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Titre: Prévention cardio-vasculaire primaire et secondaire : 2 ans après la « Heart and Estrogen /Progestin Replacement Study (HERS ) »
Année: 2001
Auteurs: - Rozenberg S.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause

Prévention cardio-vasculaire primaire et secondaire : 2 ans après la « Heart and Estrogen /Progestin Replacement Study (HERS ) »

Serge Rozenberg, Caroline Fellemans, Rudy Gevers

Département de Gynécologie et d’Obstétrique, CHU St Pierre, Université Libre de Bruxelles, rue Haute 322, B-1000 Bruxelles, Belgique
Tel : (32-2) 535.34.08
Fax : (32-2) 537.59.26
E-mail Serge.Rozenberg@skynet.be

Introduction

En tant que praticiens, nous avons l’obligation envers nos patients de pratiquer une médecine « basée sur l’évidence ». Sackett a défini cette médecine comme « l’utilisation consciencieuse, explicite et judicieuse de la meilleure évidence actuelle disponible permettant une prise de décision concernant le traitement du patient individuel » (Sackett et al 1996). Le choix de la prise de traitement hormonal de substitution (THS), pour la patiente individuelle est basée sur une intégration de différents éléments tels que, les plaintes du climatère, le désir de prévention de l’ostéoporose et la présence de facteurs de risque, la crainte ou un risque éventuellement accru de cancer du sein. Néanmoins, si la ménopause ou le traitement hormonal de substitution ont une action quelconque sur le risque cardiovasculaire, c’est ce dernier effet qui risque d’être prépondérant au niveau épidémiologique.
Souvent on associe les accidents cardiovasculaires aux maladies masculines mais les femmes ne sont malheureusement pas épargnées. Après l’âge de la ménopause, c’est à dire vers 50 ans, on observe généralement une augmentation du nombre d’incidents cardiovasculaires. C’est, entre autres, cette augmentation qui a fait qu’un grand nombre de médecins ont pensé que la carence oestrogénique pouvait-être incriminée comme un des facteurs de risque prépondérant de la survenue de maladies cardiovasculaires. De nombreuses études épidémiologiques telles que l’étude « Nurses Health Study », menée chez des infirmières aux USA, ont montré par ailleurs que les femmes qui bénéficient d’un THS ont à peu près deux fois moins de risque de souffrir de maladies coronariennes que les femmes qui ne bénéficient pas de ce traitement (Grodstein et coll 1996). Toutefois, certaines critiques ont été avancées concernant l’existence de biais statistiques concernant les populations étudiées dans les études observationelles. En effet, il a été démontré que les femmes qui utilisent un THS sont souvent différentes des non utilisatrices : les utilisatrices ont plus souvent subi une hystérectomie, elles ont plus souvent un plus haut degré d’éducation, elles ont généralement des comportements plus « sains », elles pratiquent plus d’exercice physique, vont voir leur médecin, etc.. Il n’est pas toujours certain que les études présentées dans le passé ont pu apparier les patientes en contrôlant toutes ces valeurs confondantes. Dans la « Nurses Health Study », un grand nombre de ces variables sont contrôlées et l’effet bénéfique des estrogènes sur le risque coronarien semble être persistant (communication personnelle). D’autres études, tant dans des modèles expérimentaux chez l ‘animal ou chez la femme, sont venues soutenir l’idée d’un effet bénéfique du THS sur le risque cardiovasculaire. Ainsi, il a été montré que les femmes qui ont une ménopause précoce ont aussi un risque accru de maladies cardiovasculaires. Dans un article de revue récent, édité dans le NEJM, Mendelsohn et Karras rapportent près de 10 effets différents favorables possibles (génomiques et non génomiques) des estrogènes sur les pathologies cardiovasculaires. Une partie du bénéfice peut aussi être attribué a un effet favorable du THS sur le profil lipidique. Ce dernier a, par exemple, très bien été démontré dans l’étude PEPI. Il s’agit d’une étude menée en double aveugle chez des femmes qui étaient traitées pendant une