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2011 > Néonatologie > Soins palliatifs en néonatologie  Telecharger le PDF

Soins palliatifs en période néonatale

F. Gold , P. Bétrémieux et S. Parat

Introduction

Depuis les années 60, date du développement de la réanimation néonatale dans les pays à haut développement médico-technique, obstétriciens et pédiatres se sont préoccupés des situations de fin de vie en période périnatale : on pratiquait des arrêts de soins et même parfois des arrêts de vie ; on « accompagnait » l’enfant et sa famille dans ces situations ; plus récemment, on avait fait de grands progrès dans la prise en charge de l’inconfort et de la douleur du nouveau-né, et on avait développé des soins personnalisés de développement au profit de tous les petits patients ; mais on ne parlait guère de soins palliatifs en périnatalité.

C’est la loi du 22 avril 2005 qui a introduit cette dimension en néonatologie : apparus chez l’adulte dans les années 60, les soins palliatifs se sont développés plus récemment en pédiatrie ; on commence donc à évoquer  la possibilité d’y recourir en période néonatale [1].

Ce que sont les soins palliatifs

L’accès aux soins palliatifs est prévu comme une alternative à l’obstination déraisonnable dans la loi du 22 avril 2005, loi relative aux droits des malades et à la fin de vie (dite « Loi Leonetti » [2]) et figure au Code de la Santé Publique à l’article L1110-10. Les soins palliatifs y sont définis comme « des soins actifs et continus, pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile qui visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ».

Le nouveau-né est concerné par la loi du 22 avril 2005 car elle prévoit le cas des sujets qui ne sont pas en état d’exprimer eux-mêmes leur avis et on peut parfois identifier une obstination déraisonnable en période néonatale, comme l’a reconnu le CCNE dans son avis n° 65 [3]. Tous les actes médicaux pratiqués chez le nouveau-né sont conditionnés par leur caractère proportionné : des actes inutiles ou disproportionnés définissent une obstination déraisonnable. Dès lors qu'une éventuelle obstination déraisonnable est identifiée, un abandon des thérapeutiques actives de soutien vital doit donc être envisagé. La décision doit être documentée par les éléments du dossier médical (pré ou post natal) et être collective; la loi exige de recueillir l’avis d’un consultant indépendant de l’équipe soignante du patient et l’avis des parents ; enfin la démarche doit être consignée dans le dossier du patient. Dès lors qu’une telle décision a été prise, la mise en œuvre de soins palliatifs s’impose [2].

Spécificités des soins palliatifs en période néonatale

Les soins palliatifs chez le nouveau-né sont particuliers dans les domaines juridique, médical et psychologique.

Spécificités juridiques

            Avant la naissance, en droit français, le fœtus n'est pas une personne juridique, et il n'est donc titulaire d'aucun droit ; il fait partie du corps de sa mère : c'est elle qui décide d'une interruption volontaire de grossesse; c'est elle qui demande, ou ne demande pas, une interruption de grossesse pour motif médical (IMG) en cas de pathologie fœtale sévère et documentée, et ce «à toute époque» de la grossesse : la possibilité légale d'interruption de la grossesse est très présente de ce fait dans les discussions des Centres Pluridisciplinaires de Diagnostic Prénatal.

Après la naissance, le nouveau-né au contraire est un sujet titulaire de droits, à commencer par le droit à la vie, dès lors qu'il est né vivant (c'est à dire qu’il s'adapte correctement à la vie extra-utérine, soit spontanément, soit sous l'effet des manœuvres codifiées d'assistance en salle de naissance) et viable (terme d’au moins 22 semaines d’aménorrhée ou poids d’au moins 500 g). Toute atteinte intentionnelle à la vie du nouveau-né (euthanasie) est interdite aux professionnels de santé.

Le «fossé» juridique séparant fœtus et nouveau-né, alors même que tous deux sont tenus pour un patient par les professionnels de santé (principe éthique dit «du fœtus comme un patient»), est parfois difficilement compréhensible par les parents, et complique la recherche par les soignants d’une véritable cohérence obstétrico-pédiatrique.

