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Titre: Métrorragies et traitement hormonal substitutif
Année: 1997
Auteurs: - Driguez P.-A.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Ménopause


METRORRAGIES ET TRAITEMENT HORMONAL SUBSTITUTIF

P.A. Driguez* Département d'Endocrinologie et de Médecine de la Reproduction, Hôpital Necker, Paris.

Nous n'aborderons dans cet exposé que les métrorragies d'origine intracavitaire, laissant de côté les causes cervicales ou les métrorragies liées à une pathologie d'origine annexielle. Nous n'aborderons pas non plus les métrorragies par trouble de l'hémostase ni les métrorragies liées à la prise d'anticoagulants ou d'anti-inflammatoires.

INTRODUCTION

L'intérêt du traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause est admis de façon unanime. Un des points forts de la conférence de consensus européen sur la ménopause en 1995 à Montreux a été l'accent mis sur la qualité de vie, indiscutablement améliorée par la thérapeutique substitutive. Surtout toutes les enquêtes épidémiologiques ont prouvé qu'une protection cardio-vasculaire et osseuse était assurée par ce traitement, à condition qu'il soit administré de façon suffisamment prolongée. C'est dire l'importance de l'observance du traitement, qui est actuellement la préoccupation majeure des gynécologues prescripteurs. Or cette observance est encore médiocre aujourd'hui : les saignements irréguliers (métrorragies) ou trop prolongés (ménorragies) et la crainte du cancer font partie des motifs d'abandon du traitement les plus fréquemment évoqués par les patientes.

C'est pourquoi le gynécologue doit s'impliquer davantage dans la prescription du THS ; il doit proposer un traitement personnalisé sur mesure afin d'éviter la survenue de saignements inopinés ; en cas de troubles il doit rassurer la patiente et l'informer qu'il dispose de plusieurs moyens diagnostiques et thérapeutiques pour les résoudre.

Le premier entretien lors de l'instauration d'une hormonothérapie substitutive revêt une importance considérable : il faut savoir écouter attentivement la patiente pour pouvoir lui donner toutes les informations nécessaires, il faut savoir prendre le temps suffisant pour expliquer et choisir avec elle parmi les différentes modalités thérapeutiques, en donnant des explications claires et précises. Il n'existe pas d'hormonothérapie substitutive standard permettant d'éviter à tout coup les métrorragies.

GENERALITES

Le traitement hormonal substitutif repose toujours sur l'association estrogène + progestérone ou estrogène + progestatif (E + P). Les avantages du traitement ne sont attribués à ce jour qu'aux estrogènes. L'unique objectif de l'administration de progestatifs est de prévenir la survenue d'une hyperplasie ou d'un cancer de l'endomètre et d'éviter des saignements incontrôlés.

Plusieurs facteurs influencent l'endomètre

Le retentissement endométrial de ces traitements dépend :

- de la dose, de la potentialité et de la durée de l'estrogène choisi ;

- du type de progestatif choisi, de sa posologie et de sa durée d'administration ;

- et donc du pouvoir relatif entre les deux molécules sur l'endomètre (rapport estro-progestatif) ;

- du type d'endomètre sur lequel le traitement va intervenir : différents aspects histologiques endométriaux peuvent être rencontrés à la ménopause : atrophie simple, hypoplasie, association d'atrophie et aspects d'hyperplasie involutive, hyperplasie simple localisée ou diffuse, aspects prolifératifs ou aspects sécrétoires.

Ces derniers aspects sont surtout observés peu de temps après l'arrêt des cycles et vont progressivement disparaître dans les années qui suivent l'installation de la ménopause en dehors de tout traitement estro-progestatif.

On conçoit ainsi facilement que la mise en route d'un traitement trop précoce puisse être responsable de métrorragies.

