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Titre: Moyens chirurgicaux et non chirurgicaux de protection de la fertilité
Année: 2002
Auteurs: - Aubard Y.
Spécialité: Gynécologie
Theme: cancers gynécologiques

Moyens chirurgicaux et non chirurgicaux de protection de la fertilité

Yves Aubard

Cancer et fertilité ont longtemps été deux mots antinomiques tant il est vrai que le cancer survient le plus souvent à un âge où la fertilité n'est plus un problème. Quand, par malheur, le cancer survient chez un adulte jeune ou un enfant, la fertilité future du patient est volontiers considérée comme un problème mineur, il faut d'abord sauver le malade !
Les choses ont cependant beaucoup évolué avec les progrès de la cancérologie moderne en terme de guérison. La rançon de ce succès est qu'il existe désormais une cohorte de plus en plus importante de patients ayant survécu à leur cancer et désireux d'une qualité de vie optimale après la maladie. La préservation de la fertilité chez les patients jeunes et les enfants est l'un des éléments essentiels de cette qualité de vie.
Ainsi pour le praticien, la protection de la fertilité avant un traitement anti-cancéreux (TAC) devient-elle une priorité.

Effets délétères des TAC sur la fonction gonadique

Tous les TAC n'ont pas d'effet nocif sur la fertilité des patients, ainsi l'immunothérapie ou l'hormonothérapie utilisées dans le traitement de certains cancers n'ont pas d'effet décrit sur les fonctions gonadiques. Les grands pourvoyeurs d'infertilité post TAC sont en fait la radiothérapie et la chimiothérapie d'une part et les actes chirurgicaux mutilants pour les organes de la reproduction d'autre part.

La radiothérapie

Le testicule est très sensible à la radiothérapie, on estime qu'une dose unique de 80cGy ou une dose fractionnée de 35 cGY provoquent une azoospermie. Mais si la dose totale est inférieure à 1 Gy généralement l'azoospermie récupère en 2 ans. L'azoospermie peut être définitive à partir de doses de 2 à 3 Gy. Il faut des doses beaucoup plus fortes (30 à 40 Gy) pour détruire les cellules de Leydig et donc la sécrétion de testostérone.
Chez la femme, de faibles doses de rayons X provoquent une stimulation de la croissance folliculaire, mais à partir de 1 Gy il existe une destruction des follicules primordiaux qui est dose dépendante. On estime que 9 Gy sont castrateurs.
Cependant l'action délétère des rayons X est très variable d'un individu à l'autre dans les deux sexes et elle est également âge dépendant.
L'effet des radiations ionisantes sur l'utérus est également très néfaste comme en témoigne les mauvais résultats du don d'ovocytes chez les patientes qui ont subi une irradiation de la cavité utérine. L'implantation se fait beaucoup moins bien, ce problème peut être à lui seul responsable de stérilités féminines.

La chimiothérapie

Chez l'homme de nombreux produits se sont avérés capables de produire une oligo ou une azoospermie transitoire, mais seuls les agents alkylants ont pu provoquer des stérilités définitives. On sait que 400 mg de chlorambucil et 11 g d'endoxan provoquent l'azoospermie, mais les doses pour lesquelles cette atteinte est définitive sont plus élevées et mal connues. Il existe, par ailleurs, de grandes variations individuelles de susceptibilité. Si quelques spermatogonies ont survécu, elle peuvent repeupler les canaux séminifères et induire une nouvelle spermatogénèse parfois très tardive.
Chez la femme, la plupart des drogues de chimiothérapie détruisent les follicules en croissance, ce qui aboutit à une aménorrhée post-traitement qui dure généralement quelques mois. Mais là également les agents alkylants ont une toxicité particulière en s'attaquant directement aux follicules primordiaux. Le stocke de ces follicules primordiaux étant immuable toute réduction aboutit à une diminution de la vie génitale de la patiente avec risque de ménopause précoce et de stérilité définitive. Il est très difficile pour une patiente donnée de prévoir la date de survenue de cette ménopause, mais elle peut être immédiate pour des fortes doses (20 g d'endoxan par exemple).

