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Titre: Aspects génétiques et épigénétiques de la microinjection ovocytaire avec sperme immature
Année: 1998
Auteurs: - Tesarik J.
Spécialité: Infertilité
Theme: Infertilité masculine

Aspects génétiques et épigénétiques de la microinjection ovocytaire avec sperme immature

Jan Tesarik1, Moncef Benkhalifa2 et Carmen Mendoza3

1Laboratoire d'Eylau, 55 rue Saint Didier, 75116 Paris;
2Laboratoire Marcel Mérieux, 94-96 Rue Chevreul, 69357 Lyon Cedex 07; et 3Département de Biochimie et de Biologie Moléculaire, Faculté des Sciences, Université de Granada, Campus Universitario Fuentenueva, 18071 Granada, Espagne

Introduction

Le développement de spermatozoïdes a lieu dans l'épithelium des tubules séminifères du testicule. Chaque spermatozoïde met environ 65 jours pour achever son développement à partir d'une cellule souche dans un processus qui est marqué par au moins trois divisions mitotiques et deux divisions meïotiques. Les cellules les plus jeunes de la lignée spermatogénique sont les spermatogonies, cellules diploïdes situées proche de la base du tubule séminifère. Elles se divisent activement avant d'entrer au stade de spermatocyte primaire. Chaque spermatocyte primaire subit encore deux cycles de division cellulaire mais son ADN n'est rédupliqué qu'avant la première division après laquelle le spermatocyte secondaire ne synthétise plus d'ADN. Le spermatocyte se divise ensuite encore une fois donnant naissance à deux spermatides rondes. Par conséquent, les spermatides rondes sont des cellules haploïdes (ayant réduit à moitié le contenu d'ADN et le nombre de chromosomes) tout comme les spermatozoïdes. Cette réduction du matériel génétique est nécessaire pour que le statut diploïde soit rétabli après la fécondation et l'intégration des génomes des deux gamètes dans le génome unique du futur embryon.

Les changements que la spermatide ronde subit pour devenir spermatozoïde ont essentiellement pour but de doter le gamète mâle d'une capacité d'atteindre l'ovocyte, de pénétrer ses enveloppes protectrices et de fusionner avec lui. En bref, la cellule s'amincie, fait apparaître un axe antério-postérieure (d'où le terme spermatide allongée) et développe un flagelle, qui servira pour les déplacements du futur spermatozoïde, et un vésicule sécrétoire modifié nomé acrosome qui contient des enzymes hydrolytiques utilisées par le spermatozoïdes pour la pénétration de l'ovocyte au moment de la fécondation. Pour réaliser ces changements, l'ARN messager (ARNm) est synthétisé en abondance jusqu'au stade de spermatide ronde; certaines éspèces d'ARNm ne sont traduites en protéines que pendant le développement des spermatides allongées quand la transcription est déjà arrêtée.

En pathologie humaine on connaît plusieures conditions dans lesquelles le processus de spermatogenèse est perturbé entraînant une azoospermie (absence de spermatozoïdes dans l'éjaculat). Ces azoospermies sont appelées sécrétoires ou non obstructives pour les distinguer des azoospermies excrétoires ou obstructives où des spermatozoïdes continuent de se développer dans le testicule d'où ils peuvent être facilement prélevés par biopsie. Des études récentes montrent que des cellules spermatogéniques immatures sont parfois récupérables à partir de biopsies testiculaires ou même de l'éjaculat chez certains patients soufrant d'une azoospermie sécrétoire et que ces cellules peuvent féconder l'ovocyte humain (1). C'est en utilisant des spermatides rondes en provenance de l'éjaculat que les premiers enfants conçus avec des précurseurs de spermatozoïdes sont nés (2).

