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2001 > Gynécologie > induction de l’ovulation  Telecharger le PDF

Cancer de l’ovaire et stimulation de l’ovulation

P. Lopes

La question posee sur les stimulations ovariennes et l’accroissement du risque de cancer ovarien n’a pas trouve de reponse 7 ans apres un impact mediatique fort.

1/ Rappel des Faits : L'observation chez une patiente de 37 ans, suivie pour infécondité de 10 ans et ayant subi de nombreux traitements inducteurs de l'ovulation, de la survenue d'une tumeur séreuse à faible potentiel malin des ovaires droit et gauche et endosalpingiose ganglionnaire, nous a fait poser le problème de la relation des traitements reçus et de la pathologie ovarienne (8, 9, 10, 11, 12). Avant notre observation, 13 observations avaient été publiées dans la littérature internationale. A la suite de l'enquête que nous avons effectuée dans les centres de PMA Français, 13 cas de cancers de l'ovaire ont pu être authentifiés.

Suite à un éditorial publié dans la lettre du gynécologue, et surtout après les publications début 1993, d’une série de 4 articles issus de travaux épidémiologiques Nord américains (4, 26) montrant l’ existence d’un risque statistiquement significatif d'accroître l'incidence du cancer de l'ovaire chez les femmes ayant reçu un traitement médical pour la stérilité, JY Neau nous a contacté pour nous interroger sur cette éventuelle association.

L’article du Monde du 10/6/1993 qui titrait : " Des pratiques de procréation médicalement assistée pourraient favoriser le cancer de l’ovaire " a provoqué un vent de panique chez les femmes en cours d’assistance médicale à la procréation. Le corps de l’article reprenait de façon pondérée les arguments soutenant les hypothèses du possible lien de causalité et soulignait la prudence des laboratoires spécialisés.

L’article de JY Neau concluait sur l’information nécessaire en terminant sur une critique à peine voilée du comportement des gynécologues face au problème du distilbène (amalgame douteux). « L’affaire dite du « distilbène » avait déjà chez les gynécologues amplement démontré les graves dangers qu’il peut y avoir à ne pas diffuser au plus vite toutes les informations disponibles dès lors qu’une thérapeutique semble comporter un risque majeur ».

Sur la même page, Mr Douste-Blazy écrivait " Nous devons mettre en place un système de veille et d’alarme ". Le ministre proposait trois types de mesure :

  • informer les médecins du contenu des différents articles,
  • modifier les fiches du dictionnaire Vidal concernant les inducteurs de l’ovulation,
  • mettre en œuvre le plus rapidement possible des études épidémiologiques

La presse écrite s’est fait l’écho de ces interrogations et a posé la question du lien de causalité entre traitements stimulants et risque de cancer, souvent en des termes alarmants. La presse régionale a beaucoup plus personnalisé le débat sans apporter d’éléments plus objectifs. Ouest-France parlait par exemple de « cas de conscience »

Les professionnels, par l’intermédiaire de l’IFFS, ont insisté au contraire sur le fait que l'infécondité augmente le risque. (6) et ont minimisé ces risques en soulignant les biais suivants :

1/Les explorations effectuées chez les femmes infécondes peuvent permettre de découvrir des tumeurs asymptomatiques préexistantes.

2/ Dans 2 des 3 études, une proportion importante de femmes ayant une maladie avancée n'ont pas pu être interrogées. Ce biais exagère les résultats.

3/ Des biais de sélection des cas contrôles ont pu être commis : les nullipares qui ont utilisé des traitements de l'infécondité désiraient peut être moins être interviewées ou n'étaient pas disponibles car au travail. 4/ Des biais par l’impossibilité de contrôler les données ne peuvent être évités (cas familiaux, usage du talc, LT, hystérectomie, facteurs qui modifient le risque de cancer de l'ovaire). De plus dans le travail de Whittemore, la différence de Risque Relatif entre nullipares et multipares est considérable et peu plausible. L'intervalle de confiance est énorme.

