Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: Choix raisonné des examens biologiques dans la pathologie thrombotique
Année: 2002
Auteurs: - Aiach M.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Thrombose

CHOIX RAISONNE DES EXAMENS BIOLOGIQUES
DANS LA PATHOLOGIE THROMBOTIQUE

Martine Aiach et Martine Alhenc-Gelas

Service d'Hématologie biologique A, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris et Unité Inserm 428, Faculté de Pharmacie de l'Université Paris V.

Résumé

La connaissance de facteurs de risque génétiques et acquis intervenant dans la maladie thromboembolique veineuse permet de proposer, à l'heure actuelle, un bilan biologique pour évaluer au mieux le risque pour le patient. A côté des déficits en inhibiteurs de la coagulation qui sont connus de longue date mais qui sont assez rares, on a découvert récemment des anomalies génétiques beaucoup plus fréquentes (mutation Leiden du facteur V et du facteur II) et des anomalies dont les bases moléculaires ne sont pas encore élucidées comme l'augmentation du facteur VIII. L'hyperhomocystéinémie, qui résulte le plus souvent d'une interaction génome-environnement, est également un facteur de risque veineux et artériel. La recherche d'un anticorps antiphospholipide (famille complexe d'autoanticorps reconnaissant des phospholipides ou des protéines fixant les phospholipides) fait également partie du bilan d'une thrombose veineuse insolite.

Introduction

L'hémostase est un système complexe faisant appel aux plaquettes, aux cellules endothéliales vasculaires et à un réseau de protéines plasmatiques. Ce mécanisme est normalement déclenché dans le secteur extravasculaire pour colmater une blessure et arrêter une hémorragie. La cascade d'activation enzymatique mise en jeu aboutit à la formation de thrombine qui est l'enzyme-clé du système. Générée localement et à forte concentration à la surface des plaquettes activées, elle recrute d'autres plaquettes, coagule le fibrinogène et accélère sa propre formation en activant les facteurs V et VIII. La thrombine, diluée dans le flux circulatoire, est maintenue au-dessous d'un seuil critique par plusieurs mécanismes inhibiteurs, dont l'antithrombine et le système de la protéine C sont les principaux.
La thrombose résulte d'une activation de l'hémostase au sein du système vasculaire. La défaillance des systèmes inhibiteurs de la coagulation ou un excès de facteurs procoagulants peuvent théoriquement favoriser sa survenue.
Les déficits héréditaires en inhibiteurs de la coagulation ont été les premières anomalies génétiques des facteurs de la coagulation associées à une maladie thomboembolique récidivante (thrombophilie), pathologie initialement considérée comme monogénique. La découverte plus récente de l'implication de polymorphismes fréquents a modifié cette conception. Il est bien établi, à ce jour, que la pathologie thrombotique (veineuse et artérielle) est multicausale, faisant intervenir de multiples facteurs de risque génétiques et circonstanciels. Aussi est-il important de pratiquer une exploration complète, la combinaison de plusieurs facteurs de risque n'étant pas exceptionnelle.