période allant jusqu’à trois ans avec soit des estrogènes équins seuls, soit des estrogènes équins combinés avec de l’acétate de médroxy - progestérone donnée de façon discontinue, soit des estrogènes équins combinés avec de la l’acétate médroxyprogestérone donnée de façon continue, soit des estrogènes équins combinés avec de la progestérone micronisée donnée de façon discontinue, soit encore un placebo (PEPI 1995). Dans cette étude, il apparaissait, que tant le traitement aux estrogènes seuls que les traitements combinés, ont une action favorable sur le profil lipidique. Il apparaissait aussi que la progestérone micronisée avait un effet plus favorable que l’acétate de médroxy – progestérone. Néanmoins, ces études évaluent l’effet d’une stratégie de prévention, non pas sur la mortalité ou la survenue d’accidents vasculaires, mais sur ce que les Anglo-Saxons appellent des « surrogate end-points », c’est-à-dire des «paramètres indirects ou substituts ». En annexe nous reprenons une revue critique de certains effets attribués au THS sur des paramètres associés à une modification de la pathologie cardiovasculaire (annexe 1).
D’autres travaux ont été réalisés chez des femmes souffrant de pathologies cardiovasculaires avérées telles que des sténoses carotidiennes. Certaines de ces études observaient une survie nettement meilleure chez les femmes qui avaient bénéficié d’un THS par rapport aux non-utilisatrices de THS (Sullivan et al 1990). Mais là encore, il s’agissait d’études qui pouvaient comporter des biais d’observation. En 1995, Rich-Edwards, publiait dans le NEJM, que le THS pouvait apporter une réduction du risque de maladies coronariennes de l’ordre de 40%. Toutefois, il existait toujours un manque d’études randomisées et contrôlées. Il fallut attendre en 1998, l’étude ‘HERS’ (The Heart and Estrogen/Progestin Replacement Study) qui a évalué l’effet d’une association estroprogestative sur le risque d’infarctus du myocarde. Cette étude randomisée en double aveugle, n’a pas montré de diminution du risque de maladies coronariennes chez des femmes utilisant un THS et ceci remet actuellement en question le rôle cardioprotecteur du THS. Cette étude a suivi un large échantillonnage de femmes (2766) présentant une pathologie coronarienne stabilisée. Les patientes recevaient soit un traitement combiné continu (0,625 mg estrogène conjugué (CEE) et 5 mg d’acétate de médroxy- progestérone) soit un placebo. Les résultats de cette étude ne montrent pas de diminution du taux d’événements coronariens malgré une amélioration du profil lipidique (diminution significative du LDL et une augmentation du HDL) mais, au contraire, une augmentation de l’apparition de ces événements lors de la première année du traitement (le risque apparaît être multiplié par 1.5), dans les années suivantes, le risque semble le même pour les femmes traitées et les femmes non-traitées. Et finalement, sur un moindre nombre de femmes, lors des 3èmes et 4èmes années, il y avait moins d’événements coronariens chez les femmes traitées que chez les femmes non substituées (Hulley et coll 1998). Des hypothèses ont été avancées par les investigateurs de ‘HERS’: l’augmentation précoce de ces événements pourrait être expliquée par une manifestation artérielle, une augmentation du risque de thrombose et l’amélioration tardive serait, elle, expliquée par une réduction du risque d’athérosclérose. Les effets négatifs ont aussi été attribués au MPA (médroxyprogestérone acétate) connu pour avoir un effet moins favorable sur le HDL et atténuer l’effet favorable des estrogènes sur la fonction endothéliale et l’athérosclérose (Barret-Connor 1999, Cushman et coll. 1999).
La discordance entre les études observationnelles et l’étude ‘HERS’ peut être expliquée, entre autres, par la différence de populations étudiées. Dans l’étude ‘HERS’, il s’agit d’une prévention secondaire chez des femmes relativement âgées (moyenne de 67 ans), ayant présenté une maladie coronarienne (infarctus du myocarde, pontage artériel, revascularisation coronarienne ou occlusion de plus de 50% d’une ou plusieurs artères coronariennes), utilisant un THS combiné alors que la plupart des autres études ont été réalisées chez des femmes plus jeunes, en meilleure santé, avec un meilleur profil cardiovasculaire.
