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1999 > Gynécologie > Adolescence  Telecharger le PDF

Problèmes particuliers de la grossesse et de l'I.V.G. chez l'adolescente

M. Uzan

Introduction

Si nous voulons saisir d'où nous venons, il nous faut remonter assez loin dans le temps, disons au Moyen-Age.

Si nous faisons une halte au XVIème siècle, nous nous représentons facilement de très jeunes femmes enceintes et mères, la maternité précoce étant souvent la règle de ces temps anciens.

La littérature nous offre de bien nombreux témoignages, ainsi la Juliette de Shakespeare, épouse dans le secret Roméo à l'âge de 14 ans.

On sait qu'au Moyen Age, la puberté est plus tardive qu'aujourd'hui et la vie sexuelle et le mariage étaient relativement précoces aboutissant à des maternités chez les femmes très jeunes.

Plus tard, au 19ème siècle, les grossesses chez les jeunes femmes avant 20 ans se sont heurtées à une très forte réprobation sociale conduisant les mères à cacher leur grossesse et les naissances et bien souvent à abondonner l'enfant nouveau-né : l'engrenage se refermait autour du secret des jeunes filles enceintes et de la répression sociale.

La solution qui s'offrait aux jeunes mères célibataires était de se placer comme nourrice dans la bourgeoisie en ville pour échapper à la réprobation familiale.

C'est pour venir en aide à ces jeunes femmes, sans emploi, ni soutien familial que le sénateur Strauss (1852-1942) a créé des institutions, asiles, refuges et autres "samaritaines", il préfigurait les "premières maisons maternelles".

A notre époque, l'un des facteurs essentiel de bouleversement est la scolarisation de masse qui formalise cet âge d'adolescence entre l'enfance et l'âge adulte, ce passage obligé qui doit être respecté.

Enfin, à cela, ce sont imposées des révolutions sexuelles et contraceptives auxquelles s'ajoutent des références culturelles et ethniques et une maturité physique plus rapide chez les jeunes (l'âge de la puberté a diminué de 4 ans en 100 ans passant de 17 à 13 ans).

En France, la fécondité des adolescentes après avoir augmenté jusqu'au milieu de la décennie 1970 a rapidement diminué.

La fécondité est deux fois plus faible aujourd'hui qu'il y a 10 ans. Chez les très jeunes femmes avant 18 ans, l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est l'issue de plus d'une grossesse sur deux.

Si admet de nos jours que les maternités à l'adolescence sont en majorité non désirées, certaines sont même subies par la force ou la violence.

Cependant, certaines grossesses sont voulues pour des motivations très variées : désir de prouver sa féminité, désir d'exister, désir de maternité, désir de se reproduire, désir de prouver son indépendence, enfin parfois hélas désir de lancer un cri d'alarme, un signal de détresse qui peut générer soit une grossesse parfois un suicide.

Nos institutions ont bien repéré ce type de comportement qui aboutit à des grossesses aux déclarations tardives (12 % sont des mineures) ; ces déclarations tardives ont été retenu comme marque de précarité et de vulnérabilité sur le plan social pour la mère et sur le plan médical pour l'enfant.

les interruptions volontaires de grossesse chez l'adolescente

Il est convenu de définir comme adolescente les patientes au dessous de l'âge de la minorité, c'est à dire entre 12 et 18 ans en sachant qu'il faut distinguer d'emblée deux catégories totalement différentes, celles qui se situent entre 12 et 15 ans et celles qui sont au delà de 15 ans. On estime actuellement le nombre d'IVG en France relativement stable aux environs de 200000 par an. Le nombre d'adolescentes ayant recours à une IVG représente 3 %.

Ces chiffres représentent une moyenne nationale, ils sont variables d'un département à l'autre. En Seine St-Denis, les chiffres se situent entre 5 et 10 %. Dans le monde, 10 % des 50 millions d'avortements provoqués chaque année, concernent des adolescentes âgées de 15 à 19 ans. Les taux d'IVG dans les pays développés s'échelonnent entre 0,42 % aux Pays-Bas, (c'est le taux le plus bas) à 4,57 % aux Etats-Unis (surtout aux dépens de la population noire américaine).

