STIMULATION
DIFFICILE : LES MAUVAISES REPONDEUSES
Eric SEDBON
Les
mauvaises réponses à la stimulation ovarienne restent un événement très difficile
à prévoir. Il est également difficile à expliquer et source d’échecs répétés
d’assistance médicale à la procréation. Dans tous les cas, il existe très vraisemblablement
une corrélation étroite avec une insuffisance ovarienne débutante ou avérée.
La constatation d’une mauvaise réponse à la stimulation ovarienne constitue
une urgence thérapeutique en matière de PMA car, en l’absence de grossesse,
la sanction sera l’orientation vers un don d’ovocyte ou l’adoption.
DEFINITION
DES MAUVAISES REPONDEUSES :
La littérature
foisonne de définitions différentes, ce qui, par voie de conséquence, rend difficile
la comparaison des différents articles publiés sur le sujet. Certains tiennent
compte du nombre de follicules matures après stimulation (inférieur à 4) ou
de la présence d’un seul follicule dominant, ou bien du nombre d’ovocytes matures
ponctionnés (inférieur à 4). D’autres se basent sur la durée de stimulation
ou encore sur la dose totale d’ampoules de gonadotrophine nécessaire à la stimulation
globale jusqu’au jour du déclenchement ou de la dose de gonadotrophine administrée
par jour lorsque celle-ci est supérieure à 300U/jour. D’autres, enfin, considèrent
le dosage de FSH à J3 lorsque celui-ci est compris entre 6,5 et 15 ou plus,
le ratio élevé FSH/LH ou, enfin, l’estradiol maximum après la stimulation lorsque
celui-ci est inférieur à 600. Enfin, pour certains, la mauvaise réponse ovarienne
est représentée par la constatation d’un pic spontané de LH au cours de la stimulation
ou, simplement, d’un échec de conception. Pour d’autres, enfin, c’est l’age
de la femme (supérieur à 40 ans) qui constitue la définition.
APPORT DE
L’ECHOGRAPHIE DANS LE DIAGNOSTIC D’INSUFFISANCE OVARIENNE :
Parmi
les différents moyens de prédiction d’une mauvaise réponse ovarienne, l’échographie
peut servir d’élément de départ. Il s’agit d’un examen simple et peu coûteux
qui, lorsqu’il est réalisé au 3ème jour du cycle, permet, d’une part,
de mesurer le volume ovarien moyen (inférieur à 3cm3 dans l’insuffisance ovarienne),
le nombre de follicules préantraux, c’est à dire de 2 à 5mm (inférieur à 5 sur
les deux ovaires à J2 ou J3 du cycle), enfin, de tester et d’interpréter le
doppler ovarien et utérin pouvant refléter une diminution de flux sanguin éventuel.
QUELLE EST
LA VALEUR PREDICTIVE DE LA FSH A J3 DES FEMMES DE MOINS DE 35 ANS EN PMA ?
Certains
auteurs, comme S. JACOB (ESHRE Bologne 2000), ont tenté de corréler le dosage
de FSH à J3 avec le risque d’annulation du cycle pour mauvaise réponse ovarienne
à la stimulation. Il a pu ainsi montrer que lorsque la FSH est supérieure à
10, le risque d’annulation du cycle est multiplié par trois, lorsque la FSH
est supérieure à 15, ce risque est multiplié par six. Si, par contre, le cycle
n’est pas annulé et que la réponse ovarienne est jugée satisfaisante, le taux
de grossesse reste identique aux autres femmes et ce, même si la FSH de base
au 3ème jour a été retrouvé supérieure à 10.
S. JACOB
conclut que la FSH à J3 est prédictive du risque d’annulation du cycle mais
n’est pas prédictive du taux de succès chez les femmes jeunes.
Ceci reste à confirmer car pour d’autres auteurs, le fait d’avoir retrouvé une
fois une FSH élevée à J3 assombrit définitivement le pronostic en terme de grossesse.
La discussion reste ouverte.
VALEUR
PREDICTIVE DES INHIBINES A ET B DANS L’INSUFFISANCE OVARIENNE :
INHIBINE
A : L’inhibine A est synthétisée par la granulosa lutéinisée en 2ème
partie du cycle. La chute du taux d’inhibine A est un facteur prédictif d’insuffisance
ovarienne débutante. Une diminution de l’inhibine A en deuxième phase du cycle
a pour conséquence une augmentation trop forte de la FSH en fin de phase lutéale.
