Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: Prise en charge de la femme ménopausée à risques
Année: 2002
Auteurs: - Trémollières F.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause

PRISE EN CHARGE DE LA FEMME MENOPAUSEE A RISQUE.
LA FEMME A RISQUE OSSEUX : STRATEGIE THERAPEUTIQUE ACTUELLE.


Florence TREMOLLIERES, Jean-Michel POUILLES et Claude RIBOT

Unité Ménopause et Maladies Osseuses Métaboliques
Service d'Endocrinologie
CHU Rangueil
31403 Toulouse Cedex 4


La prise en charge de l'ostéoporose post-ménopausique a fait des progrès importants au cours de ces 10 dernières années grâce à l'amélioration du dépistage des femmes les plus à risque et au développement de thérapeutiques efficaces.
La possibilité de mesurer de manière non invasive la densité minérale osseuse a représenté incontestablement un progrès décisif dans l'évaluation du risque d'ostéoporose. L'ostéodensitométrie guidée par l'examen clinique et l'anamnèse constitue ainsi la pierre angulaire de ce dépistage. Son utilisation est sous-tendue par la démonstration indiscutable par de nombreuses études prospectives de la relation étroite entre la diminution de la densité minérale osseuse et l'augmentation du risque fracturaire (1,2). Cette relation a de plus conduit tout naturellement à une nouvelle définition, "densitométrique", de l'ostéoporose qui permet désormais d'envisager une prise en charge plus précoce de cette affection, avant la survenue de la fracture.
Au plan thérapeutique, nous disposons, à côté du traitement hormonal (THS), de nouveaux médicaments tant pour la prévention primaire que la prévention secondaire des fractures. Ces médicaments, qui sont comme les estrogènes des inhibiteurs plus ou moins puissants de la résorption osseuse, sont représentés par les bisphosphonates de dernière génération (alendronate, risédronate) et le raloxifène, seul SERM (Selective Estrogen Receptor Modulator) actuellement disponible. Si ces traitements ont fait la preuve de leur efficacité anti-fracturaire dans de grands essais dont la méthodologie répond aux exigences actuelles pour apporter un niveau de preuve suffisant, leurs indications, telles qu'elles sont définies par leur AMM (tableau 1), restent en pratique mal cernées. En effet, elles sont basées sur l'existence d'un risque " avéré " ou " accru " d'ostéoporose sans qu'il soit fait référence au niveau de masse osseuse, alors que celui-ci représente un paramètre clé dans l'évaluation du risque d'ostéoporose. Cette difficulté jointe aux conditions différentes de prescription et de remboursement explique les problèmes rencontrés dans l'utilisation de ces nouvelles thérapeutiques et notamment en début de phase post-ménopausique.

Nous rappellerons ici les principales données témoignant de l'efficacité anti-fracturaire de ces différents traitements pour envisager dans un 2ème temps leur place respective chez la femme en début de ménopause.

Tableau 1 : AMM des nouveaux traitements de l'ostéoporose :

Molécules AMM R
EtidronateDidronel® Traitement curatif de l'ostéoporose post-ménopausique avec au moins 1 tassement vertébral +
Alendronate Fosamax®
10 mg
Traitement de l'ostéoporose post-ménopausique avérée ± (1)
Alendronate Fosamax®
5 mg
Prévention de l'ostéoporose post-ménopausique chez les femmes à risque élevé -
RisédronateActonel®
5 mg
Traitement de l'ostéoporose post-ménopausique avérée Prévention de l'ostéoporose post-ménopausique chez les femmes à risque élevé ± (1)
RaloxifèneEvista®
60 mg
Traitement et prévention de l'ostéoporose chez les femmes ménopausées. Une diminution significative de l'incidence des fractures vertébrales mais non des fractures de l'extrémité supérieure du fémur a été démontrée. ± (1)

R : remboursement au 01-08-2001
(1) : remboursement si au moins 1 fracture ostéoporotique

1 - Preuves et limites de l'efficacité anti-fracturaire des moyens thérapeutiques actuels :

a) Le THS :

