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Titre: Syndrome de Turner et procréation
Année: 2001
Auteurs: - Letur-Könirsch M.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Syndrome de Turner

SYNDROME DE TURNER ET PROCRÉATION

Dr Hélène Letur-Könirsch

Hôpital Necker - CECOS - 149, rue de Sèvres - 75743 Paris Cedex 15
Institut Mutualiste Montsouris - Centre de Fertilité - 42, boulevard Jourdan - 75014 Paris

INTRODUCTION
Le syndrome de Turner s'inscrit dans le cadre des troubles de la différenciation gonadique et se définit comme une dysgénésie gonadosomatique conséquence d'une monosomie totale ou partielle ou d'une anomalie de structure d'un des deux chromosomes X dans tout ou partie variable des cellules constitutives de l'organisme.
Décrit initialement par Otto Ullrich en 1930 et par Henry Turner en 1938, son incidence est relativement élevée touchant environ 1/2000 à 1/2500 naissances féminines. La fréquence de ce syndrome est cependant ici sous estimée car il semble que la monosomie 45 X soit létale avec une élimination spontanée du produit de conception dès les dix premières semaines de gestation et qu'un certain degré de mosaïcisme soit nécessaire au maintien de la vie.
Comme il a été décrit dans les chapitres antérieurs, le diagnostic est évoqué devant l'association d'un certain nombre de signes cliniques et hormonologiques et confirmé par l'examen caryotypique. Le phénotype Turnérien et en particulier la dysgénésie gonadique serait la conséquence d'une haploinsuffisance de gènes spécifiques dits "gènes antiTurner" situés sur l'X, avec des homologues fonctionnels sur le chromosome Y, et requis en double dose pour un développement normal chez la fille. Ainsi, pour l'ovaire, tous les intermédiaires peuvent se voir de la bandelette fibreuse à l'ovaire macroscopiquement normal. Sur le plan symptomatologique, la majorité des jeunes femmes présenteront un impubérisme, mais certaines développeront des caractères pubertaires plus ou moins complets jusqu'aux cycles ovulatoires, et ce sur une période plus ou moins longue, fonction de l'importance de la réserve folliculaire.
Nous envisagerons ici les possibilités de procréation spontanée et par assistance médicale chez ces femmes, progrès de prise en charge qui a complètement transformé l'avenir procréatif des jeunes turnériennes nécessitant une information précoce et adaptée des familles par leur entourage médical.

PROCRÉATION ET SYNDROME DE TURNER

A. Procréation spontanée.

Deux à cinq pour cent des femmes atteintes de syndrome de Turner et ayant une puberté spontanée présenteront une fertilité spontanée. Il s'agit majoritairement de syndrome de Turner mosaïque, en particulier avec délétion Xp, mais des grossesses surviennent également chez des femmes non mosaïques 45X. Pour ces dernières cependant, le risque de mosaïque méconnue ne peut être éliminé.
Quelques grossesses ont aussi été rapportées chez des jeunes turnériennes ayant l'antécédent d'aménorrhée primaire qui sous traitement hormonal substitutif estrogéno-progestéronique ont eu une ovulation inespérée.
Le nombre total de celles-ci est néanmoins modeste. Kawagoe en 1993 relate 167 grossesses chez 75 femmes dont 62 mosaïques et 13 monosomiques (1). En l'an 2000, la littérature dénombre 84 femmes, dont 25 monosomiques, ayant eu 187 grossesses. La 25ème femme monosomique X ayant accouché serait la première connue à avoir donné naissance à trois enfants bien portants (2).
En effet, ces grossesses sont connues pour être à risque. En 1988, Battin rapporte 32% d'avortements spontanés et répétés, 10% de morts nés et 20% d'anomalies congénitales ou chromosomiques en particulier trisomie 21 et anomalies de l'X réalisant des transmissions du syndrome de Turner de mère à fille (3).
Ainsi, les chances de grossesses spontanées demeurent exceptionnelles ; de façon habituelle, il existe un déficit ovarien exocrine et endocrine.
Ce dernier est pallié par une hormonothérapie substitutive estrogéno progestéronique, et, maintenant, lorsque ces jeunes femmes souhaitent une grossesse dans le cadre d'un projet parental, il peut leur être proposé une Fécondation In Vitro avec Don d'Ovocytes (FIV-DO).

