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2006 > Obstétrique > Ethique  Telecharger le PDF

Ethique et salle de Naissance

F. Gold

Les problèmes éthiques soulevés par la prise en charge du nouveau-né au cours des premières minutes de vie sont nombreux, et peuvent être divisés en 2 grandes catégories :

ceux qui tiennent aux obligations de moyens de l'équipe médicale et soignante vis-à-vis du nouveau-né, relatives à l’organisation de la prise en charge et à l’environnement des soins ;

ceux qui concernent les dilemmes éthiques des conduites en salle de naissance, au regard tant de la mise en route que de la cessation éventuelle des manœuvres de réanimation quand elles s’avèrent nécessaires.

Ethique de l'organisation

L'organisation des soins en salle de naissance peut être considérée comme une obligation éthique de l'équipe médicale et soignante. Elle interpelle de nombreux professionnels de santé : gynécologues-obstétriciens, sages-femmes, anesthésistes, infirmières et/ou puéricultrices, pédiatres. Cette obligation de moyens concerne : le matériel et son état de fonctionnement, le personnel et son degré d'entraînement aux techniques de ressuscitation néonatale, l’environnement des soins.

Comme l'ont précisé dès le début des années 90 l'Académie Américaine de Pédiatrie et l'Association Américaine du Cœur [1], pour la bonne pratique d'une réanimation du nouveau-né en salle de naissance, il est nécessaire que dans tout établissement où naissent des enfants une convention écrite précise par avance :

qui est responsable de l'entretien du matériel et de l'instruction du personnel de la salle de naissance pour ce qui concerne les soins aux nouveau-nés ;

qui est chargé de pratiquer la réanimation en salle de naissance, tant dans les conditions programmées (liste des circonstances dans lesquelles un opérateur entraîné doit être appelé à l'avance) que dans les cas imprévus (c'est alors la personne présente la plus entraînée à ces manœuvres qui doit effectuer les premiers gestes) ;

quel protocole de soins doit être adopté : à ce dernier point de vue, le protocole le plus généralement recommandé est celui qui a été rédigé en 1987 conjointement par les 2 associations américaines précédemment citées, et dont une révision récente des recommandations a été publiée en septembre 2000 [2].

Il est important de souligner que le fait de disposer, dans un établissement donné, d'une convention écrite précisant les différents points mentionnés ci-dessus, est non seulement la meilleure garantie de l'organisation des soins à la naissance mais aussi la meilleure protection médico-légale de l'équipe médicale et soignante vis-à-vis d'éventuels recours : il est clair en effet qu'aux yeux d'un expert ou d'un magistrat, un tel document atteste d'une réflexion préalable et collective de l'équipe de l'établissement en question, ce qui est toujours un point capital face à un accident.

Les indications de la présence d'un pédiatre entraîné en salle de naissance sont débattues, comme l'a bien montré la controverse organisée en 2001 à Lille par la Société Française de Médecine Périnatale [3, 4]. Comme l'indique G. Magnin en introduction à cette controverse, à l'heure actuelle dans une maternité universitaire telle que celle du CHU de Poitiers, le pédiatre réanimateur est présent en salle de naissance pour 30 % des accouchements, et cette activité l'immobilise pendant 10 heures pour chaque tranche de 100 accouchements.

Chaque établissement doit donc choisir en fonction de ses conditions propres d'exercice entre une attitude d'indication large de l'appel du pédiatre réanimateur et une attitude plus restrictive, et il n'y a sûrement pas de solution idéale applicable à toutes les maternités ! Les motifs les plus fréquents d'appel à un opérateur entraîné préalablement à la naissance peuvent être par exemple ceux (Tableau I) proposés au cours des Assises de la santé de l'enfant qui se sont tenues à Lyon en novembre 2001 [5].

La réactualisation des connaissances théoriques et pratiques du personnel pour ce qui concerne la ressuscitation néonatale est un point crucial de l'obligation de moyens vis-à-vis du nouveau-né [6]. Le maintien d'un niveau suffisant de ces connaissances est en effet directement conditionné par la fréquence, variable d'un établissement à l'autre, des situations de détresse vitale néonatale immédiate, et il est d'autant plus difficile de maintenir à niveau l'entraînement du personnel (quelle que soit sa qualification) que ces situations sont rares. Il a toutefois été démontré que les actions de formation, dès lors qu'elles envisagent bien les aspects théoriques et pratiques de la réanimation en salle de naissance, sont efficaces et donc bénéfiques pour les nouveau-nés [7].

