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1999 > Gynécologie > Ménopause  Telecharger le PDF

Recherche de l'influence d'un THS sur l'incidence du cancer du sein dans une population française : reultats préliminaires disponibles en 1998

B. De Ligneres , F Kutten , F. Allaert , S Fournier et R Urbinelli

A partir de l'analyse des variations de marqueurs intermédiaires, biologiques ou epidemiologiques, et en l'absence d'etude randomisèe prospective, de nombreux auteurs ont tenté de prévoir quelle pourrait être l'influence des divers types de traitement hormonal substitutif (THS) sur l’incidence du cancer du sein.

La participation des hormones sexuelles au contrôle de la prolifération des cellules normales ou cancéreuses paraît diverger selon des protocoles d'etude de precision inegale (1,2) même si ceux comportant les critères les plus précis montrent un effet proliferatif des estrogenes et anti –proliferatif de la progesterone(3,4) .De même, les enquêtes épidémiologiques recentes,qui comportent d'inevitables biais de recrutement, aboutissent à des conclusions variables, même lorsqu’il s’agit de population nord américaines relativement homogènes utilisant apparement les mêmes estrogènes et les mêmes progestatifs aux mêmes doses (5,6).

Il reste donc toujours possible en 1999 de proposer des explications physio-pathologiques et des previsions contradictoires,meme si l'ecart entre les plus optimistes et les plus pessimistes s'est considerablement resséré .

Des effets differents ayant deja ètè observès sur d'autres cibles que le sein, par exemple sur les metabolismes lipidiques et glucidiques, la coagulation, l'os et l'endomètre,en fonction des steroides, doses, voies d'administration, durée des cycles de traitement, il paraît indispensable de tenter de dissocier les différents types de prescription dans l'analyse de résultats concernant le sein.

Les THS les plus étudiés jusqu’à présent ont été administrés par voie orale, sont majoritairement constitués d’estrogènes conjugués équins (CEE) utilisés seuls, ou plus rarement associés à la médroxyprogestérone acétate, pour l’Amérique du nord ou sont des associations cycliques d’estradiol et de norgestrel pour l’Europe du nord.

Le THS prescrit le plus souvent en France est sensiblement différent en ce qui concerne l’estrogène, le progestatif et les séquences de traitement. Il comporte de l’estradiol administré par voie cutanée, qui établit un équilibre entre estradiol et estrone. De ce fait le progestatif associé, en stimulant la 17 OH déhydrogenase tend à métaboliser l’estradiol en estrone, ce qui diminue l'activité esttrogenique .

Au contraire, l’estradiol ou les CEE administrés par voie orale provoquent une élévation prédominante des concentrations d’estrone, et le progestatif associé pourrait amplifier l’effet estrogénique par la stimulation de la 17bêta OH déhydrogenase qui métabolise alors le substrat prédominant, l’estrone, en estradiol actif (9).

D'autre part, ni la médroxyprogestérone acétate, ni le norgestrel ne sont couramment utilisés en France où la progestérone ou des dérivés proches sont les plus largement prescrits . La medroxyprogestérone acétate, comme beaucoup d'autres progestatifs utilisés en séquences cycliques, induit des hémorragies utérines précoces, dès le 8ème jour du traitement, chez un nombre important d’utilisatrices.C'est sans doute ce qui explique que nombre d’entre elles interrompent leur cycle de traitement dès le début de l’hémorragie et utilisent de ce fait trop fréquemment des séquences progestatives plus brèves que les 12 à 14 jours généralement recommandés.

Les THS estro-progestatifs sont encore associés en moyenne aux USA à une augmentation du risque de cancer de l'endometre lié au trop grand nombre de femmes (environ 25%) qui utilisent un progestatif moins de 10 jours par mois, alors que seul le sous-groupe qui utilise un progestatif plus de10 jours par mois bénéficie d'une protection efficace(7, 8)Dans l'etude de Pike et al(8) le risque relatif de cancer de l'endomètre est de 2,1 pour les utilisatrices d'estrogènes seuls et de 1,9 pour l'ensemble des utilisatrices d'estro-progestatifs qui ne bénéficient donc, en moyenne, d'aucune protection significative. Parmi ces dernières, seules les utilisatrices de progestatifs au moins 10 jours par mois ont un risque identique à celui des femmes non traitées, et apportent la preuve de l'efficacité potentielle du progestatif pour la protection de l'endomètre.