Bien que les résultats obtenus chez les animaux et les premiers résultats cliniques montrent que la procréation avec sperme immature est faisable, rien ne serait plus grave que d'assimiler ces résultats préalables à une garantie d'absence de tout risque. Dans le contexte d'application humaine, il est surtout pertinent de se poser chaque fois deux questions. La première question est pourquoi l'homme qui doit être inclus dans le programme de conception avec sperme immature ne produit pas de spermatozoïdes matures. La deuxième question est de savoir si tous les élements nécessaires pour le développement du futur embryon outre que le matériel génétique sont réunis dans le sperme immature de ce patient. La première question nous amène logiquement sur le terrain de possibles anomalies génétiques associées aux problèmes de spermatogénèse, alors que la deuxième question évoque la problématique complexe des facteurs épigénétiques qui ne sont pas moins importants pour le développement que l'information génétique.

Le but de cette contribution est de résumer les différences principales entre la conception naturelle et celle avec sperme immature et de rappeler les mécanismes hypothétiques par lesquels ces différences pourraient génerer des facteurs de risque génétiques et épigénétiques pour le développement du futur enfant. Un certain nombre d'examens et de précautions est ensuite proposé pour mettre ces facteurs sous contrôle. Enfin, des sujets de recherche sont formulés pour mieux comprendre les rélations avec la maturité des gamètes et le développement.

 

Aspects génétiques

Il est connu que plusieures anomalies génétiques comportent des problèmes de spermatogénèse dans son phénotype. A titre d'exemple, toute une panoplie de microdéletions sur le bras long du chromosome Y peut être associée à l'azoospermie sécrétoire tandis que la production des cellules précurseures peut être préservée (3-5).

Il est connu depuis longtemps que le chromosome Y est relativement instable. Par conséquent, ce chromosome est plus souvent l'objet de remaniements, tels des amplifications, des duplications, des délétions et des mutations, par rapport aux autres chromosomes, plus stables. Des remaniements minuscules font partie du polymorphisme naturel et ne sont liés à aucun phénotype pathologique. Les remaniements du chromosome Y commencent à perturber la spermatogénèse lorsqu'ils influencent, directement ou indirectement, la fonction des gènes impliqués dans ce processus. Tous ces gènes et leur façon d'agir n'ont pas encore été identifiés mais il en existe au moins 3 dont l'implication paraît très probable. Tous ces 3 gènes codent pour des protéines avec un motif moléculaire déterminant leur affinité pour l'ARN et il est donc possible qu'il s'agit de facteurs contrôlant l'expression d'autres gènes sur le niveau post-transcriptionnel, en modifiant la traduction des ARN messagers correspondants en protéines. Un de ces 3 gènes en question, baptisé DAZ ("Deleted in azoospermia"), a été repéré dans un segment distal (région Yq11) de la partie euchromatinienne du bras long du chromosome Y (4). L'association des délétions macroscopiques (détectables par l'examen du karyotype) dans cette région avec des problèmes de la spermatogénèse était connue depuis les travaux de Tiepolo et Zuffardi dans les années soixante-dix. Ces derniers auteurs avaient suggéré l'existence d'un gène hypothétique de spermatogénèse - "Azoospermia factor (AZF)" - dans cette région aussi appelée région AZF (4). Le gène identifié DAZ est ainsi devenu un candidat pour le gène hypothétique AZF. Les deux autres gènes, baptisés RBM1 et RBM2 (aussi appelés YRRM1 et YRRM2), font partie d'une famille de gènes appelée RBM ("RNA binding motif") ou YRRM ("Y-chromosome genes with RNA recognition motif") et sont localisés dans une sous-région plus proximale du bras long du chromosome Y (3). Plus récemment Vogt et coll. (6), étudiant la région Yq11 chez 370 hommes avec azoospermie non obstructive ou oligozoospermie sévère, ont observé des microdélétions localisées dans 3 différentes sous-régions de Yq11 pour lesquelles ils ont proposé les noms AZFa (la plus proximale), AZFb (intermédiaire) et AZFc (la plus distale). La relation éventuelle entre la localisation de la microdélétion dans chacune de ces 3 sous-régions et la sévérité de la défaillance spermatogénique reste à être explorée avec des nombres de cas plus importants. Cependant, des données publiées par plusieurs groupes montrent qu'aucune microdélétion connue dans la région AZF n'exclut la présence de spermatozoïdes potentiellement fécondants et, par conséquent, la transmission de la microdélétion à la descendance masculine par le biais de l'ICSI. D'autre part, des microdélétions localisées en dehors des trois sous-régions AZF peuvent être, elles aussi, associées à une infertilité masculine sévère et transmissible à la descendance par l'ICSI. Il est possible que le phénotype correspondant à une délétion dans le chromosome Y est co-determiné par la présence et l'activité d'autres gènes contrôlant la spermatogénèse et localisés dans des autosomes dont un, appelé DAZLA ("DAZ-like autosomal") a récemment été réperé dans le chromosome 3 humain (7).