Il faut donc noter que dans les pays développés où une contraception efficace, aisément accessible est disponible et une éducation sexuelle diffusée de façon appropriée, le taux d'IVG des mineures diminue.

Le bulletin d'informations de l'institut national d'études démographiques (INED) paru en juin 1997 rapporte une donnée comparée de 1980 à 1989. Chez les adolescentes les chiffres sont donnés en avortement pour 100 conceptions.

Age19801989

14/15 ans59,9 %61,9 %

16/17 ans44,9 %50,4 %

globalement 14/44 ans 22,8 % 20 % (1/5)

Avortements pour 100 conceptions

Deux remarques doivent être faites :

- plus l'âge est faible et plus il est fait recours à l'IVG

- les taux d'IVG sont restés assez constants entre 1980 et 1989.

Une étude réalisée dans notre centre de planning en Seine St-Denis a montré les caractéristiques suivantes :

Parmi les adolescentes qui ont recours à l'IVG 3/4 sont d'origine française et 1/4 sont émigrées.

Sur ces adolescentes : seulement 58 % sont scolarisées, exceptionnellement salariées et 1/3 étaient "sans occupation" (sans emploi et sans qualification). Il s'agit donc d'une population en grande majorité déscolarisée et sans emploi. Enfin, il faut rajouter que sur ces adolescentes : 10 % avaient été placées à l'aide sociale à l'enfance et 5 % recouraient à une IVG après un viol.

Ces violences sexuelles avaient pour auteur un membre de la famille (grand-père, père ou frère).Sur notre échantillon d'adolescentes, 12 % avaient déjà eu une IVG : ce chiffre est très préoccupant !!!

La répétition est le témoin d'un caractère irresponsable, incapable de poursuivre une contraception, le comportement sexuel souvent très actif et donc très exposé aux maladies sexuellement transmissibles.

La prévention passerait très certainement par une éducation sexuelle précoce dans les collèges, dans certains pays elle est initiée dès la fin de l'enseignement primaire. On sait que chez les mineures 60 % des premiers rapports se dérouleront sans contraception.

Cet enseignement de la sexualité devra s'adresser tant aux petites filles qu'aux petits garçons. C'et le double message qui doit être passé celui du P + P = pilule + préservatif. Lui seul préviendra la grossesse et les maladies sexuellement transmissibles.

La connaissance du type de contraception lors de l'IVG est importante si on veut mettre en place un programme efficace de prévention de la répétition.

Sur notre échantillon d'adolescentes :

- 72 % n'avaient aucune contraception (il s'agit souvent d'adolescentes qui ont déjà eu une contraception et qui l'ont arrêtée, car on définit comme pas de contraception l'absence de contraception dans les trois mois qui précèdent une IVG)

- 6 % démarraient une grossesse après oubli de pilule oestroprogestative

- 22 % avaient une grossesse après échec de préservatif (échec c'est à dire mauvaise utilisation voire souvent pas mis par oubli)

On se rend donc bien compte que peu d'adolescentes avaient une contraception efficace.

Il nous a paru intéressant de comparer ces chiffres à ceux de la population adulte consultant pour ue demande d'IVG au même moment dans notre centre.

sur la population adulte, 20 à 25 % des femmes n'avaient pas de contraception au moment de la demande d'IVG, 68 % avaient une contraception aléatoire et seulement 10 à 12 % avaient une contraception sûre.

Ces chiffres éloquents montrent qu'il est urgent de développer dans toute la population le parent pauvre de la contraception : la pilule du lendemain ou contraception d'urgence qui peut être utilisée dans les 72 heures qui suivent le rapport. Il s'agit d'une technique simple et très efficace de 70 à 80 % et très peu onéreuse.

En France, fin 1998 une présentation spécifique d'oestroprogestatifs est commercialisée en contraception d'urgence. On espère dans les mois à venir une contraception à base de progestatifs seuls qui sera mieux tolérée et semble t'il plus efficace, efficacité allant de 85 à 90 % par rapport aux pilules oestro-progestatives.