Cette FSH en quantité trop importante en phase folliculaire précoce entraîne
un développement prématuré des follicules du cycle suivant. La conséquence
se mesure à J4 où il existe une augmentation du taux d’estradiol supérieur
à 80 avec, à ce stade, une FSH normale. Il s’ensuit un développement prématuré
de follicules et un raccourcissement du cycle qui est bien connu pour être
l’un des signes de l’insuffisance ovarienne débutante. Dans un deuxième temps,
une fois la chute de l’inhibine A constatée, interviendra la chute de l’inhibine
B confirmant l’insuffisance ovarienne installée. Plusieurs articles ont pu
documenter l’intérêt du dosage de l’inhibine B dans la prédiction de l’insuffisance
ovarienne. Le cut-off généralement admis est de 45.
CONVERSION
DE LA FIV EN INSEMINATION ARTIFICIELLE INTRA UTERINE :
Il n’est
pas rare d’être tenté, lors de la constatation d’une mauvaise réponse à la stimulation
ovarienne, de convertir la tentative de fécondation in vitro initialement prévue,
en une simple insémination artificielle de sperme préparé intra-utérine. En
effet, d’une part, les chances de succès faibles devant la présence d’un ou
deux follicules visibles à l’échographie, d’autre part, la pression financière
du remboursement de la fécondation in vitro limitée à 4, incitent à gagner une
tentative en éliminant celles qui paraissent de trop mauvaise qualité. Est-ce
là un bon calcul ?
N. ABUSHEIKLA
et col. (ESHRE Bologne 2000) a pu ainsi comparer deux populations de mauvaises
répondeuses dont l’age moyen est de 37 ans. Dans le groupe A, moins de trois
follicules de plus de 14mm étaient constatés lors de la stimulation d’ovulation
pour FIV chez 42 patientes ; le groupe B était constitué de 264 patientes
stimulées pour une insémination artificielle intra-utérine. Les résultats en
terme de take home baby rate sont les suivants : 2,4% dans le groupe A
versus 12,9% dans le groupe B. N. ABUSHEIKLA arrive donc à la conclusion qu’il
ne faut vraisemblablement pas convertir une tentative de fécondation in vitro
en insémination artificielle intra-utérine lorsqu’une mauvaise réponse ovarienne
est obtenue à la stimulation car les résultats sont très décevants.
Ces résultats sont d’autant plus décevants que l’age est supérieur à 35 ans
et que la dose par jour de stimulation de gonadotrophine est supérieure à 300UI.
Y A T-IL
UNE CORRELATION ENTRE LE NOMBRE D’OVOCYTES OBTENUS LORS DE LA PREMIERE TENTATIVE
DE FIV ET L’AGE DE SURVENUE DE LA MENOPAUSE ?
Depuis
plusieurs années, le débat et la polémique restent ouverts concernant l’avancée
de l’age de la ménopause due à de multiples stimulations ovariennes pour PMA.
Aucune réponse claire n’a vraiment été apportée sur le sujet. Dans un article
publié lors de l’ESHRE à Bologne au cours de l’année 2000, C. W. BURGER a fait
état d’une série de 53 cas de ménopause précoce survenue entre l’age de 31 ans
et de 46 ans comparé à 254 femmes contrôle non ménopausées à la même date. Chez
ces dernières, le nombre moyen d’ovocytes obtenus par ponction après stimulation
ovarienne pour FIV est de 7.
C.W.
BURGER a pu ainsi montrer dans son étude comparative que les femmes chez qui
il était possible d’obtenir plus de 4 ovocytes lors de la ponction folliculaire
suivant une stimulation pour FIV, le risque ajusté de ménopause précoce est
équivalent à celui des femmes contrôle. Par contre, lorsque l’on obtient de
1 à 4 ovocytes seulement, le risque est de 6,9 soit environ sept fois plus important
d’être soumis à une ménopause plus précoce que dans le groupe contrôle. Enfin,
lorsque le cycle de stimulation doit être abandonné pour non réponse à celle-ci,
le risque de ménopause précoce est de 10,9 soit environ onze fois plus élevé
que dans le groupe contrôle.
Ainsi,
C.W.BURGER estime que le risque de ménopause précoce et d’insuffisance ovarienne
est directement corrélé au nombre d’ovocytes obtenus lors de la première fécondation
in vitro.
QUELS SONT
LES PROTOCOLES DE STIMULATION PROPOSES DANS LE CADRE DES MAUVAISES REPONDEUSES ?