Qu'en est-il sept ans plus tard

des éléments de preuve ont-ils pu être obtenus ? L’intervention des médias a-t-elle permis de faire progresser plus rapidement le débat ? La diffusion de l’information a-t-elle modifié les comportements médicaux ?

Les activités d’assistance médicale à la procréation restent à un niveau très important et il est admis que les traitements stimulant l'ovulation constituent un progrès considérable dans le traitement des stérilités hypothalamo-hypophyso-ovariennes et pour les techniques de Procréation Médicalement Assistée (PMA). De nombreuses grossesses ont été obtenues par ces techniques.

- Depuis 7 ans, quels sont les éléments complémentaires qui ont permis de progresser dans la connaissance de ce lien ?

Des médicaments stimulant l’ovulation depuis plus de 20 ans, seuls le citrate de clomiphène et les hMG, enregistrés aux USA en 1967 et en 197O, ont fait l’objet de publications tenant en compte la nature précise du traitement. Les travaux de Rossing (18) ont révélé un lien concernant le nombre de cycles de citrate de clomiphène et le risque de cancer de l’ovaire.

Utilisant le registre du cancer de l'état de Washington, en janvier 1992 (SEER program), Rossing (18), à partir d'une cohorte de 3837 femmes infécondes suivies à Seattle entre 1974 et 1985, a découvert 11 cancers de l'ovaire pour l'observation de 43438 années femmes. Soulignons que seules, 3,6 % des patientes étaient perdues de vue.

Il a analysé le type histologique de cancer (4 cancers invasifs dont 2 mucineux, 1 endométroïde, et 1 adénocarcinome, 5 Borderlines, et 2 tumeurs de la granulosa).

La cause de l'infertilité a été précisée avec le RR de cancers de l'ovaire :

Causes de l'infécondité

Nombre de cancers ovariens

Incidence Ratio standardisé/Age (IC)

Anomalies de l’ovulation

6

3,7 (1,4-8,1)

Anomalies non ovulatoires

5

1,8 (0,6-4,3)

An. tubaires

2

3 (0,4-10,8)

Endométriose

0

0

Inf. masculine

2

1,5 (0,2-5,3)

Autres

1

2,4 (0,1-13,3)

Inf. inexpliquée

1

2,6 (0,1-14,3)

Tableau 1 : Risque de cancer de l’ovaire et origine de l’infécondité.

Médicaments de l’infécondité

Nombre de cancers ovariens

Incidence Ratio standardisé/Age (IC)

CLOMIPHENE

9

3,1 (1,4-5,9)

HCG

3

2,8 (0,6-8,0)

HMG/FSH

1

5,6 (0,1-31,0)

Aucun

2

1,4 (0,2-5,0)

Tableau 2 : Risque de cancer de l’ovaire et traitement de l’infécondité.

Dans cette série, l'infertilité n'était pas un facteur de risque de cancer ovarien (RR = 0,9). Le risque relatif de cancer de l'ovaire est de 2,5 (1,3-4,5) ; ce risque, non significatif pour les cancers invasifs car la série est courte, est significatif pour les tumeurs Borderline (RR = 3,3 ; 95 % IC, 1,1-7,8).

9 des 11 femmes avaient été traitées par du clomiphène et 5 avaient pris ce traitement plus de 12 cycles. Pour cette sous-population de femmes traitées plus de 12 cycles, le RR est 11,1 (1,5-82,3) alors que pour les autres, le risque n'est pas significatif.

Dans la cohorte suivie, les femmes n'ayant pas reçu de traitement inducteur ont eu moins de grossesses : 35,4 % contre 50 % chez les femmes ayant reçu moins de 12 cycles de citrate de Clomiphène (CC), et 55,6 % chez les femmes traitées avec du clomiphène.

