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2001 > Gynécologie > Ménopause  Telecharger le PDF

Comment comprendre les effets des lipides sur la pathologie cardiovasculaire de la femme en post-ménopause ?

G. Lasfargues

Les affections cardiovasculaires, particulièrement les cardiopathies ischémiques constituent la première cause de décès chez femme dans la plupart des pays industrialisés. Il est bien établi que les femmes jeunes ont moins de maladie coronaire que les hommes du même âge et que leur courbe de risque coronarien s’infléchit après la ménopause pour rejoindre progressivement celle de l’homme.

L’étude de Framingham a montré un risque cardiovasculaire global multiplié par 2 chez les femmes ménopausées par rapport à celles du même âge qui ne le sont pas et un risque coronarien 2,7 fois plus important chez la femme ménopausée dans la tranche d’âge 45-54 ans.

Ces différences suggèrent un effet bénéfique des estrogènes sur la paroi artérielle et sur certains facteurs d’athérosclérose, disparaissant après la ménopause. L’interprétation de nombreuses études dans le domaine est cependant délicate en raison d’insuffisances méthodologiques : études transversales, non prise en compte de facteurs de confusion potentiels (âge chronologique, statut tabagique, obésité…), erreurs de classification du statut ménopausique, manque de puissance statistique du fait d’un nombre trop faible de femmes coronariennes... Il est souvent difficile de savoir ce qui revient à l’âge et au statut ovarien dans l’augmentation de la morbi-mortalité cardiovasculaire, en particulier en cas de ménopause naturelle, même dans les études prospectives.

Dans l’étude de Framingham par exemple, l’incidence à 10 ans des coronaropathies était multiplié par 4 chez les femmes âgées de 50 à 59 ans naturellement ménopausées par rapport à des femmes pré-ménopausées de la même tranche d’âge mais les résultats n’étaient pas ajustés sur l’âge et le statut tabagique. L’étude des infirmières de Boston a montré de la même façon un risque plus élevé chez les femmes qui avaient une ménopause naturelle par rapport aux femmes pré-ménopausées après ajustement sur l’âge à 5 ans d’intervalle (RR = 1,7 ; IC95% = 1,1 – 2,8). Néanmoins, après ajustement sur l’âge à un an d’intervalle le risque relatif n’était plus significatif (RR = 1,2 ; IC95% = 0,8 – 1,9).

L’ajustement sur la consommation tabagique réduisait le risque relatif à 1,0 (IC95% = 0,8- 1,3). L’absence de modifications franches de la morbidité et mortalité cardiovasculaire aux alentours de l’âge de la ménopause résulte probablement de la tranche d’âge assez large pour laquelle survient la fin des cycles menstruels et de la diminution progressive dans le temps des niveaux estrogéniques. En outre, les modifications de facteurs de risque associés peuvent n’influencer que lentement la morbi-mortalité. La ménopause naturelle constitue donc une période d’augmentation progressive du risque cardiovasculaire due à la fois à l’âge et à la carence estrogénique.

Le niveau de preuve est nettement plus important pour les femmes ayant eu une ménopause chirurgicale. Ainsi, dans l’étude de Boston, le risque relatif de coronaropathie est de 2,2 (IC 95% = 1,2 – 4,2) chez les femmes ovariectomisées en l’absence de traitement hormonal substitutif (THS). L’excès significatif de risque disparaît chez les femmes sous THS. Une ménopause précoce accentue le risque comme l’a démontré une étude hollandaise portant sur plus de 12000 femmes suivies pendant 20 ans, établissant une relation inverse entre l’âge de la ménopause et le risque de mortalité cardiovasculaire.

Les mécanismes par lesquels la déficience en estrogènes peut influer sur l’athérogénèse restent discutés. Parmi l’ensemble des facteurs et marqueurs de risque cardiovasculaires, les modifications des lipides et des lipoprotéines plasmatiques sont celles qui sont liées le plus fortement aux estrogènes et au fonctionnement ovarien. Les lipoprotéines jouent un rôle essentiel dans la genèse et la progression du processus athéromateux. De nombreuses études transversales et longitudinales se sont donc intéressées à l’influence de la ménopause sur les paramètres lipidiques.