B. Fécondation in vitro avec don d'ovocytes.

Nous traiterons successivement de la technique et des modalités d'exercice du DO en France, des résultats obtenus dans notre expérience de ce traitement palliatif appliqué aux jeunes femmes atteintes d'un syndrome de Turner et des données de la littérature.

a) Technique et modalités d'exercice
Depuis la description initiale par Trounson puis la publication par Lutjen de la première grossesse de ce type menée à terme, de nombreuses équipes ont eu recours à cette pratique avec succès (4).
En France, les recommandations du Comité National d'Éthique en ont encadré l'exercice, puis les Lois Bioéthique 94653 et 94654 du 29 Juillet 1994 l'ont légalisée.
Les indications en sont de deux ordres selon le caractère fonctionnel ou non des ovaires de la receveuse potentielle et si certaines situations sont indiscutables comme dans le cas du syndrome de Turner, d'autres, à la limite entre physiologie et pathologie peuvent poser de réelles difficultés d'orientation et de prise en charge.

Il s'agit fréquemment , environ 2/3 des patientes actuellement en France, de femmes ovarioprives présentant une aménorrhée primaire ou secondaire :
- dysgénésie gonadique à caryotype normal ou non et dans ce dernier cas prédominent les syndromes de Turner,
- agénésie gonadique,
- insuffisance ovarienne prématurée dite "idiopathique", plus rarement iatrogène post radiothérapie et/ou chimiothérapie ou chirurgicale.