On pouvait espérer que les femmes devenues enceintes aient moins de risque de cancer de l'ovaire mais, contrairement aux résultats de Whitemoore (26), la grossesse n'a pas entièrement protégé les femmes ayant reçu plus de 12 cycles de CC. Pour les femmes, sans anomalie de l'ovulation, ayant reçu du CC, le risque est de 3,1 comparé au 1,4 des femmes infécondes.

Pour la première fois, les auteurs mettent en évidence un effet durée de traitement : si on compare les femmes ayant reçu 12 et plus de 12 cycles de CC versus moins de 12 cycles, le RR est de 9,1 (95 % IC : 1,0-53,1). Cette même comparaison chez les nullipares élève le RR à 10,8 (1,5-77,9). La comparaison des femmes ayant reçu plus de 12 cycles de CC, nullipares versus multipares est amplifiée : RR= 17,0, 95 % IC : 1,2-242,8).

Traitements inducteurs de l'ovulation

Cas observés (N=11)

Sous-population étudiée avec détails (N=135)

RR ajusté sur l'âge et l'année de recrutement

RR ajusté sur l'âge, l'année de recrutement et la parité

CLOMIPHENE

non

2 (18,2 %)

48 (35,6 %)

1,0 (Réf)

1,0 (Réf)

OUI

9 (81,8 %)

87 (64,4 %)

2,2 (0,4-10,7)

2,3 (0,5-11,4)

1-11 cycles

3 (27,3 %)

64 (47,4 %)

0,7 (0,1-4,6)

0,8 (0,1-5,7)

12 cycles et +

5 (45,4 %)

18 (13,3 %)

7,2 (1,2-43,9)

11,1 (1,5-82,3)

Tableau 3 : Lien entre risque de cancer de l’ovaire et nombre de cycles d’induction par Citrate de Clomiphène (18)

Les auteurs ne nient pas la possibilité de biais de telles études de cohortes rétrospectives (population témoin recrutée sur les fichiers du permis de conduire de l'état de Washington), en particulier on ne connaît pas le pourcentage de femmes ayant eu dans l'intervalle une castration. Les femmes n'ont pu être retrouvées si elles avaient changé de nom ou de numéro de sécurité sociale. L'origine de l'infécondité a pu être mal classée, en effet toutes n'ont pas eu de cœlioscopie et c'est peut-être pourquoi l'endométriose n'est pas associée à une tumeur de l'ovaire. Les femmes du groupe ont pu recevoir des traitements inducteurs avant ou après leur recrutement dans l'étude. Les cycles de traitement ne sont parfois pas inscrit dans les dossiers.

On ne peut cependant pas ignorer l'importance statistique de cette étude.

Shushan (21, 22) a également noté une association entre l’utilisation des hMG et le risque de cancer de l’ovaire. Cette étude cas-témoin a intéressé 200 femmes de 34 à 64 ans avec cancer invasif et borderline. Les médicaments inducteurs n’augmentent pas de façon significative le risque : OR = 1,31 (IC = 0,63- 2,74), l’OR est pour les hMG seuls de 3,19 (IC = 0,86-11,82).

Les seuls résultats significatifs sont pour l’incidence des cancers borderline chez les femmes ayant pris des HMG car l’OR est dans ce cas de 9,38 (IC = 1,66-52,08).

D’autres études soulignent l’absence de risque statistique en précisant que l’infécondité est un facteur de risque (2, 16).

Pour Venn (24), qui a effectué parmi les femmes infécondes une étude groupe exposé aux médicaments inducteurs versus groupe non exposé, le facteur déterminant est l’infécondité avec en particulier, pour les femmes ayant une stérilité inexpliquée indépendamment de la FIV, une augmentation significative du risque de cancer de l'ovaire : RR = 19,19 (2,23-165,0) et de cancer du corps utérin de RR = 6,34 (1,06-38,0) comparé aux causes connues d'infécondité.

Avec ce suivi à court terme, il ne semble pas que les stimulations de l'ovulation puissent augmenter l'incidence des cancers du sein. Le petit nombre de cancers de l'ovaire ne permet pas de conclure, les auteurs souhaitent des études épidémiologiques plus puissantes.