I. Déficits héréditaires en inhibiteurs de la coagulation (antithrombine, protéine C, protéine S)

L'antithrombine (AT) est une glycoprotéine plasmatique monocaténaire de masse moléculaire (MM) 58 kDa comportant 432 acides aminés (AA) et quatre chaînes latérales oligosaccharidiques. L'AT inactive essentiellement la thrombine et le facteur X activé (a).
Le déficit en AT est retrouvé chez 1 à 2 % des patients atteints de maladie thromboembolique veineuse primitive. La prévalence du déficit en AT symptomatique dans la population générale est comprise entre 1/2 000 et 1/5 000 [1].
La protéine C (PC) est une glycoprotéine plasmatique de MM 62 kDa, vitamine K-dépendante, comportant 23 % de carbohydrates. Il s'agit du zymogène d'une sérine-protéase à propriétés anticoagulantes. In vivo, un complexe formé par la thrombine et son récepteur endothélial, la thrombomoduline, convertit la PC inactive en PC activée (PCa) capable de dégrader les facteurs Va et VIIIa.
Le déficit en PC est retrouvé chez 3 % des patients atteints de maladie thromboembolique veineuse primitive. Les modes de transmission du déficit en PC apparaissent cependant complexes. En effet, il ressort d'études de cohortes de patients thrombophiliques que la prévalence du déficit en PC associé à des thromboses dans la population générale est comprise entre 1/16 000 et 1/36 000 [2]. Une prévalence beaucoup plus forte du déficit en PC asymptomatique a cependant été mise en évidence dans des populations saines de donneurs de sang (1/200 à 1/700) [3]. Une forme beaucoup plus sévère du déficit peut refléter un état homozygote.
La protéine S (PS) est le principal cofacteur de la PC. C'est une glycoprotéine monocaténaire vitamine K-dépendante, de MM 69 kDa, comprenant 7 % de carbohydrates. Sa concentration plasmatique est de 20 à 25 mg/L et sa demi-vie de 42 heures. La PS augmente l'affinité de la PCa pour les phospholipides chargés négativement, formant un complexe PCa-PS lié à la membrane qui rend les facteurs Va et VIIIa plus accessibles au clivage par la PCa. La PS circule dans le plasma pour partie sous forme libre (40 % de la PS circulante) active dans le système de la coagulation, pour partie (60 %) sous forme complexée à la C4b binding protein (C4bBP), protéine du système du complément qui lie la PS au niveau du domaine SHBG. La PS liée à la C4bBP n'a pas d'effet cofacteur de la PCa [4].
Le déficit en PS est retrouvé chez 2 à 3 % des patients thrombophiliques. Aucune étude de la prévalence du déficit en PS dans la population générale n'a été publiée. L'extrapolation des résultats obtenus dans des cohortes de patients atteints de thrombose permet de l'estimer à 1/33 000 [5].
Les déficits héréditaires en AT et en PC peuvent être quantitatifs (type I) ou qualitatifs (type II) (tableau I). Un défaut de sécrétion de la protéine, objectivé par le déficit en antigène, est à l'origine du déficit de type I. Dans les déficits de type II, la protéine est sécrétée normalement, mais présente une anomalie fonctionnelle. Les déficits en AT de type II peuvent être divisés en trois groupes. Dans les déficits de type IIRS (reactive site), l'anomalie porte sur le site actif. Dans les déficits de type IIHBS (heparin binding site), le site actif est normal, mais le site de liaison à l'héparine est modifié. Dans les déficits de type IIPE (à effet pléiotropique), la capacité de liaison de l'AT à l'héparine et sa capacité d'inhibition des protéases sont toutes deux affectées, ainsi qu'à un degré moindre la sécrétion de la protéine. On distingue les déficits en PC de type IIAM (activité amidolytique) et de type IIAC (activité anticoagulante). Dans les déficits de type IIAM, l'activité enzymatique est diminuée. Dans les déficits de type IIAC, l'activité anticoagulante de la protéine est diminuée bien que le site catalytique soit intact. Ces déficits affectent l'un des sites d'interaction de la PC et des autres partenaires du système.
En ce qui concerne la PS, il existe de plus des déficits de type III caractérisés par une PS libre basse contrastant avec une PS totale normale. Les déficits de type I et III seraient en fait l'expression d'un même génotype [6].

Le tableau I résume la classification des déficits en inhibiteurs de la coagulation.

Diagnostic biologique

Le diagnostic de déficit en AT, PC ou PS utilise en première intention les techniques de dosage de la protéine circulante. Le caractère constitutionnel de l'anomalie ne peut être affirmé qu'après contrôle de la permanence du déficit, vérification de l'absence de toute cause de déficit acquis et enquête familiale. L'analyse du gène est le plus souvent inutile en ce qui concerne le diagnostic de déficit en AT. Les informations apportées par l'analyse du gène de la PC et de la PS conduisent à envisager une application diagnostique de la biologie moléculaire dans un certain nombre de cas, en particulier les déficits homozygotes.