Si la procréation est rendue possible aux porteurs de microdélétions dans le chomosome Y ou dans des autosomes par le biais de la conception avec sperme immature, il est fort probable que l'infertilité du même type sera transmise à la descendance masculine. Bien évidemment, le problème se pose d'une façon sensiblement moins aigue lorsqu'on peut s'assurer que le patient en question était capable de produire des spermatozoïdes matures auparavant ou lorsque des périodes d'azoospermie alternent avec celles d'oligozoospermie très sévère. Le fait que le patient a déjà démontré sa capacité de produire des spermatozoïdes matures pendant sa vie peut exclure les anomalies génétiques les plus graves qui sont totalement incompatibles avec l'achèvement de la spermatogénèse. C'était effectivement le cas de la premières série de patients pour lesquels la technique d'injection intra-ovocytaire de spermatides a été appliquée avec succès (1, 2).

En effet, une oligozoospermie très sévère alternant avec une azoospermie peut être provoquée par un grand nombre de facteurs environmentaux et donc non transmissibles à la descendance. Ces facteurs non-génétiques comprennent des traumatismes physiques entraînant ou non la production d'autoanticorps, des infections virales, des substances toxiques, la radiation, une élévation de la température due à l'infection ou au mode d'habillement et d'autres. Une perturbation de la spermatogénèse peut être aussi occasionnée par des changements en microvaculature testiculaire y compris les effets d'une varicocèle. L'implication de facteurs non-génétiques dans la pathogénèse d'une azoospermie est donc beaucoup plus probable lorsqu'une preuve existe que l'individu a pu produire des spermatozoïdes auparavant et que cette fonction a connu une détérioration progressive. L'identité du facteur en cause peut souvent être déterminée en examinant minutieusement les données d'anamnèse. Le risque de transmission d'une anomalie génétique dans ces cas ne peut pas être supérieur à celui associé à l'injection intra-ovocytaire de spermatozoïdes matures lors d'une oligozoospermie très sévère. En revanche, en absence d'une telle preuve, la probabilité d'une étiologie génétique est sensiblement plus élevée.

En dehors de l'intérêt scientifique, la question principale qui intéresse les médecins impliqués dans le diagnostic et le traitement d'infertilité est celle de la valeur diagnostique de l'analyse moléculaire du chromosome Y. Cette question est étroitement liée à celle de l'importance du risque de transmission d'une infertilité d'origine génétique à la descendance lorsque la paternité des sujets atteints est devenue possible grâce aux nouvelles techniques de reproduction assistée. Ce risque devient encore plus important avec la mise en oeuvre de méthodes susceptibles de restituer la capacité reproductive des hommes dont la spermatogénèse est bloquée aux stades préalables à la diférenciation de spermatozoïdes, tels les spermatides et les spermatocytes (8).