Dans moins d'1/3 des cas, les receveuses ne sont pas ovarioprives et présentent :
- une anomalie chromosomique ou génique comportant le risque de transmission dominante d'une affection invalidante au-dessus de toute ressource thérapeutique et inaccessible à un diagnostic anténatal avec à l'extrême, l'impossibilité d'avoir un enfant normal,
- des échecs répétés de stimulations bien menées pour FIV dans le cadre d'une insuffisance ovarienne occulte,
- exceptionnellement des fragments ovariens inaccessibles dans un pelvis adhérentiel après de multiples interventions chirurgicales.
A l'heure actuelle on évalue en France à approximativement 5OO le nombre de nouvelles demandes par an.
Pour répondre à cette demande, la femme donneuse potentielle fera son geste dans l'instant. En effet, alors que l'on sait conserver par congélation des spermatozoïdes, des embryons, la maîtrise de cette technique n'est pas totalement acquise et reproductible pour l'ovocyte mature.
La source des ovocytes pose un problème crucial. Les dons spontanés sont rares, les dons dits occasionnels, au cours d'une intervention chirurgicale par exemple sont exceptionnels, de même maintenant les dons de femmes en cours de FIV pour elles-mêmes, car ce geste ampute leurs chances de succès.
Devant ces difficultés, les couples se sont orientés vers le don relationnel, les receveuses motivant un couple donneur. La femme de ce couple pouvait naguère faire don de ses ovocytes sur un mode non anonyme, maintenant exclusivement sur un mode anonyme, comme expliqué ci-après.
Selon les lois Bioéthique, le couple receveur doit être "vivant" et en "âge de procréer" et la demande de don n'est recevable que s'il s'agit d'une "ultime indication". Les membres de ce couple doivent apporter la preuve de leur mariage ou d'une vie commune de plus de deux ans et signer un consentement au don rendant la filiation incontestable devant le président d'un tribunal de Grande Instance de leur choix ou son délégué ou devant notaire. Un consentement est également signé dans le centre de prise en charge, puis une confirmation après réalisation des examens adéquats.
La donneuse fait partie d'un couple ayant déjà procréé et effectue son don de façon volontaire, gratuite et anonyme, à savoir que donneuse et receveuse ne peuvent en aucune manière connaître leurs identités respectives. Après information, un consentement écrit auprès du centre est requis pour elle-même et son conjoint. Les conditions de sécurité sanitaire visant à éviter la transmission d'affections bactériennes et virales listées par décret, doivent être remplies.
Le don d'ovocytes s'effectue dans des organismes autorisées sous la responsabilité de médecins agréés pour la ponction et le traitement d'ovocytes issus de don.
Le fonctionnement en lui-même s'effectue de la manière suivante :
- pour le couple receveur, les consultations médicales préalables au don permettent de vérifier l'indication, d'expliquer la méthode et la modalité d'exercice, de faire le bilan médico-psychologique du couple.
Ainsi seront réalisés l'entretien psychologique, les examens cliniques avec relevé des caractères physiques et de groupe rhésus, les examens complémentaires (sérologies pour le couple, appréciation de la qualité endométriale avec ou sans traitement estrogéno-progestronique de substitution pour la receveuse, bilan spermatique et enquête génétique pour son conjoint).
- La donneuse âgée de moins de 38 ans voire de 35 ans pour certaines équipes reçoit également les informations concernant l'esprit et le procédé du don. Si sa motivation perdure elle bénéficiera d'un examen clinique avec relevé de ses caractères physiques et de groupe rhésus, et devra effectuer des examens complémentaires (sérologies : HIV 1 et 2, marqueurs des hépatites B et C, TPHA/VDRL, CMV (IgM-IgG), enquête génétique et caryotype, appréciation de sa fonction ovulatoire). Enfin un entretien psychologique pour elle et son conjoint est réalisé.
- Les dossiers complets des couples receveurs et donneurs sont vus en réunions multidisciplinaires régulières pour appréciation de tous les paramètres d'acceptation.
- Lorsqu'une donneuse a été acceptée et après consultation anesthésique, elle subit une stimulation ovarienne selon les protocoles habituels de fécondation in vitro. Elle sera alors appariée à la femme d'un (ou de deux) autre(s) couple(s) que celui qui l'a motivé selon les caractères physiques, de groupe sanguin rhésus, et sa sérologie CMV, en évitant le cumul de facteurs de risque génétique.
Après déclenchement de l'ovulation la ponction ovocytaire s'effectue par voie vaginale sous le contrôle échographique et sous anesthésie générale, locale ou analgésie simple. Les ovocytes recueillis sont ensuite mis en présence des spermatozoïdes du conjoint de la (ou des) receveuse(s) choisie(s).
Depuis le décret n° 96 992 du 12/11/96, les embryons obtenus sont systématiquement congelés et ne pourront être replacés qu'après vérification de la non modification des sérologies de la donneuse six mois après son prélèvement.
Le traitement de substitution des femmes ovarioprives pour transfert après congélation-décongélation embryonnaire comporte dans notre programme de l'estradiol valérate per os, soit à doses croissantes mimant un cycle physiologique, soit plus fréquemment à doses fixes de l'ordre de 6 mg par jour associé à de la progestérone naturelle micronisée à doses fixes 300 mg/j par voie vaginale à partir du 15è jour du cycle initié si l'endomètre et la vascularisation utérine sont adéquats. Le transfert embryonnaire est effectué 2 ou 3 jours après l'introduction de la progestérone naturelle. Chez les femmes non ovarioprives, le transfert embryonnaire peut être effectué en cycle spontané, en cycle stimulé par HMG ou FSHr, ou plus généralement en cycle maîtrisé par GnRHa et opothérapie substitutive selon les mêmes modalités que pour les femmes ovarioprives.
Avant le décret de 1996, la majorité des transferts embryonnaires s'effectuaient en cycles synchronisés donneuse-receveuse, en introduisant chez la receveuse la progestérone le lendemain soir du déclenchement de la donneuse.

b) Dans notre expérience de janvier 1987 à décembre 1993 à l'hôpital Antoine Béclère à Clamart (5) :

Tableau I - INDICATIONS I (janvier 1987 - décembre 1993)
1. Ovaires inactifs ou absents (n = 218)

- Ménopause précoce idiopathique

88

- Ménopause précoce iatrogène

56

. chirurgicale

35

. Chimiothérapique

5

. Radiothérapique

5

. Chimio et radiothérapique

11

- Dysgénésie gonadique

74

. A caryotype normal

36

. Syndrome de Turner

34 ---> 15,6% des femmes inscrites

. Syndrome de Swyer

3

- Agénésie gonadique

1


Tableau II - INDICATIONS II (janvier 1987 - décembre 1993)
2. Ovaires fonctionnels (n= 66)

- Echecs de FIV

52

. Adhérences

7

. Mauvaises réponses

45

- Indications génétiques

14


Tableau III - CARYOTYPE DES FEMMES PRESENTANT CLINIQUEMENT UN SYNDROME DE TURNER (janvier 1987 - décembre 1993)

