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2009 > Périnéologie > cancers gynécologiques  Telecharger le PDF

Prise en charge des conséquences des traitements des cancers gynécologiques : le cas des rectites radiques hémorragiques. Le traitement médico-instrumental en 2009.

P. Atienza

Introduction

Le traitement des cancers d'organes pelviens et notamment de l'utérus, utilise la radiothérapie. Celle-ci est encore responsable d’une iatrogénie, certes moins fréquente, pour laquelle des thérapies plus nombreuses, sont à notre disposition. Le rectum, exposé de par sa position fixe et centrale dans le pelvis est le siège de plusieurs complications. A côté des rares microrecties et fistules anorectales radiques, les rectites hémorragiques sont fréquentes. Parfois sévères, elles justifient des prises en charges adaptées exceptionnellement chirurgicales. Elles évoluent en deux temps, précoces et tardives.

Contemporaines de la radiothérapie, elles sont prises en charge par les radiothérapeutes, c’est le « coup de soleil rectal » touchant plus d’un tiers des patientes avec des lésions muqueuses transitoires. La suspension de la radiothérapie ne s’impose que dans 1% des cas.

Tardives, elles intéressent l’ensemble de la paroi rectale et sont prise en charge par les gastroentérologues. Survenant entre 6 mois et 2 ans après la radiothérapie, elles concernent 10 à 20% des malades. Elles se manifestent cliniquement par des impériosités, des ténesmes, des émissions de glaires et des rectorragies (1). D’intensité variable, ces saignements peuvent être intenses nécessitant un apport martial voire des transfusions globulaires répétées. D’évolution fluctuante, leur cessation spontanée est rare si elles sont importantes (1). Plusieurs traitements d’indications précises sont disponibles évitant le passage ultime à une chirurgie lourde.  

Physiopathologie

   La physiopathologie des lésions radiques chroniques est encore mal comprise. Elle associe une destruction des cellules souches, une artérite oblitérante progressive et une fibrose interstitielle atteignant toute l'épaisseur de la paroi rectale. Ces remaniements génèrent une ischémie chronique, irréversible et évolutivant pendant des années après la radiothérapie avec une possible tendance à l'extension. La néovascularisation superficielle sous la forme de télangiectasies muqueuses est responsable des saignements. Des ulcérations peuvent également se constituer et se manifester par des saignements mais aussi se fistuliser en profondeur, au delà de la musculeuse. Enfin, la fibrose entraîne une rigidité pariétale et peut conduire à une sténose et/ou une microrectie (1).

Facteurs de risque

   La survenue de ces rectites chroniques augmente surtout avec la dose d’irradiation administrée. Des complications peuvent survenir à des doses différentes mais le risque augmente de façon exponentielle à partir d’un seuil de 40 à 45 grays et devient important au-delà de 70 grays. Le risque est également influencé par le volume de rectum irradié, le mode de radiothérapie (irradiation externe ou curiethérapie), le fractionnement dans le temps et l'étalement de la dose. Une rectite radique précoce sévère, ayant induit une nécrose tissulaire, pourrait être la cause directe de survenue d’une rectite tardive chronique. Par ailleurs, un geste chirurgical abdomino-pelvien, l'administration concomitante d'une chimiothérapie, une surcharge pondérale, un diabète sucré, une hypertension artérielle, une athérosclérose, un âge avancé (vieillissement tissulaire) et/ou une possible hypersensibilité aux radiations ionisantes d’origine génétique sont aussi des facteurs prédisposants (1).

Diagnostic endoscopique

La description des rectites radiques chroniques a donné naissance à des scores élémentaires ou plus élaborés, tenant compte notamment du nombre, de la taille et de l’extension des lésions visibles en endoscopie (tableau I) (2).

La muqueuse rectale radique peut être parsemée de télangiectasies prenant l’aspect de néovaisseaux plus ou moins réguliers, dilatés et fragiles. Elle peut également être congestive, friable et hémorragique au moindre contact. Les autres causes de rectites, en particulier infectieuses ou inflammatoires, posent alors rarement des problèmes de diagnostic différentiel. La conjonction de l’anamnèse et de cet aspect endoscopique typique suffit au diagnostic de rectite radique et rend les biopsies inutiles.