Spécificités médicales

La démarche qui conduit à la mise en œuvre de soins palliatifs comporte des particularités en période périnatale :

  • l’identification d’une obstination déraisonnable peut intervenir avant la naissance : le diagnostic d’une affection fœtale d’une particulière gravité considérée comme incurable au moment du diagnostic ouvre en effet la possibilité légale d’une IMG ; mais si la grossesse est poursuivie, va survenir la naissance vivante d’un nouveau-né pouvant relever d’emblée de soins palliatifs.
  • lors de la formalisation du renoncement thérapeutique curatif, entre abstention, limitation et arrêt de certains ou de tous les traitements, il peut être difficile de déterminer ce que seront exactement des soins proportionnés, notamment après une période initiale de traitements intensifs à visée curative.
  • la durée prévisible de mise en œuvre des soins palliatifs chez le nouveau-né est souvent indéterminée, éventuellement longue : chez le nouveau-né en effet, la pathologie qui conduit à envisager une obstination déraisonnable est généralement une pathologie fixée d'origine congénitale (malformation) ou périnatale (accident cérébral de l’extrême prématurité, asphyxie du nouveau-né à terme). dont l’évolution individuelle est imprévisible, et chaque équipe a rencontré des survies prolongées improbables qui viennent rappeler le caractère aléatoire de la prédiction en médecine. L’incertitude quant à la durée de vie post-natale doit impérativement être communiquée aux parents lorsque des soins palliatifs sont entrepris.

Spécificités psychologiques

Considérer l'entrée en soins palliatifs conduit implicitement à accepter dans le projet de soin l'éventualité de la mort du patient ; or, envisager la fin de vie de quelqu'un au tout début de sa vie est une démarche qui n'est ni naturelle ni aisée. A l'inverse, l'histoire de l'Humanité a depuis toujours intégré le risque élevé que représente l'accouchement tant pour la femme que pour son bébé : un décès précoce du nouveau-né n'est souvent pas considéré à l'égal de celui d'un sujet plus âgé, tant par les soignants que par les parents. Ces deux considérations contradictoires rendent compte de l'extrême variabilité du contexte psychologique familial dans lequel va se situer l'entrée en soins palliatifs d’un nouveau-né.

 Ce que ne sont pas les Soins palliatifs du nouveau-né

Le code de la santé, en France, condamne explicitement deux pratiques : l’obstination déraisonnable et l’euthanasie active. Le mot « euthanasie » ne s’appliquant, selon certains, qu’à des sujets conscients capables d’exprimer leur volonté, l’expression   « arrêt de vie » a été employée en néonatologie pour désigner le fait de provoquer la mort d’un nouveau-né. L’arrêt de vie a été défini comme « l’utilisation de médications visant à interrompre la vie chez un sujet ne dépendant pas de traitements de support vital (exemple : anesthésiques généraux) » [4,5].  Cette attitude n’est pas du domaine des soins palliatifs.

 

 Construction d’un projet de soins palliatifs chez le nouveau-né : les 3 étapes du projet palliatif

L’identification d’une obstination déraisonnable, avérée ou potentielle

Quatre situations principales d’entrée en soins palliatifs chez le nouveau-né peuvent être distinguées:

Situations issues du diagnostic prénatal  [6]

L’interruption de grossesse pour motif médical (IMG) est permise, en France, quel que soit le terme, lorsqu’il y a pour l’enfant à naître une forte probabilité de maladie grave et incurable en l’état actuel de la science, sur demande de la mère et après avis de deux experts d’un Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal. Si la mère ne demande pas à interrompre sa grossesse, l’enfant peut naître vivant et les pédiatres auront à prendre en charge un enfant dont le pronostic vital et fonctionnel est supposé fortement altéré.

Pour élaborer leur décision au moment où l'interruption est encore possible, ou pour décider d'accueillir leur enfant vivant, les couples bénéficieront d’un dialogue avec l’obstétricien, la sage femme, et le néonatalogiste, en général au cours de plusieurs rencontres. La première d’entre elles est capitale pour nouer un lien de confiance entre les parents et les équipes. Elle aura lieu à quelque distance de l’annonce, si possible avant la période de viabilité. Cela ménage une période de réflexion, permettant  à la mère (les parents) de mettre en balance la possibilité d’une IMG et la demande d'abstention de soins intensifs accompagnée d'une prise en charge palliative à la naissance.

Naissances à la limite de la viabilité extra-utérine

En cas de naissance extrêmement prématurée, il peut être particulièrement difficile de choisir, souvent dans l’urgence, entre la mise en route de soins actifs, et le recours à des soins palliatifs pour éviter l'obstination déraisonnable. Les soins intensifs sont généralement justifiés en cas de naissance à partir de 26 semaines d’aménorrhée (SA), et non justifiés à 23 SA ou avant. Les naissances à 24 et 25 SA correspondent à une « zone grise » de grande incertitude pronostique, dans laquelle la volonté des parents est un élément majeur dans l’élaboration de la décision. Les éléments qui peuvent amener à une décision d’abstention de soins intensifs à la naissance d’un extrême prématuré viennent d’être envisagés en détail [7].