- 45 XO : 17

- Mosaïques : 10

45 XO/46 XX : 3

45 XO/46 XY : 2

45 XO/46 XiXq : 2

45 XO/46 X,X (X) : 1

45 XO/46 XY/47 XXY : 1

45 XO/46 Xt (XiX) (p22 ; p22) : 1

- Autres atteintes de structure : 7

46 XXq- : 4

46 Xdel X (q23 qter) : 1

46 Xt (Xq) : 2


Tableau IV : RESULTATS DE JANVIER 1987 A DECEMBRE 1993
PATIENTES NE PRESENTANT PAS UN SYNDROME DE TURNER

 

Transferts avec Embryons
congelés/décongelés

Transferts avec
embryons frais

Total

 

Nb. cycles de transfert

66

143

209

Nb. d'Emb. décong.

219

-

219

(Impl.+/Emb. décong.)

(5,9%)

Nb. d'Emb. transférés

116

373

489

(Impl.+/Emb. transf.)

(11,2%)

(15,3%)

(14,3%)

Nb. d'Impl. +

13

57

70

(Impl. +/transf.)

(19,7%)

(39,9%)

(33,5%)

Nb. grossesses évolutives

9

36

45

(Gross. évol./transf.)

(13,6%)

(25,2%)

(21,5%)

NS

(Gross. évol./Emb. transf.)

(7,8%)

(9,7%)

(9,2%)

S
p=0,04


Tableau V - RESULTATS DE JANVIER 1987 A DECEMBRE 1993
PATIENTES PRESENTANT UN SYNDROME DE TURNER

Transferts avec Embryons
congelés/décongelés

Transferts avec
embryons frais

Total

Nb. cycles de transfert

7

25

32

Nb. d'Emb. décong.

27

-

27

(Impl.+/Emb. décong.)

(7,4%)

Nb. d'Emb. transférés

7

56

63

(Impl.+/Emb. transf.)

(28,6%)

(26,8%)

(27%)

Nb. d'Impl. +

2

15

17

(Impl. +/transf.)

(28,6%)

(60%)

(53,1%)

Nb. grossesses évolutives

2

9

11

(Gross. évol./transf.)

(28,6%)

(36%)

(34,4%)

NS

(Gross. évol./Emb. transf.)

(28,6%)

(16,1%)

(17,5%)

S


76,8% des patientes sont ovarioprives présentant une aménorrhée primaire ou secondaire. Les femmes ayant un syndrome de Turner représentent 15,6% de celles-ci. 23,2% des receveuses ne sont pas ovarioprives (tableaux I et II).
Sur les 250 patientes d'âge moyen 33 ans et 7 mois (21-47 ans) sans syndrome de Turner, on relève 50 défections, 65 receveuses en cours de prise en charge et 135 femmes ayant bénéficié d'au moins un transfert embryonnaire.
Sur les 34 femmes turnériennes d'âge moyen 29 ans et 5 mois (24-38 ans) quatre n'ont pas poursuivi leur démarche, 8 sont en cours de prise en charge et 22 ont bénéficié d'au moins un transfert embryonnaire. Toutes ces jeunes femmes ont une taille définitive < à 1,50 m, une féminisation obtenue par opothérapie substitutive, une association de signes dysmorphiques variables. Systématiquement était recherchée une anomalie cardiaque pour une prise en charge obstétricale adaptée.
L'étude caryotypique révèle la répartition suivante :
- 45 XO (n = 17)
- mosaïques (n = 10)
- anomalies de structure d'un chromosome x (n = 7) (tableau III).
L'analyse des résultats montre 209 transferts réalisés chez les femmes ne présentant pas de syndrome de Turner (1er groupe) et 32 chez les femmes atteintes de ce syndrome (2nd groupe).
Le taux de grossesses évolutives par transfert est comparable dans les deux groupes de population (respectivement 21,5% dans le premier versus 34,4% dans le second).
A l'encontre, le taux de grossesses évolutives par embryon transféré est significativement plus élevé dans le second groupe (9,2% versus 17,5% S p = 0,04) (tableaux IV et V).
Le Groupe d'Étude pour le Don d'Ovocytes (GEDO) recense sur les années 1998 et 1999 en France 40 femmes ayant un syndrome de Turner et demandant une prise en charge FIV-DO, soit 6% des nouvelles inscriptions confirmées. Sur les 32 formules chromosomiques connues, on distingue : 18 monosomies 45 X, 10 mosaïques 45 X, 46 XX, 4 délétions Xq.
Le nombre insuffisant de donneuses présentées durant la même période par rapport aux nouvelles demandes (63,3% de donneuses pour l'ensemble des couples receveurs) d'une part, et la politique de congélation embryonnaire systématique pour quarantaine sanitaire d'autre part, concourent à l'allongement du délai d'attente moyen des couples receveurs, délai actuel d'environ 2 à 3 ans. Aussi, ne disposons nous pas encore aujourd'hui de statistiques sur les taux d'implantation et de grossesse pour ces jeunes femmes. Trois d'entre elles ont bénéficié à ce jour d'une attribution ovocytaire avec des embryons encore en quarantaine.