   En revanche, une ulcération, une sténose et/ou une fistules ano-recto-génito-urinaires peuvent s’avérer délicates à interpréter. L’éventualité de la persistance ou de la récidive de la maladie néoplasique initiale doit alors être évoquée et, à distance de la radiothérapie, la dégénérescence du tissu radique est certes rare mais possible. Cette situation est d’autant plus embarrassante que les tissus radiques sont trompeurs par leur dureté et leur aspect en imagerie d'interprétation difficile du fait des modifications liées à l'irradiation pouvant prendre le masque d'un tissu tumoral. Les biopsies sont alors indiquées mais elles doivent être peu profondes et parcimonieuses, en raison du risque de nécrose extensive et de fistulisation en profondeur (1).

   Dans tous les cas, la coloscopie totale est indiquée chez ces patientes à la recherche d’une atteinte radique associée du côlon d'amont et/ou du grêle terminal mais aussi à la recherche d’une éventuelle autre cause de saignements.

Traitement

Le traitement médical

• les topiques

   Les corticoïdes sont recommandés en France où nous disposons de la bétaméthasone en solution (Betnésol®) et de l’hydrocortisone en mousse (Colofoam®). Cette mousse est le seul topique à avoir l'Autorisation de Mise sur le Marché dans cette indication. Le mode d'action des corticoïdes n'est pas établi et ils n'ont fait l'objet que de rares études ouvertes peu détaillées (3). Seule une étude prospective, contrôlée, randomisée, a démontré que l’utilisation d’une mousse était préférable en raison d’une tolérance locale meilleure que celle d’une solution.

   Le sucralfate (Ulcar® / Kéal®) est un sel d'aluminium adhérant à la muqueuse a effet cytoprotecteur. Il a fait l'objet d’au moins sept études ouvertes cumulant une soixantaine de patients (4). Une étude prospective, contrôlée, randomisée, en double aveugle, a démontré que l'amélioration clinique, concernant notamment les saignements, était significativement meilleure chez 19 patients traités par deux lavements quotidiens de 2 g de sucralfate dans 20 ml d’eau associés à un placebo per os versus 18 patients traités par deux lavements quotidiens de 20 mg de prednisolone associés à de la sulfasalazine per os pendant quatre semaines.

   Les dérivés salicylés ont été testés pour leur efficacité connue dans les rectites inflammatoires. Toutefois, les études ouvertes ayant évalué la sulfasalazine (3) et l'acide 5-amino-salicylique se sont avérées peu convaincantes.

   Les acides gras à chaînes courtes ont été testés en raison de leur effet trophique sur la muqueuse digestive. Les lavements étaient en général composés de 60 mmol d'acétate, 30 mmol de propionate et 40 mmol de butyrate. Deux études ouvertes cumulant 13 patients ont suscité des espoirs. Il n’y a pas eu de différence significative par rapport au placebo dans deux études prospectives, contrôlées, randomisées, réalisées en double aveugle. Les acides gras à chaînes courtes sont peu maniables en pratique quotidienne (préparation magistrale).

   Le Ribampide est un agent cytoprotecteur utilisé dans le traitement des gastrites et des ulcères gastro-duodénaux (5). Son action passerait, in vitro, par la répression de la réponse immunitaire et de l’activation des neutrophiles. Il atténue l’inflammation de colites expérimentales (animal) et accroît la capacité de régénération épithéliale en augmente la synthèse de prostaglandines. En lavement, il a fait preuve d’une certaine efficacité dans les rectocolites hémorragiques distales. Concernant les rectites radiques, une étude chez 15 patientes irradiées pour cancers gynécologique a montré une efficacité des lavement bi-quotidiens sur deux semaines sans effet secondaire. Une confirmation s’impose sur cette molécule dans cette indication.

• les drogues orales

   Parmi les produits disponibles en France, la cholestyramine, des associations œstro-progestatives et la thalidomide ont fait l’objet de cas cliniques isolés. Les vitamines E et C ont été testées, en raison de leur effet anti-oxydant, dans le cadre d’une étude ouverte rétrospective réalisée chez 20 patients avec un effet significatif sur les saignements.

La vitamine A a également été proposée, en raison de son effet pro-cicatrisant, dans le cadre d’une étude prospective, contrôlée, randomisée, réalisée en double aveugle, qui a démontré sa possible action, notamment sur les saignements, chez 10 patients versus 9 patients traités par un placebo pendant 90 jours.