Situations issues de la réanimation néonatale

Elles concernent des nouveau-nés qui ont bénéficié d’un projet de soin curatif mais pour lesquels les complications apparues secondairement ne permettent plus de justifier un projet thérapeutique devenu déraisonnable et induisent un changement d’orientation de la prise en charge qui devient palliative. Il peut s’agir de grands prématurés dont l’évolution est compliquée par la survenue de pathologies neurologiques (hémorragies intra-ventriculaires de haut grade, lésions étendues de la substance blanche), digestives (entérocolite ulcéro-nécrosante grave nécessitant une résection intestinale étendue), respiratoires (dysplasie broncho-pulmonaire majeure) ou autres (rénales, hémodynamiques). Rentrent aussi dans ce cadre les nouveau-nés à terme ou proche du terme ayant bénéficié initialement d’une réanimation et présentant, soit une encéphalopathie anoxo-ischémique dont le bilan neurologique permet d’avoir la quasi-certitude d’un pronostic très péjoratif, soit une défaillance d’organe jugée irréversible.

Situations inopinées

L'asphyxie périnatale sévère à terme, l'extrême prématurité (AG < 28 semaines), la naissance d'un nouveau-né porteur de malformations non dépistées : telles  sont les circonstances qui posent des problèmes difficiles aux équipes périnatales et  de SMUR pédiatrique. Envisager la mise en place de soins palliatifs dès la naissance dans ces cas est possible, mais l’absence de connaissance suffisante de la situation, inhérente à cette naissance inopinée, amène à recommander la mise en route de soins curatifs (réanimation d’attente comprise) chaque fois qu’il existe une incertitude pronostique.

Les différentes modalités de non recours aux  thérapeutiques curatives chez le nouveau-né 

Abstention ou arrêt des traitements curatifs

L’abstention des traitements intensifs (« withholding » en anglais) correspond à la décision de n’entreprendre aucune intervention autre que celles concernant les soins de confort (ensemble des actes et attitudes qui visent à assurer le bien-être physique et psychique de l’enfant).  La cessation de ces mêmes traitements curatifs ou intensifs correspond à la décision d’interrompre ces traitements (« withdrawing » en anglais), y compris les traitements de support vital (exemple : arrêt de la ventilation mécanique), tout en poursuivant les soins de confort [4,5].  Le renoncement aux traitements curatifs, selon ces 2 modalités (abstention et cessation) implique le recours aux soins palliatifs.

Cas particulier : l’arrêt de la nutrition/hydratation artificielle :  

La question de l'arrêt de la nutrition artificielle (entérale ou parentérale) se pose  assez peu en termes de rapport effets bénéfiques / inconvénients, de même que ce n’est pas en général en ces termes que les discussions d’arrêt de ventilation mécanique sont abordées, mais plutôt en terme de retrait des moyens artificiels permettant à une évolution naturelle de se faire et à la mort de survenir si elle doit survenir (laisser mourir..).   Il s’agit avant tout de savoir si la nutrition artificielle peut être considérée comme d'autres traitements de support vital. Dans la rare littérature consacrée au problème, certains le pensent [8,9].

Certes, sur le plan théorique, la nutrition artificielle peut être considérée comme les autres traitements de suppléance vitale et à ce titre peut être arrêtée, mais sur le plan pratique, la dimension symbolique de l’alimentation chez le nouveau-né rend les choses beaucoup plus complexes [10]. Tout au plus peut-on rapporter que pour certaines équipes l’alimentation-hydratation artificielle représente une thérapeutique active que l’on peut arrêter, alors que pour d’autres, cette attitude est considérée comme trop violente pour être appliquée au nouveau-né, dans l’état actuel des connaissances.

L’élaboration de la démarche palliative néonatale avec la famille 

L’intentionnalité du projet de soins palliatifs en est la caractéristique principale. Elle en fait l’étrangeté pour des parents en détresse, confrontés à la gravité de l’état de leur enfant, laissant parfois présager une mort prochaine. Les soins palliatifs ramènent à la question du temps encore à vivre pour l’enfant. La mort reste bien sûr présente en filigrane dans les échanges, mais au fil des discussions on va voir s’élaborer une pensée davantage tournée vers la qualité de la vie. Il est important que les équipes obstétricale et pédiatrique soient au clair avec l’intentionnalité de leur démarche de soins palliatifs car ceci va se traduire immédiatement dans les mots, par l’utilisation d’une terminologie délibérément tournée vers le temps de vie. Quand les derniers instants s’approcheront, au contraire, il sera licite d’utiliser des termes évoquant la mort.