c) Les données de la littérature.
L'analyse des chances de grossesse pour les jeunes femmes turnériennes en FIV DO révèle dans la littérature des résultats contradictoires. Certains rapportent des taux de grossesses inférieurs dans cette indication (6), résultats attribués à une altération de la réceptivité endométriale avec en particulier une réponse suboptimum de l'endomètre au traitement hormonal de substitution. Pour certains, l'incidence élevée de déficit en 21 hydroxylase chez ces jeunes femmes implique une recherche systématique d'élévation de la progestérone, facteur de mauvais pronostic d'implantation.
D'autres auteurs, au contraire, constatent de meilleurs résultats dans cette indication (7), cependant que la plupart les estiment similaires comparés à ceux de femmes présentant une insuffisance ovarienne prématurée (8,9,10). Nos résultats nous situent dans cette même catégorie.
Selon Khastgir et al. en 1997, l'âge de la receveuse, la constitution chromosomique, l'existence ou non d'anomalies utérine et/ou tubaire sont sans influence sur l'issue du traitement.
Mais, d'autres facteurs sont identifiés influant sur les chances de grossesse : la dose totale d'estradiol distribuée avant transfert embryonnaire (<50mg, 50-100mg, >100mg) influe sur le taux d'implantation (3,4, 17,5, 26,3% respectivement p<0,05) et le taux de grossesse (10, 42,2, 61,5% respectivement p<0,05), effet médié par l'action sur l'épaisseur endométriale.
De même le taux de fécondation est corrélé positivement aux chances de grossesse indépendamment du nombre d'embryons transférés.
Enfin, taux d'implantation et taux de grossesse sont supérieurs lors des transferts avec embryons "frais" par rapport à ceux effectués après congélation décongélation embryonnaire (20,3 versus 8,2% p<0,05; 48 versus 22,2% p<0,05) (9).
Foudila et al. en 1999 insistent sur l'importance de la supplémentation progestéronique d'au moins 600mg par voie vaginale et de la supériorité du régime continu d'estradiol par rapport à la délivrance croissante pour expliquer ses excellents résultats ( taux de grossesse clinique et taux d'implantation de 46% et 30% avec embryons frais et de 28% et 19% avec embryons congelés-décongelés (10).
Le pourcentage de fausses couches spontanées est élevé de 40 à 50% selon les publications (10). Les explications avancées sont les anomalies utérines retrouvées (utérus hypoplasique ou bicorne) associées à une altération de la vascularisation utérine. Khastgir cependant remarque que les fausses couches spontanées surviennent essentiellement chez les jeunes femmes replacées avec des embryons provenant d'une cohorte folliculaire à faible taux de fécondation.
Dans notre expérience les jeunes femmes bénéficient systématiquement d'une hystéroscopie de bilan, pour apprécier la capacité utérine et la qualité endométriale, et en pré-transfert l'introduction de la progestérone ne sera effectuée qu'après adéquation endométriale et vasculaire appréciée par échographie Doppler. Le pourcentage de FCS n'est pas différent de celui des autres indications et est de l'ordre de 20%.
Enfin, en raison du bon taux d'implantation embryonnaire maintenant rapporté par de nombreux auteurs dans l'indication de syndrome de Turner et du risque potentiellement élevé de fausses couches spontanées, certains auteurs préconisent dans ce cas une politique de transfert d'un unique embryon (10) pour éviter le cumul de risques induit par le développement d'une grossesse multiple.
L'existence de potentielles malformations viscérales ou d'anomalies endocrino-métaboliques impose un bilan soigneux de ces patientes avant toute prise en charge en FIV-DO. En effet, le risque majeur est essentiellement la dissection aortique et deux cas mortels ont été rapportés chez des patientes atteintes de syndrome de Turner et enceintes par don d'ovocytes.
Ce bilan réduit les complications attendues au cours de la grossesse grâce à une prise en charge adaptée. Parallèlement, les pathologies de la grossesse, en particulier hypertension, pré-éclampsie et troubles du métabolisme glucidique, ne seraient pas de fréquence plus élevée que chez les femmes prises en charge en FIV-DO pour d'autres étiologies.
Le pourcentage d'accouchement par césarienne est assez élevé et peut atteindre 50%. Celle-ci est préconisée surtout en raison d'un petit pelvis avec disproportion foeto pelvienne. Les autres indications de césarienne sont superposables à celles rencontrées pour toute grossesse.
Dans la moitié des cas, le travail et l'accouchement s'effectuent dans des conditions strictement normales, avec un terme moyen de 38 semaines d'aménorrhée et un poids moyen de naissance des enfants de 2852 grammes (10).

