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Titre: Infertilite à trompes perméables : faut-il réellement associer une insémination à toute stimulation de l'ovulation ?
Année: 1999
Auteurs: - Buvat J.
Spécialité: Infertilité
Theme: insemination artificielle

INFERTILITE A TROMPES PERMEABLES : 
FAUT-IL REELLEMENT ASSOCIER UNE INSEMINATION A TOUTE STIMULATION DE L'OVULATION ?

 

Jacques BUVAT, Association EPARP,

3 Rue Carolus, 59000 Lille

Inséminations intra-utérines et stimulation de l'ovulation font aujourd'hui partie des traitements les plus utilisés dans le domaine de l'infertilité. Elles constituent parfois un traitement étiologique lorsqu'il a été identifié, pour les premières, une oligo-asthénospermie réduisant les chances de migration haute des spermatozoïdes, ou, pour la seconde, des anomalies de l'ovulation ou de la production de glaire cervicale. Mais plus souvent on les utilise de façon empirique, en les associant fréquemment. On les a ainsi appliquées à la plupart des variétés d'infertilité à trompes perméables.

Le recours à l'association insémination - stimulation ovarienne est rationnalisé par le projet d'amener plus de spermatozoïdes sur le site de la fécondation, et de leur donner plus de chances de féconder en corrigeant des anomalies minimes, infracliniques, du développement folliculaire et de la maturation ovocytaire, et en augmentant le nombre d'ovocytes présents sur le site de la fécondation. On pourrait ainsi éviter à certains couples à infertilité rebelle aux mesures simples le recours à des schémas d'aide médicale à la procréation (AMP) plus invasifs et coûteux comme la Fécondation In Vitro (FIV). Inséminations et simulation semblent en effet obtenir des taux de conception appréciables en tel cas, susceptibles de se cumuler si on les associe.

Les méthodes d'AMP non invasives que constituent l'association stimulation/inséminations comportent cependant, comme la FIV, des risques d'hyperstimulation et de grossesses multiples. Le second serait même plus difficile à contrôler qu'il ne l'est avec la FIV, laquelle permet de limiter le nombre des embryons replacés. Un choix thérapeutique rationnel doit se baser sur une connaissance précise de l'efficacité et des risques des différentes méthodes disponibles. C'est ce que nous allons essayer de déterminer en analysant la littérature indication par indication, afin de juger objectivement s'il faut vraiment, comme certains le prônent (1) associer systématiquement une insémination à toute stimulation ovarienne, et une stimulation à tout projet d'insémination.

1. HETEROGENEITE DES DONNEES DE LA LITTERATURE

Il n'est pas facile en fait de se faire une idée objective de l'efficacité et des risques de l'association stimulation ovarienne - inséminations. En effet, bien que la littérature contienne un grand nombre d'études consacrées à ce traitement, la plupart souffrent d'importants défauts méthodologiques, encore qu'on ait assisté à une amélioration de leur qualité moyenne au cours des toutes dernières années. Mais dans l'ensemble ces études sont très hétérogènes, et donc difficilement comparables.

1.1. Hétérogénéité des indications :

 Les études de la littérature mélangent souvent différents types d'infertilité. Or, nous verrons plus loin que les chances de conception varient selon l'indication. Elles sont considérablement plus élevées dans les indications cervicales et les dysovulations pures, où spermatozoïdes et ovocytes sont normaux, que dans les infertilités masculines. Elles sont intermédiaires dans les infertilités inexpliquées, et surtout mal expliquées, c'est-à-dire lorsque le facteur d'infertilité qui paraissait responsable semble avoir été corrigé depuis un temps suffisant sans que soit survenue de grossesse. Il faut dire qu'interviennent souvent dans cette dernière indication de l'endométriose, voire même des anomalies tubaires.

Les critères de définition des différents types d'infertilité varient également d'une étude à l'autre. Il en est de même des critères d'inclusion des couples dans les études, particulièrement en cas d'infertilité masculine où limites inférieures des valeurs du spermogramme ou du nombre de spermatozoïdes disponibles pour l'insémination après préparation du sperme peuvent être très différentes, ce qui influence considérablement les chances de grossesse. Par exemple certaines études n'acceptent les indications masculines qu'à condition d'un minimum de 1 million de spermatozoïdes disponibles pour l'insémination, ce qui en fait ne permet d'inclure que des cas avec anomalies minimes du spermogramme.