A l'état actuel, le diagnostic d'une microdélétion, notamment lorsque celle-ci est importante et touche une des régions critiques (voir ci-dessus) du chromosome Y signifie un risque important de transmission d'hypofertilité, voire d'infertilité dont la gravité est impossible à prévoir. Cependant, si le diagnostic est fait à partir de cellules sanguines, ce qui est le plus souvent le cas, il est aussi possible qu'il s'agit d'un mosaïcisme génétique et que les spermatozoïdes sont épargnés. La détection d'une microdélétion dans le chromosome Y chez un homme infertile ne peut servir ni à la prédiction de la possibilité d'obtenir des spermatozoïdes par prélèvement testiculaire (en cas d'une azoospermie) ni à l'évaluation du pouvoir fécondant des spermatozoïdes ou des spermatides provenant de ce sujet. En dépit de ces incertitudes, il nous paraît souhaitable que la recherche de microdélétions dans le bras long du chromosome Y soit effectuée au préalable d'une tentative de reproduction assistée chez tout homme atteint d'une oligozoospermie non obstructive sévère ou d'une azoospermie (en vue de l'usage de spermatozoides testiculaires ou de spermatides pour la fécondation). L'inclusion de cet examen au préalable de tout ICSI pour indication masculine devrait être encouragée. En cas de positivité, le couple doit être informé adéquatement et l'examen devrait être répeté chez tout enfant du sexe masculin issu de ces traitements pour vérifier si la transmission a eu lieu. On peut éspérer que la recherche actuelle dans ce domaine rendra bientôt disponible l'information sur les rôles exacts de différents gènes impliqués dans la spermatogénèse. Ceci permettra l'élaboration de stratégies diagnostiques globales dont la valeur prédictive sera nettement supérieure par rapport à la situation actuelle.

Aspects épigénétiques

Le spermatozoïde fécondant fournit au futur embryon non seulement le génome paternel mais aussi plusieurs facteurs épigénétiques. Ils comprennent des facteurs cytosoliques responsables de l'activation ovocytaire, le centrosome et une empreinte spécifique sur certains gènes. L'action de tous ces facteurs peut être perturbée en cas d'utilisation de sperme immature pour la fécondation.

Activation ovocytaire

Le sperme immature n'étant pas doté des outils nécessaires pour pénétrer par ses propres moyens dans l'ovocyte, le recours à une technique artificielle est inéluctable. Alors que les travaux originaux sur des animaux utilisaient une electrofusion (fusion de la membrane plasmique du spermatozoïde avec celle de l'ovocyte à l'aide d'une décharge éléctrique) après l'injection du spermatozoïde dans l'espace entre l'ovocyte et la zone pellucide qui l'entoure, les travaux sur l'homme avaient recours à une injection directe du spermatozoïde dans le cytoplasme ovocytaire. Dans certains cas les spermatides ont été physiquement désintégrés et seuls leurs noyaux ont été injectés.

Quoi qu'il s'agisse d'une électrofusion ou d'une injection directe, ces techniques artificielles comportent une disruption partielle et temporaire de la membrane plasmique de l'ovocyte qui protège le milieu interne de cette cellule. Ceci ouvre la porte aux substances présentes dans le milieu externe, telles des protéines ou des acides nucléiques, pour lesquelles la membrane plasmique intacte réprésente une barrière. A noter que la situation strictement identique se produit lors de l'injection des spermatozoïdes matures, technique de reproduction assistée actuellement largement répandue.

Il est important de souligner que l'entrée de substances extracellulaires à travers la membrane plasmique endommagée, outre les risques potentiels, est indispensable pour le succès de la technique. Ainsi l'entrée massive des ions de calcium est bénéfique pour l'activation ovocytaire lorsque les sperme immatures sont utilisés pour la fécondation et probablement aussi pour la fermeture rapide des ouvertures créées dans la membrane plasmique et la restitution de la composition normale du milieu intracellulaire (8).