Même si, là encore, l’interprétation des études n’est pas toujours aisée pour séparer ce qui revient réellement à la carence en estrogènes d’autres facteurs influençant le profil lipidique, il est clair que l’état de ménopause entraîne des variations de concentration plasmatique des lipoprotéines. Le cholestérol total, le LDL cholestérol (LDLc), l’Apo B sont plus élevés, de même que globalement les lipoprotéines contenant de l’Apo B (Lp B, Lp B-CII, Lp B-E). Les LDL ont tendance à être plus petites et plus denses.

Les isoformes de l’Apo E (E2, E3, E4) interviennent dans la population générale sur la concentration de LDLc, les personnes porteuses des isoformes E4 ayant un LDLc plus élevé. Chez la femme, l’association entre isoformes de l’Apo E et concentration de LDLc est beaucoup plus importante en période post-ménopausique que pré-ménopausique ou que chez les hommes.

Le taux de HDLcholestérol (HDLc) n’est apparemment que peu modifié en période post-ménopausique, avec une tendance à la diminution des HDL2 sans modification des HDL3 et sans variation significative des Lp AI et Lp AI AII. L’augmentation modérée des triglycérides en post-ménopause est à lier essentiellement à l’augmentation des lipoprotéines riches en triglycérides que sont les VLDL. Une hyperlipémie post-prandiale, indicateur de risque cardiovasculaire, a été constatée chez des femmes ménopausées par certains auteurs. Enfin, le taux de Lp(a), déterminé génétiquement et augmentant avec l’âge chez la femme, a été retrouvé plus élevé chez les femmes ménopausées que chez celles normalement réglées.

Le profil lipidique associant l’élévation des fractions athérogènes et la diminution des fractions anti-athérogènes, observé dans des populations à risque cardiovasculaire absolu élevé est également retrouvé dans des populations à risque moindre comme en France. L’étude française menée par Trémollières et al. sur un échantillon de 1684 femmes a montré que les femmes post-ménopausées ne recevant pas de traitement hypolipidémiant avaient bien des niveaux significativement plus haut de cholestérol total, LDLc, VLDLc, triglycérides et Apo B et des taux plus bas de HDLc que les femmes en péri-ménopause. En analyse multivariée, cet effet était indépendant de l’âge, de l’index de masse corporelle et des années écoulées depuis la ménopause.

Les mêmes auteurs constataient une prévalence d’hypercholestérolémie (CT > 2,50 g/l et LDLc > 1,60 g/l) plus élevée en post-ménopause. Les mêmes constatations ont pu être faites dans la région du Nord par Dallongeville et al. chez des femmes de 45 à 65 ans. La ménopause était associée à des niveaux plus élevés de cholestérol total, LDLc, triglycérides et Apo B. En résumé, les modifications de profil lipidique liées à la ménopause vont bien dans le sens d’une augmentation du risque cardiovasculaire, avec une augmentation du cholestérol total et du LDLc, reconnus comme des facteurs de risque coronarien majeurs chez la femme.

Le risque peut être accru par la baisse concomitante du HDLc dont la valeur prédictive de risque cardiovasculaire est déterminante chez la femme. L’hypertriglycéridémie est aussi associée à une augmentation du risque cardiovasculaire et plus particulièrement coronaire. Celle-ci est a été clairement identifiée dans une méta-analyse regroupant la plupart des études prospectives. Cette relation, plus marquée chez la femme et indépendante du HDLc, est retrouvée dans des études épidémiologiques plus récentes.

S’associant aux modifications du profil lipidique, la diminution de sensibilité à l’insuline, les troubles de l’hémostase et de la fibrinolyse, les modifications de la pression artérielle et de l’hémodynamique vasculaire, la redistribution androïde de la masse grasse et la tendance à l’obésité centrale sont parmi les principaux facteurs de risque associés à la ménopause. Les estrogènes ont en outre un effet direct sur la paroi artérielle permettant de réduire la progression de l’athérosclérose, suggérant que la carence estrogénique peut influer par elle-même sur le processus athéroscléreux indépendamment de la variation des marqueurs sériques.