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2008 > Néonatologie > Sortie précoce de la maternité  Telecharger le PDF

Bien gérer les sorties précoces de maternité

I. Demontgolfier

 

Introduction

L’organisation des sorties précoces de maternité des femmes ayant récemment accouché et de leur enfant est un sujet d’actualité qui a fait l’objet courant 2004 de recommandations par L’ANAES que je vous rapporte aujourd’hui.

L’objectif partagé par tous est de faire de cette stratégie un atout, tant au bénéfice familial que pour la société. Pour comprendre les enjeux, il est particulièrement instructif dans un premier temps de s’interroger sur ce qui se passe à l’étranger. Nous dresserons ensuite un rapide état des lieux de la situation en France avant d’aborder les recommandations formulées récemment par l’ANAES.

Le retour précoce à domicile après un accouchement (RPDA) : exemples et contre-exemples

En préambule il faut préciser que les exemples qui vont suivre sont rapportés dans des publications mais ne reflètent pas nécessairement le fonctionnement majoritaire d’un pays. Ils constituent néanmoins d’intéressantes bases de réflexion.

Mauvaise gestion des RPDA : l’exemple des USA

Dans les années 1970, la durée moyenne de séjour hospitalier après un accouchement était de 4,1 jours. Sous la pression des familles initialement mais aussi pour des raisons économiques et de pénurie de lit d’hospitalisation, on a observé un raccourcissement de la durée d’hospitalisation après accouchement. Il s’accompagnait alors d’une démédicalisation de la période du post-partum.

Dans les années 1980, sous la pression cette fois des organismes d’assurance de santé, les RPDA se sont développées, la durée du séjour pris en charge par certaines assurances n’étant plus que de 12 à 24 heures et sans organisation d’une prise en charge particulière à domicile.

Ce glissement progressif s’est accompagné sur le plan pédiatrique de la réapparition de complications graves en particulier d’ictères nucléaires.

En 1992, alors que la durée moyenne de séjour du post-partum était de 2.7 jours l’American Academia of Pediatrics a émis des «guidelines for perinatal care» et instauré un registre de surveillance des ictères nucléaires.

Enfin, en 1995 dans l’état du Maryland puis en 1996 au niveau fédéral, une loi de protection de la mère et de l’enfant «mothers’ and infants’ Health Security Act’» a été votée. Elle impose aux compagnies d’assurance de prendre en charge le séjour des mères et de leur enfant 48 heures après un accouchement par voie basse et 96 heures après une césarienne à partir du lendemain de la naissance. La sortie est désormais décidée selon des critères de sélection des mères et des nouveau-nés. Le suivi doit être organisé. L’évaluation après 5 ans conclut que des améliorations sont nécessaires dans la prise en charge du bien être et non plus seulement dans la prévention des catastrophes.

En 2003, la durée moyenne de séjour du post-partum est de 2.1 jours pour les voies basses et de 4 jours pour les voies opératoires.

Les expériences heureuses

Au Canada, la durée enregistrée est de 2.4 jours tout confondu mais le décompte commence au jour de l’admission et non pas à la naissance. Les motivations à la diminution du temps de séjour ont été essentiellement économiques et les recommandations médicales ont été faites en 1997. Les sorties précoces sont organisées dès la période anténatale.

En Hollande, trois échelons de prise en charge des maternités existent selon le niveau de risque médical. Le premier échelon concerne les femmes dont la grossesse est suivie en ville par une sage-femme et l’accouchement se fait alors à domicile. Ceci représente 31.5 % des grossesses. La sage-femme est assistée d’une «aide de couches» (infirmière spécialisée) qui reste au domicile pour aider la maman 8 heures par jour pendant les 8 jours qui suivent la naissance, elle est en grande partie financée par les organismes de santé.

En Suisse, les sorties sont plus tardives à J4 et J6 et il existe un système d’aide à domicile pris en charge par l’assurance de santé jusqu’au 10ème jour.

En Angleterre, le couple établit avec l’aide de son médecin un «birth plan» avec la possibilité d’un suivi par un médecin ou une sage-femme, l’accouchement peut se faire à la maison ou dans une «maison de naissance». Ils peuvent adopter le programme DOMINO (domicile in and out) qui prévoit le suivi du travail à la maison, l’accouchement à l’hôpital puis le retour à la maison à H6. Un suivi postnatal de 10 jours est organisé.