 De même, une étude prospective, contrôlée, randomisée, a montré que la diminution des saignements était significativement plus importante chez 30 patients traités par un lavement quotidien de bétaméthasone en solution associé à de la mésalazine per os et à du métronidazole per os (1,2 g par jour) versus 30 patients traités par un lavement quotidien de bétaméthasone en solution associé à de la mésalazine per os seule pendant quatre semaines.

   Les données disponibles concernant l’efficacité des drogues orales sur les saignements des rectites radiques chroniques sont donc rudimentaires et d’autres études seront nécessaires pour retenir ces résultats.

Le traitement endoscopique

• la photocoagulation laser

   Le laser ND YAG a été testé, pour la première fois, dans une recto-sigmoïdite radique en 1982. Son efficacité dans les rectites radiques hémorragiques a ensuite été confirmée par plusieurs études ouvertes cumulant une centaine de patients. Des effets indésirables ont toutefois été rapportés : douleurs abdominales, iléus temporaire, prostatite aiguë, sténose, ulcération creusante, fistule recto-vaginale.

   Le laser argon a également été testé dans le cadre d’études ouvertes cumulant une vingtaine de patients. Il était supposé plus sûr que le laser ND YAG en raison de son pouvoir de pénétration moins important.

• l’électrocoagulation 

   La sonde bipolaire (BICAP®), la sonde chauffante et la pince chaude ont été les premiers matériels utilisés. L’électrocoagulation au plasma d'argon est plus récente. Elle permet la réalisation d’une électrocoagulation monopolaire sans contact avec la muqueuse traitée par le biais d’un gaz inerte, incolore, non inflammable et non toxique. Le gaz sert de conducteur et est extériorisé à l’extrémité d’un cathéter flexible contenant une électrode de tungstène qui délivre un courant électrique à haute fréquence. Il assure ainsi l’interface entre l’électrode et les tissus, et l’énergie électrique qu’il transmet permet alors la coagulation.

   En pratique, l’électrocoagulation au plasma d'argon est réalisable sans anesthésie, mais cette dernière s’avère parfois préférable, notamment en cas de distension recto-colique importante et/ou en cas de lésions situées près de la jonction ano-rectale dont le traitement peut s’avérer douloureux. La puissance de tir est en général supérieure à 40 W afin de permettre un bon déclenchement du tir mais il semble préférable de ne pas dépasser 60 W afin de limiter le risque de complication.

Le débit de gaz est le plus souvent réglé entre 0,6 et 1,2 l/mn. Il peut être augmenté au delà si cela aide au déclenchement de l’arc électrique vers des zones d’accès difficiles mais il y a alors un risque de mauvaise tolérance du fait de la quantité importante de gaz insufflé. L’application peut se faire point par point en cas de télangiectasies localisées et peu nombreuses, ou par balayage en cas de télangiectasies nombreuses et/ou de rectite congestive diffuse.

La coagulation ainsi obtenue est homogène en surface et en principe limitée en profondeur dans les tissus traités (2-3 mm). Le rectum mais aussi le sigmoïde peuvent bénéficier de la technique. Plusieurs séances sont souvent nécessaires avec une corrélation entre le nombre de séances et l’étendue des lésions à traiter. Cependant, un délai minimal de deux à quatre semaines entre deux séances est préférable afin de laisser un temps de cicatrisation suffisant.

   L’électrocoagulation au plasma d'argon a connu un essor sans précédent depuis son apparition il y a un peu plus de dix ans et a supplanté la photocoagulation laser. Cela s’explique notamment par son utilisation plus pratique (absence de contact de la sonde avec les tissus traités, absence de fumée gênante, possibilité de traiter des lésions peu accessibles en traitement axial) mais aussi par son coût plus modeste.

   La première publication concernant cette technique date de 1994. Depuis cette époque, aucun essai contrôlé n’a été publié. Cependant, les nombreuses études ouvertes cumulant au moins 300 patients ont toutes rapporté des taux d’efficacité de plus de 80 % sur les saignements après 1 à 3 séances en moyenne (extrêmes de 1 à 8) (6-8). Cette efficacité ainsi que les avantages sus-décrits ont permis à l’électrocoagulation au plasma d'argon de devenir la technique endoscopique de référence dans le traitement des rectites radiques hémorragiques.