Plusieurs
types de protocoles de stimulation testés ont pu être proposés dans le cadre
des mauvaises répondeuses :
- Doses fortes d’emblée
de gonadotrophines (entre 300 et 450UI/jour). Une telle stratégie, bien sûr,
possible et logique, n’a néanmoins pas donné les résultats escomptés. Il ne
semble pas qu’il y ait de bénéfice évident à l’augmentation d’emblée, lors
du début de la stimulation ovarienne, des doses de gonadotrophines jusqu’à
450UI./jour. La réponse n’en reste néanmoins pas meilleure. Plusieurs étude
controversées sont parues sur le sujet, certaines en faveur, d’autres en désaccord
avec le principe de la dose forte d’emblée. En tout état de cause, la majorité
des auteurs s’accorde pour dire qu’il est inutile de dépasser la dose de 450UI
par jour.
- Adjonction de
GH ou GHRH : Passé une période d’engouement sur l’espoir d’une amélioration
de la stimulation ovarienne dans le cadre des mauvaises répondeuses par l’adjonction
de GH ou de GHRH, la majorité des auteurs ayant travaillé le sujet, confirme
l’absence d’amélioration de la réponse ovarienne à l’aide de tels protocoles.
Par ailleurs, la qualité ovocytaire et le taux de grossesse ne sont pas non
plus améliorés, ce qui semble confirmer l’inefficacité de ces protocoles.
- Protocoles longs
GnRH agoniste : Plusieurs types de protocoles longs à l’aide de GnRH
agoniste ont été utilisés dans le cadre des mauvaises réponses à la stimulation
ovarienne. Tous ont montré un rendement médiocre. Pour certains, il est judicieux
de commencer l’agoniste en phase lutéale et la stimulation ovarienne en début
de phase folliculaire après désensitivation hypophysaire. Pour d’autres, l’agoniste
de la LHRH est débuté en phase lutéale donné pendant sept jours uniquement
puis la stimulation forte est démarrée. Le même protocole peut être proposé
mais en diminuant l’agoniste de moitié pendant la stimulation. Tous ces protocoles
ont montré une mauvaise efficacité et ont été progressivement abandonnés.
QUELS PROTOCOLES
DE STIMLULATION CHOISIR DANS LE CADRE DE LA MAUVAISE REPONSE OVARIENNE ?
La littérature
semble unanime sur le fait que, dans le cadre des insuffisances ovariennes débutantes
ou des mauvaises réponses à la stimulation ovarienne, les meilleurs résultats
sont obtenus à l’aide de protocoles courts flare-up de stimulation. Ces protocoles
dits courts ont, cependant, un inconvénient qui est d’augmenter le nombre de
follicules atrétiques. Ce phénomène est expliqué par une augmentation de la
LH en début de phase folliculaire favorisant chez ces patientes, dont la réserve
ovarienne est instable, l’atrésie des follicules sélectionnés. Pour cette raison,
un certain nombre d’auteurs ont proposé de bloquer le cycle précédent par des
contraceptifs oraux oestroprogestatifs ou par des progestatifs de synthèse.
L’intérêt de ce blocage serait de permettre de donner des doses minimales d’agoniste
de la LHRH et ainsi, de limiter au maximum le blocage ovarien, permettant ainsi
une meilleure efficacité de la stimulation par gonadotrophine.
CONCLUSION :
La mauvaise réponse à la stimulation ovarienne reste un problème important et
non résolu dans le cadre de la procréation médicalement assistée. Lors de la
stimulation de telles patientes il faudra préférer des protocoles agonistes
de la LHRH courts, au mieux en utilisant des doses faibles ou des demi doses
d’agonistes associées à un blocage du cycle précédent pour éviter le corpus
luteum rescue. L’un des protocoles semblant les plus efficaces serait le stop
agoniste protocole : celui-ci est débuté en phase lutéale du cycle précédent,
arrêté au J1 du cycle suivant, date à laquelle est engagée une stimulation forte
par gonadotrophine ; les protocoles dits courts flare-up précédés par un
blocage par oestroprogestatif ou par progestatif de synthèse en diminuant de
moitié ou du quart la dose d’agoniste, semblent également efficaces. Dans le
cas où le recrutement les premiers jours de la stimulation est réel et de bonne
qualité, il est inutile d’augmenter les doses de gonadotrophine. Les doses stables
de stimulation restent suffisamment efficaces. Le step-down protocole est également
un protocole efficace une fois que le recrutement folliculaire a été fait. Enfin,
en ce qui concerne l’efficacité des antagonistes de la LHRH dans le cadre des
mauvaises répondeuses à la stimulation, celui-ci reste à évaluer dans les années
à venir.
Dans
tous les cas et quelque soit le protocole utilisé dans la stimulation d’ovulation,
la mauvaise réponse signe une insuffisance ovarienne proche et sonne la sonnette
d’urgence car, si la grossesse n’est pas obtenue rapidement, le passage au don
d’ovocyte ou à l’adoption risque d’être inévitable avec son cortège de difficultés
bien connues.
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