Le fait que l'injection directe du sperme immature dans l'ovocyte courtcircuit tout contact entre les membranes plasmiques des deux cellules peut être aussi à l'origine d'une certaine préoccupation puisque l'abolition de ce contact dans le cas de l'injection intra-ovocytaire des spermatozoïdes matures a pour conséquent une légère modification de la réponse ovocytaire au spermatozoïde fécondant, notamment en ce qui concerne les caractéristiques des changements de la concentration du calcium intracellulaire libre. Une contribution des irrégularités de ce genre aux développement d'anomalies du cycle cellulaire, qui pourraient entraîner des anomalies chromosomiques, a été suspectée (9). Bien que le franchissement non naturel de la membrane plasmique ovocytaire est un trait commun pour l'injection de sperme immatures et pour celle de spermatozoïdes matures, la conjoncture avec d'autres facteurs, unique à la conception avec sperme immatures, peut rendre les ovocytes ainsi traités plus vulnérables.

L'injection intra-ovocytaire de noyaux isolés des sperme immatures, pratiquée par certaines équipes plutôt que l'injection des cellules entières, peut être à l'origine d'anomalies supplémentaires. En premier lieu, l'activation ovocytaire pendant la fécondation est dépendante de la libération à partir du gamète mâle de facteurs cytosoliques. En rejettant le cytoplasme du sperme immature on risque donc de se priver d'une quantité considérable de ce facteur à moins qu'il soit associé majoritairement avec le noyau, ce qui est loin d'être prouvé.

Centrosome

L'exclusion du cytoplasme du sperme immature peut aussi entraîner une perte du centrosome. Ceci n'est pas grave chez la souris où l'injection des noyaux isolés de sperme immatures dans les ovocytes donne des embryons viables et marche même mieux par rapport à l'injection de cellules entières. En effet, la souris réprésente une exception de la règle générale selon laquelle c'est le centrosome paternel qui se charge de la fonction d'organisateur des microtubules dans le futur embryon alors que la fonction du centrosome maternel est reprimée. Ce qui marche pour la souris ne marchera donc pas pour l'homme. Ces différences interspécifiques peuvent expliquer pourquoi l'injection intra-ovocytaire de noyaux isolés à partir des spermatides semble d'être moins efficace par rapport à l'injection des spermatides entières.

Empreinte génomique

L'empreinte génomique est une modification différentielle des alleles de l'origine paternelle et maternelle de gènes dont la fonction est de réguler l'expression de ces gènes. Une expression anormale des gènes imprimés, le plus souvent l'expression biallelique ou absence d'expression au lieu d'une expression monoallelique paternelle ou maternelle, est parfois associée aux pathologies humaines (voir référence 10 pour la bibliographie complète). Ainsi une relaxation d'empreinte du gène IGF2 (gène qui encode un facteur de croissance - "insulin-like growth factor 2"), a été détectée chez certains patients atteints par des affections tumorales, notamment la tumeur de Wilms ou rhabdomyosarkome. Il est vrai que l'expression biallelique du IGF2 (au lieu d'une expression monoallelique paternelle) a été observée seulement dans les cellules des organes atteints du cancer et il n'est pas clair si la relaxation de l'empreinte génomique était à l'origine du processus pathologique ou si elle a été secondaire, provoquée par d'autre facteurs étiologiques eux même à l'origine de la maladie. Cependant, il est connu que l'expression biallelique du gène IGF2 chez les humains, occasionnée par une disomie uniparentale paternelle (situation où les deux allèles présents dans les cellules sont de l'origine paternelle), du chromosome 11 porteur de ce gène peut être à cause du syndrome Beckwith-Wiedemann dont le phénotype complexe comprends une prédisposition au développement de tumeurs embryonnaires. Il semble qu'une relaxation constitutionnelle de l'empreinte du IGF2 pourrait être à l'origine de la même prédisposition. D'autres gènes imprimés soupçonnés d'être impliqués dans la pathologie humaine sont H19, localisé sur le chromosome 11 à proximité du gène IGF2, et SNRPN localisé sur le chromosome 15.