   De surcroît, l’électrocoagulation au plasma d'argon semble moins risquée que la photocoagulation laser en raison de sa moindre pénétration tissulaire. Cependant, des complications ont été décrites : fièvre avec bactériémie, troubles urinaires, ulcération, hémorragie par chute d’escarre, sténose rectale, microrectie, fistule recto-vaginale, perforation et explosion intracolique. Cette dernière complication a été attribuée à une accumulation endoluminale de gaz coliques (hydrogène et méthane) dont l’explosion aurait été favorisée par une préparation insuffisante par lavements de Normacol®. De fait, il est actuellement recommandé de recourir à une préparation colique préalable parfaite par voie orale.

3 - La Formaline

   La formaline est un mélange de formaldéhyde et d’eau distillée. La concentration habituellement préconisée est de 4 %. L'utilisation de cette solution dans les rectites radiques hémorragiques a été inspirée par l’expérience des urologues qui en administraient dans les cystites radiques chroniques hémorragiques. C’est l’autre innovation des dix dernières années dans le traitement des rectites radiques hémorragiques. Elle agirait par un effet sclérosant sur les lésions hémorragiques.

   En pratique, la formaline est administrée en tamponnements ou, moins souvent, en irrigations. Un simple lavement évacuateur préalable est suffisant. La procédure est le plus souvent réalisée sous anesthésie loco-régionale ou générale. En cas de tamponnements, des compresses imbibées de formaline sont montées sur une pince et appliquées à travers un rectoscope ou des écarteurs. Le contact entre le tampon et la muqueuse rectale est maintenu durant 2 à 3 minutes par application.

En cas d’irrigations, le temps de contact avec la muqueuse est à chaque fois de quelques secondes à quelques minutes avec un temps total de 5 à 30 minutes. Certains utilisent alors des sondes de Foley à ballonnet afin de protéger la muqueuse du sigmoïde et/ou du canal anal. Quelque soit la méthode, la plupart des auteurs préconisent ensuite un rinçage du rectum par du sérum physiologique. Une à trois séances s’avèrent en général suffisantes.

   Depuis les tamponnements de formaline réalisés pour la première fois en 1993 par Seow-Choen et al. (9), des études ouvertes cumulant au moins 350 patients ont rapporté des taux d’efficacité de plus de 70 % sur les saignements (10). Depuis les irrigations administrées pour la première fois en 1986 par Rubinstein et al., des études ouvertes cumulant au moins 80 patients ont rapporté des taux d’efficacité de plus de 85 % sur les saignements. Ces résultats sont d’autant plus remarquables que les patients traités dans ces séries étaient probablement plus sévères que ceux traités dans les études portant sur l’électrocoagulation au plasma d’argon. 

   Des complications ont été rapportées. Certaines étaient du même type que celles décrites avec l’électrocoagulation au plasma d’argon : fièvre, ulcération, sténose, microrectie, fistule recto-vaginale. D’autres complications plus spécifiques ont été décrites : colites aiguës caustiques, attribuées à des fuites de la formaline vers le haut, et troubles de la continence anale (11). En outre, Stern et al. ont décrit deux cancers de la paroi rectale antérieure survenus chez des patients ayant eu une radiothérapie pour un adénocarcinome de prostate et ayant été traités par formaline en tamponnements.

l s’agissait respectivement d’un adénocarcinome diagnostiqué cinq ans et demi après la radiothérapie et deux ans et demi après l’administration de formaline, et d’un carcinome épidermoïde diagnostiqué six ans et demi après la radiothérapie et cinq ans après l’administration de formaline. Les auteurs n’ont certes pu incriminer formellement la formaline dans la survenue de ces deux cas isolés mais, par prudence, ont recommandé de régulièrement surveiller les malades traités par ce produit.

   L’efficacité du traitement par formaline a été comparée à celle de l’électrocoagulation au plasma d’argon dans le cadre de deux études prospectives, contrôlées, randomisées, réalisées respectivement chez 19 patients et 33 patients. Ces deux essais, seulement disponibles sous forme de résumés, ont montré que les deux techniques avaient des résultats équivalents. Toutefois, nous pensons qu’elles sont complémentaires.