Le traitement substitutif de la ménopause n'augmente pas le risque de cancer de l'endomètre ou d'hyperplasie

Ainsi plusieurs études sur l'endomètre l'ont démontré : il existe un effet protecteur des progestatifs, à l'opposé de l'augmentation du risque observé avec les estrogènes seuls. La survenue d'hyperplasie est inversement proportionnelle à la dose et surtout à la durée du traitement progestatif. Elle dépend aussi de la durée de estrogène seul. Un certain nombre de règles peuvent être édictées pour la protection de l'endomètre en ménopause :

- ne pas administrer plus de 14 jours consécutifs d'estrogènes seuls ;

- administrer au moins 12 jours de progestatifs à doses suffisantes ;

- savoir explorer à bon escient les saignements intervenant sous traitement, en sachant que les endomètres qui saignent avant la fin du traitement sont souvent plus dystrophiques que ceux qui saignent plus tardivement ou jamais ;

- savoir changer de dose d'estrogènes, de type ou de durée de progestatifs pour rétablir un équilibre estro-progestatif adéquat, le déséquilibre estro-progestatif étant la principale cause de métrorragies sous THS en post-ménopause.

La difficulté relative pour adapter ces traitements tient à une certaine variabilité individuelle :

- variabilité dans la biodisponibilité des molécules d'une patiente à l'autre et d'un jour à l'autre ;

- réceptivité endométriale variable : on conçoit que des modifications vasculaires ou une fibrose localisée puissent être responsables d'une pénétration différente des stéroïdes au sein de l'endomètre ;

- type d'utérus (utérus plus ou moins fibreux ou utérus pathologique) sur lequel le traitement intervient et qui nécessite une adaptation individuelle.

Il n'est pas nécessaire d'obtenir un endomètre ayant toutes les caractéristiques d'une phase sécrétoire physiologique, qui nécessite parfois des doses relativement fortes d'estrogènes. L'aspect d'atrophie ou d'endomètre involutif est le plus souhaitable. De même, la desquamation endométriale n'est pas un phénomène de protection indispensable. Il semble bien que les dystrophies endométriales se traduisent souvent par des métrorragies.

LES DIFFERENTES MODALITES THERAPEUTIQUES

On ne saurait assez insister sur le fait qu'aucune association ni aucun dosage ne peuvent prétendre être à la fois efficaces et bien tolérés chez toutes les femmes ménopausées. Le rôle du médecin sera donc toujours d'adapter les doses d'estrogènes et de progestatifs en fonction des patientes et des manifestations cliniques. Un traitement bien toléré par l'endomètre, peut ne pas l'être par le sein. L'équilibre est quelquefois difficile à trouver.

L'estrogène le plus utilisé en France est le 17 bêta estradiol qui peut être administré par voie orale ou par voie cutanée (gel ou timbre). Il est associé soit à la progestérone naturelle soit à un progestatif dérivé de la progestérone (prégnane ou nor-prégnane). Plusieurs types de traitement sont utilisés :

1. Les traitements séquentiels

Ce sont les traitements les plus prescrits ; ces traitements entraînent la survenue d'hémorragies de privation ou " règles " dans plus de 90 % des cas :

A. Le traitement séquentiel classique avec fenêtre thérapeutique

estrogène pendant 21 à 25 jours ;

progestatif les 10 à 12 derniers jours de l'estrogène.

B. Le traitement séquentiel sans fenêtre thérapeutique

estrogène en continu ;

progestatif 12 à 14 jours par mois.

2. Le traitement combiné continu dit " sans règles "

Le but de ce traitement est d'obtenir une aménorrhée. Il n'est cependant pas aussi souvent atteint que le gynécologue et ses patientes le souhaitent. Ce traitement associant un estrogène et un progestatif en continu entraîne souvent des spottings ou des métrorragies.

3. Autres protocoles

A. Le traitement combiné discontinu

Il associe un estrogène et un progestatif mais avec une fenêtre thérapeutique : par exemple E + P trois semaines sur quatre comme une contraception orale ou bien E + P du 1er au 25 du mois. Ce type de traitement entraîne souvent une aménorrhée, parfois des "  règles " , mais parfois des métrorragies.

B. Le traitement séquentiel avec " règles " espacées

Il associe un estrogène en continu avec un traitement progestatif 12 à 14 jours tous les 3 mois, entraînant des hémorragies de privation tous les 3 mois, quelquefois plus importantes que celles observées lors des THS classiques. Ce type de traitement est encore à l'étude. Nous ne disposons pas d'assez de recul pour juger.