Il faut souligner que le risque d'une provocation iatrogène de maladies associées aux anomalies de l'empreinte génomique est purement hypothétique. En effet l'absence de l'empreinte génomique est incompatible avec le développement du foetus jusqu'au terme. Des embryons ainsi atteints seraient donc éliminés par la nature même avant de naître. Les données récentes nous permettent de conclure que les gènes critiques pour le développement sont déjà imprimés au stade de spermatocyte secondaire chez la souris et au stade de spermatide ronde chez les humains (1). La seule chose potentiellement préoccupante est que tous les gènes imprimés ne le sont pas nécessairement en même temps dans la spermatogénèse. Ainsi tous les gènes indispensables pour le développement jusqu'à la naissance pourraient être adéquatement imprimés alors que l'empreinte d'autres gènes, y compris ceux impliqués dans la pathologie humaine dont tous ne sont très probablement pas connus, pourrait être incomplète. Bien que la probabilité d'une telle coïncidence est minime, il est important d'y penser pour permettre le dépistage précoce d'une éventuelle maladie.

Conclusions pratiques

La concrétisation des facteurs de risque nous permet de chercher la stratégie optimale pour leur faire face. Les voies à suivre sont multiples et comprennent l'indication du traitement, le diagnostic, la méthodologie de l'intervention, le suivi des enfants et la recherche.

Indication

Comme évoqué précédemment, la question dans quelles indications la fécondation avec sperme immatures sera pratiquée est d'une importance fondamentale. La restriction de l'indication aux hommes, actuellement azoospermiques, qui on pourtant prouvé la capacité de former des spermatozoïdes matures auparavant peut exclure la présence de certaines anomalies génétiques graves. En absence de cette preuve, le recours aux méthodes diagnostiques supplémentaires est envisageable.

 

Diagnostic du couple

Le diagnostic devrait commencer par un examen minutieux de l'histoire d'infertilité du couple comportant une recherche d'antécédents infectieux et traumatiques ainsi que d'expositions aux substances toxiques et à la radiation. Toute référence aux problèmes de fertilité et à d'autres maladies chroniques dans la famille du patient doit être sérieuesement évaluée.

L'examen physique peut décéler une cryptorchidie et une varicocèle ainsi qu'une inflammation chronique. Si la cause probable de l'azoospermie existante peut être trouvée à l'aide de ces examens simples, le recours aux examens plus sophistiqués n'est parfois pas nécessaire. Les examens hormonologiques, notamment la valeur de la concentration sérique de FSH, sont aussi importants bien que, contrairement à l'idée reçue, la valeur de FSH ne peut pas être utilisée comme un prédicteur fiable de la production de spermatozoïdes ou de sperme immatures.

Si l'absence de spermatozoïdes est totale et aucune preuve de leur production pendant la vie du patient n'est disponible, l'étiologie génétique doit être prise en considération, notamment lorsque l'histoire du malade ne revèle aucun incident qui pourrait expliquer cette pathologie. L'intégrité du bras long du chromosome Y, et celle du locus DAZLA sur le chromosome 3, dans les cellules sanguines du patient pourrait alors être testée pour exclure les anomalies de ces régions, associées à l'azoospermie. Malheureusement ces examens sont laborieux et ne peuvent être effectués que dans un laboratoire de biologie moléculaire capable de syntétiser et marquer des oligonucléotides et d'éxécuter la méthode de PCR ("polymerase chain reaction"). Néanmoins la détection des anomalies les plus graves est aussi faisable à l'aide d'hybridisation in situ avec des sondes fluorescentes (FISH - "fluorescent in-situ hybridization) ), méthode sensiblement moins lourde.

Suivi des enfants

On peut se demander si et dans quelle mesure les enfants nés après la conception avec sperme immature ont besoin d'un suivi particulier. Une telle précaution serait principalement motivée par les craintes que l'empreinte génomique puisse être inachevée entraînant une prédisposition à certaines pathologies (voir ci-dessus). En tout cas, une étude multicentrique analysant l'expression et l'état de méthylation des gènes imprimés chez les enfants nés après l'injection de sperme immature pourrait aider à disperser les doutes sur ce sujet.