Il faut savoir qu'une des missions importantes des centres de planning en France est la prescription de la contraception aux mineures. Cette prescription est possible sans autorisation des parents et la pilule peut être délivrée gratuitement en pharmacie, lorsqu'elle est prescrite sur des formulaires spécifiques.

Devenir de la première grossesse chez l'adolescente

Il est intéressant d'étudier la façon dont évolue la 1ère grossesse qui survient chez une adolescente : plus la première conception survient tôt et plus elle a de risque de se terminer par une IVG.

Lorsque l'on étudie par tranches d'âges successives entre 12 et 17 ans, le devenir d'une 1ère conception, on voit que plus on avance en âge vers la majorité plus la grossesse à de chance de se poursuivre jusqu'à terme.

1989

1991

12 ans 7 N 43 I.V.G.

13 ans 45 N 187 I.V.G.

14 ans 259 N 672 I.V.G.

15 ans 827 N 1722 I.V.G.

16 ans 2366 N 3105 I.V.G.

17 ans 5221 N 4661 I.V.G.

12 ans 12 N 34 I.V.G.

13 ans 38 N 215 I.V.G.

14 ans 203 N 703 I.V.G.

15 ans 783 N 1840 I.V.G.

16 ans 2119 N 3290 I.V.G.

17 ans 5064 N /

N = naissances

Rapport du Professeur H. Leridon (INED)

A la lecture de ces données récemment publiées, on voit qu'il existe une zone charnière entre 16 et 17 ans autour de laquelle s'articule un changement. Entre 12 et 16 ans, la 1ère conception se termine beaucoup plus souvent par une IVG après 17 ans plus de la moitié des grossesses se poursuit. A l'âge adulte, 1 conception sur 4 ou sur 5 (en fonction des données) aboutit à une IVG (1994).

Réalisation de l'IVG

Les techniques de réalisation de l'IVG chez l'adolescente sont identiques à celles des adultes. Dans notre unité de planning les IVG ont toujours été réalisées en hôpital de jour.

- 53 % ont été faites sous anesthésie générale

- exceptionnellement (1 %) sous anesthésie locale, il s'agissait d'un cas de récidive d'IVG et les conditions techniques s'y prêtaient

- 46 % ont été médicamenteuses (association de Mifégyne® et Cytotec®)

Il faut constater que ces chiffres diffèrent sensiblement des pratiques chez les adultes chez qui

- 33 % des IVG sont faites sous anesthésie générale

- 27 % sous anesthésie locale

- 40 % des IVG sont médicamenteuses

Dans la pratique quotidienne, il est important de signaler le problème spécifique des adolescentes, qui est celui lié à l'autorisation parentale. Celle-ci est probablement un des points de la loi Weil qui rencontre le plus de difficultés et sûrement le plus de distorsion. En effet, si la loi du 17 janvier 1975, reprise et modifiée par la loi du 31 décembre 1979 a dépénalisé l'avortement non thérapeutique, celui-ci doit obéir à certaines règles :

- toute femme majeure ou mineure peut interrompre sa grossesse si cette interruption est faite avant la fin de la 10ème semaine de grossesse

- si elle est pratiquée par un médecin

- si elle est pratiquée dans un établissement privé ou public ayant reçu l'autorisation préalable de recevoir des femmes enceintes

Une mineure célibataire qui veut interrompre sa grossesse doit obtenir le consentement de l'une des personnes qui exerce l'autorité parentale (père, mère ou tuteur).

Une mineure mariée en est donc dispensé mais le concubinage ne peut être assimilé au mariage ; en effet en France, le mariage émancipe les mineures mais la maternité ne l'émancipe pas

La mineure célibataire peut seule avoir le droit de reconnaitre son enfant et d'exercer son autorité parentale, par contre, elle reste soumise à l'autorité de ses parents.

L'adolescente jouit pour elle-même d'un statut de mineur et comme parent elle dispose à l'égard de son enfant des droits et obligations d'un parent majeur.

Ce consentement parental doit être fait par écrit. Certains centres exigent la présence des parents pour la signature du consentement en utilisant les règles appliquées à tout acte chirurgical : toute intervention sur un mineur doit être autorisée par un parent responsable et présent.