La chirurgie

Enfin naturellement la chirurgie anticancéreuse peut également gravement compromettre la fertilité, soit lors des gonadectomies totales ou partielles ou lors d'amputation du tractus génital de la femme (hystérectomie, salpingectomies ...).

Les moyens de protection spécifiques contre la radiothérapie

Les rayons X agissent soit directement (rayon incident) soit par diffraction (rayon diffusé). Plus l'organe sera loin du rayon incident mois il sera irradié. D'autre part les rayons X ne traversent pas certaines matières qui peuvent être utilisées comme bouclier. On dispose donc de plusieurs possibilités de protection : Eviter les irradiations gonadiques quand elles sont inutiles et protéger les gonades quand elles sont obligatoirement dans le champ (radioprotection) ou déplacer les tissus à protéger loin du champ (déplacement gonadique).

La radioprotection

La radioprotection testiculaire
Il convient dans un premier temps d'exclure le ou les testicules des champs d'irradiation quand cela est possible sur le plan carcinologique. On peut encore améliorer la protection en utilisant des caches testiculaires. Le testicule ne reçoit que 1 à 2% du rayon incident avec l'utilisation des caches. Ainsi en l'absence de cache moins de 30% des hommes irradiés du pelvis pour maladie de Hodgkin retrouveront une spermatogénèse, ce taux monte à 88% en cas d'utilisation des caches [Clavère, 1999 #596]. La radioprotection testiculaire est donc possible et efficace.

La radioprotection ovarienne
Il est beaucoup plus difficile de protéger l'ovaire que le testicule des champs d'irradiation. Les caches sont moins actifs. Seul le déplacement chirurgical des ovaires, hors du champ d'irradiation s'avère efficace en terme de radioprotection. La prévention contre le rayonnement diffusé est également peu efficace.

La radioprotection utérine
La radioprotection utérine est difficile à réaliser pour les mêmes raisons que l'ovaire. Une très forte irradiation de la cavité pelvienne ne doit cependant pas faire renoncer à préserver la fertilité et la fonction gonadique car il existe pour ces patientes la possibilité de recourir au prêt d'utérus (surrogate pregnancy des anglo-saxons).

Les déplacements gonadiques
Il existe trois manières de déplacer un organe :
- on peut déplacer l'organe en étirant sans les sectionner ses pédicules vasculaires, il s'agit d'une transposition,
- on peut sectionner les pédicules vasculaires de l'organe et les réanastomoser sur le site receveur, il s'agit alors d'une transplantation,
- on peut sectionner les pédicules sans les réanastomoser sur le site receveur en comptant sur une néovascularisation, il s'agit d'une greffe.
L'intérêt d'un déplacement gonadique est d'éloigner le plus possible l'organe du champ d'irradiation.

