deux cas de cancers de l’ovaire, chez des sujets unis par un lien de premier degré ;

- présence d'une association de cas de cancers du sein, de sarcome, ou de tumeur cérébrale, diagnostiqués avant l'âge de 46 ans chez le même sujet ou chez deux personnes unies par un lien de premier degré.

Naturellement, il existera toujours des situations familiales évoquant une prédisposition génétique sous-jacente et ne répondant pas à ces critères, un entretien préalable avec le médecin chargé de la consultation d'oncogénétique permettra de discuter ces cas.

Donc, au terme de ce travail, l'existence d'une éventuelle prédisposition familiale peut être précisée. Lorsque cela est réalisable, il est possible de mettre en place une surveillance des personnes à haut risque à l'échelle familiale avec l'aide des médecins habituels. Une analyse pourra être envisagée dans certaines familles à la recherche d’une altération du(des) gène(s) de prédisposition incriminé(s) à partir du(des) prélèvement(s) sanguin(s) d’une(des) personne(s) atteinte(s) de la famille.

les tests moléculaires : cadre, indications et limites

Des investigations moléculaires peuvent préciser le risque établi à partir des données épidémiologiques. Il s'agit d'examens effectués actuellement dans des laboratoires de recherche et qui seront probablement bientôt effectués dans un cadre de diagnostic selon des procédures de " bonnes pratiques cliniques " garantissant au maximum le choix éclairé des personnes qui s’y engagent (2,3). A l’heure actuelle l’identification d’une altération responsable dans une famille donnée reste difficile.

Ces examens, reposant sur l'étude de l'ADN, sont réalisés en général à partir d'une prise de sang. Deux types d'approche sont utilisées : l'approche indirecte ou étude de liaison génétique et l'approche directe ou recherche de mutation.

L’étude de liaison génétique a été utilisée avant l’identification précise de BRCA1 et BRCA2. Elle est dorénavant supplantée par la recherche directe de mutation mais pourra servir à localiser d’autres gènes. Elle met à contribution l'ensemble de la famille. L’analyse indirecte repose sur la reconstitution et la distinction des régions chromosomiques abritant un gène BRCAx chez les différents membres de la famille et la recherche d'une association entre le phénotype (malade ou non) et la région chromosomique reconstituée. En pratique, cette approche a été jusqu’à présent réservée aux familles de type sein-ovaire dont au moins quatre cas étaient accessibles. En effet, seules ces familles peuvent être suffisamment informatives pour permettre de retenir de façon fiable l'implication des gènes étudiés.

L'analyse directe est possible lorsque le gène a été identifié mais la diversité des mutations conduit à cribler l'ensemble du gène à la recherche d'une mutation pour chaque famille. L'examen est réalisé en première intention chez la personne atteinte la plus susceptible d'être porteuse. Lorsque la mutation a été identifiée, on dispose d'un test biologique, alors facile à mettre en oeuvre chez les autres membres de la famille.

Il faut retenir qu'à l'heure actuelle l'identification d'une mutation responsable dans une famille donnée reste difficile et un véritable challenge pour le laboratoire.

Stratégie et interprétation

Si une mutation constitutionnelle du gène BRCA1, par exemple, est identifiée dans une famille, on se posera le problème du suivi des femmes atteintes de cancer du sein et porteuses de la mutation (risque accru de cancer du sein controlatéral et de cancer ovarien conféré par la mutation BRCA1). Un test génétique pourra être proposé à leurs apparentés. Les apparentées qui sont porteuses de cette mutation ont alors un risque tumoral élevé tant au niveau du sein que de l’ovaire et devraient pouvoir bénéficier d’une prise en charge adaptée. Tous les apparentés porteurs(quel que soit leur sexe) peuvent transmettre la mutation à leur descendance (un risque sur deux). Ceux qui ne sont pas porteurs de la mutation ont seulement le risque tumoral de la population générale ; un résultat négatif a donc dans ce cadre toute sa signification.

Si aucune mutation du gène BRCA1 n’est identifiée dans une famille, on ne peut prendre en compte ce résultat à l’heure actuelle puisque qu’un résultat négatif n’élimine pas encore la présence d'une altération génétique responsable qui n’aurait pas été détectée (sensibilité de la technique de détection, stratégie d'étude - ADN génique -, choix de la personne testée dans la famille). Il faut alors poursuivre la recherche sur d’autres gènes potentiels comme BRCA2.

Vers une prise en charge

A l’heure actuelle, si nous connaissons mieux les " cibles " (femmes jeunes à haut risque de cancer - en particulier avant 50 ans -) nous manquons encore de données scientifiques permettant de comparer, d’évaluer les modalités de surveillance des femmes à haut risque familial de cancer du sein et de l’ovaire. Mais en pratique clinique, les prises en charge existent et peuvent être très disparates, ne serait ce que parce que les praticiens peuvent apprécier très différemment ce que représente le risque familial pour un individu donné. Tant que les femmes à " haut risque " ne seront pas définies par un statut génétique commun (par exemple être porteur d’une mutation constitutionnelle BRCA1), il sera difficile de démontrer le bien-fondé des options proposées : surveillance, chirurgie prophylactique, prévention ultérieurement.