Le THS est le traitement le plus anciennement utilisé dans la prévention de l'ostéoporose, ce qui nous permet de disposer de très nombreuses études d'observation. Toutes ces études (3) rapportent une diminution de l'ordre de 50% de l'incidence des fractures ostéoporotiques chez les femmes traitées pendant plusieurs années après leur ménopause. Il est vrai cependant, que nous ne disposons pas, contrairement aux nouveaux traitements de l'ostéoporose, de grandes études randomisées répondant aux critères méthodologiques actuels nécessaires pour apporter un niveau de preuve suffisant. Il n'en demeure pas que l'efficacité des estrogènes, notamment vis-à-vis de l'ostéoporose vertébrale apparaît difficilement contestable (4,5).
En ce qui concerne la fracture de l'extrémité supérieure du fémur (ESF), dont l'âge moyen de survenue (en moyenne, en France vers l'âge de 82 ans) augmente avec l'allongement de l'espérance de vie, la place du THS reste très certainement encore à définir. En effet, au delà de 75 ans, la très grande majorité des femmes parmi celles qui ont bénéficié d'un traitement hormonal au moment de la ménopause l'ont souvent interrompu depuis de nombreuses années. On peut donc très raisonnablement s'interroger sur la persistance, à distance du THS, d'un effet protecteur des estrogènes vis-à-vis du risque fracturaire fémoral. Il est clair de toute façon, compte tenu du caractère multi-factoriel des fractures de l'ESF, que le traitement hormonal ne saurait avoir qu'un effet limité sur cette incidence fracturaire, même si son efficacité n'apparaît pas uniquement lié à un effet sur la masse osseuse.
Au plan épidémiologique, la totalité des études qui ont examiné la relation entre THS et risque de fracture du col du fémur souligne la notion d'une efficacité anti-fracturaire d'autant plus importante que le traitement a été prolongé. Une durée minimale de traitement de 5 à 7 ans apparaît nécessaire pour être associée à une diminution significative du risque de fracture tout en remarquant que la diminution de ce risque est surtout rapportée pour les femmes en cours de traitement et dans la plupart des cas âgées de moins de 75 ans (3). Au-delà de cet âge, nous disposons actuellement de données qui remettent en cause la notion d'un effet préventif prolongé à distance du THS (6-8). Ainsi, dans un suivi prospectif de plus de 25 ans réalisé chez 490 femmes dont la moitié avait reçu une estrogénothérapie de longue durée (pendant en moyenne 17,1 ± 7,8 ans), Maxim et coll (7) observaient une disparition de l'effet protecteur des estrogènes sur le risque de fracture du col de fémur au-delà de 80 ans. Alors que le risque relatif de fracture vertébrale (RR = 0,67 - 95% IC [0,41-1,10]) et du poignet (RR = 0,46 - IC 95 % [0,25-0,86]) restaient significativement plus bas chez les femmes de plus de 80 ans ayant reçu un traitement estrogénique, le risque de fracture du col du fémur était identique à celui des femmes qui n'avaient jamais été traitées (RR = 1,16 - IC 95 % [0,51-2,62]).

Ces données pose donc le problème de la meilleure stratégie d'utilisation du THS pour prévenir la fracture du col du fémur au-delà de l'âge de 75 ans :

. La proposition d'un traitement à vie apparaît peu réaliste dans la pratique quotidienne.
. On pourrait également envisager de prolonger la prescription du THS après la ménopause pendant 10 à 15 ans afin de renforcer son efficacité préventive au-delà de 75 ans. Cette stratégie soulève cependant tout comme la précédente le problème de sa compliance et de son innocuité au plan mammaire (9).
. Une alternative serait de débuter le THS plus tardivement, non pas au moment de la ménopause, mais après 65 ans en ciblant les femmes les plus à risque de fracture.

Cette proposition, si elle offre le plus d'avantages en termes de coût de santé, présente cependant l'inconvénient majeur de n'aborder le problème du THS que par le biais exclusif de la prévention de la fracture du col du fémur et d'ignorer tous les autres bénéfices du THS. De plus, des données récentes (6,8) semblent indiquer que le fait de ne pas débuter le THS en début de ménopause, au moment où le remodelage osseux est le plus élevé et susceptible de fragiliser la micro-architecture osseuse, ne permette pas de prévenir de manière optimale le risque osseux.