Les déplacement ovariens
La greffe d'ovaire entier ne donne pas de bons résultats, peu ou pas de follicules survivent. Par contre la greffe de fragments de cortex ovariens en de nombreux sites de l'organisme donnent de bons résultats en terme de survie au moins des follicules primordiaux. Oktay a proposé tout récemment la greffe de cortex ovarien à l'avant-bras chez des patientes devant subir une forte irradiation du pelvis, avec une survie folliculaire et des ovulations au sein des greffons [Oktay, 2000 #594]. Cependant ce procédé doit être comparé aux résultats de la simple transposition car la perte folliculaire liée à la greffe n'est probablement pas négligeable.
La transposition ovarienne (voir [Porcu, 1999 #555]) consiste à déplacer l'ovaire tout en gardant au moins l'un de ses pédicules vasculaires. Cette technique a tout d'abord été proposée par Estes pour traiter les stérilités tubaires. En 1958 Mc Call décrivait une transposition ovarienne dans la gouttière pariéto-colique pour protéger les patientes irradiées du pelvis pour un cancer du col utérin. Depuis de nombreuses améliorations téchniques ont été proposées (notamment la voie d'abord coelioscopique) pour réaliser cette intervention. Deux grands sites de transpositions ont été proposées : la gouttière pariéto-colique pour éviter les irradiations centro-pelviennes et le cul de sac de Douglas pour éviter les irradiations en Y inversé dans le cadre des maladies de Hodgkin surtout. Une méta analyse des différentes publications montre qu'environ deux tiers des patientes transposées évitent la castration post TAC, mais seulement 15% des patientes le désirant auront une grossesse après transposition [3]. La transposition est donc un moyen relativement efficace de préserver la fonction endocrine de l'ovaire et assez peu efficace de préservation de la fertilité. Les principaux facteurs d'échec de la transposition sont l'âge, l'association d'une chimiothérapie à la radiothérapie et la dose d'irradiation réellement reçue par l'ovaire [4].
La transplantation ovarienne dans le but de protéger l'ovaire d'une irradiation pelvienne a été rapportée pour une seule patiente [5]. Ce cas tout à fait remarquable a permis de démontrer la faisabilité de la transplantation et son succès à long terme. Cependant la faible reproductibilité et la lourdeur de la procédure ont découragé d'autres équipes d'utiliser cette technique.

Les déplacements du testicule
Les déplacements testiculaires se heurtent au fait que la spermatogénèse nécessite une température inférieure à 37°C pour être optimale. Par ailleurs nous avons vu que la radioprotection du testicule en place est beaucoup plus simple et efficace que la radioprotection ovarienne. Ces raisons font que les déplacements testiculaires n'ont pas d'intérêt pour protéger la spermatogénèse des rayons X.

Les moyens de protection spécifiques contre la chimiothérapie

Il n'existe pas de procédé spécifique de lutte contre les effets délétères de la chimiothérapie sur les gonades.
Les actions les plus bénéfiques sont d'utiliser des protocoles comportant moins d'agents alkylants, ainsi dans le traitement de la maladie de Hodgkin l'utilisation préférentielle de protocoles de type ABVD s'est-elle avérée moins toxique pour les gonades que le traditionnel MOPP.
La mise au points d'agents thérapeutiques moins toxiques pour le tissu gonadique et tout aussi efficace contre le cancer est un enjeu majeur de la recherche pharmaceutique moderne.

Les moyens de protection spécifiques contre la chirurgie

Le traitement de certains cancers chez la femme impose l'exérèse chirurgicale de tout ou partie des organes de la reproduction, compromettant gravement la fertilité. Des tentatives de chirurgie conservatrice ont été proposées chez les femmes jeunes et les enfants.

Les tumeurs de l'ovaire

Le cancer épithélial de l'ovaire est découvert le plus souvent à des stades et à des âges où le problème de la fertilité ne se pose plus. Cependant, dans certaines situations, il est découvert à un stade précoce chez une jeune femme désireuse de préserver sa fertilité. Contrairement aux tumeurs épithéliales, les tumeurs germinales et stromales de l'ovaire surviennent le plus souvent chez la femme jeune et l'enfant, c'est dire que la préservation de la fertilité est bien souvent au centre des débats. Au stade I des cancers de l'ovaire, certaines attitudes chirurgicales conservatrices sont possibles dans le but de préserver la fertilité