Cette autorisation parentale pose un certain nombre de problèmes. Si tout le monde est d'accord pour dire que jusqu'à 15 ans, l'autorisation pour une IVG signée en présence des parents est utile (et qu'il faut probablement signaler l'enfant à une assistante sociale ou un éducateur à la recherche d'éventuelles violences sexuelles) par contre à partir de 16 ans la situation parait toute autre et cette mesure pourrait être assouplie.

Il faut signaler qu'aux Pays-Bas, il existe une majorité sanitaire à 16 ans, celle-ci permet la réalisation de l'IVG sans avoir recours à l'autorisation parentale.

Que faire en cas de refus parental ?

Dans certains cas pour porter assistance aux mineures en danger, le juge des enfants est en droit de prendre des mesures allant à l'encontre de la volonté des parents, la protection de la santé, de la sécurité ou de la moralité du mineur appelle ces mesures.

Enfin, il est des cas où il y a impossibilité de recueillir l'autorisation parentale : un tuteur sera alors désigné et se sera à lui et à lui seul de donner son consentement. Dans la pratique le juge des enfants est d'emblée compétent pour prendre la décision à la place des parents.

La grossesse des adolescentes

L'adolescente selon la loi française peut accoucher sous X, remettre son enfant à l'aide sociale, le reconnaitre, faire une recherche de paternité et exercer l'autorité parentale sur son enfant, enfin utiliser des méthodes de contraception.

La mineure est émancipée par le mariage et exceptionnellement dans les cas où ses parents sont déchus de leurs droits parentaux.

En France on considère que les grossesses des adolescentes réprésentent environ 2 % des grossesses (excluant celles qui donnent lieu à une IVG). Sur notre population de jeunes adolescentes ayant poursuivi leur grossesse, 1/4 sont françaises, 1/3 sont gitanes et 1/5 sont originaires d'afrique noire.

- Le taux de scolarisation est très faible, dans notre population d'adolescentes enceintes il est de 26 %

- Il y a 88 % de primipares et 12 % sont des multipares !!

- Le suivi des grossesses est relativement cahotique puisque l'on peut considérer que 58 % des grossesses sont peu ou pas suivies avec pour conséquence évidente le taux de prématurité, nous avons retrouvé chez nos adolescentes un taux de prématurité de 11 % alors que le taux national est de 5,9 %.

- Si l'on considère la situation familiale des adolescentes, 42 % sont mariées ou vivent en couple et 58 % sont célibataires mais parmi celles-ci les 2/3 connaissent le père de l'enfant.

- Si l'on considère le mode d'accouchement, nous avons été surpris de ne retrouver que 5,9 % de césariennes (dans notre service il est de 13,8 %), le taux de forceps est équivalent.

Le chiffre de retard de croissance intra-utérin est légèrement supérieur de l'ordre de 13 %.

Nous retrouvons des résultats équivalents à ceux d'une étude publiée en 1997 à l'université du Texas, qui a montré que les grossesses chez les adolescentes étaient moins pathologiques qu'il n'est habituel de le dire. Il a été retrouvé dans cette population simplement plus d'anémie maternelle et plus d'admission d'enfant en néonatologie.

Au total le taux de complications est identique à celui des femmes adultes, notamment si l'on considère les fausses couches spontanées et les pré-éclampsies, les retards de croissance intra-utérin, par contre beaucoup plus d'accouchements prématurés.

Le rapport du registre de l'Ile de France dirigé par Jeannine Goujard (Inserm U 149) montre que le taux de malformations, toutes anomalies confondues, est un peu plus élevé avant 20 ans, il est de 3,2 % alors qu'il est de 2,8 entre 20 et 24 ans.

Dans les suites immédiates de l'accouchement, nos jeunes adolescentes ont dans une large proportion allaité leur enfant (65 %) chiffre identique à celui de notre population adulte.

Nous avons veillé à ce qu'il y ait une prise en charge multidisciplinaire en suites de couches : personnel médical, psychologue et assistante sociale. Pour un certain nombre d'adolescentes, le retour s'est fait au domicile, pour d'autres il a fallu trouver des solutions de placement en établissement spécialisé.