1.2 Hétérogénéité des protocoles de stimulation

D'une étude à l'autre, ils vont de la simple optimisation, où l'on cherche à respecter un développement monofolliculaire pour éviter le risque de grossesse multiple, à la superovulation au cours de laquelle on recherche délibérement un développement multifolliculaire comme en FIV, en passant par la stimulation paucifolliculaire, 2 à 4 follicules maximum. Or une compilation personnelle de 12 études prospectives randomisées consacrées à l'infertilité inexpliquée (tableau 1) montre que le taux moyen de conception par cycle inséminé passe de 11.2 % avec la simple optimisation à 21 % avec la superovulation, au prix, comme nous le verrons plus loin, d'un taux élevé de grossesses multiples dans le dernier cas.

Tableau 1 : Taux de conception par cycle dans l'infertilité inexpliquée selon l'éventualité d'une stimulation et de son type, et/ou d'inséminations. Regroupement brut de 12 études prospectives randomisées

 

Cycles

Grossesses

Conception/cycle

Cycles

témoins*

289

5

1.7 %

Insémination seule

90

4

4.4 %

Optimisation seule**

175

10

5.7 %

Optimisation + insémination

214

24

11.2 %

Superovulation seule

476

54

11.3 %

Superovulation + insémination

585

123

21 %

* Placebo ou rapport sexuel programmé. ** Stimulation mono ou pauci-folliculaire

 

L'hétérogénéité porte également sur le choix de l'agent stimulant : clomifène, hMG classiques ou FSH pure urinaire ou recombinante (aucune différence entre les 3 préparations n'ayant été démontrée en ce qui concerne les résultats des inséminations), combinaison clomifène - hMG ou FSH, ou même, comme en matière d'AMP invasives, combinaison d'hMG ou de FSH à une désensibilisation hypophysaire par LHRH - agoniste. Or les méta-analyses de Gallot - Lavallée et coll (2, tableau 2) et de Hughes (3, tableau 3) suggèrent une nette différence d'efficacité, en faveur des gonadotrophines. Les tableaux 2 et 3 montrent que l'association du clomifène n'augmente pas nettement le taux de conception, sauf peut-être en cas d'infertilité inexpliquée. Au contraire hMG ou FSH les doublent, voire les triplent, par rapport à l'absence de stimulation ou au clomifène.

Tableau 2 : Influence du type de stimulation sur les résultats des inséminations intra-utérines selon l'indication . D'après Gallot-Lavallée et al (2). Taux de conception par cycle (intervalle de confiance à 95 %)

Indication

Sans stimulation

Clomifène

HMG/FSH

Cervicale

0.10

(0.05 - 0.13)

0.04

(0.01 - 0.13)

0.26

(0.16 - 0.39)

Inexpliquée

0.05

(0.03 - 0.04)

0.11

(0.04 - 0.26)

0.19

(0.09 - 0.35)

Masculine

0.04

(0.03 - 0.06)

0.05

(0.02 - 0.12)

0.12

(0.06 - 0.22)

 

Tableau 3 : Influence du type de stimulation ovarienne et de l'éventualité d'une insémination intra-utérine (IIU) sur le taux de conception par cycle. D'après Hughes (3), Regroupement brut de 22 études avec groupe témoin et randomisation correcte totalisant 5214 cycles, toutes indications confondues (nombre de grossesses/nombre de cycles)

Stimulation ovarienne

IIU

Pas d'IIU

Néant

6 %

(80/1306)

2 %

(27/1354)

Clomifène

7 %

(42/644)

9 %

(5/54)

FSH/HMG

15 %

(171/1156)

7 %

(47/700)

Tous les cas

9.8 %

(293/3106)

3.7 %

(79/2108)

 