Le stade Ia
Il est admis, au stade Ia, que le traitement conservateur par annexectomie unilatérale augmente très peu le risque de récurrence du cancer si un stadging très complet de la maladie est fait et si le grade tumoral est pris en compte. La simple kystectomie parait par contre insuffisante pour la plupart des auteurs.
La plus grande rigueur est cependant nécessaire pour autoriser le traitement conservateur car le stade Ia est souvent sous-évalué. La fréquence des métastases ganglionnaires est par exemple estimée à 10 %. D'autre part, le risque d'atteinte de l'ovaire controlatéral est estimé à 14 % et il paraît plus important dans les formes séreuses, c'est dire que l'examen minutieux de l'annexe controlatérale est nécessaire en échographie pré-opératoire et à l'examen macroscopique per-opératoire. La réalisation de biopsies systématiques de l'ovaire controlatéral n'est cependant pas recommandée car elle est responsable d'adhérences compromettant la fertilité future. Des biopsies ne doivent donc être réalisées que sur des lésions suspectes macroscopiquement ou échographiquement. Par ailleurs, la fréquence des atteintes utérines est grande dans les cancers ovariens. Cette atteinte peut être séreuse et endométriale. Les biopsies systématiques de la séreuse utérine ne sont pas recommandées, toujours en raison des adhérences qu'elles peuvent entraîner. Par contre, la biopsie de toute lésion suspecte du péritoine utérin est nécessaire. Pour ce qui est de l'endomètre, l'exploration de la cavité utérine est nécessaire par hystéroscopie et curetage doux avant d'envisager la conservation de l'utérus.
Dans ces conditions somme toute assez drastiques, quelques séries de la littérature rapportent de bons taux de grossesses et un très faible risque de récurrence de la maladie cancéreuse [28].

Le stade Ib
L'ovariectomie bilatérale est la règle, la conservation utérine est possible, elle obéit aux mêmes lois que pour le stade Ia. Des grossesses par don d'ovocytes ont été rapportées chez des patientes ayant eu une conservation utérine dans cette situation.

Le stade Ic
La conservation utérine est également possible à ce stade selon les mêmes critères que pour les stades Ia et Ib. Des grossesses avec don d'ovocytes ont également été rapportées dans ce contexte. Dans les stades Ic unilatéraux, la conservation de l'annexe controlatérale a été décrite associée à une chimiothérapie par cysplatine et des grossesses ont été obtenues.

Les tumeurs borderline de l'ovaire
Leur âge de survenue est plus jeune que celui des cancers épithéliaux, l'âge moyen est de 10 ans inférieur. La préservation de la fertilité se pose donc plus volontiers en présence de ce type de tumeurs. D'autre part, le pronostic global de ces lésions est bon et les taux de survie restent appréciables même dans les stades avancés. La bilatéralité est fréquente surtout dans les formes séreuses. Enfin, 70 % de ces lésions sont découvertes au stade I.
Dans les stades Ia, si l'ovariectomie unilatérale est admise par la grande majorité des auteurs, la kystectomie simple a également été proposée.
Dans les stades Ib et Ic et en cas de désir de préservation de la fertilité, trois attitudes peuvent être proposées :
- annexectomie bilatérale en préservant l'utérus pour permettre le don d'ovocyte,
- annexectomie unilatérale du côté où la tumeur est la plus volumineuse et kystectomie controlatérale,
- kystectomie bilatérale.

Signalons que, dans le cadre des tumeurs borderline de l'ovaire, la conservation utérine obéit aux mêmes lois que pour les tumeurs invasives : une exploration endocavitaire est nécessaire.
Dans les stades II et III, la conservation utérine n'est pas recommandée. Cependant, la survie reste très bonne (encore 70 % au stade III). L'infertilité a donc de grande chance d'être un problème majeur pour ces femmes après leur maladie.

Le cancer du col de l'utérus

L'âge médian de survenue du cancer du col de l'utérus est de 57 ans. C'est dire que là également habituellement le problème de la préservation de la fertilité ne se posera pas. Cependant, ce cancer peut survenir chez la femme jeune désireuse de maternité.
Pour les cancers de stade Ia1, la conisation en zone saine est suffisante, mais pour les stades Ia2 et Ib l'hystérectomie est recommandée. Chez les jeunes femmes désireuses de préserver leur fertilité, Dargent a proposé la trachélectomie élargie (TE) dans le but d'éviter l'hystérectomie [52, 53]. Ce procédé très astucieux permet à certaines patientes d'obtenir des grossesses sans compromettre leur survie [54].
Une autre approche a été proposé tout récemment par Landoni pour ces stades précoces : la chimiothérapie néoadjuvante suivie d'une simple conisation [Landoni, 2001 #599]. Nous manquons encore de recul pour évaluer cette attitude.