Les parents dialoguent avec une équipe et  non avec un médecin seul ; pour autant un membre de l’équipe médicale peut être leur interlocuteur privilégié, leur « médecin référent ». Le contrat qui va s’établir entre soignants et parents est le fruit d’une réflexion commune des obstétriciens, des sages femmes, des pédiatres, des puéricultrices et des psychologues ou psychiatres; du côté familial il est le fruit du dialogue des deux parents s’accordant sur ce qu’il y a lieu ou non d’entreprendre ou de poursuivre. C’est cette rencontre multipartite qui permet aux fantasmes et aux souhaits les plus « fous » à la fois de s’exprimer mais aussi d’être contenus par des réponses pluridisciplinaires.

Dès  les premières phases d’élaboration du projet de soins palliatifs, il y a lieu de souligner auprès des parents que ce projet pourra être rediscuté en fonction de la réalité clinique de l’enfant : une menace d’accouchement prématuré rend la prise en charge différente de celle d’une naissance à terme, de même qu’une rupture des membranes, une infection maternelle, modifient considérablement le domaine du possible et du souhaitable. La découverte à la naissance d’anomalies supplémentaires passées inaperçues in utero nécessiterait également une nouvelle discussion pour définir ensemble ce que l’on peut faire.

Le temps de vie : L’incertitude du temps de soins palliatifs est une donnée fondamentale du problème. Le temps de vie est de durée indéterminée, et doit permettre la rencontre des parents avec l’enfant dans le confort. Cette notion n’est pas innée en milieu hospitalier : l’activité débordante, l’urgence, la peur des questions et des actions qui vont jalonner ce temps en suspens, l’incertitude sur l’issue éventuelle néanmoins pressentie comme fatale, vont générer des angoisses parentales auxquelles répondent des angoisses chez les professionnels concernés. L’anticipation que ce temps passé est fondamental pour le processus de rencontre, permet d’aborder cette étape dans une sérénité non dénuée d’émotions. La rencontre avec l’enfant vivant (même brièvement), suivie de sa mort, permet un attachement suivi d’un deuil ; la rencontre avec la mort suivie de la naissance enclenche probablement le processus de deuil de manière totalement différente. C’est pour la même raison qu’il n’est pas souhaitable de présenter comme « mort-né » un enfant qui a vécu très brièvement.

Le temps de la mort : La mort néanmoins ne doit pas être éludée sous le prétexte que les soins palliatifs trouvent leur raison d’être dans la période de vie qui la précède, ne serait-ce que pour permettre aux parents de préciser les rituels qu’ils souhaiteraient pouvoir respecter. Certains hôpitaux sont confrontés à une importante diversité culturelle. L’idée directrice est de créer un espace de liberté  où la discussion au cas par cas remplace les projections d’équipe ou de personnes. Comme il est presque impossible de connaître l’ensemble des particularités culturelles en ce domaine,  il semble plus sage de poser la question « Qu’est-ce que vous souhaitez ? » plutôt que de présumer une « bonne » manière de faire, tout en proposant les services d’un interprète si des difficultés linguistiques sont présentes.

Mise en pratique en salle de naissance 

En dehors des situations où le pronostic a pu être établi de façon certaine avant la naissance (naissance vivante d’un enfant atteint d’une pathologie grave et incurable dont la mère n’a pas demandé l’IMG) ou des situations à la limite de la viabilité, la mise en place de soins palliatifs dès la salle de naissance est exceptionnelle.

Prise en charge générale en salle de naissance

La présence du pédiatre reste incontournable en salle de naissance, car c’est l’examen du nouveau-né qui permet de confirmer les anomalies décrites avant la naissance ou la grande immaturité tout en appréciant les fonctions vitales du nouveau-né.

L’insuffisance des grandes fonctions vitales (absence de respiration  autonome, voire d’activité cardiaque suffisante ; score d’Apgar nul), conduit à s’abstenir de toute manœuvre de réanimation en salle de naissance et à entrer d’emblée dans la phase terminale des soins palliatifs.