Certains auteurs se sont demandés si la supériorité des hMG ou de FSH sur le clomifène n'était pas qu'apparente. La différence d'intensité des stimulations faites avec le clomifène et les hMG pourrait compter autant, sinon plus, que l'agent stimulant lui-même. Donné seul, le clomifène génére habituellement des développements mono ou paucifolliculaires, alors que la plupart des superovulations de la littérature ont été faites avec les seules hMG. Effectivement quelques études ayant utilisé l'association clomifène - hMG dans un but de superovulation n'ont pas obtenu des taux de conception nettement plus faibles qu'en cas de superovulation avec les seules hMG malgré l'impact négatif potentiel du clomifène (19 %/cycle dans l'étude d'Arcaini et coll consacrée aux infertilités inexpliquées, 17.7 % dans celle d'Ombelet et coll consacrée à des indications masculines, de pronostic à priori plus défavorable). A l'inverse les essais de Hughes, qui a limité les doses d'hMG à 4 à 8 ampoules par cycle pour éviter les grossesses multiples en se limitant à une simple optimisation, n'ont obtenu qu'un taux de conception modeste (1.8 % par insémination). Mais la récente étude randomisée de Ransom et coll (4), qui a comparé inséminations après superovulation par hMG seules et après superovulation par clomifène + hMG, a trouvé qu'à degré de stimulation comparable, le taux de conception par cycle était significativement plus faible avec l'association clomifène - hMG (9.1 vs 19.2 % avec les seules hMG).

1.3 Hétérogénéité des protocoles d'insémination :

 Elle a également porté sur le "timing" des inséminations, sur le nombre d'inséminations pratiquées, et sur les méthodes de préparation du sperme.

Lors des traitements par stimulation ovarienne + insémination, on cherche à optimiser les chances de grossesse en synchronisant l'insémination avec le moment présumé de la rupture folliculaire. A cet effet, on associe toujours un monitorage qui permet d'injecter 5000 à 10000 unités de gonadotrophines chorioniques (hCG) le soir du jour où le follicule dominant atteint les critères de maturité : diamètre moyen > 18 mm, et éventuellement taux d'estradiol d'au moins 200 pg/ml, ce dernier critère étant aujourd'hui plus controversé. L'insémination est généralement faite 36 à 40 h après cette injection puisqu'il a été vérifié q'il s'agissait là du délai physiologique de la rupture folliculaire après injection d'hCG ou début du pic préovulatoire de LH. Cet intervalle de 36 à 40 h séparant injection et rupture folliculaire a récemment été confirmé par Andersen et coll. Ces auteurs ne sont pas parvenus à augmenter nettement le taux de conception (5 sur 32 cycles, soit 16 %) en synchronisant plus étroitement encore insémination et rupture folliculaire déterminée cette fois par des échographies répétées toutes les heures dans leur population d'infertilités inexpliquées et masculines. Dans les études de la littérature, le délai choisi pour pratiquer l'insémination a le plus souvent été 36 h, mais quelques études l'ont probablement faite trop tôt, puisque 24 h après l'injection d'hCG.

Certains d'auteurs tiennent également compte d'un éventuel démarrage du pic de LH avant l'injection d'hCG. Ils détectent ce pic par un dosage quotidien de cette hormone et avancent alors l'insémination au lendemain (24 h après la détection du pic), estimant qu'on s'exposerait au risque que l'ovocyte ne soit plus fécondable en attendant le jour suivant. Peu d'études consacrées aux inséminations après stimulation ont pris en compte ce risque de pic LH démarrant avant l'injection d'hCG. Le dosage de LH a surtout été réservé aux cycles non stimulés (2). Selon les études il s'est agi d'un dosage sanguin ou plus souvent urinaire, sachant que l'augmentation de LH urinaire est décalée de 6 à 12 h par rapport au début de son pic plasmatique. Il faut souligner qu'aucune étude prospective n'a jusqu'à présent formellement confirmé (ni infirmé) l'intérêt de monitoriser LH. Une étude de Martinez et coll a cependant rapporté un taux de conception par cycle plus élevé lorsque l'insémination était faite au lendemain d'un pic spontané de LH urinaire (9/44 : 20.5 %) que lorsqu'elle l'était 36 h après une injection ovulante d'hCG (4/43 : 9.3 %).

