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2011 > Néonatologie > Anemies neonatales  Telecharger le PDF

Anémies néonatales congénitales et/ou rares

F. Gold

 

Introduction

Une anémie néonatale se définit comme un taux d’hémoglobine et/ou d’hématocrite inférieur à - 2 DS par rapport aux valeurs normales chez un sujet âgé de moins d’un mois. Toutefois, sachant qu’en période néonatale ces valeurs normales varient notablement selon l’âge gestationnel initial et l’âge post-natal de l’enfant [1], il est difficile d’en fournir des repères opératoires aisés tenant compte de ces paramètres. C’est la raison pour laquelle pour la pratique clinique, en tenant compte du fait qu’un nouveau-né à terme a normalement un taux d’Hb  situé entre 16 et 20 g/dl, on considère habituellement comme anémique tout nouveau-né dont le taux d’Hb est < 13 g/dl, cette anémie étant dite sévère si ce taux est < 10 g/dl.

On distingue habituellement 3 grandes catégories étiologiques d’anémies néonatales selon le mécanisme de la déglobulisation : les pertes sanguines, les destructions excessives de globules rouges (GR), les défauts de production de GR. Le thème de cet exposé concerne des étiologies qui appartiennent aux deux dernières catégories de cette classification. Les causes rares d’anémie néonatale étant extrêmement nombreuses [2], seules les étiologies principales seront envisagées.

1.    Destructions excessives de GR = Hémolyses néonatales

Chez le nouveau-né, la durée de vie normale des hématies fœtales dont il a hérité est en moyenne de 70 jours. Les hémolyses néonatales sont les situations dans lesquelles cette durée de vie est raccourcie. D’une façon générale, elles se caractérisent par l’association de l’anémie avec un ictère, qui en constitue souvent l’élément principal de gravité pour le nouveau-né en raison du risque d’ictère nucléaire (encéphalopathie hyperbilirubinique) ; et par leur caractère régénératif, qui se traduit par un taux normal ou élevé de réticulocytes circulants, en tenant compte du nombre souvent déjà élevé de réticulocytes du nouveau-né normal (jusqu’à 150-200 000/mmcube).

Les plus fréquentes sont de nature acquise et de mécanisme immunologique, et correspondent aux incompatibilités sanguines foeto-maternelles, principalement ABO, rhésus D, c E, Kell, Duffy [3] . D’autres toutefois ont une origine congénitale non immunologique : on les distingue habituellement en 3 catégories selon le mécanisme de la fragilisation érythrocytaire responsable de l’hyper-hémolyse.

1.1.        Défauts membranaires des GR

Il s’agit de pathologies congénitales héréditaires à transmission autosomique dominante, ce qui explique que sont souvent retrouvés des antécédents familiaux hématologiques qui constituent un bon élément d’orientation. Elles partagent également en commun le fait que les défauts membranaires responsables de l’hémolyse provoquent des anomalies morphologiques des GR observables sur frottis sanguin entre lame et lamelle, et qui constituent un gros argument diagnostique.

La sphérocytose héréditaire, ou maladie de Minkowski-Chauffard, est l’hémolyse congénitale la plus fréquente chez les caucasiens, atteignant en Europe un sujet sur 2 à 5 000. Elle répond à la transmission autosomique dominante dans 80% des cas. Le défaut membranaire qui sous-tend cette maladie concerne des protéines du cytosquelette des GR, notamment la spectrine [4].

Les nouveau-nés porteurs de cette affection sont symptomatiques dans 2/3 des cas : anémie, ictère et splénomégalie constituent, chez un enfant indemne d’incompatibilité sanguine foeto-maternelle (test de Coombs direct négatif à plusieurs reprises chez le nouveau-né), la triade clinique cardinale de la maladie. La présence de sphérocytes (GR sphériques) sur le frottis sanguin est caractéristique de l’affection : il faut toutefois signaler que des incompatibilités sanguines foeto-maternelles peuvent également s’accompagner de la présence de sphérocytes sur le frottis. La fragilité membranaire érythrocytaire est affirmée par la diminution de la résistance osmotique des GR aux solutions hypotoniques, mais cet examen est d’interprétation délicate en période néonatale.