CHOIX DU TRAITEMENT

Le choix du type de traitement est très important et parfois difficile. Certes le médecin prescripteur doit informer ses patientes des différentes modalités thérapeutiques et essayer de répondre à leurs désirs : traitement séquentiel avec règles ou traitement continu sans règles. Mais il devra surtout s'efforcer d'éviter un traitement risquant d'entraîner des métrorragies.

Les patientes doivent savoir qu'avec le traitement séquentiel il y a un avantage réel : les métrorragies sont rares et les règles apparaissent à un rythme régulier ; cependant certaines femmes sont hostiles à l'idée d'avoir des règles qu'elles considèrent comme inutiles et désagréables. Elles peuvent alors choisir le traitement continu théoriquement sans saignement ; mais il faut les prévenir : avec ce traitement, les saignements inopinés sont fréquents et souvent source de bien plus de désagréments que les règles régulières. Certes ces métrorragies sont de plus en plus rares au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la ménopause, mais elles sont toujours possibles ; et heureusement ce ne sont souvent que des spottings de faible abondance, parfois d'ailleurs acceptés par un certain nombre de femmes.

L'IDEAL, PREVENIR LES METRORRAGIES

On ne propose pas le même type de THS en post-ménopause immédiate ou en post-ménopause tardive. Souvent les femmes souhaitent conserver leurs règles lors de l'installation de la ménopause alors qu'elles redoutent leur réapparition lorsque le traitement est proposé plus tardivement.

Comment essayer d'éviter les métrorragies ?

En prenant un certain nombre de précautions :

1. lors de la mise en route du THS , il faut s'assurer que les informations données à la patiente ont été bien comprises, d'où la nécessité d'un entretien suffisamment prolongé ;

2. il faut par un interrogatoire bien conduit s'enquérir du caractère des règles juste avant la ménopause, la notion de règles très hémorragiques faisant soupçonner une pathologie intracavitaire qu'il faut parfois avoir traitée avant l'instauration du THS ;

3. il convient d'éviter d'instaurer un traitement trop précocement dès le premier retard de règles, même chez une femme au-delà de 52 ans : une des erreurs les plus fréquentes est de prescrire un traitement de ménopause à une femme qui est en fait en périménopause ; il est classique d'attendre d'avoir trois tests aux progestatifs négatifs avant de commencer le traitement estrogénique de substitution ;

4. il est recommandé de commencer la thérapeutique substitutive par la prescription de doses modérées d'estrogène pour ensuite les augmenter progressivement ;

5. En postménopause immédiate il faut éviter les traitements combinés (continu ou discontinu) et leur préférer le traitement séquentiel.

Cependant l'équilibre n'est pas facile à trouver et parfois, malgré toutes les précautions, des métrorragies peuvent survenir.

Quelle est la conduite à tenir ?

EN CAS DE M&EACUTETRORRAGIES

Deux circonstances :

1. Soit il s'agit d'un 1er épisode de saignement anormal

Il n'y a aucune urgence à prescrire des explorations complémentaires, demandées bien souvent trop rapidement. Dans un cas sur deux environ, avec un interrogatoire bien conduit, un simple examen clinique, le problème peut être résolu, en réajustant le traitement hormonal de manière efficace. Il peut s'agir en effet :

- d'une mauvaise observance du traitement ;

- d'une reprise transitoire de l'activité ovarienne : les métrorragies s'accompagnent alors fréquemment de mastodynie ;

- d'un traitement commencé trop tôt ;

- de métrorragies survenant au début d'un traitement combiné continu ; on sait en effet qu'avec ce traitement des saignements apparaissent dans 25 à 75 % des cas selon les études et qu'après quelques mois leur fréquence diminue.