Le nombre de maisons maternels est très limité, pas plus d'une par département avec un nombre de places très insuffisant par rapport aux besoins.

ll faudrait sûrement envisager un quotat de place qui serait réservé aux jeunes mères adolescentes.

Lorsque les mineures retournent à leur domicile, les professionnels de santé des services de PMI - sages femmes à domicile et assistantes sociales devront être attentifs au comportement de ces jeunes mères, car leur immaturité les expose à des comportements violents vis à vis de leurs enfants, ou alors totalement irresponsable et susceptible d'entrainer des situation de maltraitance et de sévices très préjudiciables à l'état physique et psychique du nouveau né.

Dans certains cas des signalements ont été nécessaires et les enfants ont alors été placés en institution.

Le comportement psychologique de l'adolescente qui debute sa premiere grossesse

Si l'on veut mettre en route des actions de prévention en matière de grossesse, il faut se pencher sur les comportements psychologiques et sexuels de ces adolescentes.

Nous avons pu distinguer 3 types de comportements qui peuvent conduire l'adolescente à débuter une grossesse :

1- Tout d'abord celui de la très jeune femme mariée ou vivant en couple. Il s'agit pour la quasi-totalité des cas de femmes étrangères chez qui le mariage précoce est culturel. Il s'agit d'un jeune couple "installé" qui a le désir légitime d'enfant, c'est un projet de couple au sein d'une structure familiale. La grossesse est intégrée dans un schéma précis, il s'agit d'un projet de grossesse conçu autour d'un désir d'enfant identique à celui que l'on va retrouver plus tard chez les couples plus âgés. Dans ces cas, le suivi de la grossesse est normal, l'enfant est attendu et accueilli de façon rigoureusement identique à celle des autres couples. Le nouveau né est pris en charge et souvent allaité. Le comportement de la jeune mère est comparable à celui des autres mères.

2- Ailleurs, il s'agit d'une jeune adolescente scolarisée ou étudiante, vivant chez ses parents et chez qui survient une grossesse accidentelle.

Dans ce cas de figure, la grossesse survient par naïveté ou par ignorance, parfois par inaptitude à utiliser des moyens contraceptifs. Parfois, le projet est d'échapper à une scolarité peu valorisante, parfois à un milieu familial perturbé. Dans ces cas, l'adolescente est souvent prise en charge par la famille, sans être rejetée et la décision de poursuite de la grossesse est prise en concertation avec les parents. Cette grossesse peut évoluer vers une I.V.G. du fait de problèmes financiers (chômage, pauvreté) ou de problèmes de comportements psychologiques (l'adolescente ayant parfois un comportement irresponsable lié à une débilité légère).

Parfois le diagnostic de grossesse est tardif, il s'agit en quelque sorte d'un ratage d'I.V.G. et la grossesse va évoluer jusqu'à terme avec un suivi souvent tardif et chaotique. Le compagnon est souvent absent ou en fuite. Le nouveau né est souvent accueilli au foyer des parents, pas forcément bien intégré car il va venir aggraver la précarité familiale.

3- Enfin, et de loin, la situation la plus préoccupante est celle de l'adolescente en grande difficulté, en échec scolaire et professionnel, en rupture avec la famille. La grossesse correspond à un coup de "gueule" comme un raccourci à une problématique psychologique, sociale et sanitaire.

La grossesse est parfois vécue comme un projet permettant d'obtenir une fonction sociale, de réussir, de se valoriser, de bénéficier d'un support familial et social accru et de prestations d'aide sociale.

La grossesse donne un statut social et procure un revenu mensuel de parent isolé qui s'élève à 3900 Frs par mois avant la naissance. A la naissance du bébé et jusqu'à ce que celui-ci ait 3 ans ce revenu est de 4900 Frs par mois.

Il s'agit souvent d'adolescentes en manque d'affection et qui ont un projet d'enfant dans le but de fonder la famille qu'elles n'ont jamais eue, d'avoir un parent proche qui les aimera. Elles gardent le bébé pour créer "quelque chose" : cette grossesse constitue une stratégie réactionnelle. Il s'agit de trouver une place et un rôle, un objectif et une raison d'être : le suicide ou la grossesse.