. Une autre alternative pourrait être basée sur deux séquences de traitement (10) :

- une première séquence, à partir de la ménopause pendant 5 à 7 ans, offrirait l'avantage de prévenir l'ostéoporose vertébrale et la fracture de Pouteau-Colles, tout comme de contrôler les manifestations fonctionnelles, génito-urinaires et de diminuer le risque cardio-vasculaire chez les sujets prédisposés. De plus, cette durée de traitement n'apparaît pas susceptible, d'après les dernières données épidémiologiques, d'augmenter le risque de cancer du sein.
- une seconde séquence hormonale (ou non hormonale) pourrait ensuite être envisagée vers l'âge de 70 ans en ciblant les femmes les plus à risque de fracture du col du fémur. Cette approche est rendue possible par la possibilité de dépister à cet âge les sujets à risque sur des critères cliniques (antécédents de fracture par fragilité, antécédents familiaux de fracture de l'extrémité supérieure du fémur) ainsi que par une mesure de la densité osseuse fémorale par DXA.

En effet, au-delà de 70 ans également, un pré-screening utilisant une mesure de la densité osseuse au poignet ou au calcanéum apparaît plus performant pour dépister les femmes à risque qu'au moment de la ménopause. Enfin, et même chez le sujet âgé, les estrogènes gardent toute leur efficacité pour freiner le remodelage osseux du fait de la persistance de l'estrogéno-dépendance de la perte osseuse, même plus de 20 ans après la ménopause. Cette prévention plus ciblée, plus courte, à un âge où l'incidence de ces fractures augmente de façon exponentielle serait probablement plus efficace sur la réduction du nombre de fractures et donc en termes de coût de santé.
Par ses bénéfices extra-osseux sur la fonction locomotrice et la force musculaire, le THS pourrait également contribuer à réduire le risque de chute, déterminant important de ces fractures. Le schéma thérapeutique devra être adapté à l'âge (dose d'estrogènes plus faible et progestatif en continu) et précédé d'une évaluation gynécologique. Enfin, il ne doit pas dispenser de toutes les autres mesures préventives vis-à-vis de ces fractures (notamment de la supplémentation en calcium et vitamine D).
Cette approche demande cependant encore à être validée par des études cliniques prospectives.

Les modalités de l'utilisation des estrogènes dans la prévention de l'ostéoporose sont donc actuellement mieux définies. Leur efficacité dans la prévention de l'ostéoporose a été largement rapportés par de nombreuses études épidémiologiques. Nous ne disposons pas cependant d'études nous permettant de par leur méthodologie de quantitifer avec précision (par le "nombre de femmes à traiter pour éviter une fracture" ou NNT pour "Number Needed to Treat") le bénéfice osseux du THS, tel que nous pouvons le faire désormais avec les traitements les plus récents. De plus, le problème essentiel demeure toujours celui de l'observance à long terme, problème d'autant plus important que toutes les études concordent pour souligner la nécessité d'un traitement prolongé pour une pleine efficacité anti-fracturaire.

b) Les bisphosphonates :

Les bisphosphonates sont des analogues synthétiques du pyrophosphate qui possèdent une forte action anti-ostéoclastique. Leur mécanisme d'action précis reste encore mal élucidé, fonction du type de bisphosphonate et pour une large part lié à leur capacité de liaison au cristal d'hydroxyapatite. Ils inhibent ainsi directement l'activation et le recrutement des ostéoclastes (par la voie du mévalonate notamment) et favoriseraient leur apoptose. La "puissance" de leur action anti-résorption in vitro a augmenté avec le développement des molécules de dernière génération, l'alendronate et le risédronate ayant une activité respectivement 1 000 et 2 000 fois plus marquée que celle de l'étidronate. Il est cependant important de noter que l'absorption intestinale des bisphosphonates est extrêmement limitée, à quelques pourcents de la dose orale pour certains d'entre eux et que la prise concommittente d'aliments diminue encore cette absorption à un niveau négligeable.

- L'étidronate (Didronel®) est le 1er bisphosphonate à avoir été utilisé dans le traitement de l'ostéoporose vertébrale fracturaire. Il permet une diminution de l'incidence des nouveaux tassements vertébraux, même si cette diminution n'a été retrouvée de manière significative que chez les femmes présentant déjà une ostéoporose sévère avec la présence d'au moins 2 tassements avant le début de l'étude (11). De plus, nous disposons pas de données témoignant de son efficacité vis à vis des fractures du col du fémur. Bien que bénéficiant d'une excellente tolérance clinique, son utilisation tend actuellement à être supplantée par celle des bisphosphonates de 2ème et de 3ème génération.