Déficit en antithrombine

L'association de méthodes mesurant l'activité de la protéine en présence et en l'absence d'héparine avec une méthode immunologique permet de faire le diagnostic et de typer le déficit. Le dépistage s'effectue par la mesure de l'activité cofacteur de l'héparine à l'aide d'un substrat synthétique qui, lorsqu'elle est réalisée dans de bonnes conditions analytiques, décèle l'ensemble des anomalies [7]. Lorsque l'activité cofacteur de l'héparine est abaissée (inférieure à 80 %) et après confirmation de la permanence du déficit, il est impératif de réaliser un dosage par méthode immunologique. Ce dosage permet de confirmer un déficit de type I si la concentration est inférieure à 80 % ou de suspecter un déficit de type II s'il existe une divergence avec l'activité cofacteur de l'héparine. Dans ce cas, la mesure de l'activité antithrombine ou anti-facteur Xa en l'absence d'héparine (activité progressive) permettra de différencier les types IIHBS et IIRS. Les déficits de type IIPE sont caractérisés par une différence modeste entre la concentration immunologique et l'activité cofacteur de l'héparine. La présence de traces de protéine non fonctionnelle n'est révélée que par des techniques électrophorétiques.

Les traitements par héparine non fractionnée diminuent la concentration plasmatique d'AT de 10 à 20 %. En présence d'un taux pathologique d'AT, un contrôle devra être pratiqué après 5 jours d'arrêt du traitement.

Déficit en protéine C

Le diagnostic biologique de déficit en PC est rendu difficile par la variété des anomalies moléculaires responsables du défaut d'expression de l'allèle muté. Ainsi, des concentrations de PC comprises entre 60 et 80 % sont observées aussi bien chez des sujets normaux que chez des sujets hétérozygotes [8].
Aucune technique commercialisée ne permet de dépister tous les types de déficit en PC, car aucune d'entre elles (pour des raisons de praticabilité) n'utilise l'activateur physiologique de la PC, le complexe thrombine-thrombomoduline. La technique de dépistage la plus pertinente est celle qui mesure l'activité anticoagulante de la PC activée par une enzyme extraite d'un venin de serpent, le Protac. Lorsque l'activité anticoagulante est diminuée (inférieure à 70 %), il faut systématiquement, après contrôle de la permanence de l'anomalie, pratiquer un dosage immunologique par une technique elisa (méthode immunoenzymatique). La méthode amidolytique permet de différencier les déficits qualitatifs de type IIAM et IIAC [9].

Déficit en protéine S

L'association de trois méthodes de dosage de la PS (évaluant la PS totale, la PS libre et son activité) est indispensable au dépistage et au typage des déficits [10-12]. La concentration immunologique de la PS totale et de la fraction libre est le plus souvent évaluée par dosage immunoenzymatique. L'activité cofacteur de la PCa se mesure à l'aide d'un test de coagulation globale par l'effet anticoagulant exercé par le plasma du malade en présence de PCa sur un plasma déplété en PS enrichi en facteur V bovin.

Le diagnostic de déficit héréditaire en PC ou en PS ne peut se faire qu'en dehors de tout traitement par les antivitamines K, au besoin lors d'une fenêtre thérapeutique, après passage à l'héparine ou à un dérivé de bas poids moléculaire (HBPM) pendant le mois qui précède l'examen.