2. Soit les métrorragies persistent ou bien une hyperménorrhée apparaît sous traitement séquentiel

Dans ce cas un bilan de la cavité utérine est indispensable : l'échographie endovaginale et l'hystéroscopie diagnostique ambulatoire associées aux prélèvements histologiques sont aujourd'hui les investigations de référence. Elles ont éclipsé les autres explorations :

la cytologie endométriale : car elle est peu fiable et sa sensibilité est trop faible ;

la biopsie d'endomètre à l'aveugle : les prélèvements sont impossibles dans 10 à 20 % des cas, ininterprétables dans 5 à 25 % des cas, le pourcentage de faux négatifs est trop important (étude de Koss sur 2586 patientes) ;

l'hystérographie : elle n'est pas assez précise ; cependant elle peut avoir encore un certain intérêt pour le diagnostic d'adénomyose ;

le curetage biopsique : il est inconcevable aujourd'hui de proposer d'emblée un curetage sous anesthésie générale pour des métrorragies sous THS.

L'échographie endovaginale (EEV)

Elle permet de mesurer l'épaisseur de l'endomètre ; les chiffres sont donnés en mm pour les deux feuillets de l'endomètre ; plus l'endomètre est épaissi, plus le risque de lésion maligne est augmenté ; en post-ménopause non substituée l'endomètre se résume à un fin liseré hyperéchogène ; sous THS on considère qu'il ne doit pas dépasser 8 mm ; la technique classique peut être améliorée par l'utilisation du Doppler couleur pour analyser la vascularisation ; le principal intérêt de l'EEV est de faire le diagnostic d'endomètre atrophique ; pour certains auteurs lorsque l'endomètre est < 8 mm le risque de cancer est nul : ils pensent qu'il est légitime d'arrêter là les investigations ; ce n'est pas toujours vrai, il y a des adénocarcinomes débutant sur endomètre atrophique ; si les métrorragies persistent il faut préconiser une hystéroscopie.

L'EEV n'est pas toujours capable de distinguer entre hypertrophie de l'endomètre, polypes et fibromes sous-muqueux ; c'est pourquoi l'examen peut être complété par l'instillation endocavitaire d'une solution saline isotonique (sérum physiologique) : cette échographie avec accentuation de contraste (Evac ou hystérosonographie) permet une meilleure discrimination des lésions. Grand avantage de l'échographie endovaginale : elle apprécie la structure du myomètre, permettant le diagnostic de myomes interstitiels, et l'état des ovaires ; son caractère indolore et peu invasif est précieux.

Mais qu'attend-on précisément d'une exploration endométriale nécessaire devant des méno-métrorragies sous THS ? Cette exploration a plusieurs impératifs ; elle doit :

- éliminer une lésion carcinologique ;

- faire le diagnostic d'une éventuelle pathologie bénigne (polype - fibrome - adénomyose) ;

- établir la corrélation entre la lésion bénigne et le saignement ;

- apprécier l'état de l'endomètre ;

- faciliter ainsi le choix de la conduite thérapeutique.

Le seul examen qui permette de répondre à tous ces impératifs à la fois est l'hystéroscopie diagnostique couplée à un examen histologique indispensable.

L'hystéroscopie diagnostique

Elle est faite en ambulatoire sans aucune préparation. Il ne faut pas l'opposer à l'échographie qu'elle complète. Très souvent d'ailleurs les deux examens sont demandés simultanément. L'échographie est un excellent examen de " débrouillage " qui peut demeurer l'examen de première intention. Mais elle n'est pas assez spécifique, malgré les progrès techniques (Doppler couleur et Evac) ; des études comparatives entre échographie vaginale et hystéroscopie ont montré une supériorité diagnostique indiscutable pour l'hystéroscopie. Rien ne remplace la vision directe que permet cette exploration. Son grand intérêt est sa pratique au cabinet de consultation. C'est une technique qui a été évaluée par de nombreux auteurs. L'utilisation d'appareils de petits calibres (entre 2,4 et 5 mm) permet un examen peu ou pas douloureux. Elle est fiable, sans danger à condition d'utiliser un matériel adéquat et de respecter les consignes de sécurité, quel que soit le milieu de distension de la cavité (CO2 ou sérum physiologique) ou le type d'appareil utilisé (rigide ou souple). Le système vidéo (caméra miniature branchée sur l'oculaire de l'endoscope et reliée à un moniteur de télévision) permet à la patiente de suivre l'examen sur un écran, de voir les lésions. Cet avantage de partage de l'information avec sa patiente va dédramatiser certaines situations et faciliter la tâche du médecin dans la conduite du traitement. L'inconvénient de l'hystéroscopie est que sa réalisation n'est actuellement possible que par un nombre restreint de gynécologues formés à l'endoscopie ambulatoire.