Il faut également considérer que l’étude ‘HERS’ est une étude sur la prévention secondaire et qu’elle n’exclut pas la possibilité d’un effet sur la prévention primaire.
Depuis l’étude HERS, d’autres travaux ont aussi été publiés ; certaines études sous-tendent qu’une action bénéfique peut-être attribuée au THS au niveau cardiovasculaire tandis que d’autres études plaident plutôt pour une absence d’effet bénéfique.
Certains auteurs ont ainsi remis en question l’idée même que la ménopause soit un facteur de risque cardiovasculaire. Tunstall-Pedoe (1998) utilise les données de mortalité au Royaume Uni et montre des biais d’interprétation pouvant « suggérer » l’existence d’une augmentation de la mortalité cardiovasculaire chez la femme, qui selon lui n’existerait pas. Hemminki et PcPherson (1997, 2000) ont analysé les effets secondaires survenus dans les études randomisées comparant un placebo et le THS. Selon eux, le nombre d’accidents cardiovasculaires n’est pas compatible avec un effet protecteur du THS de plus de 30%. Herrinton et coll. (2000) ont suivi récemment 309 femmes ayant une pathologie coronarienne prouvée par angiographies. Dans cette étude randomisée, les femmes étaient, soit traitées par CEE et MPA en continu, soit elles recevaient un placebo. Après un suivi moyen de près de 3 ans, les auteurs n’ont pu observer de modifications du diamètre minimal des coronaires chez les femmes substituées par rapport aux femmes non substituées. Néanmoins, d’autres articles aussi récents montrent des bénéfices attribuables au THS. Ainsi, Westendorp et coll. (2000) rapportent, dans une cohorte de 2196 femmes, qu’un THS pendant au moins un an est associé à une diminution du risque de maladies périphériques artérielles de près de 50%. Il faut noter que ces résultats n’étaient pas modifiés après que les auteurs aient ajusté les groupes à comparer pour un nombre important de variables confondantes (e.a. l’âge, le statut socio-économique, le tabac, le BMI, le cholestérol et les lipides, la consommation d’alcool et le suivi médical).
Devant cette absence de consensus dans la littérature actuelle, nous avons voulu étudier l’opinion actuelle d ‘experts concernant l’effet du THS à la ménopause sur la prévention primaire et secondaire des maladies cardiovasculaires.
Nous avons interrogé 108 auteurs principaux d’articles récents sur le sujet « coronaire et THS ». Les questions posées étaient : Quel est l’effet du THS sur la prévention primaire et secondaire des maladies coronariennes ? Nous leur avons demandé de quantifier l’effet « favorable » ou « défavorable », si ces réponses avaient été choisies.
Les réponses respectives de l’effet du THS dans la prévention primaire et secondaire sont : 16 des auteurs répondant (43%) et 7 (19%) respectivement pensent que le THS a un effet favorable respectivement dans la prévention primaire et secondaire des maladies coronariennes ; 0 (0%) et 4 (11%) que le THS a un effet défavorable ; 2 (5%) et 5 (14%) qu’il n’ a pas d’effet. Dix (27%) et 9 (25%) qu’il n’y a pas assez de données sur ce sujet ; 7 (19%) et 9 (25%) que le THS a un effet à la fois favorable et défavorable. Vingt réponses sur 23 estiment que l’effet bénéfique du THS sur la prévention primaire réduit le risque relatif (RR) entre 20 - 49 % ; 2 réponses estiment une réduction du RR sous les 20 % et 1 réponse l’estime entre 50 - 79 %. Concernant la prévention secondaire, 9 réponses sur 20 estiment une réduction du RR inférieur à 20 % ; 9 l’estiment entre 20 – 49 % et 2 entre 50 – 79%. Les 7 réponses sur 7 accordant un effet défavorable du THS sur la prévention primaire estiment une augmentation du RR inférieure à 20 % et les 8 réponses sur 9 estiment que le THS a un effet défavorable sur la prévention secondaire avec une augmentation du RR inférieure à 20 % et 1 des réponses donne une augmentation du RR entre 50-79%.