CONCLUSION
Chez les jeunes femmes atteintes de syndrome de Turner, s'il a pu être rapporté de rares cas de grossesses spontanées, associées à un fort pourcentage de fausses couches et d'anomalies congénitales ou chromosomiques, il existe habituellement un déficit ovarien. La carence hormonale est palliée par une thérapeutique substitutive et les chances de grossesse par FIV-DO sont pour le moins identiques à celles des femmes bénéficiant de la même prise en charge pour d'autres indications.
Certains auteurs envisagent dans l'avenir la possibilité de conservation de tissu ovarien dans l'enfance s'il persiste des structures folliculaires en vue de maturation in vitro puis FIV en intraconjugal. Cette orientation, cependant doit être envisagée avec prudence en raison des risques identifiés lors des grossesses spontanées.

Bibliographie

1- Kawagoe N., Kaneko N., Hiroi M. : The pregnancy outcome of Turner syndrome : case report and review of the literature. In : I. Hibi and K. Takano Eds. Basic and clinical approach to Turner syndrome. Amsterdam. Elsevier, 1993 ; 101-5.

2- Schwack M., Schindler A.E. : Turner' syndrome (monosomy) and pregnancy. Zentralbl Gynekol 2000, 122 (2) : 103-5.

3- Battin J. : Fertilité dans le syndrome de Turner et risque pour la descendance. Bull. Acad. Nat. Méd. 1988 ; 172 : 723-9.

4- LETUR-KÖNIRSCH H., RAOUL-DUVAL A., BERTRAND-SERVAIS M., OLIVENNES F., FANCHIN R., HAZOUT A., FLIS-TREVES M., SELVA J., FRYDMAN R. : Pratique du don d'ovocytes : l'expérience de l'hôpital Antoine Béclère. Médecine/Sciences, 1995, 11 : 591-600.

5- LETUR-KÖNIRSCH H., De BOUARD V., BORGHI E., SELVA J., FRYDMAN R. :Fécondation in vitro et Syndrome de Turner. Gynécologie 1993, 1 : 191-4.

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7- ABDALLA H.I., BABER R., KIRKLAND A., LEONARD T., POWER M., STUDD J.W. : A report of 100 cycles of oocyte donation; factors affecting the outcome. Hum. Reprod.,1990, 5, 1018-1022.

8- PRESS F., SHAPIRO H.M., COWELL C.A., OLIVER G.D. : Outcome of ovum donation in Turner's syndrome patients. Fertil. Steril., 1995, 64, 995-998.

9- KHASTGIR G., ABDALLA H., THOMAS A., KORCA L., LATARCHE L., STUDD J. : Oocyte donation in Turner's syndrome : an analysis of the factors affecting the outcome. Hum. Reprod., 1997, 12, 279-285.

10- FOUDILA T., SÖDERSTRÖM-ANTTILA V., HOVATTA O. : Turner's syndrome and pregnancies after oocyte donation. Hum. Reprod., 1999, 14, 532-535.