- L'alendronate (Fosamax®) est un amino-bisphosphonate de 2ème génération qui a fait l'objet d'un développement pré-clinique majeur et pour lequel nous disposons de données cliniques importantes issues d'études ayant impliqué plusieurs milliers de femmes. L'efficacité de l'alendronate pour inhiber la perte osseuse à tous les sites (vertèbres et fémur) en début de ménopause est dose-dépendante (12) et apparait similaire à celle des estrogènes dès la posologie de 5 mg/jour. Le meilleur rapport efficacité/risque est retrouvé pour la posologie de 10 mg/jour. Utilisé pendant 3 ans chez des femmes âgées en moyenne de 65 ans et présentant une diminution de leur masse osseuse (t-score = - 1,6) avec ou sans fracture associée, l'alendronate à la posologie de 10 mg/j entrainait un gain densitométrique osseux par rapport au placebo, de 6,2% à la colonne vertébrale et de 2,4% au col fémoral (13). Cet effet est lié à une diminution importante de l'espace de remodelage osseux avec une diminution dès le 3ème de traitement de l'ordre de 70% des marqueurs de la résorption et de 50% des marqueurs de la formation osseuse. Surtout, l'incidence des nouveaux tassements vertébraux était diminuée de manière significative de 50% (p = 0,03). Il existait également une diminution de l'incidence des fractures de l'ESF dans le sous groupe des femmes les plus à risque (14), c'est-à-dire celles qui présentaient initialement un t-score au col du fémur < -2,5. Ainsi le "nombre de femmes à traiter" (ou NNT pour "number needed to treat") pour éviter une nouvelle fracture passe de 15 à 36 chez les femmes à haut risque osseux (t-score < -2,5 et/ou présence de fractures préalables) à plus de 300 chez les femmes présentant un t-score > - 2.
Le principal effet secondaire de l'alendronate qui peut limiter son utilisation chez les femmes âgées ou à risque d'ulcère est une tolérance digestive haute médiocre avec un risque d'érosion de l'oesophage et d'oesophagite aigüe (15). Ce risque peut être diminué par une prise strictement à jeûn le matin avec 200-250 ml d'eau, l'impératif de ne pas se recoucher et d'attendre environ 30 minutes avant la 1ère prise alimentaire. Ces éléments susceptibles de gêner l'observance à long terme doivent être gardés en mémoire dans l'utilisation de ce bisphosphonate.

- Le risédronate (Actonel®) est un bisphosphonate cyclique de 3ème génération qui a également bénéficié d'un développement pré-clinique et clinique important et qui vient très récemment d'être mis sur le marché avec une AMM comparable à celle de l'alendronate.
Dans une étude randomisée en double aveugle de 2 ans, portant sur 543 femmes ménopausées à risque osseux (t-score < - 2), le risédronate à la posologie de 5 mg/j entraînait une augmentation significative de 4% de la densité minérale lombaire et de l'ordre de 1% au col fémoral (16).
Plus intéressants, les résultats de 2 grandes études réalisées aux USA et en Europe témoignent d'une réduction significative de l'incidence des tassements vertébraux, avec un effet positif dès la fin de la 1ère année de traitement (17). Dans l'étude Américaine qui concernait 2 458 femmes âgées en moyenne de 68 ans, le risédronate diminuait significativement le risque de nouveau tassement vertébral, de 65% par rapport au placebo dès la 1ère année de traitement, ainsi que celui des fractures non vertébrales (diminution de 39% à 3 ans, p = 0,005). Parallèlement à la diminution de l'incidence fracturaire, un gain densitométrique par rapport au placebo de + 4,3% au rachis et de 2,8% au col fémoral était observé chez les femmes traitées. Dans l'étude Européenne, les critères d'inclusion étaient plus sévères puisque les femmes devaient avoir présenté au moins 2 tassements vertébraux. Le bénéfice thérapeutique a néanmoins été comparable avec une diminution de 49% du risque de nouvelle fracture et de 61% dès la fin de la 1ère année. Le risque de fracture périphérique était également diminué de 33%.
Très récemment, nous disposons également des résultats d'une étude randomisée contre placebo visant à évaluer l'efficacité du risédronate dans la prévention de la fracture de l'extrémité supérieure du fémur chez la femme âgée (18). Cette étude a concerné 9 331 femmes âgées de plus de 70 ans recrutés selon l'existence d'une diminution de la densité fémorale ou pour les femmes de plus de 80 ans de facteurs de risque cliniques, notamment de chute. Le résultat apparaît globalement positif, bien que l'efficacité du risédronate ait été surtout patente dans le sous-groupe de femmes ayant une diminution du BMD fémoral (taux de facture de 1,9% dans le groupe risédronate vs 3,2% dans le groupe placebo). Aucune différence significative n'était par contre retrouvée dans le sous-groupe de femmes qui avaient été recrutées sur la base de facteurs de risque cliniques de fracture. Indépendamment de la démonstration du bénéfice du risédronate dans cette indication de prévention primaire de la fracture de hanche chez la femme âgée, cette étude souligne l'importance de l'examen densitométrique pour identifier les femmes les plus à risque de fracture et donc à mêmes de bénéficier d'un traitement de prévention par les bisphosphonates.