Eliminer une lésion carcinologique

Même s'il est prouvé que le THS n'augmente pas le risque de cancer de l'endomètre il faut rester vigilant. Couplée bien sûr à l'examen histologique indispensable, l'hystéroscopie est particulièrement performante pour la détection de zones suspectes. Elle permet de repérer une zone atypique, faire un prélèvement dirigé sur cette zone, permettant le diagnostic de petits cancers localisés, qui sans elle passeraient inaperçus. Elle est tout aussi utile dans les cancers plus importants permettant de faire le bilan d'extension en surface vers l'isthme, fondamental pour la conduite du traitement. Un cancer peut quelquefois être associé à un polype ou à un fibrome. Si l'oeil entraîné a repéré une zone suspecte et que le prélèvement est insuffisant ou rassurant il faut pratiquer un prélèvement au bloc opératoire.

Faire le diagnostic de pathologie bénigne

L'hystéroscopie est un excellent examen pour distinguer les polypes muqueux des fibromes sous-muqueux et apprécier leur nombre, leur taille, leur siège, leur vascularisation, leur base d'implantation ; elle va déterminer le développement vers la cavité du fibrome, ce qui est essentiel ; elle est moins performante pour le difficile diagnostic d'adénomyose : elle révèle cependant des taches brunâtres ou bleutées ainsi que les orifices de digitations myométriales entourées de zones d'hypervascularisation.

Etablir la corrélation entre la lésion bénigne et le saignement

C'est quelquefois extrêmement difficile. Dans la majorité des cas le saignement anormal est attribué à juste titre à la pathologie bénigne constatée ; mais dans un nombre non négligeable de cas, à côté d'un petit fibrome blanchâtre ou d'un polype peu vascularisé, l'hystéroscopie montre un endomètre qui saigne en nappe par déséquilibre hormonal. C'est la raison pour laquelle il faut éviter de proposer une intervention chirurgicale sous anesthésie générale sur un simple aspect échographique.

Apprécier l'état de l'endomètre

En l'absence de pathologie intracavitaire, pourquoi l'endomètre saigne-t-il sous THS ? Là encore l'hystéroscopie couplée à l'histologie va donner de remarquables renseignements en appréciant :

- l'épaisseur de la muqueuse, qui est souvent très fine ;

- son caractère lisse ou mamelonné, voire micropolypoïde ;

- son homogénéité ou son hétérogénéité ;

- les particularités de la vascularisation : fragilisation ou distension des vaisseaux de surface, suffusions hémorragiques, saignement en nappe.

Il ne faut pas dire que l'endomètre saigne par atrophie. Sinon toutes les femmes saigneraient en post-ménopause. Il s'agit en fait d'un déséquilibre estro-progestatif. L'aspect macroscopique est confirmé par l'histologie qui va apprécier, lorsque le prélèvement le permet, le rapport estro-progestatif en étudiant :

- les glandes (nombre - aspect - répartition - mitoses - stratification) ;

- le chorion cytogène (densité - décidualisation - fibrose - oedème) ;

- la vascularisation (distension des capillaires et des artérioles).

On peut alors idéalement adapter la thérapeutique substitutive. Nos constatations personnelles nous font penser que le plus souvent l'endomètre qui saigne sous THS (même sous traitement séquentiel) est un endomètre trop fortement imprégné par les progestatifs ou pas assez par les estrogènes.

L'hystéroscopie aura permis de faire le prélèvement au bon endroit pour le diagnostic histologique éventuel d'hyperplasie (simple ou atypique). Dans certains cas, rares il est vrai, l'hystéroscopie montre un aspect de muqueuse dystrophique, "  muqueuse léopard " È : il s'agit de variations de l'épaisseur de l'endomètre avec des zones hypertrophiques au sein d'un endomètre majoritairement fin.