En effet, l’électrocoagulation au plasma d’argon semble plus performante en cas d’atteinte radique du haut et du moyen rectum, à fortiori s’il y a une atteinte sigmoïdienne associée (5), alors que le traitement par formaline s’avère intéressant en cas d’atteinte du bas rectum, voire du canal anal sus-pectinéal, qui sont difficiles d’accès en endoscopie. De même, ce traitement est probablement préférable en cas de saignements très abondants qui « absorbent » et rendent inopérants le courant électrique ainsi qu’en cas de rectite radique étendue de façon diffuse.

L’oxygénothérapie hyperbare

   L’idée de recourir à l’oxygénothérapie hyperbare dans des rectites radiques est venue de son intérêt démontré dans les lésions radio-induites de la vessie ou de la mandibule. Son mode d’action n’est pas univoque mais elle semble surtout corriger l’hypoxie tissulaire.

   En pratique, les séances sont le plus souvent réalisées, en ambulatoire, de façon quotidienne, dans une chambre hyperbare. Elles durent entre 45 et 120 minutes. La compression varie de 2 à 2,5 atmosphères. Le nombre total de séances est variable car le délai de réponse au traitement est aléatoire et car il n’y a pas de consensus sur un nombre maximal de compressions au delà duquel le traitement s’avérerait vain.

   L’oxygénothérapie hyperbare a été proposée pour la première fois dans une rectite radique chronique hémorragique en 1991 par Charneau et al. Depuis cette époque, des cas cliniques et des études ouvertes cumulant au moins une centaine de patients ont rapporté des taux d’efficacité de plus de 75 % sur les saignements en 24 à 67 séances de moyenne (extrêmes de 2 à 198) (12).  

   Des complications ont été rapportées, surtout des otites barotraumatiques, des douleurs thoraciques et des troubles visuels le plus souvent transitoires (12). De fait, un examen préalable des tympans est nécessaire et certaines contre-indications (claustrophobie, troubles de la conduction cardiaque, épilepsie mal contrôlée, bronchopathie, pneumothorax, etc…) doivent être respectées.

   L’oxygénothérapie hyperbare pourrait être surtout intéressante en cas d’ulcérations hémorragiques et/ou en cas d’atteinte recto-sigmoïdienne étendue ayant peu de chance d’être soulagée par les autres traitements. Elle pourrait également être utilisée en cas de cystite radique hémorragique concomitante.

On retiendra

   La riposte thérapeutique doit être adaptée à la gêne clinique alléguée par le patient. Ainsi, les lésions endoscopiques asymptomatiques doivent être négligées. De même, l’abstention thérapeutique est justifiée en cas de saignements rares et intermittents, sans retentissement hématologique. C’est d’autant plus raisonnable que leur arrêt spontané est toujours possible.

   Sinon, le traitement médical peut être envisagé en première intention en raison de sa simplicité de mise en œuvre et de sa bonne tolérance. L’utilisation des topiques est alors logique. En l’occurrence, il convient probablement de privilégier le sucralfate en lavement ou les corticoïdes en mousse.

   L’électrocoagulation au plasma d'argon est en général envisagée en deuxième intention après échec du traitement médical. Elle est parfois indiquée d’emblée en cas de saignements plus abondants faisant craindre l’inefficacité du traitement médical (5). Une à trois séances sont le plus souvent suffisantes.

   Dans certains cas, un traitement par formaline peut être utile en complément au niveau du bas rectum et du canal anal sus-pectinéal. Par ailleurs, ce traitement est probablement préférable à l’électrocoagulation au plasma d'argon en cas de saignements très abondants et/ou en cas de rectite radique étendue de façon diffuse.

   A ce stade, la majorité des patientes doit être soulagée. Cependant, en cas de persistance de saignements malgré les thérapeutiques précédentes, on peut encore essayer certaines drogues orales. On peut également envisager l’oxygénothérapie hyperbare, tout particulièrement en cas d’ulcérations hémorragiques, d’atteinte recto-sigmoïdienne étendue et/ou de cystite radique hémorragique concomitante.

En effet, tout est permis pour éviter le traitement chirurgical car il est difficile en raison de l'importante fibrose du tissu radique et dangereux par le risque de reprise du processus radique. Il ne doit donc être proposé qu'en dernier recours et/ou dans le cadre particulier des ulcérations creusantes, des sténoses et des fistules ano-recto-génito-urinaires invalidantes.