La tolérance digestive du risédronate apparaît satisfaisante, tout au moins sur la base des résultats des essais cliniques. Il n'est pas cependant impossible qu'il y ait une certaine discordance entre ces résultats et les données ultérieures, comme pour l'alendronate pour lequel les effets digestifs n'ont été surtout signalé que lors de son utilisation pratique.

Les bisphosphonates de dernière génération constituent donc de puissants agents antiostéoclastiques dont l'efficacité anti-fracturaire est surtout marquée chez les femmes à haut risque osseux (c'est-à-dire présentant une diminution de la densité osseuse de plus de 2,5 écart-type de celle de l'adulte jeune et/ou des fractures osseuse préalables). De ce fait, ils apparaissent plus comme des agents préventifs de 2ème intention, d'autant que leur AMM actuelle en limite leur utilisation dans la prévention de la perte osseuse des femmes en début de ménopause. Chez les femmes très déminéralisées, la possibilité de les associer au THS (19) apparait particulièrement intéressante en terme de gain osseux et constitue d'ores et déjà une option thérapeutique à ne pas méconnaître.

c) Le raloxifène :

Le raloxifène (Evista®) fait partie de la famille des SERMs (Selective Estrogen Receptor Modulators) qui est une nouvelle classe de molécules à action tissulaire spécifique possédant à la fois une action agoniste et antagoniste des estrogènes selon les tissus.
En début de ménopause, il permet une prévention efficace de la perte osseuse tant trabéculaire que corticale (20). Les femmes recevant 60 mg/j de raloxifène avaient ainsi, en moyenne après 2 ans de traitement, des valeurs de densité osseuse vertébrale et fémorale significativement plus élevées de 2,5% par rapport à celles des femmes ayant reçu le placebo. Cet effet osseux, confirmé également chez des femmes plus âgées et ostéoporotiques (21), apparaît lié comme pour les estrogènes à une diminution de la résorption ostéoclastique, comme en témoigne le retour à des valeurs pré-ménopausiques des marqueurs biochimiques du remodelage osseux. Il est cependant important de remarquer que les variations densitométriques apparaissent habituellement inférieures à celles observées avec les estrogènes.
De manière plus intéressante, le raloxifène entraine une diminution de l'incidence des nouveaux tassements vertébraux chez la femme ostéoporotique. L'étude MORE (Multiple Outcomes of Raloxifene Evaluation) a ainsi intéressé 7 705 femmes présentant une ostéoporose densitométrique (t-score < - 2,5), dont près d'un tiers avait déjà eu au moins un tassement vertébral et qui ont été randomisées pour recevoir en double insu le raloxifène ou un placebo (22). A l'issue des 4 années de l'étude, les femmes traitées par 60 mg/j de raloxifène présentaient par rapport aux femmes ayant reçu le placebo, une diminution de 30% du risque de nouveau tassement vertébral (risque relatif (RR) = 0,68 [IC 95% 0,55-0,81]) avec une efficacité comparable chez les femmes déjà fracturées par rapport à celles qui ne l'étaient pas (0,51 [0,35-0,73]). Par contre et sur la base de données actuellement disponibles, il n'y avait pas d'effet significatif vis-à-vis des fractures périphériques (RR = 0,9 [0,8-1,1]), notamment des fractures du col du fémur.