La majorité des études publiées n'a comporté qu'une seule insémination par cycle. Quelques études en ont toutefois comporté deux, à 24 h d'intervalle environ (environ 18 et 42 h après hCG). Plusieurs études randomisées ont en effet rapporté une augmentation significative du taux de conception en répétant l'insémination. Cependant d'autres études randomisées n'ont pas retrouvé cette augmentation. L'intérêt de répéter l'insémination ne parait donc pas suffisamment net pour en justifier en routine la contrainte.

L'hétérogénéité des études de la littérature a également porté sur les méthodes de préparation du sperme. Les méthodes les plus employées ont été le lavage, la migration ascendante (swim-up), et la centrifugation sur Percoll. Or plusieurs études comparatives randomisées ont montré un avantage significatif aux deux dernières sur la première. Dans une étude plus récente cet avantage, bien qu'apparemment net (13.2 et 12.7 contre 7 % par cycle pour le lavage) n'atteignait pas le niveau de signification statistique, tandis que swim-up et Percoll semblaient donner des résultats presqu'identiques.

1.4 Caractéristiques des études prises en compte dans cette mise au point :

 Pour ce qui suit, n'ont été retenues que des études comportant une qualité méthodologique minimale, soit pour l'essentiel comparaison prospective et randomisée, publication sous une forme complète (par opposition au simple résumé), ou méta-analyse. Nous verrons plus loin que ces études tendent à confirmer l'augmentation des chances de conception en associant une insémination, tout au moins dans certaines indications. Reste à juger si l'éventuelle augmentation des inconvénients résultant de l'insémination ne contrebalance pas le bénéfice de cette augmentation d'efficacité.

2. INCONVENIENTS LIES A L'ASSOCIATION D'UNE INSEMINATION A LA STIMULATION OVARIENNE

2.1 Augmentation du coût du traitement :

 Elle est minime (315 F, incluant 126 F pour la préparation du sperme et 189 F pour l'acte d'insémination) en regard au coût considérable d'une stimulation avec monitorage, si l'on excepte l'utilisation du seul clomifène dont l'efficacité paraît douteuse selon plusieurs méta-analyses (3) (630 F avec deux contrôles échographiques et une injection d'hCG). Les coût moyens sont de 1700 F pour une optimisation par hMG type Humegon R + hCG (10 ampoules en 5 à 10 injections + 2 contrôles échographiques et hormonaux), 6550 F pour une superovulation par FSH recombinante (20 ampoules à 75 UI + 3 contrôles échographiques et hormonaux), et 3215 F pour une superovulation par clomifène et FSH recombinante, 2 fois moins coûteuse mais peut-être aussi 2 fois moins efficace (4).

2.2 Inconvénients psychologiques

Associer une insémination accroît le stress psychologique généré par le traitement. La peur inspirée par l'insémination elle-même est souvent facile à atténuer par une information patiente, car elle résulte habituellement d'une mauvaise connaissance de la réalité du geste et de son caractère peu invasif. Par contre l'insémination impose de se libérer d'un jour à l'autre près d'une demi-journée, ce qui peut poser problème avec l'employeur, et rend difficile le maintien du caractère confidentiel du problème d'infertilité. Le recueil du sperme peut aussi ajouter son lot de stress. Enfin la déshumanisation de l'acte de procréation est péniblement vécue par de nombreux couples, même s'ils n'osent pas toujours s'en exprimer. C'est particulièrement le cas de la substitution symbolique du médecin au mari. Rares sont les couples pour qui il est indifférent de faire son enfant dans son lit ou dans le cabinet d'un médecin. Il faut le garder en mémoire pour éviter d'imposer une insémination à des couples pour qui elle n'est pas nécessaire.

2.3 Risque d'hyperstimulation :

 Il semble modéré suite à ces stimulations au cours desquelles le taux d'estradiol plasmatique dépasse rarement 1500 pg/ml. Très peu d'études rapportent des cas d'hyperstimulation sévère hormis l'une des toutes premières de Chaffkin et coll, ainsi que l'étude plus récente de Paulmyer - Lacroix et coll (3 cas sur 936 cycles). Aboulghar et coll citent un taux d'hyperstimulations modérées de 3.7 % par cycle.