II. Mutation Leiden du facteur V

Le facteur (F) V est une glycoprotéine de 300 kDa, codée par un gène localisé sur le chromosome 1 comportant 25 exons. Le FV comporte plusieurs domaines A1A2BA3C1C2. Le domaine B est éliminé après clivage du FV par la thrombine et le FVa ainsi formé est un cofacteur du FXa qui active la prothrombine en thrombine. Le FVa est physiologiquement dégradé par protéolyse limitée par la PCa qui clive les liaisons en position 306 et 506 de la chaîne lourde.
L'addition de PCa purifiée à un plasma normal induit un allongement du temps de céphaline plus activateur (TCA) qui reflète la dégradation accrue des FVa et FVIIIa par la PCa. La première observation d'un défaut d'allongement du TCA du plasma supplémenté en PCa, donc d'une diminution de l'effet anticoagulant de la PCa chez des patients atteints de thrombophilie familiale, a été faite par Dahlbäck et coll. en 1993 [13]. Cette résistance plasmatique à la PCa (RPCA) est un facteur de risque de thrombose très fréquemment retrouvé dans les populations d'origine européenne. Dans la plupart des cas, la RPCA est due à la présence d'un FV anormal (FV Leiden) comportant, en position 506, une glutamine à la place d'une arginine. La substitution d'AA résulte d'une mutation ponctuelle du gène induisant le remplacement de la guanine en position 1691 par une adénine [14]. Cette mutation modifie l'un des sites de clivage du FVa par la PCa. Plusieurs groupes ont étudié les cinétiques d'inactivation du FVa. Pour l'un d'entre eux, le clivage initial survient en 506 et favorise le clivage en 306. Ce deuxième clivage est fondamental vis-à-vis de l'inactivation de la protéine. Pour un autre, le clivage se produit sur les 2 sites simultanément, mais est plus lent en 306. Le clivage en 506 constitue pour cette équipe le mécanisme principal d'inactivation.
Ainsi, la mutation Leiden du FV réduit la vitesse de dégradation du FVa (par réduction du clivage en 506 ou par défaut d'accélération du clivage en 306). Elle pourrait de plus modifier une autre fonction du FV, son effet cofacteur de la PCa et de la PS vis-à-vis de la dégradation du FVIIIa. La mutation n'entraîne, en revanche, aucune modification des fonctions procoagulantes du FV.
Cette mutation, qui résulte d'un effet fondateur, est observée dans les populations normales avec une fréquence variable (5 % en moyenne en Europe) en fonction de la localisation géographique [15].Compte tenu de la forte prévalence de l'anomalie dans la population générale, de nombreux patients sont susceptibles d'être porteurs de l'anomalie à l'état homozygote (0,06 à 0,25 %).

Techniques de diagnostic

Le diagnostic de la RPCA est réalisé à l'aide de techniques de dosage plasmatique. La recherche de la mutation Arg506Gln du FV fait appel aux techniques de biologie moléculaire [16].

Mesures plasmatiques de la RPCa
Il s'agit essentiellement de techniques coagulométriques. Les premiers tests mesuraient le degré d'allongement du TCA du plasma du patient en présence de PCa. Ces tests n'étaient pas spécifiques de la RPCA Arg506Gln-dépendante, un allongement du TCA (déficit en facteur, traitement anticoagulant) ou la présence d'un anticoagulant circulant de type lupus pouvant masquer l'anomalie. Pour pallier certains de ces inconvénients, des techniques de deuxième génération ont été développées. Les tests, de principe globalement inchangé, sont effectués sur des mélanges de plasma du patient et de plasma normal déplété en FV. Ils peuvent être utilisés en cas de déficit en facteur et chez les patients traités par antivitamine K. Même si les tests sont effectués dans des conditions de bonne standardisation sur des échantillons correctement déplaquettés, leur spécificité et leur sensibilité vis-à-vis de la mutation Arg506Gln ne peuvent pas être parfaites.
Recherche de la mutation Arg506Gln
Les techniques de biologie moléculaire développées sont nombreuses. Classiquement, la première étape consiste en une amplification de la région du gène du FV (exon 10) contenant le site de la mutation. Cette amplification peut être réalisée sur l'ADN purifié ou sur sang total. Les amorces d'amplification sont des amorces classiques ou modifiées, soit pour introduire un site de restriction lorsque l'allèle muté est amplifié, soit pour générer une amplification spécifique de l'allèle normal ou de l'allèle muté (technique ARMS). L'étude de la migration électrophorétique des fragments amplifiés natifs ou après digestion par enzyme de restriction aboutit au diagnostic. Dans certains cas, la révélation se fait par hybridation, les sondes utilisées pouvant être radioactives ou froides. La sensibilité et la spécificité de ces techniques sont de 100 %. Elles permettent donc d'établir un diagnostic de certitude.

III. Mutation Leiden de la prothrombine

La prothrombine est une protéine de 72 kDa qui après clivage par le FXa au sein du complexe prothrombinase est transformée en thrombine, enzyme-clef de l'hémostase aux multiples facettes fonctionnelles. En effet, la thrombine est 1) un activateur plaquettaire puissant, 2) un partenaire essentiel du système procoagulant car elle gère la transformation du fibrinogène en fibrine et 3) un partenaire essentiel du système PC/PS (complexée à la thrombomoduline, elle transforme la PC en PCa).
En 1996, le groupe de Bertina a identifié par séquençage de la région 3' non transcrite du gène de la prothrombine (FII) une substitution nucléotidique (20210 G/A) (mutation Leiden du FII) associée à un risque accru de thrombose veineuse [17].