Pour Mosgaard (14) l’infécondité est le facteur essentiel. Les nullipares ont un risque augmenté de cancer de l’ovaire : 1,5 à 2,0 vs les multipares. Les femmes nullipares infertiles non traitées ont un OR de 2,7 (1,3-5,5) vs nullipare non infertiles. Les nullipares infertiles traitées ont un OR de 0,8 (0,4-2,0) vs nullipares infertiles non traitées. Les multipares infertiles traitées ont un OR de 0,6 (0,2-1,3) vs les multipares infertiles non traitées. Pour l’auteur, les traitements de la stérilité n’augmentent pas ce risque. Notons que pour cette étude, les cancers borderline ont été exclus.

L’étude israélienne de Modan (13) est également rassurante en ne montrant pas d’augmentation du risque de cancer de l’ovaire ou du sein.

Les revues écrites récemment par Wakeley et Klip (7, 25) font le point des contradictions des nombreuses études des dix dernières années. Dans l’enquête de pratique faite au près de 575 endocrinologues nord-américains et canadiens, Houmard (5) précise que 70 % des médecins ne croient pas à l’association induction de l’ovulation et cancer de l’ovaire. Cependant, 83 % des médecins parlent de ce risque et 47 % ont changé leur pratique. - Les hypothèses concernant cette association demeurent inchangées, aucun progrès déterminant sur l’origine des cancers ovariens n’a été produit.

Dans les pays industrialisés, 10 nouveaux cas de cancer de l’ovaire se développent par an pour 100 000 femmes , ce qui correspond à un risque d’avoir un cancer durant la vie de 2 %.

Le taux de cancer de l'ovaire est resté relativement stable au cours de ces vingt dernières années mais le taux de mortalité ne s’est pas amélioré de façon significative malgré les progrès de la chimiothérapie.

Différents facteurs étiologiques et/ou favorisant restent évoqués :

Facteurs génétiques et facteurs de croissance

Une cause génétique peut être à l’origine de l’infécondité et favoriser le cancer (15). Les anomalies génétiques cellulaires peuvent être acquises : après ovulation, le processus de cicatrisation de la corticale ovarienne entraine une multiplication cellulaire. Si la population cellulaire intéressée est l'objet d'une délétion, la transformation des cellules en cellules cancéreuses peut se faire. L'augmentation de la probabilité de toucher une telle lignée cellulaire peut augmenter avec le nombre d'ovulations. Ainsi, les mutations de la p53 étaient statistiquement plus fréquentes en fonction du nombre cumulé d’ovulations (20)

Il faut se poser la question de savoir si les traitements inducteurs peuvent favoriser la stimulation de facteurs de croissance impliquées dans la cancérogénèse ?

Les facteurs hormonaux :

a) L'action des hormones stéroïdiennes sur les oncogènes, sur les facteurs de croissance et sur la multiplication des cellules tumorales peut faire craindre un rôle d'initiation ou de promotion du cancer. b) Les Gonadotrophines sont utilisées depuis plus de 30 ans et très couramment depuis 20 ans. Les gonadotrophines peuvent-elles être responsables d'une augmentation du risque de cancer de l'ovaire ?. Les études de mutagénèse en pharmacovigilance sont rassurantes mais, les hormones hypophysaires LH et FSH sont augmentées, respectivement 5 et 15 fois après la ménopause. Ces changements, associés à la constatation d’une augmentation de l’incidence du cancer de l’ovaire à la même période ou retardée, ont conduit à évoquer un rôle étiologique hormonal hypophysaire dans la carcinogenèse ovarienne (hypothèse gonadotrophique). In vitro, LH, FSH et hCG stimulent la croissance de l’épithélium chez la lapine avec augmentation de l’activité proliférative de cet épithélium et création de processus villeux, en induisant des ovulations multiples par hCG. Il a été de plus montré une stimulation, dose et temps-dépendante, de la croissance cellulaire par hCG et FSH, in vitro et sur une lignée cancéreuse humaine (27).