Le cancer du corps de l'utérus

Le cancer du corps de l'utérus est devenu le cancer pelvien le plus fréquent de la femme dans les pays industrialisés. On distingue deux types principaux de cancer du corps utérin, les adénocarcinomes de l'endomètre et les sarcomes utérins.
Le cancer de l'endomètre survient rarement chez la femme en âge de procréer et exceptionnellement avant 35 ans. C'est dire que la préservation de la fertilité ne sera que très exceptionnellement le problème devant une patiente atteinte d'un cancer de l'endomètre. Cependant des tentatives de traitement conservateur par hormonothérapie, ont été réalisées chez les femmes jeunes permettant d'obtenir des grossesses [Plante, 2000 #600].
Des traitements conservateurs de léiomyosarcomes (simple myomectomie) ont également été proposés avec succès.

Les moyens de protection contre la radiothérapie et la chimiothérapie

Plusieurs tentatives ont été faites pour diminuer l'effet délétère de la radiothérapie et de la chimiothérapie sur les gonades à l'aide de médicaments. On distingue deux grands types de produits, les anti-oxydants et les produits bloquant la gamétogénèse.

Les anti-oxydants

L'action délétère des rayons X et des agents alkylants sur les gonades est liée à la libération de radicaux libres. Les agents anti-oxydants diminuent l'effet toxique des radicaux libres, on peut donc espérer en théorie qu'ils diminueront l'effet néfaste sur les gonades. Si certains bénéfices ont pu être obtenus chez l'animal, aucun résultat bien probant n'a été obtenu dans l'espèce humaine tant chez l'homme que chez la femme. Par ailleurs diminuer l'effet des traitements sur le tissu gonadique peut également diminuer cet effet sur les cellules cancéreuses et donc compromettre l'efficacité thérapeutique des traitements. En pratique, il n'est pas recommandé d'utiliser les agents anti-oxydants pour protéger la fonction gonadique en dehors d'essais thérapeutiques.

Les produits bloquant la gamétogénèse

Deux arguments plaident pour les tentatives de bloquage de la gamétogénèse dans le but de préserver la fertilité lors des traitements anti-cancéreux :
- La plupart des traitements anti-cancéreux détruisent préférentiellement les cellules en croissance et différenciées. On peut donc espérer qu'un follicule primordial ou une spermatogonie soient moins sensibles qu'un follicule mature ou un spermtatozoïde aux rayons X ou à la chimiothérapie.
- Par ailleurs on sait depuis longtemps que les gonades de l'enfant sont moins sensibles à l'action délétère des TAC que les gonades de l'adulte, or dans ces gonades infantiles la gamétogénèse est bloquée.
Ces données théoriques ont été confirmées chez l'animal, l'administration de stéroïdes sexuels (estroprogestatifs chez la femelle et androgènes chez le mâle) ou d'agoniste du GnRH ont permis de protéger les gonades de la radiothérapie et de la chimiothérapie. Dans l'espèce humaine, les résultats sont beaucoup moins probants, aucune étude randomisée n'a été réalisée et les séries sont toujours rétrospectives et courtes [6].
Par ailleurs les bases théoriques de la mise au repos gonadique pendant les TAC sont hasardeuses. En effet, la radiothérapie et les agents alkylants détruisent les follicules primordiaux et les spermatogonies et donc les gamètes quiescentes, bloquer la gamétogénèse n'aura donc pas d'effet protecteur contre ces traitements [7].

Ainsi les tentatives médicamenteuses de protection de la fonction gonadique lors de la radio- ou de la chimiothérapie sont-elles peu efficaces. Certaines équipes préconisent l'utilisation des agonistes du GnRH plus sur des convictions personnelles que sur des faits tangibles.