Techniques de diagnostic

La recherche de la mutation Leiden du FII fait obligatoirement appel aux techniques de biologie moléculaire. Toutes les techniques classiques de détection des mutations ponctuelles peuvent être employées (amplification suivie d'une digestion par enzyme de restriction, d'une hybridation, amplification spécifique d'allèle, etc.). Des techniques d'amplification multiplexes permettent la recherche simultanée des mutations Leiden du FV et du FII.

IV. Augmentations du facteur VIII circulant

Le FVIII est une glycoprotéine de grande taille (330 kDa) codée par un gène localisé sur le chromosome X mesurant 186 kb et comportant 26 exons. La protéine mature comporte 2 351 AA. Sa structure est analogue à celle du FV. Le FVIII comporte, comme le FV, six domaines A1A2BA3C1C2 dont le rôle est assez bien connu, à l'exception du rôle du domaine B, très sensible à la protéolyse. Le FVIII circulant est stabilisé par le facteur Willebrand au sein d'un complexe non covalent. Lors de l'activation du FVIII par la thrombine ou le FXa, le domaine B est éliminé. Le FVIIIa se comporte comme un cofacteur du FXa au sein du complexe tenase. La concentration plasmatique du FVIII dans la circulation est extrêmement variable, dépendante d'influences multiples, dont l'inflammation.
Il a été récemment démontré que des augmentations permanentes du FVIII circulant (indépendantes de la réaction inflammatoire) sont associées à un risque accru de thrombose veineuse (premier accident et récidive) [pour revue, 18]. La concentration plasmatique du FVIII est largement déterminée par le groupe sanguin et la concentration plasmatique du facteur Willebrand. Néammoins, un déterminisme familial des concentrations plasmatiques du FVIII indépendant de ces paramètres a été mis en évidence [19]. Les gènes impliqués dans cette modulation sont, à ce jour, inconnus. La recherche dans les régions promotrice et 3' du gène du FVIII de polymorphismes modulateurs a été négative.

V. L'hyperhomocystéinémie

L'homocystéine n'est pas une protéine de la coagulation, mais l'hyperhomocystéinémie est un facteur perturbateur potentiel du système de la coagulation qui favorise la survenue des thromboses.
Ce métabolisme implique plusieurs enzymes comme la méthylène tétrahydrofolate réductase (MTHFR) et la cystathionine-b-synthase et des vitamines comme les folates et la pyridoxine.
La concentration plasmatique normale de l'homocystéine totale est comprise entre 5 et 16 µM/L. Différents types d'homocystéinémie, d'origine constitutionnelle ou acquise, ont été mis en évidence. Elles peuvent être sévères (> 100 µM/L), modérées (25-100 µM/L) ou faibles (16-24 µM/L).

Hyperhomocystéinémie sévère

La cause la plus fréquente est le déficit homozygote en cystathionine-b-synthase, dont la prévalence moyenne dans la population générale est de l'ordre de 1/200 000 [20] Les individus atteints souffrent le plus souvent de retard mental sévère, d'anomalies du squelette, d'une maladie vasculaire artérielle et de thrombose veineuse. La symptomatologie est parfois atypique, en particulier dans le cas de l'homozygotie pour la mutation 833T/C qui peut ne se traduire que par la survenue d'événements thromboemboliques [21].
Dans un petit nombre de cas (5-10 %), la maladie est la conséquence d'anomalies constitutionnelles des voies de reméthylation. Le déficit homozygote en MTHFR est l'anomalie la plus commune. Elle est caractérisée par une atteinte neurologique, un retard psychomoteur, des convulsions, une maladie vasculaire prématurée et des thromboses veineuses.