Nous disposons donc avec le raloxifène d'une molécule dont l'efficacité préventive vis-à-vis des fractures vertébrales est actuellement bien démontrée et comparable à celle des bisphosphonates. Leur intérêt plus général est lié à la multiplicité des cibles tissulaires potentielles et à leur action estrogénique sélective. L'absence d'effet délétère sur le tissu mammaire, voire leur possibilité de prévenir le cancer du sein comme le montrent les résultats à 4 ans de l'étude MORE (44) et leur très bonne tolérance endométriale constitueront très certainement des éléments particulièrement important dans la stratégie de prise en charge de l'ostéoporose.


2 - Place des traitements dans la prise en charge de l'ostéoporose à la ménopause :

  • En principe, la place de chacun des différents moyens thérapeutiques est bien définie :
    - Le THS est le seul à pouvoir être utilisé dans le cadre d'une véritable prévention primaire, c'est-à-dire en prévention de la perte osseuse post-ménopausique, comme dans le cadre d'une prévention secondaire, chez une femme ayant déjà présenté une fracture par fragilité.
    - Les autres traitements (bisphosphonates, raloxifène) sont quant à eux indiqués dans des situations qui pourraient être étiquetées de " primo-secondaire ", c'est à dire chez des femmes à haut risque osseux du fait notamment d'une ostéoporose densitométrique (t-score < -2,5) ayant ou non déjà présenté une fracture. Dans cette situation, le raloxifène pourra être utilisé en prévention de l'ostéoporose vertébrale, de même que les bisphosphonates, qui seront par contre privilégiés pour la prévention de l'ostéoporose fémorale.
  • Dans la réalité pratique, le choix du traitement est rendu plus difficile par le fait que la connaissance du niveau de densité osseuse n'est pas considérée comme une condition préalable à l'utilisation de ces nouveaux traitements. Or toutes les études qui sont à la base de l'AMM de ces médicaments ont bien établi que leur efficacité anti-fracturaire n'était patente que chez les femmes dont le t-score était au moins inférieur à - 2,5 écart-types, cette efficacité étant encore plus marquée chez celles ayant déjà présenté une fracture par fragilité (tassement vertébral, notamment). Il est donc clair que l'utilisation éventuelle d'un bisphosphonate ou du raloxifène chez une femme en début de ménopause ne devrait être envisagée sans une mesure préalable de la densité osseuse par une technique validée.

Une autre difficulté est représentée par les conditions très précises réglementant le remboursement de ces traitements qui dépendent de l'existence d'un antécédent documenté de fracture par fragilité. S'il est vrai que c'est dans cette situation clinique que ces molécules ont fait la preuve de leur meilleure efficacité, il existe cependant quelques situations cliniques (contre-indications absolues du THS) où ces traitements représentent la seule thérapeutique disponible. Est-il normal de ne pas rembourser un tel traitement chez une femme ayant une ménopause précoce dans les suites du traitement d'un cancer du sein et une diminution importante de sa densité osseuse, même si elle n'a pas encore présenté de fracture ?
Chacun conçoit que cette réglementation a pour principal objet de limiter des prescriptions abusives mais on peut regretter que le législateur n'ait pas laissé, tout au moins aux médecins spécialistes des pathologies osseuses une plus grande marge d'appréciation.


Au total, nous disposons des moyens thérapeutiques permettant d'envisager une meilleure prévention de l'ostéoporose post-ménopausique. Tous les problèmes ne sont cependant pas résolus pour autant : le non remboursement de l'examen de densité osseuse dont la validité n'est plus contestée par les différentes agences de santé française ou européenne limite de toute évidence l'efficacité du dépistage. De plus, les conditions de remboursement des nouveaux traitements de l'ostéoporose ne favorisent certainement pas une intervention précoce, même chez les sujets à haut risque mais encore sans fracture. Il nous reste à espérer que les ambiguïtés de la situation actuelle soient rapidement levées pour que la prévention de l'ostéoporose puisse être la plus large et la plus efficace possible.