Facteurs alimentaires et d'environnement

L'incidence est augmentée chez les femmes à haut status socio-économique, reflétant probablement les facteurs liés à la reproduction. Le talc est un silicate de magnésium, minéral à l'origine de mésothélium pleural ou péritonéal, néoplasie embryo-histologiquement proche des cancers séreux de l'ovaire. Cramer rapporte un risque relatif de 1,92 pour les utilisatrices de talc avec application périnéale. Le talc est parfois présent sur les gants des chirurgiens et les gants protecteurs des sondes vaginales.

Le nombre cumulé d'ovulations apparait comme un élément de première importance.

Le blocage de l'ovulation réduit les risques de cancer de l'ovaire :

- La gestité et la parité protègent du cancer de l'ovaire. La plus grande diminution du risque est associée avec la première grossesse menée à terme. Une grossesse additionnelle confère ensuite une réduction du risque d' environ 14 %. - L'allaitement protège : chaque mois d'allaitement est associé à une diminution du risque. - La contraception orale : il est prouvé que les femmes ayant utilisé une contraception orale ont une diminution du risque de cancer de l’ovaire. La réduction du risque est apparente dès 3 mois d’utilisation (40 % de réduction pour les utilisations de 3 à 6 mois). Elle augmente avec la durée de la prise et persiste plus de 10 ans après l’arrêt. Cette réduction s’applique à tous les types histologiques et est indépendante des autres facteurs liés à la reproduction.

L'hypothèse mécanique

L'ensemble de ces facteurs favorisants semble soutenir l'hypothèse de FATHALLA (3) d'une association du risque de cancer de l'ovaire avec le taux cumulé d'ovulations. Il existe en effet une corrélation entre nombre cumulé d'ovulations et risque de cancer de l'ovaire (26) Le cancer de l’ovaire pourrait être causé par des ovulations répétées qui conduiraient à une transformation maligne de l’épithélium. L’hypothèse de Fathalla a été écrite il y a 30 ans. L’ovulation entraîne une blessure à la surface de l’ovaire réparée par une prolifération cellulaire épithéliale. Cette prolifération s’accompagne de synthèses d’ADN avec possibilités d’anomalies génétiques à type de mutation ou translocation spontanée. L'interaction entre facteurs mécaniques, génétiques et hormonaux est possible.

Au total, depuis 7 ans, les hypothèses restent des hypothèses.

L’intervention des médias a-t-elle permis de faire progresser plus rapidement le débat ? Quelles en sont les conséquences actuelles ?

Les Médias ont brutalement, par un effet d’annonce, mis l’accent sur l’association traitement de la stérilité et risque de cancer de l’ovaire.

Les éléments rapportés dans les médias :

Les titres, réducteurs et sans nuances ont alarmé essentiellement les femmes en cours de traitement, faisant arrêter des traitements sans justification médicale que la peur et le stress provoqués par ces titres. Compte tenu de la difficulté d’expliquer les méthodes d’analyse épidémiologique, les résultats sont souvent mal interprétés par le public. Les médias audio-visuels donnent des informations encore plus brutes ne laissant pas la place à la nuance. L’inquiétude engendrée par les médias détourne de nombreuse femmes de leur objectif de traitement.

Les nuances présentées dans la presse écrite (quand elles sont écrites) ne sont pas reprises par la presse parlée et télévisée.

Les publications rassurantes n’ont pas été reprises par les médias. « good news are not news ». 7 ans après, les patientes n’évoquent pas spontanément ce risque. Le souvenir de la campagne médiatique est très souvent oublié.

L’information diffusée par les médias a un impact fort en terme d’alerte du public ce qui permet de dégager certaines ressources permettant de mettre en place des études épidémiologiques.