Hyperhomocystéinémie modérée et faible

Ces formes d'hyperhomocystéinémie sont d'origine génétique ou acquise. Dans la population générale, le déficit hétérozygote en bêta cystathionine synthase est fréquent (0,3-1,4 %). Une autre anomalie fréquente est la présence d'un variant thermolabile de la MTHFR qui possède 50 % de l'activité enzymatique normale. Ce variant résulte d'une substitution C vers T du nucléotide 677 du gène transformant une alanine en valine [22]. Sa prévalence à l'état homozygote dans la population générale est de 10 %. Les causes les plus communes d'hyperhomocystéinémie acquise sont des déficits nutritionnels en cobalamine, folate ou pyridoxine qui sont des cofacteurs essentiels du métabolisme de l'homocystéine. Des concentrations élevées d'homocystéine sont assez souvent observées chez les personnes âgées, même en présence de concentrations vitaminiques sériques normales [23] L'insuffisance rénale chronique, la prise de médicaments interférant avec le métabolisme des folates tels que le méthotrexate et les anticonvulsivants, ou avec celui de la cobalamine tel que l'oxyde nitrique, peuvent aussi être cause d'hyperhomocystéinémie modérée.

Diagnostic biologique
L'homocystéinémie peut être évaluée à l'aide de techniques chromatographiques, électrophorétiques ou immunologiques [24]. La substitution 677 C®T responsable de la présence du variant thermolabile de la MTHFR est facile à mettre en évidence par des techniques de biologie moléculaire.

VI. Les anticorps antiphosholipides

Hors du contexte de syndrome des antiphospholipides et de maladie de système, le degré de risque thrombotique veineux associé à la présence d'anticorps antiphospholipides (APA), détectés par des techniques immunologiques de type elisa (anticorps anticardiolipine (ACA) ou dans des tests de coagulation (anticoagulants de type lupus) n'est pas connu avec certitude. La présence d'ACA était associée à un risque relatif de thrombose veineuse significatif de l'ordre de 5 dans une étude prospective publiée en 1992 [25]. Le groupe des APA est extrêmement hétérogène et il comporte vraisemblablement des anticorps pathogènes et d'autres qui ne le sont pas. Les mécanismes par lesquels ces anticorps induisent des manifestations cliniques sont mal compris. Les anticorps délétères pourraient être ceux qui reconnaissent des complexes formés entre des protéines (telles que la bêta2glycoprotéine 1 (bêta2GP1) ou le FII) et des phospholipides (PL). Les anticorps antibêta2GP1 peuvent être mis en évidence à l'aide de techniques de type elisa spécifiques. Ils sont aussi reconnus dans les techniques elisa de recherche des ACA et dans certains tests de coagulation utilisant le venin de vipère Russel, activateur direct du FX, comme réactif déclenchant (dRVVT). Ces antibêta2GP1 pourraient être facteurs de risque thrombotique. Les anticorps dirigés contre le complexe FII-PL ont une activité anticoagulante de type lupus. Leur rôle pathogène est obscur [26]. Les ACA " vrais " (qui ne reconnaissent pas les complexes protéine/PL) ne sont probablement pas délétères.

Recherche d'anticoagulant de type lupus

Une approche en trois étapes a été proposée par le sous-comité international pour la standardisation de la recherche des LA : a) démonstration d'une anomalie dans un test de dépistage (temps de céphaline plus activateur (TCA), dRVVT, ou temps de thromboplastine diluée (TTD)) ; b) démonstration de la présence d'un inhibiteur (l'anomalie dépistée persiste lorsque le test est répété sur un mélange de plasma du patient et de plasma normal, M+T) ; c) confirmation de la dépendance en PL de l'inhibiteur (normalisation des tests par ajout d'une forte concentration de PL). Les tests disponibles sont très nombreux et, compte tenu de l'hétérogénéité des anticorps, un seul test ne peut permettre de les détecter tous. Une stratégie courante est la suivante : réalisation systématique du TCA (sur plasma du patient et sur le mélange M+T) et au moins d'un autre test de dépistage (TTD ou dRVVT).