Une procédure plus récente et novatrice de maintien d'un niveau suffisant de compétences consiste à équiper les tables de réanimation d'un système de vidéosurveillance avec enregistrement sur bande, documents qui peuvent ultérieurement faire l'objet d'une discussion contributive pour l'amélioration des pratiques dans l'établissement en question [8].

Dans les cas où le nouveau-né est bien portant et où donc aucune manœuvre particulière de réanimation n’est nécessaire, l’accueil et le confort du bébé en salle de naissance peuvent être désormais considérés comme une obligation éthique. Ils reposent principalement sur 2 ordres de mesures bien développés par G. GREMMO-FEGER [9] :

la mère et le nouveau-né ne doivent pas être séparés et le contact peau à peau, qui a de nombreuses vertus adaptatives, doit être privilégié, en veillant toutefois à ce que le nouveau-né soit placé en décubitus dorsal ou latéral au contact de sa mère en raison des accidents qui ont été rapportés chez des bébés placés sans surveillance à plat ventre sur l’abdomen maternel [10] ;

les gestes routiniers des premières minutes de vie doivent être différés chaque fois qu’ils ne s’imposent pas dans l’immédiat : désobstruction des voies aériennes supérieures et aspiration gastrique, administration de collyre et vitamine K1 ; le bain précoce est sans aucun intérêt pour le nouveau-né. Tout doit donc être fait pour respecter une première heure d’intimité étroite entre mère (± père) et enfant. Quand la mère souhaite allaiter son enfant, la tétée précoce qui intervient souvent au cours de cette première heure est un gage (documenté) de succès pour l’allaitement.

Dilemmes éthiques en salle de naissance

La résolution de ces dilemmes peut désormais s'appuyer sur le document de référence adopté par la Fédération Nationale des Pédiatres Néonatologistes (FNPN) en novembre 2000, et publié à l'attention des professionnels de santé en avril 2001 [11].

Le paragraphe de ce texte consacré aux problèmes spécifiques de la salle de naissance précise notamment que celle-ci est un lieu peu approprié pour la résolution des dilemmes éthiques, et ce pour plusieurs raisons : c'est un lieu de début et non de fin de vie ; l'urgence ne permet pas de prendre les décisions les plus adaptées ; l'équipe médicale est souvent restreinte, et démunie des moyens permettant de préciser rapidement un diagnostic incertain et donc de porter un pronostic précis ; les parents n'ont pas été préparés, n'ont souvent même pas eu le temps de "connaître" leur bébé, et sont dans l'incapacité de formuler un quelconque avis.

Il précise également qu'en cas d'incertitude, c'est le principe de réanimation première qui doit être adopté, faisant ainsi bénéficier l'enfant d'un a priori de récupération possible au regard de sa situation immédiate de détresse.

Pour la pratique, il est possible de distinguer chronologiquement les dilemmes qui peuvent être soulevés par la mise en route des manœuvres et ceux qui tiennent à la cessation éventuelle de celles-ci.

Ethique de la mise en route des manœuvres de réanimation

Des incertitudes quant au démarrage des manœuvres de ressuscitation néonatale sont rencontrées dans 3 circonstances principales : malformations congénitales, asphyxie périnatale, prématurité extrême.

La naissance d'un nouveau-né dont il apparaît immédiatement qu'il est gravement malformé se déroule dans des circonstances très différentes selon que le diagnostic a été posé dans la période prénatale ou qu'il s'agit d'une découverte parfaitement inattendue en salle en naissance. Dans la première circonstance, de loin la plus souhaitable, il est indispensable que la discussion collégiale prénatale qui a abouti à la décision de poursuivre la grossesse ait également envisagé les différentes éventualités possibles en salle de naissance, et que des recommandations à ce sujet figurent dans le dossier d'accouchement de la patiente à l'attention de l'équipe de garde présente sur place au moment de la naissance de l'enfant [12].

Au contraire, en cas de découverte fortuite en salle de naissance, la situation est évidemment plus difficile à gérer, et plusieurs conduites ont été recommandées, dont notamment l'approche didactique proposée par K.L. Jones (San Diego, 1996) : elle repose sur une liste limitative de désordres identifiables dès les premières minutes de vie et incompatibles avec une survie prolongée (Tableau II) ; dans cette approche, le personnel susceptible de prendre en charge des nouveau-nés en salle de naissance doit être formé à suspecter et à documenter dès les premiers temps de la vie les diagnostics en question, ce qui permet de déboucher sur l'abstention ou la cessation rapide des traitements de support vital [13].