L’elliptocytose héréditaire est une maladie voisine. Elle touche des sujets d’origine africaine et méditéranéenne. Le défaut membranaire concerne d’autres protéines structurales de la  membrane des GR. Les elliptocytes sont visibles sur le frottis sanguin.

1.2.        Déficits enzymatiques érythrocytaires

Il s’agit également  de pathologies congénitales héréditaires, à transmission variable selon le déficit en cause.

Le déficit en glucose-6-phosphate-déshydrogénase (G6PD) est le plus fréquent de tous les déficits congénitaux des GR. Ce déficit enzymatique provoque dans l’hématie un défaut de détoxification cellulaire en radicaux libres qui est lui-même responsable de l’hémolyse. Le déficit en G6PD est une maladie à transmission récessive liée à l’X, qui atteint donc très préférentiellement les garçons. Les sujets touchés sont souvent d’origine africaine, asiatique ou méditéranéenne (favisme congénital) [5].

En période néonatale, cette affection peut être responsable d’une hémolyse intra-vasculaire intense et donc d’un ictère sévère, volontiers décalé de quelques jours par rapport à la naissance, éventuellement méconnu pendant un certain temps en raison de la pigmentation ethnique du nouveau-né, et qui peut justifier le recours à une exsanguino-transfusion en urgence. Sur le frottis sanguin, la présence de corps de Heinz correspond à des dépôts intra-érythrocytaires d’hémoglobine dégradée. C’est le dosage enzymatique érythrocytaire de l’activité G6PD qui affirme le diagnostic. Ce diagnostic conduit à informer précisément les parents sur les circonstances dangereuses pour l’enfant (aliments, médicaments, etc), et à épingler dans son carnet de santé la liste complète des produits susceptibles de provoquer une crise hémolytique chez lui.

Le déficit en pyruvate-kinase (PK) est beaucoup plus rare que le déficit en G6PD. C’est une affection congénitale héréditaire à transmission autosomique récessive. Le déficit enzymatique provoque ici un défaut de production d’énergie dans la cellule, responsable de l’hémolyse. Le diagnostic est affirmé par le dosage enzymatique érythrocytaire de l’activité PK : toutefois, compte-tenu de la rareté de ce déficit, et du coût élevé de ce dosage, il n’est pas justifié, comme on le fait souvent, de prescrire en première intention chez un nouveau-né ce dosage systématiquement en association avec le dosage érythrocytaire de G6PD chaque fois que ce dernier paraît indiqué.

1.3.        Maladies de l’hémoglobine

Chez le nouveau-né, l’hémoglobine circulante a normalement la composition suivante : Hb F = 60-80% ; Hb A = 15-40% ; Hb Bart < 1%. Du fait de cette composition, dans laquelle l’hémoglobine fœtale est majoritaire, il n’est pas fréquent que les hémoglobinopathies se révèlent en période néonatale ; quand elles le font, c’est habituellement sous la forme d’une anémie hypochrome microcytaire.

C’est ainsi par exemple que la drépanocytose (hémoglobinose S) n’est en règle pas symptomatique chez le nouveau-né ; d’où l’intérêt du dépistage sur papier buvard de cette affection par électrophorèse de l’hémoglobine, pratiquée au moment des dépistages biologiques habituels (> 72 heures de vie) du nouveau-né. A l’heure actuelle, en France métropolitaine, ce dépistage optionnel est pratiqué en cas d’antécédent familial et chez les nouveau-nés dont l’un ou les deux parents sont originaires d’une zone étiquetée à risque élevé de drépanocytose : Antilles, Guyane, Afrique sub-saharienne, Asie du sud-est.

De la même façon, les thalassémies, qui sont des déficits ou des défauts de production des chaînes de la globine qui affectent 4,5% de la population mondiale, sont rarement des pathologies du nouveau-né. La beta-thalassémie homozygote (maladie de Cooley) n’est guère observée avant l’âge du nourrisson ; l’alpha-thalassémie homozygote, qui touche préférentiellement des sujets originaires du pourtour méditéranéen, de Chine du sud et d’Asie du sud-est, est d’une telle gravité dès la période foetale (mort fœtale in utero, anasarque foeto-placentaire) qu’elle donne lieu à un dépistage systématique dans les zones concernées [6].