Références

1. TESARIK J, "La fécondation humaine sans spermatozoïdes". La Recherche, 1997 : No. 295 (février), 78-83.

2. TESARIK J et MENDOZA C, "Spermatid injection into human oocytes. I. Laboratory techniques and special features of zygote development". Hum. Reprod., 1996 : 11, 772-779.

3. MA K, INGLIS JD, SHARKEY A, BICKMORE WA, HILL RE, PROSSER EJ, SPEED RM, THOMSON EJ, JOBLINK M, TAYLOR K, WOLFE J, COOKE HJ, HARGREAVE TB et CHANDLEY AC, "A Y chromosome gene family with RNA-binding protein homology: candidates for the azoospermia factor AZF controlling human spermatogenesis". Cell, 1993 : 75, 1287-1295.

4. REIJO R, LEE T-Y, SALO P, ALAGAPPAN R, BROWN LG, ROSENBERG M, ROZEN S, JAFFE T, STRAUS D, HOVATTA O, DE LA CHAPELLE A, SILBER S et PAGE DC, "Diverse spermatogenic defects in humans caused by Y chromosome deletions encompassing a novel RNA-binding protein gene". Nature Genet., 1995 : 10, 383-392.

5. PRYOR JL, KENT-FIRST M, MUALLEM A, VAN BERGEN AH, NOLTEN WE, MEISNER L et ROBERTS KP, "Microdeletions in the Y chromosome of infertile men". N. Engl. J. Med., 1997 : 336, 534-539.

6. VOGT PH, EDELMANN A, KIRSCH S, HENEGARIU O, HIRSCHMANN P, KIESEWETTER F, KÖHN FM, SCHILL WB, FARAH S, RAMOS C, HARTMANN M, HARTSCHUH W, MESCHEDE D, BEHRE HM, CASTEL A, NIESCHLAG E, WEIDNER W, GRÖNE H-J, JUNG A, ENGEL W et HAIDL G, "Human Y chromosome azoospermia factors (AZF) mapped to different subregions in Yq11". Hum. Mol. Genet., 1996 : 5, 933-943.

7. YEN PH, CHAI NN et SALIDO EC; "The human autosomal gene DAZLA: testis specificity and a candidate for male infertility". Hum. Mol. Genet., 1996 : 5, 2013-2017.

8. TESARIK J, "Fertilization of oocytes by injecting spermatozoa, spermatids and spermatocytes". Rev. Reprod., 1996 : 1, 149-152.

9. TESARIK J, "Sex chromosome abnormalities after intracytoplasmic sperm injection". Lancet, 1995 : 346, 1096.

10. TESARIK J, MENDOZA C, "Genomic imprinting abnormalities: a new potential risk of assisted reproduction". Mol. Hum. Reprod., 1996 : 2, 295-298.

 

Questions QCM

Questions servant à la pré-évaluation

1. Les cellules spermatogéniques deviennent haploïdes au stade de:

a) spermatocyte primaire

b) spermatocyte secondaire

c) spermatide

d) spermatozoïde

2. Le recours au sperme immature pour la reproduction assistée est à envisager dans les cas

a) d'azoospermie sécrétoire

b) d'azoospermie excrétoire

c) d'anomalies ovocytaires

d) d'éjaculation rétrograde

Questions servant à la post-évaluation

1. Le locus DAZLA est situé chez l'homme

a) sur le bras court du chromosome Y

b) sur le bras long du chromosome Y

c) sur le chromosome X

d) sur le chromosome 3

2. Des anomalies d'empreinte génomique peuvent provoquer

a) l'échec d'activation ovocytaire

b) des microdélétions du chromosome Y

c) aneuploidie

d) affections tumorales