Références :

1 - Kanis JA, Delmas PD, Burckhardt P, Cooper C, Torgeson D. Guidelines for diagnosis and management of osteoporosis. Osteoporosis Int 1997; 7: 390-406.
2 - Center JR, Nguyen TV, Schneider D, Sambrook PN, Eisman JA. Mortality after all major types of osteoporotic fracture in men and women: an observational study. Lancet 1999; 353: 878-82.
3 - Ribot C, Trémollieres F, Pouilles JM. Traitement hormonal et prévention de l'ostéoporose post-ménopausique: analyse critique. In: Caulin C, Chastang C, Kuntz D eds. Evaluation des traitements de la ménopause. Springer-Verlag. Paris, France. 1992; 61-71.
4 - Lufkin EG, Wahner HW, O'Fallon WM et al. Treatment of postmenopausal osteoporosis with transdermal estrogen. Ann Intern Med 1992; 117:1-9.
5 - Genant HK, Baylink DJ, Gallagher JC. Estrogens in the prevention of osteoporosis in postmenopausal women. Am J Obstet Gynecol 1989; 161:1842-6.
6 - Cauley JA, Seeley DG, Ensrud K, Ettinger B, Black D, Cummings SR. Estrogen replacement therapy and fractures in older women. Ann Intern Med 1995 ; 122 : 9-16.
7 - Maxim P, Ettinger B, Spinalty GM. Fracture protection provided by long-term estrogen treatment. Osteoporosis Int 1995; 5: 23-9.
8 - Michaëlsson K, Baron JA, Farahmand C, Johnell O, Magnusson C, Persson P, Persson I, Ljunghall S. Hormone replacement therapy and risk of hip fracture : population based case-control study. BR Med J 1998 ; 316 :1858-63.
9 - Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer. Breast cancer and hormone replacement therapy : collaborative reanalysis of data from 51 epidemiological studies of 52 705 women with breast cancer and 108 411 women without breast cancer. Lancet 1997 ; 350 :1047-59.
10 - Ribot C. Ostéoporose post-ménopausique : aspects épidémiologiques et thérapeutiques. Médecine Thérapeutique 1997 ; 3 :27-33.
11 - Storm T, Thamsborg G, Steinich T et al. Effect of intermittent cyclical etidronate therapy on bone mass and fracture rate in women with postmenopausal osteoporosis. N Engl J Med 1990; 322:1265-71.
12 - McClung M, Clemmesen B, Daifotis A et al. Alendronate prevents postmenopausal bone loss in women without osteoporosis. A double-blind randomized controlled trial. Ann Intern Med 1998; 128:253-61.
13 - Black DM, Cummings SR, Karpf DB et al. Alendronate reduces the risk of vertebral and clinical fractures in women with existing vertebral fractures : results of the fracture intervention trial. Lancet 1996; 348:1535-41.
14 - Ensrud KE, Black DM, Palermo L et al. Treatment with alendronate prevent fractures in women at highest risk. Results from the Fracture Intervention Trial. Arch Intern Med 1997 ; 157 :2617-24.
15 - De Groen PC, Lubbe DF, Hirsch LJ et al. Esophagitis associated with the use of alendronate. New Engl J Med 1996; 335:1016-21.
16 - Fogelman I, Ribot C, Smith R et al. Risedronate reverses bone loss in postmenopausal women with low bone mass : results from a multinational, double-blind, placebo-controlled trial. J Clin Endocrinol Metab 2000; 85:1895-1900.
17 - Harris ST, Watts NB, Genant HK et al. Effects of risedronate treatment on vertebral and nonvertebral fractures in women with postmenopausal osteoporosis. JAMA 1999; 282:1344-52.
18 - McClung MR, Geusens P, Miller PD et al.Effect of risedronate on the risk of hip fracture in elderly women. N Engl J Med 2001; 344:333-40.
19 - Lindsay R, Cosman F, Lobo RA et al. Addition of alendronate to ongoing hormone replacement therapy in the treatment of osteoporosis. A randomized, controlled clinical trial. J Clin Endocrinol Metab 1999; 84:3076-81.
20 - Delmas PD, Bjarnason NH, Mitlak BH et al. Effects of raloxifene on bone mineral density, serum cholesterol concentrations and uterine endometrium in postmenopausal women. N Engl J Med 1997; 337:1641-7.
21 - Lufkin EG, Whitaker MD, Nickelsen T et al. Treatment of established postmenopausal osteoporosis with raloxifene : a randomized trial. J Bone Miner Res 1998; 13:1747-54.
22 - Ettinger B, Black D, Mitlak BH et al. Reduction of vertebral fracture risk in postmenopausal women with osteoporosis treated with raloxifene. Results from a 3-year randomized clinical trial. JAMA 1999; 282:637-45.
23 - Cummings SR, Eckert S, Krueger Ka et al. The effect of raloxifene on risk of breast cancer in postmenopausal women. Results from the MORE randomized study. JAMA 1999; 281:2189-97.