. L' inefficacitè moyenne du progestatif à protéger le sein contre l’influence de l’estrogénothérapie, apparaît sur la plus récente meta-analyse(10), avec un risque relatif de 1,6 pour les utilisatrices d'estrogènes seuls pendant plus de 5 ans, et de 1,5 pour les utilisatrices d'estro-progestatifs. Ces résultats sont identiques à ceux observés par Pike et al pour l'endomètre, cependant ils n'ont pu être analysés en fonction de la durée d'utilisation du progestatif puisque cette information manque pour la majorité des 58 observations de cancer du sein apparus sous estro-progestatifs, retenus dans la meta-analyse(10). Il est donc impossible de mesurer une éventuelle différence d'influence sur le sein de séquences longues ou courtes de progestatifs ,même si plusieures enquêtes suggèrent l'effet protecteur des séquences longues.

Dans le service d'endocrinologie et de médecine de la reproduction de l'hopital Necker (SEMR) (Paris) des progestatifs ont été associés à l’estrogène dans la quasi totalité des prescriptions de THS, depuis le début des consultations pour "menopause" en 1975, et les utilisations brèves (de moins de 10 jours par cycle) ont été évitées.

La présente étude tente d’identifier l’incidence du cancer du sein chez les femmes qui ont consulté depuis cette époque et qui ont pu être réinterrogées en 1996. L’influence éventuelle du THS sur le cancer du sein ne devenant mesurable qu’avec un recul de plus de 5 à 10 ans, l’enquête ne concerne que les femmes qui ont consulté le SEMR pour la première fois avant le 31 décembre 1987.

Méthode

Population:

  • Inclusion :

- Femmes ayant consulté pour la première fois au SEMR de l’hôpital Necker entre 1976 et 1987

- Agées de 50 ans ou plus (ou agées de moins de 50 ans et ménopausées)

- Adresse postale accessible en 1996

  • Exclusion : 

- Cancer du sein dépisté avant la 1ère visite au SEMR

- Cancer du sein dépisté à l’occasion de la 1ère visite au SEMR (dans les 12 mois suivant cette première visite).

Un questionnaire standardisé a été expédié par voie postale entre décembre 1995 et décembre 96, à toutes les femmes éligibles à l’exception de celles qui continuaient à consulter au SEMR en 1995 et pour lesquelles le questionnaire a été rempli à partir des données de leur dossier médical. En cas de non réponse ou de réponse incomplète, un contact téléphonique a été tenté et le questionnaire a été rempli ou corrigé par l’enquêteur en fonction des informations obtenues.

  • Le questionnaire permettait de préciser :
  • 1- Si un ou plusieurs types de THS ont été utilisés par la patiente, pendant plus de 12 mois au total, depuis sa première visite au SEMR. Les femmes ayant utilisé à n’importe quel moment entre l'âge de 50 ans (ou celui de la ménopause) et 1995 n’importe quel estrogène ayant une activité systémique complète (comme estradiol, estrone, ethinyl-estradiol ou CEE) ont été classées comme utilisatrices d’un THS. Celles qui ont utilisé uniquement une formulation estrogénique à usage vaginal, de l’estriol ou un progestatif isolé, sont classées par la présente analyse dans le groupe des non utilisatrices de THS.
  • 2-Si un cancer du sein a été diagnostiqué,
  • 3-S'il existait des antécédents familiaux de cancer du sein.
  • 4-S'il existait des antécédents personnels de pathologie bénigne
  • 5-L'âge à la première grossesse
  • 6-Le nombre d'enfants
  • 7-L'âge à la ménopause

Résultats préliminaires

2774 femmes répondant aux critères d'inclusion et d'exclusion ont été identifiées.

Des réponses considérées comme fiables au moins aux questions 1et 2 ont été obtenues sur 2098 questionnaires (75,6%) ,et aux questions 1à 7 sur 1338 d'entre eux (48,2%).

1115 femmes (53%) ont été classées comme utilisatrices de THS. La durée totale d'exposition à un traitement estro-progestatif a été en moyenne de 10,3 ans (1 à 21ans) L'âge moyen à la première consultation était 57 ans, et en 1995 était 68,6 ans. Sur la période d'observation de 14,6 ans, 57 cas de cancers du sein ont été rapportés parmi les 1115 femmes, soit une incidence cumulée de 5,1%.

983 femmes ont 2 été classées comme non-utilisatrices de THS. L'âge moyen à la première consultation était 57,5 ans, et en 1995 était 72,2 ans. Sur la période d'observation de 14,7 ans, 51 cas de cancer du sein ont été rapportés parmi les 983 femmes, soit une incidence cumulée de 5,2%.

Aucune différence dans l’existence d’antécédents familiaux de cancer du sein, d'antécédents personnels de pathologie bénigne du sein, ou des autres caractéristiques analysées n’a été mesurées entre les deux groupes et n'a donc eu d’influence mesurable sur l’intention de traiter par THS .