A ce titre, il est intéressant de souligner l’effort des différentes parties engagées visant à instituer des règles de bonnes pratiques cliniques spécifiques à cette activité. Certaines existent déjà, d’autres sont en cours d’élaboration ou d’adaptation. Toutes insistent sur le temps de réflexion nécessaire à la nature et à la portée de ces interventions, sur la pluridisciplinarité des approches nécessaire à la prise en charge du risque familial. L’heure est à l’ouverture et aussi à l’évaluation.

Pour prendre l’exemple américain, et sans être exhaustif, dès 1994, l’American Society of Human Genetics publie des recommandations sur les tests génétiques dans les prédispositions au cancer du sein et de l’ovaire. Le " Cancer Genetics Studies Consortium ", en 1997, synthétise dans un guide pour les cliniciens les options de prise en charge pour les personnes prédisposées au cancer du sein (10). L’American Society of Clinical Oncology vient récemment de publier ses positions sur les tests génétiques dans les prédispositions au cancer et ses engagements (3). Elle limite l’utilisation des tests au cadre des protocoles de recherche, propose des indications, aborde la réalisation des tests (limites, consentement éclairé). Elle s’engage aussi à assurer la formation des médecins (dans le cadre de la cadre formation continue), les contrôles de qualité des laboratoires, l’accès au test et donc la lutte par tous les moyens de pression possible au niveau du Congrès pour interdire toute forme de discrimination. Elle a été largement reprise par d’autres sociétés savantes ou groupes de pression US comme le National Action Plan Cancer. Une Task force sur les tests génétiques réunissant les médecins, les agences fédérales régulatrices, les associations, les groupes de malades, les partenaires industriels doit aboutir à une série de recommandations et à une loi fédérale interdisant les pratiques inconsidérés de ces tests par le biais de programmes d’étude collaboratifs.

La France n’est d’ailleurs pas en reste puisque il existe déjà un cadre juridique pour lequel sont attendus tout particulièrement les décrets d’application des lois dites de bioéthique. Des recommandations d’organismes extérieurs comme l'avis récent du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé sont diffusées (2). Des recommandations internes du groupe Génétique et Cancer de la FNCLCC sont également publiées et traitent tant de l’organisation des consultations d’oncogénétique et de leur mode de fonctionnement que de l’attitude vis à vis des tests moléculaires dans le cancer du sein. Les travaux d’une expertise collective INSERM - FNCLCC sur la prise en charge du risque génétique pour le cancer du sein et de l’ovaire doivent être publiés prochainement.

Dans tous ces documents, l’évaluation des répercussions psychologiques et sociales des interventions en oncogénétique est demandée de façon prioritaire. Les motivations qui sous-tendent (animent) ces demandes doivent être comprises du mieux possible ; elles sont souvent multiples et souvent contradictoires. L’information pose le problème essentiel ; la façon dont elle est donnée, la façon dont elle est reçue, la façon dont elle circule dans une famille. Comment doit-on préparer à la révélation d’un statut génétique et donc quelle information donne-t-on, quand un test génétique est proposé, sur la signification de ce statut et sur les possibilités de prise en charge globale du risque tumoral conféré par ce statut: Comment peut-on garantir un choix éclairé plutôt qu’un consentement éclairé.

 

Références bibliographiques

(1) Collins F, " BRCA1 - lots of mutations, lots of dilemnas ". N Engl J Med 1996 : 334, 186-188.

(2) Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, " Génétique et médecine : de la prédiction à la prévention ". Avis. Rapports. n°46, 30 octobre 1995.

(3) Statement of the American Society of Clinical Oncology, " Genetic testing for cancer susceptibility ". J Clin Oncol 1996 : 14, 1730-1736.

(4) Ford D et al : for the Breast Cancer Linkage Consortium, " Risks of cancer in BRCA1-mutation carriers ". Lancet 1994 : 343, 692-695.

(5) Struewing JP et al, " The risk of cancer associated with specific mutations of BRCA1 and BRCA2 among ashkenazi jews ". N Engl J Med 1997 : 336, 1401-1408.

(6) Frebourg T, " Le syndrome de Li-Fraumeni ". Bull Cancer, 1997 : 84, 735-740.

(7) Miki Y et al, " A strong candidate for the breast and ovarian cancer susceptibility gene BRCA1 ". Science 1994 : 266, 66-71.

(8) Wooster R et al, " Identification of the breast cancer susceptibility gene BRCA2 ". Nature 1995 : 378, 789-792.

(9) the Breast Cancer Linkage Consortium, " Pathology of familial breast cancer: differences between breast cancers in carriers of BRCA1 or BRCA2 mutations and sporadic cases ". Lancet 1997 : 349, 1505-1510.

(10) Burke W et al : for the Cancer Genetics Studies Consortium," Recommandations for follow-up care of individuals with an inherited predisposition to cancer  : II. BRCA1 and BRCA2". JAMA 1997 : 277, 997-1003.