Aucune de ces situations n’est comparable. Le premier obstacle essentiel est l’absence de définition commune. La discussion d’un retour précoce à domicile après un accouchement fait ensuite intervenir les rouages préexistants du système de santé dont la complexité rend impossible toute analyse comparative.

Le RPDA en France

Le choix d’une définition

La meilleure définition du RPDA serait «une sortie survenant plus tôt qu’habituellement» mais cela ne permettrait pas encore les comparaisons. La définition choisie par les rapporteurs de l’ANAES est un retour entre J0 et J2 après un accouchement par voie basse et entre J0 et J4 après une césarienne ; J0 étant le jour de l’accouchement.

L’évolution du RPDA en France

L’évolution observée en France n’échappe pas à la tendance rapportée dans d’autres pays : les séjours en maternité raccourcissent régulièrement. En 1994, 1.7% des sorties étaient précoces, en 2002 ce chiffre atteint 7%.. La durée de séjour moyenne est élevée (J4-5 pour les voies basses, J7-J8 pour les césariennes).

Ces chiffres décrivent une tendance mais certainement pas la réalité car il n’existe pas de registre national des durées d’hospitalisation en maternité. Néanmoins, le réseau AUDIPOG (Association des utilisateurs d’informatique, pédiatres, obstétriciens et gynécologues) regroupe depuis 1994 les données de 201 maternités et 175 000 naissances mais couvre mal l’Ile de France

Il rapporte une très grande disparité : les sorties précoces concernent entre 0 et 65% des mères selon les établissements, 15% environ en Ile de France contre 4-5% en province. Les statistiques par niveau de soin après un accouchement par voie basse sont 10.1% dans les niveaux III (20% dans les niveaux II d’Ile de France), 7.7% dans les niveaux II et 4.1% dans les niveaux I.

Dans 93.8% des cas, la femme sort à domicile sans aide. L’hospitalisation à domicile (HAD) est proposée dans les autres cas.

Le recours à une sortie précoce concernent des situations aux critères communs : multiparité, voie basse spontanée, absence d’anesthésie, absence d’hémorragie, absence de déchirure, naissance à terme, nouveau-né eutrophe, absence d’anamnèse infectieuse.

Depuis la fin des années 1990, le retour précoce à domicile devient une évidence partagée par l’ensemble de la société pour des motifs divers :

- La saturation des maternité est le fait, d’une part, d’une hausse des naissances et d’autres part, des décrets de périnatalité de 1998 qui ont précipité la fermeture de certaines maternités, entraînant une diminution du nombre de lit d’hospitalisation de niveau I et la saturation des centres de niveau III par les transferts in-utero. La surcharge de travail qui en découle associée à la pénurie de personnel médical et soignant conduit à l’essoufflement des professionnels de maternité.

-L’émergence de mouvements «écolo» cherchant à démédicaliser la maternité fait accroître la demande d’une prise en charge «à la carte» comprenant souvent un retour rapide à la maison.

-Enfin, l’argument économique, même s’il est encore très discuté, participe largement à l’actualisation des sorties précoces. La tarification à l’activité devrait inciter vivement les chefs de service de maternité à faire sortir les accouchées à J2 afin d’accroître leurs recettes mais la concentration des soins sur un temps d’hospitalisation plus court et le surcoût de soins médicaux dispensés en ville à ces couples mère-enfant ne rend pas l’équation nécessairement en faveur de la sortie précoce.

Elaboration des recommandations de l’ANAES

En 1999, les sage-femmes ont fait la demande d’un travail par l’ANAES sur les sorties précoces en France. Ce travail a été élaboré par 50 professionnels et comprend 145 pages. Finalisé en mai 2004 il est disponible depuis septembre 2004 sur le site internet de l’ANAES (www.anaes.fr). Il s’agit d’une revue de la littérature internationale complète sur le sujet à partir desquelles les auteurs élaborent des recommandations résumées en 31 pages. Comme dans tous les cas, si les recommandations de l’ANAES ne constituent pas une marche à suivre obligatoire, chaque professionnel concerné doit en connaître le contenu pour pouvoir justifier d’un choix éventuellement différent.

La bonne gestion d’un RPDA requiert une anticipation et donc une organisation.

Chaque site de naissance est invité, muni de ses atouts et chargés de ses contraintes, à élaborer sa propre politique. Au cours du suivi de l’accouchement, cette politique de maternité devra être exposée à la mère, idéalement au cours de l’entretien du 4ème mois afin qu’elle puisse jouir de son libre choix. Par la suite, la décision finale d’un RPDA après une naissance à terme non compliquée se fera à trois conditions sine qua non :

1. La famille est volontaire et informée que son choix n’est en aucun cas définitif mais révisable à tout moment du pré ou du post-partum.