Les moyens de protection contre l'ensemble des TAC

Les progrès de la cryobiologie ont permis de proposer des méthodes de préservation de la fertilité contre les TAC. Il y a longtemps que l'on sait conserver par le froid des cellules et la cryopréservation des gamètes est un procédé déjà anciennement proposé dans l'espèce humaine. La cryopréservation des tissus est également possible et c'est pourquoi on assiste de nos jours à un développement des techniques de cryopréservation du tissu gonadique. La cryopréservation d'organes entiers est le futur challenge des cryobiologistes, les premiers essais de congélation de gonades entières ont été réalisés.

La cryopréservation des gamètes

La cryopréservation de l'ovocyte
Chen et col. ont obtenu la première grossesse à partir d'ovocytes cryopréservés dans l'espèce humaine en 1986 [8]. Après l'enthousiasme de ce premier résultat, on s'est aperçu qu'en fait la congélation de l'ovocyte mature avait une très faible rentabilité. En effet la survie de l'ovocyte à la congélation-décongélation est assez faible avec des taux importants d'aneuploïdie [9]. Enfin le taux de fécondation de ces ovocytes après décongélation est également faible ce qui aboutit à un très petit nombre de grossesses rapportées dans l'espèce humaine avec cette technique. On peut améliorer les taux de fertilisation en utilisant l'ICSI et les taux de survie à la congélation en congelant des ovocytes au stade de pronuclei. Malgré tout le taux de grossesses reste faible ce qui rend cette procédure inadaptée à la situation qui nous intéresse. En effet chez les patientes soumises à un TAC pour congeler des ovocytes il faudrait avoir le temps de réaliser une induction d'ovulation. Ceci est rarement possible et même dans ce cas, les chances d'obtenir une grossesse à partir d'une dizaine d'ovocytes congelés, sont infimes. Si la patiente se présente avec un conjoint, il est préférable, si l'on obtient des ovocytes après stimulation, de faire d'emblée une FIV et de congeler les embryons obtenus après la FIV.

La congélation du spermatozoïde
Je ne parlerai pas de cette technique qui mérite à elle seule un chapitre et qui sera développée par l'orateur suivant.

La cryopréservation du tissu gonadique

La cryopréservation du tissu ovarien

Le prélèvement du tissu ovarien et son conditionnement pour la congélation
La cœlioscopie est un moyen idéal pour prélever tout ou partie du tissu ovarien. Un intérêt non négligeable de la cœlioscopie est la possibilité, dès le lendemain de l'intervention si cela est nécessaire, de débuter un traitement anticancéreux. Le prélèvement ovarien cœlioscopique est également parfaitement adapté à l'enfant, même très jeune.
Le cortex ovarien est isolé et soigneusement débarrassé de la médullaire avant la congélation. Ce cortex est ensuite coupé en petits fragments compris entre 1 mm2 et 1 cm2. Plusieurs solutés (tels que le Leibowitz, le RPMI, le PBS, l'alpha minimal essential medium …) et plusieurs agents cryoprotecteurs (tels que le DMSO, l'éthylène glycol, propanédiol …) ont été utilisés avec succès pour la congélation du tissu ovarien. Certains auteurs proposent également une étape de déshydratation au sucrose du tissu avant la congélation [10].

La congélation et la décongélation du tissu ovarien
En 1990, Gosden [11] proposait une courbe de descente en température inspirée du slow cooling : Les tubes ou les paillettes contenant les fragments de cortex ovarien sont mis dans un congélateur programmable dont la température de départ se situe vers + 5°C. La descente est alors de 2 °C/mn jusqu'à - 9°C. Un seeding est alors réalisé, puis la descente est reprise à 0,3°C/mn jusqu'à - 40°C. Ensuite, la vitesse de descente en température est de 10°C/mn jusqu'à - 140°C. Les tubes sont retirés du congélateur et stockés dans l'azote liquide. La plupart des auteurs contemporains travaillent avec ce type de descente en température. Certains travaux récents ont comparé le slow cooling avec des procédés plus rapides de congélation (semi-rapide ou vitrification), les résultats obtenus avec ces autres protocoles n'ont pas encore permis de remplacer le slow cooling [10].
La décongélation qui est réalisée par la plupart des équipes est le " rapid thawing " : les tubes ou les paillettes sont extraits de l'azote liquide et plongés dans un bain-marie à 25°C. Le tissu doit ensuite être utilisé rapidement.