2.4 Risque de grossesse multiple :

 C'est certainement là que se situe le principal écueil des AMP non invasives. Ce risque culmine avec l'association superovulation - inséminations. Le regroupement de 15 études consacrées à cette association totalise 572 grossesses parmi lesquelles 132 (23.1 %) sont multiples dont 102 (17.8 %) gémellaires et 30 (5.2 %) triples (n = 24) ou quadruples (n = 6). Ces taux sont équivalents à ceux qu'on observait au début de la FIV lorsqu'on transférait systématiquement au moins 3 embryons. La FIV permet aujourd'hui de les réduire, comme l'a montré l'expérience de nombreux groupes qui limitent à 2 le nombre d'embryons transférés lorsqu'il existe des indicateurs de risque d'implantation multiple. Un tel contrôle est impossible avec l'association superovulation - insémination, puisqu'on ne peut prédire combien d'embryons vont se former, tandis qu'on n'aurait de toutes façons pas de possibilité de limiter le nombre de ceux qui vont s'implanter. La seule possibilité théorique de limiter les grossesses multiples serait de contrôler la puissance de la stimulation de façon à limiter le nombre des follicules dominants à 3 ou 4. L'expérience montre toutefois que le nombre des follicules dominants ne suit pas de façon mathématique le nombre des ampoules injectées, et qu'il faut annuler un nombre non négligeable de cycles si l'on veut respecter cette limite. De plus, cette prudence légitime diminuera ipso-facto le taux de conception.

La marge de manoeuvre entre efficacité et sécurité optimales est donc à l'évidence faible. On a intérêt à prendre en compte les indicateurs du risque de développement multifolliculaire, et donc de grossesse multiple (femme jeune, ovaire micropolykystiques, ou au moins plus de 10 follicules de petite taille sur une échographie en début de cycle, antécédent de réponse explosive), être également plus prudent au cours des premiers cycles, ou en cas d'infertilité récente. Au contraire on peut s'autoriser une stimulation plus intense après 35 et surtout 38 ans, en cas de nombre faible des spermatozoïdes disponibles pour l'insémination, ou après échec de 2 ou 3 inséminations antérieures.

On se rappellera cependant que seul un développement mono ou paucifolliculaire permet d'écarter tout risque de grossesse multiple. Or, comme l'ont encore récemment mis en évidence Addor et coll (38), c'est cette multiparité qui explique l'augmentation très significative de la morbidité et du coût de la période périnatale après grossesse induite par IIU ou FIV : multiplication par 4 à 5 des taux de prématurité, de poids faible du nourrisson, et de fréquence des séjours en soins intensifs ; multiplication par 2 ou plus de l'incidence de la morbidité périnatale et des séjours hospitaliers prolongés. Sans compter les conséquences psycho-sociales parfois catastrophiques de cette multiparité. L'ensemble peut constituer pour certains couples un prix très lourd à payer pour la recherche d'une efficacité maximale. Les couples doivent être informés très précisément des avantages et inconvénients respectifs des différents schémas utilisables, y compris du risque de multiparité, et de ses conséquences somatiques et psycho-sociales.

3. INTERETS SPECIFIQUES DE L'ASSOCIATION STIMULATION OVARIENNE - INSEMINATIONS EN FONCTION DE L'INDICATION

3.1 Infertilité cervicale

L'efficacité des inséminations se discute peu dans cette indication. En 1989, Te Velde et coll (5) avaient déjà établi leur supériorité sur le rapport programmé dans une étude randomisée n'ayant pas comporté de stimulation. Le taux de conception par cycle atteignait 15.8 % (13/82 cycles) contre 0 % après rapport programmé. La méta-analyse de Gallot-Lavallée et coll (tableau 2, 2) confirme un taux de succès relativement élevé (10 %) après insémination sans stimulation, et montre qu'on atteint en moyenne 26 % après stimulation par hMG ou FSH (mais seulement 4 % après clomifène). Bien qu'on ne dispose pas de données détaillées permettant de s'en faire une idée objective, on peut supposer qu'en contrepartie de ce pronostic relativement favorable le risque de grossesse multiple est plus élevé dans ce type de stérilité à ovocytes, trompes et spermatozoïdes sains. Il paraît logique d'éviter, au moins en première intention, les superovulations dans cette indication, en se limitant à des stimulations paucifolliculaires.