Conclusion :

Malgré les données négatives et peu favorables de l’étude HERS, plus de la moitié des ‘experts’ interrogés accordent encore un effet favorable au THS sur la prévention primaire et un tiers sur la prévention secondaire. Il faudra donc attendre la réalisation de nouvelles études randomisées pour pouvoir attribuer ou non un rôle protecteur au THS dans la prévention primaire cardiovasculaire. Actuellement, différentes études larges et randomisées sur la prévention primaire sont en cours, dont l’étude WHI (Women’s Health Initiative) qui étudie chez 27.000 femmes (dont une proportion présente une maladie coronarienne), aux Etats-Unis, les effets des estrogènes versus une association CEE/MPA versus Placebo sur une période de 9 ans. Si cette étude ne montre pas de protection des femmes qui présentent des maladies coronariennes et sous MPA, les effets favorables observés dans les autres études observationnelles seront alors attribués à un biais. Le pendant européen de WHI est l’étude WHISDOM (Women’s Health International Study of long Duration Oestrogen after Menopause). Les résultats de ces deux études ne sont pas attendus avant 2005.

Annexe 1
Effet du THS sur les paramètres biologiques ayant une influence sur le risque coronarien

Le profil lipidique et les estrogènes 
Entre la pré- et la post-ménopause apparaissent des modifications lipidiques (augmentation du cholestérol total, des Low Density Liproprotein (LDL), de la Lipoprotéine (a) (Lp(a)), des Triglycérides (TG) (de Aloysio et coll 1999). Le traitement aux estrogènes va améliorer ce profil par diminution du cholestérol, du LDL, de la Lp(a) et l’augmentation du HDL permettant une amélioration du profil lipidique. Il faut noter par contre que le THS (par voie orale) augmente les TG. L’augmentation des TG n’a pas lieu sous THS par voie transdermique ou percutanée (Spencer et coll 1999). L’ajout d’un progestatif (indispensable chez les femmes ayant un utérus intact dans le but de prévenir l’hyperplasie et le carcinome de l’endomètre) peut atténuer certains effets bénéfiques de l’estrogène sur les lipides, mais cet effet dépendra du progestatif utilisé et de son type d’androgénécité (Barret-Connor et coll 1999, Stevenson Menopause Review 1997, de Aloysio et coll 1999, Spencer et coll 1999). Malgré cela, on remarque que le progestatif n’atténue pas l’effet cardio-protecteur dans l’étude de la ‘Nurses Health Study’ (risque relatif d’événements cardio-vasculaires chez les utilisatrices des estrogènes seuls de 0,60 (IC 95%: 0,43-0,83) et chez les patientes qui utilisent la combinaison estro-progestative (E/P) de 0,39 (IC 95%: 0,19-0,78). D’autres études montrent une diminution de mortalité de 31% pour ERT seul et de 54% pour l’association estro-progestative (E/P) (Hulley et coll 1998). Le traitement de l’hypercholestérolémie fait partie de la prévention primaire des maladies coronariennes. Le cholestérol est un faible prédicteur de mortalité coronarienne (taux de 200 à 239 mg/dl: RR=1,11 (IC 95% : 0,52-2,37); taux >240 mg/dl: RR=1,42 (IC 95%: 0,72-2,83) mais le RR d’événements coronariens avec un cholestérol total se trouvant dans le plus haut quartile par rapport au plus bas est de 2,4 (Kannel et coll 1992; Rich-Edwards et coll 1995; Ridker et coll 2000). La diminution du cholestérol par les statines va diminuer de 30% le taux d’événements coronariens (IC 95%: 26-36%) et de 21% la mortalité cardiovasculaire (IC 95%: 14-28%). L’augmentation de la Lp(a) est un facteur de risque