Conclusion : Bilan biologique d'une thrombose

1) Les examens à pratiquer sont résumés dans le tableau II.
Dans tous les cas où on n'utilise pas un test de biologie moléculaire, il est indispensable de pratiquer les dosages en l'absence de traitement anticoagulant en dehors d'épisodes aigus et de vérifier la permanence de l'anomalie sur un deuxième prélèvement pratiqué deux mois après.
2) Les patients relevant d'une prescription d'un bilan biologique sont, dans la grande majorité des cas, des patients symptomatiques ayant présenté au moins un épisode de thrombose veineuse profonde et/ou une embolie pulmonaire objectivés par des examens paracliniques appropriés. Le bilan sera prescrit essentiellement dans les circonstances suivantes :

- âge inférieur à 50 ans,
- antécédents familiaux de thrombose veineuse,
- maladie récidivante.

3) Le risque associé aux anomalies biologiques dépend de l'anomalie et il est toujours majoré en cas de déficit combiné ou d'anomalie homozygote (tableau III). Il est donc très important de pratiquer une exploration complète, pour évaluer réellement le risque pour un patient donné et pour sa descendance.
4) Il n'y a pas, à l'heure actuelle, d'indication au diagnostic présymptomatique, sauf dans les cas où les antécédents familiaux et l'examen de l'arbre généalogique peuvent faire craindre une anomalie homozygote, la combinaison de deux anomalies ou un déficit en AT.

Mots-clés : Thrombose - Gène - Coagulation.

Bibliographie

1. Abildgaard U. Antithrombin and related inhibitors of coagulation. In : Poller L ed. Recent Advances in Blood Coagulation. Edinburgh : Churchill Livingstone, 1981 : 151-173.
2. Tuddenham EG, Cooper DN. Protein C and protein C inhibitor. In Tuddenham EG, Cooper DN eds. The molecular genetics of Haemostasis and its Inherited Disorders. New York: Oxford University Press, 1994 : 149-160.
3. Miletich J, Sherman L, Broze G. Absence of thrombosis in subjects with heterozygous protein C deficiency. N Engl J Med 1987 ; 317 : 991-993.
4. Heeb MJ, Griffin JH. The biochemistry of protein S. In : Bertina RM Ed. Protein C and related proteins. Biochemical and Clinical Aspects. Edinburgh : Churchill Livingstone, 1988 : 55-70.
5. Briët E, Broekmans AW, Engesser L. Hereditary protein S deficiency. In : Bertina RM ed. Protein C and related proteins. Edinburgh : Churchill Livingstone, 1988 : 203-220.
6. Lane DA, Mannucci PM, Bauer KA, Bertina RM, Bochkov NP, Boulyjenkov V, Chandy M, Dahlbäck B, Ginter EK, Miletich JP, Rosendaal FR, Seligsohn U. Inherited thrombophilia : Part 1 Thrombos Haemost 1996 ; 76 : 651-662.
7. Van Voorthuizen H, Kluft C. Improved assay conditions for automated antithrombin III determination with the chromogenic substrate S2238. Thromb Haemost 1984 ; 52 : 350-360.
8. Allaart C, Aronson D, Ruys TH, Rosendaal F, Bockel J, Bertina RMet al. Increased risk of venous thrombosis in carriers of hereditary protein C deficiency defect. Lancet 1993 ; 341 : 134-136.
9. Miletich JP. Laboratory diagnosis of protein C deficiency. Semin Thromb Haemost 1990 ; 16 : 169-185.
10. Aillaud MF, Pouymayou K, Brunet D, Parrot G, Alessi MC, Amiral J, Juhan-Vague I. New direct assay of free protein S antigen applied to diagnosis of protein S deficiency. Thromb Haemost 1996 ; 75 : 283-285.
11. Boyer Neumann C, Bertina RM, Tripodi A, D'Angelo A, Wolf M, Vigano d'Angelo S et al. Comparison of functional assays for protein S: European collaborative study of patients with congenital and acquired deficiency. Thromb Haemost 1993 ; 70 : 946-950.
12. Tripodi A, Bertina RM, Conard J, Pabinger I, Sala N, Mannucci PM. Multicenter evaluation of three commercial methods for measuring protein S antigen. Thromb Haemost 1992 ; 68 : 149-154.