Le ministère de la santé a confié en septembre 1994, à une unité INSERM une enquête concernant l'évaluation du risque de cancer de l'ovaire après traitement de l'infécondité par inducteur de l'ovulation. Les conventions signées début 1995 n’ont pas permis de dépasser le stade de l’étude préliminaire et actuellement à notre connaissance, l’étude est arrêtée. Par contre, l’étude, envisagée au Royaume-Uni, est en cours (1).

L’information des patientes intègre ce risque même s’il n’est pas parfaitement démontré. La notion d’information est avec le principe de précaution parmi les éléments ayant le plus évolué au cours de cette décennie. Laisser le choix aux patientes constitue un réel progrès. Cependant cette information n’est pas toujours parfaitement intégrée comme l’ont relaté Houmard et Rosen (5, 17). Afin d’étudier l’information aux patientes concernant la relation cancer de l’ovaire et stimulation de l’ovulation, 575 endocrinologistes ont été intérrogés. Houmard a obtenu 62,1 % de réponses : (357/575). Si 70 % des médecins ne croient pas à l’association induction et cancer, 83 % des médecins parlent de ce risque et 47 % ont changé leur pratique. En France, il est difficile de savoir si la limite du nombre de cycles d’inductions (4 cycles de FIV remboursés, 6 cycles de stimulations del’ovulation avec insémination intra-utérine conseillés) intègre plus la problématique économique que les risques engendrés par le nombre de cycles d’induction ou de FIV. En 1995, l’UK committee on the safety of medicines a limité dans ces recommandations la prescription du Citrate de Clomiphène à 6 mois (1).

4/ La campagne de presse peut augmenter le risque médico-légal. On peut imaginer qu’un médecin puisse être poursuivi par une patiente qui, développant un cancer de l’ovaire après de très nombreux cycles d’induction, porterait plainte pour absence de précaution ou plutôt défaut d’information.

En conclusion

1/ La question association risque de cancer de l’ovaire et traitements inducteurs de l’ovulation n’est pas résolue.

L’éditorial de Shushan (23) précise les implications qu’engendre cette absence de démonstration :

  • Que dire aux patientes ? Faut-il systématiquement évoquer le risque de cancer de l’ovaire ? Faut-il faire signer une feuille de consentement ?
  • Faut-il modifier les protocoles et limiter le nombre d’inductions de l’ovulation ? Les relations entre risque de cancer de l’ovaire et nombre de cycles d’induction ont été rapportées par plusieurs auteurs (19, 21). Rappelons que dans l’étude de Houmard (5), si une majorité de médecins ne croient pas en l’association cancer de l’ovaire et traitements inducteurs de l’ovulation, 26 à 47 % des praticiens ont modifié leur pratique, avec limitation du nombre de cycles d’induction. Pour l’ovaire polykystique, il paraît raisonnable de limiter le nombre de cycles de citrate de clomiphène, de passer à la FIV après 6 à 12 cycles ou de proposer les alternatives à l’induction de l’ovulation comme le drilling ovarien.
  • Comment surveiller ultérieurement les femmes ayant reçu des traitements inducteurs de l’ovulation ? Il n’y a pas de consensus pour considérer ces femmes comme faisant partie d’une population à risque de cancer de l’ovaire et devant, de ce fait, bénéficier d’une surveillance spécifique par échographie et marqueurs ovariens par exemple. Cependant, nous recommandons pour les nullipares infécondes ayant subi de nombreux traitements inducteurs de l’ovulation de bénéficier d’une surveillance clinique annuelle associée à un dépistage échographique systématique.

2/ L’importance des médias et de la presse écrite est telle qu’il est nécessaire que les professionnels de santé

  • soient plus impliqués dans la diffusion de l’information destinée au grand public,
  • puissent donner des réponses scientifiques aux communiqués de presse non validés médicalement.

Bibliographie

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Service de Gynécologie-Obstétrique A, Hopital Femmes-Enfants, CHU de Nantes 44035 NANTES CEDEX