indépendant cardio- et cérébro- vasculaire: une Lp(a) située dans le plus haut quartile par rapport au plus bas est associée à une augmentation du risque de maladie coronarienne primaire de 54% (IC 95%: 0-140%) (Shlipak et coll 2000). La Lp(a) est une protéine très stable, peu influencée par des facteurs de l’environnement. Son taux est sous contrôle génétique, il augmente en post-ménopause mais peut être diminué par un THS (diminution retrouvée de façon unanime dans la littérature et variant de 7 à 39%). Peu de données existent sur l’impact de la réduction par le THS de la Lp(a) au niveau clinique: d’après une étude post hoc de ‘HERS’, une Lp(a) située dans le quartile le plus élevé voit une réduction des événements coronariens de 15 à 22%. Les femmes ayant une Lp(a) basse au départ auront moins de bénéfice à être traitées que celles situées dans le quartile le plus élevé. Le LDL est un facteur de risque controversé chez la femme. Les femmes qui ont un taux de LDL situé dans le plus haut quartile ont 2,4 fois plus de risque coronarien que celles qui sont situées dans le quartile le plus bas (Ridker et coll 2000). Dans la ‘Framingham Study’, on trouve qu’un taux élevé de LDL est associé à un risque accru de maladies coronariennes, par contre dans la ‘LRC’ Study aucune association n’est démontrée et dans l’étude de Bass on lui accorde une faible valeur prédictive (LDL de 130-159 mg/dl: RR de mortalité =0,54 (IC 95%: 0,29-1) et LDL>160 mg/dl: RR=0,80 (IC 95%: 0,48-1,33)). La diminution par THS (de 6 à 20% dans la littérature) est due à la stimulation de l’activité des récepteurs LDL (Spencer et coll 1999, Jacobs 1990, Miller-Bass 1993). Il est unanimement démontré que le taux de HDL (High Density Lipoprotein) est un facteur cardio-protecteur: le RR d’événements coronariens avec un HDL se trouvant dans le plus haut quartile par rapport au plus bas est de 0,3 et le RR de mortalité cardio-vasculaire pour un HDL inférieur à 35 mg/dl est de 2,5 (IC 95%: 1,6-4). Sous ERT, le taux des HDL augmente (entre 5 et 22% dans la littérature) et toute augmentation de 1 unité de HDL donne une diminution de 3% d’événements coronariens (Ridker et coll 2000, Miller Bass et coll 1993).
D’après toutes ces données retrouvées dans la littérature, le THS apporte un effet favorable sur le profil lipidique. Malheureusement, les articles sur ce sujet peuvent être considérés comme limités car ils ont été réalisés sur de petits échantillonnages (entre 9 et 139 femmes) sur un suivi souvent court de 3 à 12 mois. Seules trois études se différencient à ce niveau : ce sont les études ‘HERS’, ‘PEPI’ et l’étude de Walsh et coll (2000)( ayant suivi respectivement 2763 femmes pendant 4 ans, 366 femmes pendant 3 ans et 390 femmes pendant 6 mois. Une autre remarque est à faire concernant les résultats du THS sur le TG: il est mesuré dans la plupart des études mais le résultat n’y est pas ou peu discuté. Quelques mots succincts nous rapportent en général l’effet du THS sur les TG (une augmentation sous voie orale) mais aucune interprétation n’est réalisée sur les conséquences ou l’effet négatif possible au niveau cardiovasculaire. Or dans la littérature, on retrouve qu’un taux de TG entre 200 et 399 mg/dl a un RR de mortalité cardiovasculaire de 1,65 (IC 95%: 0,99-2,77) et pour des taux supérieurs à 400mg/dl, un RR de 3,44 (IC 95%: 1,65-7,20). Il s’agit donc d’un facteur prédictif important. On a donc l’impression que seuls les effets favorables sont rapportés et discutés.