Discussion

Les résultats préliminaires de la présente enquête ont les défauts évidents d' une étude rétrospective non randomisée qui ne comporte que 108 nouveaux cas de cancer du sein. Ils ont pourtant l’intérêt d’indiquer l’amplitude de variation du risque de cancer du sein sur une longue période de 10 à 20 ans (durée moyenne 14 ans), dans la tranche d’âge la plus sensible, en moyenne de 55 à 70 ans, et dans les conditions d’utilisation pratique réelles d’un THS en France. Les 57 cas de cancer du sein rapportés chez des femmes ayant utilisé en moyenne 10 ans un traitement estro-progestatif représente une population à elle seule aussi importante que celle regroupée dans la plus récente meta-analyse de 51 précédentes études (10).

. La sélection d'une population pouvant être contactée puis acceptant de répondre à l'enquête n'a probablement pas biaisé substantièlement les résultats:

  • La population étudiée était vivante en 1996 et les causes de décès avant cette date, éventuellement par cancer du sein, sont inconnues. Une différence de mortalité entre les deux groupes (exposé ou non exposé au THS), qu'elle qu'en soit la cause et particulièrement par cancer du sein, aurait pu fausser les comparaisons d’incidences en créant un défaut de réponse spécifique, par exemple dans le groupe traité. Cependant si les effets du THS sur la morbidité sont débattus, la majorité des études ne montrent pas d’effet néfaste sur la mortalité (10, 11) y compris dans les enquêtes françaises (12, 13) qui suggèrent plutôt un effet favorable sur le pronostic du cancer du sein.
  • Le pourcentage d’intention de traiter (53 %) est resté à peu près constant au cours des différentes années de recrutement et très similaire aux pratiques actuelles du SEMR pour des patientes de la même tranche d’âge.
  • L’âge moyen au moment du recrutement des utilisatrices de THS est environ de 4 ans plus bas que celui des non utilisatrices, ce qui s’explique probablement par une intention de traiter plus fréquente chez des femmes plus jeunes et plus symptomatiques. L'ajustement en fonction de cette différence de 4 ans ne change pas sensiblement les incidences cumulées (5,4% avec THS+/5,2% avec THS-).

Le présent rapport préliminaire ne permet pas encore d’analyser l’effet de la durée du THS, ni de comparer différentes doses d’estrogènes ou différents types de progestatifs qui ont souvent été utilisés successivement par une même femme. Il permet au moins de conclure qu’il n’y a aucune suggestion que le THS tel qu’il est majoritairement prescrit en France (estradiol associé à un progestatif) ait une influence néfaste sur l’incidence du cancer du sein dans les 10 à 20 ans qui incluent l’âge de risque maximal.

Bibliographie

  1. Soderqvist G, Isaksson E, Von Schoultz B, et al. Proliferation of breast epithelial cells in healthy women during the menstrual cycle. Am J Obstet Gynecol 1997 ; 176 : 123-128.
  2. Miller NA, Thomas M, Martin LJ, et al.Feasibility of obtaining breast epithelial cells from healthy women for studies of cellular proliferation. Breast Cancer Res Treat 1997 ; 43 : 201-210.
  3. Chang KJ, Lee TTY, Linares-Cruz G, et al. Influences of percutaneous administration of estradiol and progesterone on human breast epithelial cell cycle in vivo. Fertil Steril 1995 ; 63 : 785-791.
  4. Foidart JM, Colin C, Denoo X, et al. Estradiol and progesterone regulate the proliferation of human breast epithelial cells. Fertil Steril 1998 ; 69 : 963-969.
  5. Colditz GA, Hankinson SE, Hunter DJ, et al. The use of estrogens and progestins and the risk of breast cancer in postmenopausal women. New Engl J Med 1995 ; 332 : 1589-1593.
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  8. Pike MC, Peters RK, Cozen W, et al. Estrogen-progestin replacement therapy and endometrial cancer. J Nat Cancer Inst 1997 ; 89 : 1110-1116.
  9. Coldham NG, James VHT. A possible mechanism for increased breast cell proliferation by progestins through increased reductive 17b-hydroxysteroid dehydrogenase activity. Int J Cancer 1990 ; 45 : 174-178.
  10. Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer. Breast cancer and hormone replacement therapy : collaborative reanalysis of data from 51 epidemiological studies of 52 705 women with breast cancer and 108 411 women without breast cancer. Lancet 1997 ; 350 : 1047-1059.

 Service d’endrocrinologie et médecine de la reproduction Hôpital NECKER PARIS* Département de Biostatistique CHRU du Bocage – Dijon  Lab.Besins-Iscovesco