2. Il n’existe pas de contre-indication médicale concernant la mère, l’enfant ou de contre-indication sociale.

3. Enfin, un suivi est possible quelque soit sa nature (médecin et soignant de ville, hospitalisation à domicile, consultation externe…)

La décision médicale d’un RPDA

Recommandations concernant la mère

Les recommandations concernant la mère insistent sur la nécessité d’un volontariat éclairé et récent, l’avis du père est recueilli mais c’est celui de la mère qui prime.

Une discussion passionnée, comme c’est toujours le cas à propos de l’allaitement, est ouverte. L’allaitement pourrait être menacé par le RPDA si la montée laiteuse n’a pas eu lieu et l’efficacité de l’allaitement n’a pas pu être démontrée avant la sortie. Cependant les études rapportent que l’allaitement est facilité par le RPDA par le grand bénéfice que la mère tire de n’avoir qu’un seul avis, a fortiori personnalisé et prolongé dans ses questionnements relatifs à l’allaitement.

Des situations médicales maternelles à risque contre-indiquent le RPDA comme une hémorragie, une anémie importante, des antécédents psychiatriques, ou des difficultés sociales compromettant la qualité d’un suivi en ville. Le contrôle de la douleur doit être acquis (épisiotomie, tranchées, cicatrice de césarienne, crevasses mamelonnaires). Le personnel de la maternité doit avoir observé la mise en place d’interactions mère-enfant de bonne qualité.

Recommandations concernant l’enfant

L’expérience de nos collègues étrangers a permis d’identifier 4 risques. La déshydratation, la décompensation d’une cardiopathie, la survenue d’un ictère pathologique, une infection. La suspicion d’un de ces risques contre-indique un RPDA et la sécurité du retour du nouveau-né à domicile requiert la possibilité de dépister la survenue de l’un d’eux.

La déshydratation

Le risque de déshydratation du nouveau-né est franchement réduit, même en cas d’allaitement exclusif si la sortie n’est autorisée qu’à deux conditions :

-Deux prises alimentaires correctes ont été observées

-La mère connaît les signes d’une hydratation satisfaisante (miction ≥ 3 pendant les deux premiers jours, ≥ 6 les jours suivants ; courbe de poids normale, alternance régulière de périodes d’éveil et de sommeil).

Si une de ces conditions n’est pas remplie, le RPDA est contre-indiqué.

L’ictère

La réapparition de nombreux cas d’ictère nucléaire aux Etats-Unis parallèlement au raccourcissement des séjours en maternité a alerté les pédiatres américains. En 1998, Maisels explique cette augmentation par les modifications de la durée de séjour passant de 4-5 jours à moins de 36 heures dans la population concernée, parallèlement à une nette augmentation de l’allaitement maternel passant de 30 à 60 voire 85% et enfin, toujours dans cette même population, à l’accroissement de la proportion de mère d’origine asiatique. Il est déduit alors que les recommandations de prise en charge de l’ictère doivent être adaptées à ces changements majeurs. Ce sont les résultats de l’étude des données du registre des ictères, mis en place en 1992 par l’académie américaine des pédiatres, qui aideront à préciser ces recommandations. Parmi les 90 cas d’ictères nucléaires rapportés, dans la majorité des cas, l’enfant est prématuré, l’ictère a débuté avant H24, l’allaitement est exclusif, l’évaluation a été clinique, les consignes prodiguées à la sortie n’ont pas été respectées. 26% sont associés à une déshydratation. Dans un tiers des cas l’ictère est idiopathique, dans un deuxième tiers, il existe un déficit en G6PD. Les auteurs concluent à la nécessité d’un suivi efficace 2 à 3 jours au moins lorsque l’enfant sort avant H48.

En France, l’ictère est le premier motif de réhospitalisation lorsque la sortie est autorisée avant H24. Avant d’autoriser la sortie il faut donc repérer les situations à risque d’ictère (ATCD dans la fratrie, polyglobulie, hématomes), quantifier l’ictère au moins par deux mesures comparatives.

L’existence d’une de ces situations contre-indique le RPDA

Dépistage des cardiopathies

Celui-ci est assisté en France par l’existence d’un taux particulièrement élevé de diagnostic anténatal. Néanmoins, l’ANAES recommande la recherche d’une «modification de l’examen des bruits du cœur et de la perceptibilité des pouls fémoraux» et donc la réalisation de deux examens pédiatriques dans les premiers jours de vie. Les rapporteurs en profitent pour recommander que le 2ème examens soit effectivement réalisé vers J7-J10 comme le prévoyait la production du certificat dit du 8ème jour actuellement délivré dans plus de 90% des cas avant J4.