Effet sur la coagulation
Parmi les complications sérieuses du THS, on retrouve la thrombo-embolie (TE); le risque de TE est multiplié par un facteur de 1,4 à 3,2 sous THS (Grady et coll 2000). Les estrogènes provoquent un changement de l’équilibre hémostatique qui tend vers une hypercoagulabilité (Barret-Connor 1999; Stevenson 1997). Le facteur VII augmente avec l’âge en postménopause de 1,2 % par an (Tracy et coll 1999). Ce facteur est à risque d’événements coronariens (RR= 1,44) pour des taux situés dans le plus haut quartile, par contre il n’est pas prédictif de la mortalité (RR=0,66) (Wright et coll 1997). Les études évaluant ce facteur sous THS sont contradictoires: certaines observent une diminution de son taux (effet favorable) et d’autres, en plus grand nombre, une augmentation (Tracy et coll 1999, Wright et coll 1997, Andersen et coll 1999). Le déficit en Anti-thrombine III (AT III) est considéré comme facteur de risque de thrombo-embolie, or, on observe dans les différentes études randomisées que sous estrogène seul, son taux diminue d’une dizaine de pourcents. Cette diminution est faible mais peut jouer un rôle important si le taux de l’AT III est déjà bas. Le progestatif augmente le taux de l’AT III et contrecarre l’effet négatif des estrogènes. Le déficit en protéine C est également un facteur de risque de TE et cette protéine diminue sous THS donnant ainsi un effet défavorable au traitement (le progestatif n’influence aucunement son taux). Le fibrinogène dans le plus haut quartile est associé à un risque d’événements coronariens augmenté d’un facteur 1,8 à 4 par rapport à un taux situé dans le quartile le plus bas et un RR de mortalité à court terme de 5,8 et à long terme de 1,7 (Sporrong et coll 1993, de la Serna 1994, Spencer 1999). Le THS diminue le fibrinogène d’une dizaine de pourcents ce qui apporte un effet très favorable au niveau cardio-vasculaire mais malheureusement ce facteur est très peu étudié dans les études randomisées (Meilahn et coll 1996, van Baal et coll 1999). Le plasminogène est lui aussi augmenté dans les différentes études ce qui apporte une meilleure activation du système fibrinolytique (Spencer et coll 1999). Le PAI-1 (Plasminogen Activator Inhibitor-1) va également diminuer de façon favorable sous THS (Meilahn et coll 1996 ).

Les marqueurs de risque cardio-vasculaire 
Le CRP est un marqueur de l’inflammation. Son augmentation peut prédire le risque d’apparition d’un infarctus du myocarde et de maladie artérielle périphérique. Le RR d’événement coronarien avec un CRP dans le plus haut quartile par rapport au plus bas est de 4,4 (Ridker et coll 2000). On sait que l’augmentation de cette protéine stimule, entre autres, la cascade du complément impliquée dans les stades précoces de l’athérogénèse. Les taux de CRP sont plus élevés chez la femme lors de la ménopause que chez l’homme et certaines études montrent une augmentation du CRP sous estrogènes seuls et sous contraceptifs oraux. Certaines études randomisées sur ce sujet montrent une augmentation du CRP sous THS : PEPI () observe une augmentation de 85%; Ridker et coll (2000) de 50%; Van Baal et coll (1999) et Walsh et coll (2000) une augmentation de 85% à court terme (12 semaines) mais à long terme (12 mois) l’augmentation est non significative. Seule l’étude de Sattar et coll (1999) rapporte un effet contraire: on sait que chez les femmes ayant un diabète non insulino-dépendant, le CRP est augmenté (~ 4.5mg/dl) et, sous estrogènes, on observe dans cette étude une diminution de ce taux de ~0.5mg/dl chez ces femmes substituées par un THS par voie transdermique.
L’augmentation du CRP ne serait pas totalement due à un effet du THS sur l’inflammation, puisque les taux de Fibrinogène, de TNF-alpha et d’IL-6 ne sont pas modifiés. Cette augmentation du CRP a été observée à court terme et pourrait être mise en rapport avec l’augmentation des événements coronariens retrouvés dans l’étude ‘HERS’ la première année.
L’Homocystéine est un autre marqueur de risque cardio-vasculaire et son augmentation modérée peut prédire un risque accru et significatif de maladies coronariennes (RR=2) (LaRosa et coll 1999). Sous THS, son taux a tendance à diminuer (diminution de 6 à 8%)(Van Baal et coll 1999).

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