L'utilisation du tissu ovarien
La maturation folliculaire peut être réalisée en théorie selon plusieurs modalités :

L'autogreffe d'ovaire
Le choix du site de ces autogreffes est important et de très nombreux sites ont été testés dans de nombreuses espèces [12]. Si l'on réimplante le tissu dans sa situation princeps (greffe orthotopique), on peut espérer une fertilité naturelle sans recours à d'autre méthode d'AMP. On peut également imaginer la réimplantation dans un autre site (greffe hétérotopique) et le recours à la fécondation in vitro pour obtenir une grossesse. La première grossesse obtenue avec ce modèle fut celle de Parrott [13] en 1960 qui réalisa une greffe orthotopique chez la souris. C'est également l'autogreffe orthotopique qui a été essayée par Oktay lors de la première tentative d'utilisation de tissu ovarien congelé chez la femme [14]. L'autogreffe de tissu ovarien est le seul procédé de maturation folliculaire envisageable aujourd'hui.
La maturation folliculaire in vitro
La maturation in vitro des follicules ovariens après leur décongélation serait un procédés idéal, évitant ainsi tout risque de réintroduction de la pathologie initiale avec une greffe [15]. Les techniques de culture des follicules ovariens en sont encore à leur début. Dans l'espèce humaine, les difficultés sont liées à la longueur de la folliculogénèse [16] et à la grosseur du follicule préovulatoire qui pose d'énormes problèmes techniques. Plusieurs étapes du développement folliculaire dans l'espèce humaine ont été obtenues in vitro. Bien qu'encourageant, les résultats sont encore parcellaires et cette méthode n'est pas opérationnelle aujourd'hui.
La xénogreffe
Plusieurs animaux immunodéficients tels que les souris SCID ou nudes, sont utilisables pour recevoir des xénogreffes de tissu ovarien humain. On obtient avec ces modèles une survie folliculaire importante, cependant aucun auteur n'est arrivé à une maturation des follicules humains plus gros que 5 à 7 mm. S'il est possible un jour d'obtenir des grossesses grâce à la XTO, envisager des applications cliniques à la XTO posera un problème éthique majeur. Faire maturer un gamète humain dans un animal doit en effet être envisagé avec circonspection !

Etat de lieux pour la CPTO
La CPTO reste une méthode en cours de développement et d'évaluation. En France elle ne peut être proposée que dans le cadre des lois régissant la recherche clinique. Les patientes doivent être informées que pour le moment seules quelques tentatives d'autogreffe ont été réalisées dans l'espèce humaine et que aucune grossesse n'a encore été obtenue.

La cryopréservation du tissu testiculaire

Si la CPTO est encore en cours de développement la cryopréservation du tissu testiculaire (CPTT) en est encore à ses balbutiements. La congélation du sperme répond à la majorité des problèmes chez l'homme, cependant elle a ses limites. Il est parfois impossible de faire un recueil de sperme de bonne qualité chez un patient soit par manque de temps soit à cause de l'état de santé du patient. Par ailleurs la congélation du sperme ne peut pas être utile chez l'enfant. Il existe donc une place potentielle pour la congélation du tissu testiculaire et des spermatogonies qu'il contient. Ces cellules souches étant capables de se reproduire on peut espérer ainsi rétablir une spermatogénèse durable chez les patients. Certains travaux ont démontré qu'il était possible d'isoler les cellules souches à partir de biopsies de tissu testiculaire et de les congeler [Brook, 2001 #429]. Les premiers résultats chez l'animal sont encourageant , les premières tentatives humaines sont donc pour bientôt.