En situation d'asphyxie périnatale et d'arrêt cardio-circulatoire immédiat, la seule hésitation à démarrer des manœuvres repose sur la constatation de symptômes patents de mortinatalité ou le caractère retardé de l'intervention médicale, c'est-à-dire dans les 2 cas sur la probabilité d'un délai de plusieurs minutes ou dizaines de minutes depuis la cessation des fonctions vitales de l'enfant.

Chez le nouveau-né prématurissime et/ou hypotrophissime, avec des seuils d'âge gestationnel et de poids variables d'un pays à l'autre et d'un établissement à l'autre [14], comme l'indique le document de recommandations de la FNPN il est souhaitable que dans tout établissement l'équipe médicale et soignante ait formalisé ses propres règles quant à la décision de débuter ou non la ressuscitation du nouveau-né.

Soulignons d'ailleurs qu'il ne s'agit pas obligatoirement d'une décision en tout ou rien, et que par exemple une décision de démarrage immédiat d'une réanimation respiratoire bien conduite, sans adjonction de manœuvres cardio-circulatoires telles que massage cardiaque externe ou injection de drogues inotropes, est parfaitement envisageable pour certains auteurs [15]. D'une façon générale, les séries publiées à partir de 2004 concernant le devenir à long terme des extrêmes prématurés [16] ont conduit un certain nombre d’équipes à modérer leurs indications de prise en charge des enfants nés avant 25-26 SA [17].

Ethique de la cessation des manœuvres de ressuscitation néonatale

Une décision de cessation des traitements dès la salle de naissance n'est en pratique guère prise que dans la situation d'une naissance en état de mort apparente sans récupération cardiaque stable au-delà de 15 à 20 minutes de manœuvres immédiatement mises en œuvre et bien conduites [11]. Il a en effet été montré que la persistance d'un score d'Apgar nul à 10 minutes de vie rend déjà très faible (1-2 %) la probabilité d'une survie sans séquelles lourdes [18]. Une telle décision est du ressort d'un pédiatre expérimenté, après avis de l'obstétricien responsable chaque fois que possible.

Dans tous les autres cas, et notamment dans toutes les situations incertaines (récupération incomplète, diagnostic imprécis, malformation imprévue, etc), c'est le principe de la réanimation d'attente qui doit être respecté : après avoir bénéficié de traitements immédiats et appropriés, l'enfant est transféré sans aucune discontinuité de prise en charge dans une unité de réanimation néonatale. Comme le précisent les recommandations actuelles, dans cette circonstance l'information délivrée aux parents après la réanimation initiale doit rester prudente et mesurée [11].

Il convient toutefois de souligner que pour la FNPN, cet a priori de vie donné à l'enfant sous-entend la possibilité d'une cessation ultérieure des traitements intensifs s'il s'avère que l'évolution secondaire et les documents réunis sur l'enfant par la suite sont de pronostic très péjoratif [11,19,20].

Tableau I : Indications habituelles d'appel du pédiatre en salle de travail [5]

Appel anténatal :

prématurité inférieure à 36 SA,

retard de croissance intra-utérin connu sévère,

situation à risque discutée au staff prénatal,

souffrance fœtale aiguë,

liquide amniotique méconial,

tableau d'infection maternelle patent,

grossesse multiple +/-,

siège par voie base +/-,

césarienne sous anesthésie générale +/-.

Appel postnatal immédiat :

détresse respiratoire persistante,

mauvaise adaptation à la vie extra-utérine malgré les premiers gestes de réanimation,

malformation non diagnostiquée en anténatal.

Tableau II : Liste de K.L. JONES des désordres identifiables précocement et incompatibles avec la survie [13]

Hydranencéphalie

Anencéphalie

Holoprosencéphalie

Trisomie 18

Trisomie 13

Triploïdie

Agénésie rénale bilatérale

Sirénomélie

Ostéochondrodystrophies léthales :

Achondrogénèse types 1a, 1b et II

Fibrochondrogénèse,

Atélostéogénèse,

Polydactylie type Saldinonoonan

Nanisme thanatophore

Ostéogénèse imparfaite type II

Syndromes variés :

Pterygium multiples

Neu-Laxova

Meckel-Grüber

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