3.2 Infertilité inexpliquée :

 L'augmentation des chances de conception résultant de l'association d'une insémination à la stimulation ovarienne ne se discute pas dans cette indication. Le tableau 1, qui présente les résultats d'une compilation personnelle regroupant 12 études prospectives et randomisées, montre une augmentation des chances de conception par cycle sensiblement équivalente par insémination seule ou stimulation monofolliculaire seule (environ 5 % par cycle) par comparaison au taux spontané d'environ 1.7 %. Une méta-analyse de Hughes et Vandekerkhove (6), ayant inclus des études avec et sans insémination, avait conclu à un avantage significatif de la stimulation par le clomifène dans cette indication (odd ratio commun 2.5, intervalle de confiance à 95 % : 1.2 - 4.6). La combinaison stimulation mono ou paucifolliculaire -insémination double les chances pour les amener au niveau obtenu par la superovulation seule (11 % par cycle). Enfin, l'association superovulation - insémination les double encore (21 % par cycle). L'ensemble de ces données est en bon accord avec les résultats de la méta-analyse de Gallot-Lavallée et coll (2).

Le caractère statistiquement significatif de l'augmentation des chances de conception par l'association d'une insémination à la superovulation est confirmée par les méta-analyses de Hughes (3, 8 études, odd ratio commun 2.37, intervalle de confiance à 95 % : 1.43 - 3.90) et de Zeyneloglu et coll (7, 7 études dont 6 incluses dans la méta-analyse de Hugues, odd ratio commun 1.84, intervalle de confiance à 95 % : 1.3 - 2.62). Dans l'étude propective et randomisée d'Arcaini et coll , le taux cumulatif des grossesses après 5 cycles atteignait 62.7 % dans le groupe avec insémination contre 37.9 % dans celui avec rapports sexuels programmés. Dans celle de Chung et coll, incluse dans la méta-analyse de Hughes (3) et ayant utilisé une désensibilisation par LHRH - agoniste, le taux cumulatif des grossesses après 3 cycles était également significativement plus élevé dans le groupe avec insémination que dans celui avec rapport programmé (42 vs 20 %, p < 0.03). C'est cependant dans ce groupe des infertilités inexpliquées qu'on trouve aussi des taux les plus élevés de grossesses multiples.

3.3 Infertilité avec endométriose

Il s'agit là d'une indication souvent incluse dans les protocoles stimulation ovarienne + insémination. L'étude non randomisée de Chaffkin et coll a rapporté des taux de conception par cycle de 12.9 % en combinant superovulation et insémination contre 6.6 % avec la superovulation seule. Dans celle de Fedele et coll, 3 cycles de superovulation + insémination sous couvert de désensibilisation hypophysaire par un LHRH agoniste ont été comparés de façon randomisée à la simple attente chez 49 femmes avec endométriose de stade AFS révisé I ou II. Le taux de conception par cyle traité fut de 15 % mais le taux cumulatif après 3 cycles (37.4 %) ne s'avéra pas significativement plus élevé que celui obtenu par la simple attente pendant 6 mois (24 %). Enfin dans la méta-analyse de Hughes (3) la présence d'une endométriose s'avéra diminuer les chances de succès des traitements par stimulation et / ou insémination par un facteur 0.45 (= odd radio commun, intervalle de confiance à 95 % : 0.27 - 0.76).