En cas de détresse respiratoire, il est possible d’envisager une sédation et c’est l’intensité de la dyspnée qui conditionnera la voie d’administration du traitement. En cas de dyspnée sévère la voie veineuse permet d’améliorer rapidement le confort des enfants en toute fin de vie. Les voies sublinguale et digestive semblent moins rapidement efficaces, tandis que la voie intra rectale à la naissance semble présenter une biodisponibilité aléatoire et imprévisible, 

Dans les cas où le décès est à l’évidence proche on essaye de ne pas retarder le contact des parents avec leur enfant. Si besoin on privilégiera la pose d’un cathéter ou d’un cathéter court  au niveau de la veine ombilicale, car c’est une voie d’abord fiable, non douloureuse et de durée d’utilisation prolongée. Si un traitement médicamenteux est nécessaire, le même traitement que celui des enfants pour lesquels la ventilation mécanique est arrêtée est préconisé (voir ci-après).

En cas de décès rapide en salle de naissance, que garde-t-on après la mort : une photo, des cheveux, une empreinte de la main ou du pied ? Que propose-t-on aux parents ? Il n’y a bien sûr aucune réponse stéréotypée. Les propositions les plus diverses n’ont qu’un but : ancrer ce bébé dans l’humanité. Les moyens d’y parvenir importent peu s’ils sont reconnus par les parents comme une démarche humaniste et non la projection de positions personnelles.

Dans les cas où l’adaptation du nouveau-né est correcte, laissant présager d’un temps de vie plus long, la prise en charge de l’enfant privilégie à la fois son confort, (maintien de la température, prévention et traitement de la douleur) tout en préservant le contact avec ses parents, si ceux-ci le souhaitent. Lorsque cela est possible, il semble d’ailleurs intéressant de privilégier le temps en salle de naissance qui réunit à la fois les parents et l’enfant avant que les contraintes de l’hospitalisation de l’enfant ne les séparent. En effet le service de néonatalogie est en général  plus habitué à gérer les situations de fin de vie que les structures de maternité. Dès la salle de naissance, il y a lieu de s’interroger sur la pertinence de tout geste pratiqué (pose d’une sonde gastrique, d'une voie veineuse, d’une surveillance par cardiomoniteur…)

Les analgésiques morphiniques

constituent la base du traitement et leur utilisation repose sur la titration. Un bolus précédant la mise en route d’une perfusion continue permet d’obtenir un effet antalgique plus rapide. Du fait de son pouvoir antalgique, de sa longue demi-vie et de ses moindres effets secondaires (rigidité thoracique), on préfère la morphine. En cas de persistance d’un inconfort, la dose sera augmentée par titration, après administration d’un nouveau bolus. Aucune augmentation des doses n’est nécessaire si l’enfant semble confortable avec la dose administrée. La tolérance induite par ces médicaments peut cependant amener à augmenter la posologie au bout de quelques jours. En l’absence de voie veineuse, mais surtout en fonction de la situation clinique, la morphine peut être utilisée par voie sous cutanée. La voie intramusculaire, douloureuse en elle-même, sera évitée.  Le Chlorhydrate de morphine peut être donné per os toutes les 4 à 6 h ou en intra-rectal à la dose de  0,2 à 0,5 mg /kg/j ; par voie IV, IM, SC toutes les 2 à 4h à la dose 0,05 à 0,1 mg/kg, ou en IV continue à la dose de 0,01-0,02 mg/kg/h.

La sédation

a donné lieu à la rédaction de recommandations de la SFAP [11] dont certaines s’appliquent aux nouveau-nés.

L’utilisation de sédatifs anxiolytiques comme les benzodiazépines est intéressante en association avec un antalgique. Comme les morphiniques, elles sont source de dépression respiratoire. Le midazolam est administré IV en bolus de 0,03 à 0,1 mg/kg ou en continu à 0,05 mg/kg/h  ou encore à la dose de 0,2 à 0,3 mg Intra rectal. L’administration de Diazepam est possible en injection intraveineuse (potentiellement douloureuse) ou per os ou intra rectal à la dose de 0,3 à 0,5 mg/kg

La kétamine a d’excellentes propriétés analgésiques aussi bien pour les douleurs aiguës que chroniques. Elle préserve la respiration spontanée. On peut être gêné par les phénomènes d’émergence (à type d’hallucination), mal évalués chez le nouveau-né  et par l’hypersécrétion des glandes salivaires et bronchiques, risque limité par l’administration préalable d’atropine (0,01 à 0,02 mg/kg). La kétamine a une excellente tolérance par voie veineuse (0,5 à 2 mg/kg) chez le nouveau-né ou par voie digestive (2 à 5 mg/kg per os ou intra-rectal) et permet de diminuer les doses de morphine.