La cryopréservation des gonades

Classiquement la congélation d'un organe entier reste impossible selon les données modernes de la cryobiologie. Cependant les premiers essais de congélation d'un ovaire entier avec son pédicule vasculaire ont été réalisées par Imhof et col. avec, semble-t-il, des résultats encourageants [17]. L'idée est de prélever l'ovaire avec son pédicule vasculaire et d'injecter par l'artère un soluté contenant un cryoprotecteur, puis ensuite de congeler l'organe entier. A la décongélation on anastomose l'ovaire sur un pédicule nourricier. Des survies de l'ovaire et du stocke folliculaire ont été obtenu par Imhof sur le porc et le mouton. Naturellement ces résultats préliminaires tout à fait extraordinaires méritent d'être confirmés. Cependant cet approche pourrait constitué la méthode de choix pour préserver la fertilité des femmes soumises à un TAC.

Utilisation de ces différentes téchniques en pratique

En pratique le problème est d'offrir au patient le plus de chance de préserver sa fertilité sans mettre en jeu des techniques hasardeuses qui pourraient au contraire lui faire perdre des chances de grossesse. Il convient de distinguer trois types de situations :

- si les TAC n'ont pas de potentiel castrateur à cours termeo Il faut informer les patients d'une possibilité de diminution de la fertilité et chez les femmes de ménopause un peu en avance,
o Et donner le conseil de différer le moins possible le projet parental car des techniques d'AMP seront peut être nécessaires.
- Si les TAC ont un effet nocif avéré sur le tissu gonadique
o Il faut en informer clairement les patients,
o et s'ils le désirent, proposer des techniques avérés ayant fait la preuve de leur efficacité : congélation de sperme ou transposition ovarienne par exemple
- Si les TAC seront très certainement castrateur à court terme
o Il faut informer les patients
o Il existe une place pour les techniques modernes qui sont en cours d'évaluation mais qui sont la seule chance de préserver la fertilité chez ces patients (congélation du tissu gonadique)
o Penser que l'on peut associer des techniques : transposition ovarienne et congélation de tissu ovarien ; congélation de sperme et de tissu testiculaire …

Dans tous les cas de figure il est primordial d'évaluer le potentiel castrateur du TAC proposé au patient, d'envisager la possibilité de traitements moins dangereux sans compromettre le pronostic vital et de tenir compte du pronostic global de la maladie néoplasique. C'est dire que la concertation entre le gynécologue, le biologiste de la reproduction et le cancérologue doit être intense pour offrir le maximum de chance de préserver sa fertilité au patient.

Références

1. Estes Jr WL, Heitmeyer PL. Incidence of pregnancy following ovarian implantation. Am J Surg 1934;24:563-580.
2. McCall M, Keaty EC, Thompson JD. Conservation of ovarian tissue in the treatmant of carcinoma of the cervix with radical surgery. Am. J. Obstet. Gynecol 1958;75:590-600.
3. Porcu G, Agostini A, Cohen D, Cravello L, Roger V, D'Ercole C, et al. Transposition de l'ovaire. In: Aubard Y, Olivennes F, eds. Fertilité après traitements anticancéreux. Paris: Masson, 1999:47-54.
4. Haie-Meder C, Mlika-Cabane N, Michel G, Briot E, Gerbaulet A, Lhomme C, et al. Radiotherapy after ovarian transposition: ovarian function and fertility preservation. Int. J. Radiat. Oncol. Biol. Phys 1993;25:419-424.
5. Leporrier M, P VT, Roffe JL, Muller G. New technique to protect ovarian function before irradiation. Heterotopic ovarian transplantation. Cancer 1987;60:2201-2204.
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7. Clavère P, Berdah JF, Tubiana N. Méthodes non chirurgicales de protection de la fertilité lors des traitements anticancéreux. In: Aubard Y, Olivennes F, eds. Fertilité après traitements anti-cancéreux. Paris: Masson, 1999:25-40.
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