13. Dahlbäck B, Carlsson M, Svensson P. Familial thrombophilia due to a previously unrecognized mechanism characterized by poor anticoagulant response to activated protein C: prediction of a cofactor to activated protein C. Proc Natl Acad Sci USA 1993 ; 90 : 1004-1008.
14. Bertina RM, Koeleman BPC, Koster T et al. Mutation in blood coagulation factor V associated with resistance to activated protein C. Nature 1994 ; 369 : 64-67.
15. Ridker PM, Miletich JP, Hennekens CH, Buring JE. Ethnic distribution of factor V Leiden in 4 047 men and women. JAMA 1997 ; 277 : 1305-1307.
16. Dahlbäck B. Resistance to activated protein C, the Arg 506 to Gln mutation in the factor V gene, and venous thrombosis. Functional tets and DNA-based assays, pros and cons. Thromb Haemost 1995 ; 73 : 739-742.
17. Poort RS, Rosendaal FR, Reitsma PH, Bertina RM. A common genetic variation in the untranslated region of the prothrombin gene is associated with elevated plasma prothrombin levels and an increase in venous thrombosis. Blood 1996 ; 88 : 3698-3703.
18. Rosendaal FR. High levels of factor VIII and venous thrombosis Thromb Haemost 2000; 83: 1-2.
19. Kamphuisen PW, Houwing-Duistermaat JJ, Van Houwelingen HC, Elkenboom JCJ, Bertina RM, Rosendaal FR. Familial clustering of factor VIII and von Willebrand factor levels. Thromb Haemost 1998 ; 79 : 323-327.
20. Malinov MR. Homocysteine and arterial occlusive diseases. J Intern Med 1994 ; 236 : 603-620.
21. Gaustadnes M, Rüdiger N, Rasmussen K, Ingerslev J. Familial thrombophilia associated with homozygosity for the cystathionine b-synthase 833tC mutation. Arterioscl Thromb Vasc Biol 2000 ; 20 : 1392-1395.
22. Frosst P, Blom HJ, Milos R, Goyette P, Sheppard CA, Matthews RG et al. A candidate genetic risk factor for vascular disease: a common mutation in methylene tetrahydrofolate reductase. Nat Genet 1995 ; 10 : 111-113.
23. Naurath JH, Joosten E, Riezier R, Stabler SP, Allen RH, Lindenbaum J. Effects of vitamin B12, folate and vitamin B6 supplement in elderly people with normal serum vitamin concentration. Lancet 1995 ; 346 : 85-87.
24. Tripodi A, Chantarangkul V, Lombardi R Lecchi A, Mannucci PM, Cattaneo M. Multicenter study of homocysteine measurement. Performance characteristics of different methods, influence of astandards on interlaboratory agreement of results. Thromb Haemost 2001 ; 85 : 291-295.
25. Ginsburg KS, Liang MH, Newcomer L, Goldhaber SZ, Schur PH, Hennekens CH, Stampfer MJ. Anticardiolipin antibodies and the risk for ischemic stroke and venous thrombosis. Ann Int Med 1992 ; 117 : 97-108.
26. Galli M, Barbui T. Antiprothrombin antibodies : detection and clinical significance in the antiphospholipid syndrome. Blood 1999 ; 93 : 2149-2157.

Tableau I. Classification des déficits en inhibiteurs de la coagulation

Tableau II. Dépistage des anomalies - Examens de 1ère intention


1. Hémogramme avec numération plaquettaire pour rechercher un syndrome myéloprolifératif
2. Bilan d'hémostase : temps de Quick, temps de céphaline + activateur pour vérifier l'état de la fonction hépatique
3. Dosage de l'antithrombine, de la protéine C et de la protéine S dans le plasma à l'aide d'un test fonctionnel susceptible de dépister tous les types d'anomalies (tableau I)
4. Dosage du facteur VIII
5. Recherche de la mutation Arg506Gln. Les tests de biologie moléculaire sont à préférer pour leur spécificité et leur aptitude à différencier homozygotes et hétérozygotes.
6. Recherche de la mutation G20210A du gène de la prothrombine. Seuls les tests de biologie moléculaire sont utilisables
7. Recherche d'un anticoagulant de type lupique (p. 10)
8. Recherche d' anticorps anticardiolipine et d'anticorps antibêta2GP1 par des techniques elisa
9. Eventuellement, dosage de l'homocystéine

Tableau III. Risques relatifs de thrombose associés à la présence d'anomalies génétiques et acquises