L’algorithme présente sur le Tableau II (13) résume les diverses indications.

Conclusion

   Le traitement curatif des rectites radiques chroniques hémorragiques s’est considérablement amélioré ces dix dernières années. Ainsi, les topiques de sucralfate ou de corticoïdes ainsi que l’électrocoagulation au plasma d’argon, éventuellement complétée par un traitement par formaline, permettent désormais de soulager la plupart des patientes. Il persiste toutefois des situations délicates qui rappellent que la prévention de ces lésions radiques est capitale. En l’occurrence, l’effet radioprotecteur de certaines drogues administrées pendant la radiothérapie (notamment le misoprostol, le sucralfate ou l’amifostine) reste à confirmer.

En revanche, les progrès technologiques ont permis l’avènement de nouvelles techniques d’irradiation comme la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle ou la radiothérapie en modulation d’intensité qui devraient diminuer la prévalence des complications radiques chroniques. Ces techniques modernes sont en effet moins toxiques que la radiothérapie conventionnelle en diminuant le volume de rectum irradié et en épargnant de mieux en mieux les tissus sains de voisinage, tout en étant plus précises sur les tissus cibles (14).

Bibliographie

1) Reis ED, Vine AJ, Heimann T. Radiation damage to the rectum and anus : pathophysiology, clinical features and surgical implications. Colorectal Dis 2002;4:2-12.

2) Canard JM, Vedrenne B, Bors G, Claude P, Bader R, Sondag D. Résultats à long terme du traitement des rectites radiques hémorragiques par la coagulation au plasma d’argon. Gastroentérol Clin Biol 2003;27:455-9.

3) Goldstein F, Khoury J, Thornton JJ. Treatment of chronic radiation enteritis and colitis with salicylazosulfapyridine and systemic corticosteroids. Am J Gastroenterol 1976;65:201-8.

4) Kochhar R, Sriram PV, Sharma SC, Goel RC, Patel F. Natural history of late radiation proctosigmoiditis treated with topical sucralfate suspension. Dig Dis Sci 1999;44:973-8.

5) Kim TO, et al. Rebampide enema therapy as a treatment for patients with chronic radiation proctitis: initial treatment or when other methods of conservative management have failed. Int J Colorectal Dis 2008;23:629-33.

6) Silva RA, Correia AJ, Dias LM, Viana HL, Viana RL. Argon plasma coagulation therapy for hemorrhagic radiation proctosigmoiditis. Gastrointest Endosc 1999;50:221-4.

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9) Seow-Choen F, Goh HS, Eu KW, Ho YH, Tay SK. A simple and effective treatment for hemorrhagic radiation proctitis using formalin. Dis Colon Rectum 1993;36:135-8.

10) Salvati EP. Invited commentary on application of formaldehyde for treatment of hemorrhagic radiation-induced proctitis. World J Surg 1996;20:1094-5.

11) De Parades V, Etienney I, Bauer P, Bourguignon J, Meary N, Mory B, et al. Formaline application for chronic hemorrhagic radiation proctitis. An effective but not risk-free procedure : a prospective study of 33 patients. Dis Colon Rectum 2005;48:1535-41.

12) Fink D, Chetty N, Lehm JP, Marsden DE, Hacker NF. Hyperbaric oxygen therapy for delayed radiation injuries in gynecological cancers. Int J Gynecol Cancer 2006;16:638-42.

13) De Parades V, Bauer P, Marteau P et al. Traitement non chirurgical des rectites radiques chroniques chroniques. Gastroenterol Clin Biol 2007;31:919-928.

14) Abbasakoor F, Vaizey CJ, Boulos PB. Improving the morbidity of anorectal injury from pelvic radiotherapy. Colorectal Dis 2006;8:2-10.

Docteur Patrick ATIENZA. Service de Proctologie Médico-Interventionnelle. Groupe Hospitalier Diaconesses - Croix Saint-Simon. Site Reuilly. 75012 Paris

Tableau I : Score clinique de Chutkan et al.:

Score

Correspondance clinique

0

pas de saignement

1

saignements sur le papier et/ou les selles

2

saignements dans la cuvette

3

saignements abondants avec caillots

4

saignements nécessitant des transfusions globulaires

Tableau II : Algorithme (13): Stratégie thérapeutique, non chirurgicale, des rectites radiques chroniques hémorragiques :