Des situations délicates

peuvent être rencontrées, notamment lors de l’arrêt de la ventilation mécanique.

La dyspnée sévère correspond à la perception d’une sensation d’inconfort liée à une respiration inefficace. Trois composantes sont individualisées chez l’adulte : « manque d’air », sensation d’une accentuation du travail respiratoire, constriction pulmonaire. Des analogies entre perception de la douleur et de la dyspnée existent. Chez l’enfant en fin de vie, elle est très inconfortable. Chez le nouveau-né, des données suggèrent la présence d’un inconfort. Son évaluation n’est pas simple, mais dans le doute l’utilisation d’un morphinique permet au moins la prise en charge de la composante douloureuse du phénomène.

Les gasps réflexes posent surtout la question de l’existence ou non d’une douleur associée. Ils sont perçus comme une source d’inconfort majeure par la majorité des parents qui y assistent. Mais l’existence d’une douleur ressentie apparaît très peu probable au vu de la physiologie. Devant l’impossibilité d’en apporter la preuve formelle, le débat est autant éthique que médical.

D’autres situations cliniques peuvent nécessiter une prise en charge particulière et des traitements médicamenteux en soins palliatifs comme par exemple une décompensation cardiaque sévère, des convulsions, des vomissements.

Bien que l’on ne dispose pas en France d’enquête détaillée récente en la matière,  l’application de la loi du 22 avril 2005 dans les services de néonatalogie a accompagné une évolution déjà perceptible depuis quelques années et marquée par :

  • une volonté des néonatalogistes d’inscrire désormais leurs pratiques dans le cadre de la loi ;
  • une maturation de la réflexion dans le domaine de la fin de vie au sein des équipes concernées ;
  • une évolution vers plus de  transparence et de collégialité lors des discussions et des décisions dans ce domaine ;
  • la proposition plus fréquente d’une prise en charge de type « soins palliatifs » chez les patients dont la fin de vie a pu être anticipée ;
  • l’association plus importante des familles à la réflexion et aux décisions.

C’est probablement ce qu’avait voulu le législateur. Reste à développer l’enseignement et la recherche clinique dans ces domaines, afin que les équipes concernées puissent disposer de critères d’évaluation permettant de guider leurs orientations futures.

Références

  1. Bétrémieux P, Gold F, Parat S, et al. Réflexions et propositions autour des soins palliatifs en période néonatale. Arch Pédiatr 2010 ; 17 : 407-425.
  2. Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Journal officiel de la République Française 23 avril 2005 p7089
  3. Avis du CCNE N° 65 du 14 septembre 2000 disponible sur internet : URL :http://www.ccne-ethique.fr/avis 
  4. Dehan M, Gold F, Grassin M, et al. Dilemmes éthiques de la période périnatale : recommandations pour les décisions de fin de vie. Arch Pédiatr 2001;8 :407-19.
  5. Dageville C, Rameix S, Andrini P et al. Fin de vie en médecine néonatale à la lumière de la loi. Arch Pédiatr 2007;14:1219-30.
  6. Bétrémieux P. Soins palliatifs aux nouveau-nés : une réponse aux questions posées par le diagnostic anténatal ? Médecine palliative - Soins de support - Accompagnement -  Éthique 2008 ; 7 : 191-4.
  7. Naissances très prématurées : dilemmes et propositions de prise en charge. G. Moriette, S. Rameix, E. Azria,  et al. Arch Pédiatr 2010 ; 17 : 518-539.
  8. Carter BS, Leuthner SR. The ethics of withholding/withdrawing nutrition in the newborn. Semin Perinatol 2003.6:480-7.
  9. Rebagliato M, Cuttini M, Broggin L, et al. EURONIC Study Group (European Project on Parents' Information and Ethical Decision Making in Neonatal Intensive Care Units). Neonatal end-of-life decision making: Physicians' attitudes and relationship with self-reported practices in 10 European countries. JAMA 2000;284(19):2451-9.
  10. Le Grand-Sébille C, « Nourrir un bébé en phase palliative. Regards de soignants et de parents », in L’art de nourrir les bébés, sous la dir. de M. Szejer, Albin Michel, 2008, pp. 242-253.
  11. Recommandations de la SFAP. Disponible sur Internet : URL : http://www.sfap.org/pdf/III-O5-pdf.pdf

 

F. Gold, P. Bétrémieux, S. Parat - Au nom du Groupe de réflexion sur les aspects éthiques de la périnatologie