ETUDE HYSTEROSCOPIQUE PERSONNELLE

Nous avons observé par hystéroscopie diagnostique ambulatoire 553 patientes sous THS entre mars 1993 et novembre 1995 ; 84 étaient asymptomatiques et 469 avaient des métrorragies ou des ménorragies avec la répartition suivante :

N = 469

Traitement séquentiel 370 cas 78,9 %

Traitement combiné continu 55 cas 11,7 %

Traitement combiné discontinu 44 cas 9,4 %

Les résultats sont les suivants :

Pathologie intracavitaire 260 cas 55,4 %

Cavité utérine normale 209 cas 44,6 %

Pathologie intracavitaire observée :

Polypes muqueux 107 22,8 %

Fibromes sous-muqueux 81 17,2 %

Aspect évocateur d'adénomyose 28 6,0 %

Polypes + fibrome + adénomyose 21 4,5 %

Muqueuse " léopard " dystrophique 11 2,3 %

Hyperplasie sans atypie 7 1,5 %

Cancer 5 1,1 %

Les études publiées dans la littérature privilégient hystéroscopie ambulatoire comme exploration de première intention à pratiquer devant des saignements anormaux sous THS. L'étude de F. Nagele et coll. portant sur 125 patientes sous traitement séquentiel (à 87 %) donne des chiffres très voisins de ceux que nous avons constatés pour la pathologie bénigne : 21,6 % de polypes, 18,4 % de fibromes, 1.6 % d'hyperplasie. A.A. Akkad et coll. ont étudié 106 patientes et rapportent 24 % de fibromes sous-muqueux et seulement 2 % de polypes. Ils n'ont pas observé de cancer dans leurs séries. F. Nagele conclut, et c'est notre opinion, que l'on trouve environ 50 % de pathologie intracavitaire chez les femmes ayant des métrorragies sous THS, qu'il y a une très bonne corrélation entre l'aspect hystéroscopique et l'aspect histologique et que l'hystéroscopie est le meilleur examen pour faciliter le choix de la conduite thérapeutique.

Il est intéressant de rapporter les résultats de notre étude concernant les 84 patientes asymptomatiques observées sous THS :

N = 84

Traitement séquentiel 69 cas 82,1 %

Traitement combiné continu 6 cas 7,2 %

Traitement combiné discontinu 9 cas 10,7 %

Pathologie intracavitaire 29 cas 34,5 %

Cavité utérine normale 55 cas 65,5 %

Pathologie intracavitaire observée :

Polypes muqueux 14 16,6 %

Fibromes sous - muqueux 9 10,7 %

Aspects évocateurs d'adénomyose 2 2,4 %

Polypes + fibrome + adénomyose 2 2,4 %

Muqueuse " léopard " dystrophique 0 0,0 %

Hyperplasie sans atypie 2 2,4 %

Cancer 0 0,0 %

Remarquons donc que chez les patientes asymptomatiques la pathologie intracavitaire constatée est moins fréquente que lorsqu'il y a des métrorragies, bien sur ; mais elle est loin d'être négligeable puisqu'on trouve 16,6 % de polypes et 10,7 % de fibromes sous-muqueux. Ces constatations doivent nous inciter à être prudents et mesurés dans nos indications chirurgicales.

TRAITEMENT

Nous nous limiterons à donner quelques propositions. Il y a peu de publications permettant de déterminer une attitude précise. Nous avons observé que dans la majorité des cas la pathologie découverte était une pathologie bénigne. Avant la chirurgie il est licite de commencer par essayer un traitement à doses modérées d'estrogènes, si les saignements sont de faible abondance et acceptés par la patiente ( en sachant qu'on risque de perdre les bénéfices à long terme de l'estrogénothérapie). On peut toujours préconiser l'arrêt du traitement hormonal, ce qui n'est pas satisfaisant. Il est préférable de proposer plutôt le traitement combiné continu dans ce contexte. Si les phénomènes hémorragiques sont gênants pour la patiente, la chirurgie est légitime. Une lésion bénigne symptomatique sous THS ne justifie une prise en charge chirurgicale qu'une fois la corrélation établie entre la lésion et le saignement, et à la condition que le médecin et sa patiente soient convaincus de la nécessité de la poursuite du traitement substitutif.