Ce sont les grossesses souvent non suivies, parfois découvertes au dernier moment, aboutissant parfois à des accouchements dans des lieux tout à fait insolites (toilettes des collèges, squats ou alors à domicile). Tout au long de la grossesse, les adolescentes vont avoir des comportements à risque, fumant en excès, se droguant, utilisant des somnifères. Il s'agit d'une sorte auto pénalisation, d'un souhait d'autodestruction dans un contexte de déni d'enfant.

Ces adolescentes sont souvent totalement isolées après la naissance, elles sont souvent incapables d'élever leur enfant, car trop immature pour cette fonction : les maltraitances sont beaucoup plus fréquentes, les morts subites du nourrisson et les morts dans la petite enfance par infections sont multipliées par cinq chez ces enfants d'adolescentes.

On peut résumer la situation de la façon suivante : la venue au monde d'un bébé issu d'une mère encore enfant bouscule les repères habituels, elle est le reflet d'une absence ou d'une perte des identifications, c'est la perte de la référence au groupe d'âge.

La maternité constitue un passage au cours duquel la fille devient mère. Ce passage se fait plus ou moins bien, ou ne se fait pas du tout.

Désirer un enfant signifie devenir parent (mère comme sa mère) et parfois triompher de sa propre mère. Ce désir d'enfant peut être différent du désir de grossesse.

La grossesse peut être une finalité en soi et conduire alors à une demande d'I.V.G..

La grossesse mettra souvent l'adolescente à l'abri de toute approche sexuelle : il s'agit d'être mère pour ne pas être femme.

Il est possible à la lumière d'une expérience de tout un groupe travaillant depuis de nombreuses années au contact des adolescentes enceintes de dégager un certain nombre de points communs à toutes ces situations qui en font toute la gravité, de cette spirale infernale dont il est difficile de sortir.

La grossesse chez l'adolescente aboutit presque inéluctablement à :

- UNE MARGINALISATION : il y a rupture de l'ordre initiatique : ce n'est pas le moment dans la tête et le corps.

- UNE DESCOLARISATION : il y a éviction scolaire de l'adolescente enceinte : le projet scolaire (s'il existait) est interrompu mettant souvent fin à tout projet professionnel lui même assez précaire.

- UN REJET de la famille. Cette grossesse aboutit à une exclusion, car c'est une étape qui a été brûlée, un passage qui est cassé.

C'est parfois vécu comme un DESIR D'EMANCIPATION, une entrée fracassante dans le monde des adultes pour ne rien faire comme les autres.

C'est parfois souhaité comme un PASSAGE INITIATIQUE, un rituel avec ses côtés barbares, pour être admise dans LE CLAN.

Ce peut être vécu comme un RATAGE, un mauvais départ : ce n'est pas le PERE IDEAL, que l'on souhaitait pour son enfant.

Enfin, ce peut être LE CYCLE INFERNAL de la REPETITION de la grossesse de la mère, qui était, elle aussi très jeune, de la maltraitance

subie dans sa propre enfance ; c'est "l'inconscient calculateur" qui revient à la date anniversaire.

La CONTRACEPTION permet de vivre de façon plus adaptée l'étape de l'adolescence, elle permet de laisser le temps au temps.

LA GROSSESSE DE L'ADOLESCENTE ABOUTIT SOUVENT A UNE ADOLESCENCE AVORTEE.

AU TOTAL

Il faut insister sur l'inadéquation entre l'adolescence et la survenue d'une grossesse.

Il faut que toutes les actions préventives qui aboutissent à une réduction drastique des grossesses et des interruptions volontaires de grossesse soient mises en place.

Celles-ci passent inéluctablement par l'introduction de l'éducation des soins du corps au collège au même titre que l'hygiène dentaire, l'hygiène des mains, l'éducation sexuelle devra mettre les adolescentes à l'abri des violences sexuelles et des grossesses non désirées. La connaissance du corps devra passer par l'enseignement de son fonctionnement et la prévention de toute maladie contagieuse : qu'il s'agisse de vaccinations pour les maladies infectieuses ou d'éducation sexuelle pour la prévention des maladies sexuellement transmissibles ou des grossesses.