2.    Défauts de production (médullaire) de GR

Après 6 mois de vie intra-utérine environ, c’est la moelle osseuse fœtale qui est le siège prédominant de la production des GR. Certaines pathologies rares sont susceptibles de réduire cette production : il en résulte des anémies qui sont de type macrocytaire et qui s’accompagnent d’une réticulocytopénie ; de plus, ces anémies s’associent dans de nombreux cas à d’autres anomalies malformatives, qui ont une grande valeur d’orientation diagnostique. Deux pathologies principales doivent être en pratique évoquées.

L’anémie de Fanconi est une maladie congénitale héréditaire à transmission autosomique récessive. Dans cette maladie, les cellules progénitrices médullaires sont atteintes d’apoptose précoce, ce qui occasionne une pancytopénie progressive. Quatre pour 100 seulement des sujets atteints sont diagnostiqués au cours de la première année de vie. Dans sa (rare) forme néonatale typique, cette anémie associe chez le nouveau-né : petite taille ; anomalies des extrémités, en particulier des radius et des pouces ; anomalies cutanées, notamment zones hypo-pigmentées et tâches café au lait. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’une fragilité chromosomique. Ultérieurement dans la vie, cette affection se présente habituellement sous la forme d’une pancytopénie, dont l’âge habituel de diagnostic se situe aux alentours de 7-8 ans.

L’anémie de Blackfan-Diamond au contraire est une pathologie spécifique de la lignée rouge, dont la cause reste actuellement inconnue. Elle est beaucoup plus souvent observée en période néonatale que ne l’est l’anémie de Fanconi, puisque un quart environ des sujets touchés sont anémiques à la naissance (90% des sujets atteints sont diagnostiqués au cours de la première année de vie) ; ses manifestations sont très voisines de cette dernière : elle comporte notamment dans environ un tiers des cas d’autres anomalies congénitales telles que microcéphalie, fente palatine, nuque épaisse, et également anomalies des pouces .

Enfin, il faut signaler que certaines maladies héréditaires du métabolisme ou cytopathies mitochondriales (syndrome de Pearson) [7] et certaines infections materno-fœtales anténatales peuvent être responsables d’une anémie centrale du nouveau-né. C’est notamment le cas de l’infection à virus Parvovirus B 19, dont la recherche est systématiquement effectuée chez la mère et chez l’enfant dans ces circonstances.

Au total, et malgré la rareté de nombre de ces affections, une anamnèse personnelle et familiale complète, un examen clinique détaillé du nouveau-né, et des examens complémentaires courants (numération-formule sanguine avec compte des plaquettes et des réticulocytes, examen du frottis sanguin entre lame et lamelle, groupes sanguins complets de la mère et du nouveau-né, test de Coombs direct chez l’enfant, dosage de bilirubine totale et libre, dosage de G6PD érythrocytaire), permettent souvent de s’orienter vers la cause d’une anémie néonatale congénitale et/ou rare. Lorsque ce n’est pas le cas, le diagnostic étiologique, indispensable pour une bonne prise en charge à long terme de l’enfant, nécessite de recourir à un avis hématologique spécialisé.

Références

  1. Bizzaro MJ, Colson E, Ehrenkranz RA. Differential diagnosis and management of anemia in the newborn. Pediatr Clin N Am 2004 ; 51 : 1087-1107
  2. Aher S, Malwatkar K, Kadam S. Neonatal anemia. Seminars in Fetal and Neonatal Medicine 2008 ; 13 : 239-247
  3. Moise KJ. Fetal anemia due to non Rhesus-D-red-cell alloimmunization. Seminars in Fetal and Neonatal Medicine 2008 ; 13 : 207-214
  4. Delhommeau F, Cynober T, Schischmanoff P et al. Natural history of hereditary spherocytosis during the first year of life. Blood 2000 ; 95 : 393-397
  5. Beutler E. G6PD deficiency. N Engl J Med 1991 ; 324 : 169-174
  6. Leung WC, Leung KY, Lau ET et al. Alpha-thalassemia. Seminars in Fetal and Neonatal Medicine 2008 ; 13 : 215-222
  7. Morel AS et al. Early neurological impairment and severe anemia in a newborn with Pearson syndrome. Eur J Pediatr 2009 ; 168 : 311-315

 

F. GOLD.