L'hystérectomie est bien sûr nécessaire lorsqu'on se trouve en présence d'une lésion suspecte (hyperplasie atypique) ou d'un adénocarcinome.

Elle ne doit en aucun cas être pratiquée de manière excessive. En particulier les fibromes ne doivent pas servir d'alibi à la pratique d'hystérectomies abusives. La découverte échographique de fibromes interstitiels ou sous-séreux ne constitue pas une contre-indication à l'instauration d'un THS ; il est en effet très rare que ces fibromes augmentent de volume et deviennent symptomatiques sous THS ; en revanche on peut considérer que l'hystérectomie est légitime :

- lorsqu'on est en présence de nombreux fibromes sous-muqueux ou d'un fibrome très volumineux ou très vascularisé. Il faut se méfier du sarcome ;

- en présence d'adénomyose majeure ou d'association fibromes sous-muqueux + adénomyose ou bien fibrome sous-muqueux + fibromes sous-séreux.

La résection hystéroscopique est préférable pour :

- les polypes endométriaux volumineux ;

- la majorité des myomes sous-muqueux ;

- l'endométrectomie a peu d'indications (rares hyperplasies simples).

Certains gestes peuvent être pratiqués lors d'hystéroscopies en consultation :

- exérèse de polypes accouchés par le col ;

- prélèvements de certains petits polypes endométriaux pédiculés.

Le problème qui se pose souvent en pratique est la découverte d'un myome sous-muqueux avant la mise en route du THS ; on se trouve alors devant deux choix :

1. soit envisager la place d'une chirurgie prophylactique. Quand peut-on prendre en charge par chirurgie un myome sous-muqueux avant même qu'il ne se soit manifesté ?

- lorsque la patiente a présenté des hémorragies en périménopause, car la mise en route du THS a de grands risques d'entraîner une récidive des saignements ;

- lorsque le myome est volumineux et hypervascularisé ;

- lorsqu'il y a une pathologie utérine associée ;

- le geste chirurgical prophylactique sera une résection endoscopique aussi souvent que possible ou exceptionnellement une hystérectomie, en particulier en cas d'adénomyose associée.

2. soit conserver le myome sous-muqueux, proposer un THS à faibles doses et ne le traiter par la chirurgie qu'en cas de symptomatologie.

CONCLUSION

Les métrorragies sont une source d'inquiétude majeure chez les patientes sous THS. Elles représentent un motif fréquent d'abandon de la thérapeutique substitutive. Le médecin, s'il est lui-même convaincu de l'intérêt de ce traitement, doit s'efforcer d'éviter les troubles en choisissant un traitement personnalisé. Il doit rester disponible pour répondre aux préoccupations de ses patientes. Il doit pouvoir adapter et moduler cette thérapeutique, surtout au moment de l'instauration du THS, pour corriger des saignements mineurs, sachant que la cause la plus fréquente est un déséquilibre estro-progestatif, évitant ainsi de demander trop rapidement des examens complémentaires qui pourraient restreindre l'observance du traitement. Lorsque les saignements persistent, il doit s'appuyer sur des explorations adéquates : échographie endovaginale mais surtout hystéroscopie diagnostique ambulatoire associée à un prélèvement histologique. Ces explorations vont lui permettre de faire le diagnostic d'une lésion qui est le plus souvent bénigne, d'éliminer une association, particulièrement une lésion carcinologique, et traiter. Le traitement sera un traitement à moindre contrainte, endoscopique le plus souvent, bien que l'hystérectomie ait quelques rares indications. S'il est licite de traiter les lésions suspectes, les fibromes sous-muqueux et les polypes symptomatiques, il faut savoir respecter la plupart des myomes interstitiels et sous-séreux.

Enfin le médecin doit s'interroger sur la prescription de faibles doses dont les effets à long terme sont douteux pour le bénéfice osseux et cardio-vasculaire mais peut-être supérieurs à ceux de l'arrêt définitif du traitement hormonal.

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