La suspicion d’une cardiopathie en maternité contre-indique le RPDA.

L’infection

La lutte contre les infections materno-fœtales a fait l’objet de recommandations par l’ANAES fin 2001 auxquelles il convient de se référer. L’étude de l’anamnèse, l’existence ou non d’une antibioprophylaxie per-partum, de signes maternels, de signes cliniques chez le nouveau-né et enfin les résultats bactériologiques et biologiques doivent être connus et la possibilité d’une infection a priori écartée avant que le nouveau-né ne sorte de maternité.

Le risque infectieux contre-indique le RPDA.

La réalisation des tests de dépistage sanguins, optimale à H72, doit être organisée si un RPDA est décidé. Afin que l’exhaustivité de ces tests soit pérenne, la responsabilité de sa réalisation reste à la maternité. Cela sous-entend d’une part, que la maternité doit fournir le matériel de prélèvement aux parents ou au personnel-relais et d’autre part, assurer la formation du personnel concerné en ville à l’information de la famille et aux techniques du «Guthrie sans douleur». La gestion des résultats incombe aux maternités en collaboration avec les centres de dépistage.

L’organisation du RPDA

La sortie de maternité doit être encadrée d’une transmission de qualité.

Celle-ci est en partie véhiculée de façon orale, via la maman mais un support écrit est obligatoire, Il ne s’agit plus là d’une simple recommandation.

Le carnet de santé peut participer à cette liaison écrite mais il est rarement suffisant. Une feuille de liaison spécifique concernant la mère et l’enfant doit être mise en place et répondre au double objectif de transmettre les informations nécessaires et de recueillir les éléments de suivi. En pratique, chaque lieu de naissance devra réaliser un outil adapté à son système de relais à domicile.

La première visite du nouveau-né devrait idéalement être organisée avant la sortie par le personnel de la maternité en collaboration avec la famille. Elle aura lieu à la maison si possible, le lendemain de la sortie si celle-ci survient avant J2, sinon le surlendemain. Elle peut être assurée par une sage-femme, une puéricultrice, un médecin généraliste, un pédiatre. Au cours de cette visite le matériel minimum requis est un pèse-bébé et un bilirubinomètre transcutané.

Par la suite deux autres visites au moins, soit trois visites au total, doivent être prévues. Elles seront l’occasion de surveiller la prise de poids, l’allaitement, la mise en place d’interactions mère-enfant de qualité.

En plus de ces visites, la mère doit pouvoir bénéficier d’une hotline, assistance téléphonique 24H/24, d’au moins un examen par un pédiatre au mieux vers J7-J10. Une travailleuse familiale financée en partie au moins par la CAF et ou la CPAM doit être proposée. Il est recommandé de faciliter l’intervention des assistances sociales.

Le RPDA, quelle faisabilité

Si elles dictent des grandes lignes sécuritaires, ces recommandations laissent une grande souplesse aux modalités de réalisation.

Les médecins et les soignants hospitaliers craignent une augmentation du travail à accomplir en anténatal et en suite de couches. Ils redoutent une concentration des soins et l’augmentation de la quantité d’information à transmettre en un temps plus court. Néanmoins, ils sont également en première ligne pour sonder l’importance de la demande d’un service plus «à la carte» et du souhait des familles de se réapproprier la naissance. Il leur faut apprendre à déléguer le rôle qu’ils s’étaient vu donner.

Le recours à l’HAD est actuellement la situation la plus fréquente. Le message sous-jacent, d’une grande actualité en périnatalité, est la réalisation de réseaux ville-hôpital anté et postnatal. L’expérience récente de l’hôpital BICHAT à Paris est prometteuse. Un réseau prénatal a vu le jour en deux ans et donne de bons résultats en terme de précocité et de qualité de suivi des grossesses.

En postnatal, il nous faudra solliciter les PMI déjà souvent surchargées et chercher d’autres partenaires : sage-femmes détachées ou libérales, travailleuses familiales formées aux suites de couches, pédiatres détachés ou libéraux.

 

 

 

 

Unité de néonatologie du Groupe hospitalier Pitié Salpêtrière
Texte des recommandations de l’ANAES et références disponibles sur le site www.anaes.fr.