3.4 Infertilité masculine

Bien que probable, l'efficacité des inséminations n'a jamais été formellement prouvée dans cette indication. Dans leur méta-analyse consacrée aux traitements de l'infertilité masculine, O'Donovan et coll (8) avaient inclus 8 études comparant insémination intra-utérine avec ou sans stimulation et rapport programmé ou insémination cervicale. L'odd ratio commun atteignait tout juste le niveau de la significativité statistique, mais les auteurs soulignaient les défauts méthodologiques de 7 des 8 études (randomisation potentiellement biaisée, protocoles avec croisement), ainsi que leur hétérogénéité, et le fait que l'étude de Kérin et coll, qui avait probablement permis à elle seule d'atteindre la significativité, en comportant la différence la plus importante entre inséminations et rapports programmés, était très différente des autres en ce qu'elle avait limité les rapports sexuels du groupe avec rapport programmé à un seul par cycle, ce qui avait pu favoriser le groupe insémination intra-utérine. Une étude plus récente de Gregoriou et coll (9), non incluse dans la méta-analyse de O' Donovan et coll, a cependant rapporté un taux de conception significativement plus élevé après insémination (15 sur 130 cycles, 11.5 %) qu'après rapport programmé (5 sur 128 cycles, 3.9 %, p < 0.05) en association à une superovulation.

L'intérêt d'associer une stimulation à l'insémination n'a pas non plus été formellement prouvé dans ce cas particulier des indications masculines. Dans l'étude prospective et randomisée de Cohlen et coll, ayant comparé insémination seule et insémination + superovulation, la stimulation ovarienne n'a pas augmenté significativement les chances de conception dans l'ensemble de la population traitée. Ce n'était le cas que dans le sous-groupe à spermogramme le moins altéré (plus de 10 millions de spermatozoïdes mobiles dans l'éjaculat), probablement plus proche des infertilités inexpliquées que des véritables infertilités masculines (17.4 % vs 6.7 % par cycle dans le groupe sans stimulation). Par contre aucune grossesse n'avait été obtenue après superovulation dans le sous groupe à spermogramme le plus altéré (moins de 5 millions de spermatozoïdes mobiles dans l'éjaculat), alors que le taux par cycle était de 11 % après insémination sans stimulation. Parmi les indications masculines, l'intérêt d'associer une insémination pourrait donc être limité aux cas modérés.

3.4 Dysovulations

Paulmyer - Lacroix et coll ont rapporté un taux de conception par cycle de 15.6 % en associant une insémination à la stimulation ovarienne après 4 à 6 cycles de rapports sexuels programmés sans succès. Cette pratique n'est certainement pas indiquée dès le premier cycle. A titre d'exemple, en cas d'anovulation eugonadique, l'induction de l'ovulation par FSH recombinante en protocole faible dose type lent obtient sans insémination des taux d'accouchement par cycle de 33 %, et par ovulation de 43 % (10). Associer une insémination ne pourrait pas faire mieux, et risquerait même d'augmenter l'incidence des grossesses multiples dans les quelques cas où ce protocole ne parvient pas à éviter un développement plurifolliculaire. Dans ce type d'indication nous avons nous-mêmes obtenus un taux cumulatif de grossesses de 80 % après 5 cycles, en employant FSH urinaire ou hMG en protocole lent, de nouveau en l'absence de toute insémination.

4. CONCLUSIONS

Cette revue de la littérature confirme sans conteste l'intérêt d'associer d'emblée stimulation ovarienne et insémination dans la plupart des indications, à l'exception des dysovulations isolées, et peut-être des cas masculins sévères. Le seul point méritant discussion est l'intensité qu'il faut donner à la stimulation, entre simple optimisation, monofolliculaire, et superovulation, plus efficace, mais pourvoyeuse de grossesses multiples. Il faut certainement la personnaliser en fonction de l'indication, en évitant de trop stimuler les indications cervicales, de l'âge de la femme, incitant moins à la prudence au delà de 35 et surtout 38 ans, de l'ancienneté de l'infertilité, du nombre de spermatozoïdes disponibles pour l'insémination; enfin du rang du cycle. Une progressivité minimale dans l'intensité de la stimulation a de bonnes chances d'éviter quelques grossesses multiples, dans la mesure où celles-ci surviennent généralement lors des tous premiers cycles traités. On ne doit pas arrêter le choix d'un schéma particulier sans avoir fait participer le couple à la décision. Ceci nécessite que leur soit fournie une information détaillée sur les avantages et les inconvénients de chaque schéma envisageable, et particulièrement sur les risques et conséquences exactes des grossesses multiples.

REFERENCES

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