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2006 > Néonatologie > Procréation médicalement assistée  Telecharger le PDF

Conséquences pédiatriques du recours aux techniques d’Assistance Médicale à la Procréation

F. Gold

L’Assistance Médicale à la Procréation (AMP), dont l’équivalent anglais est l’ART (Assisted Reproductive Technology), recouvre l’ensemble des technologies qui recourent à la manipulation du sperme ou des œufs pour faciliter l’obtention d’une grossesse [1].Cette définition n’inclut donc pas stricto sensu les inducteurs de l’ovulation ni l’insémination intra-utérine artificielle. Elle recouvre actuellement principalement les différentes techniques de fécondation in vitro avec transfert d’embryons (FIVETE ou FIV), après ou non injection directe du spermatozoïde dans l’ovule (intra-cellular spermatozoïd injection = ICSI), qui représente près de 50 % des 40 000 tentatives de FIV faites actuellement en France [2] ; la FIV « classique » étant globalement le traitement de l’infertilité féminine, et l’ICSI le traitement de l’infertilité masculine.

Les conséquences pédiatriques du recours aux techniques d’AMP sont principalement au nombre de deux : grossesses multiples et leurs complications, malformations congénitales.

AMP et grossesses multiples

Risque de grossesse multiple

Aux U.S.A., pays dans lequel il est encore fréquemment recouru, pour des raisons diverses, au transfert de nombreux embryons, on estime que par rapport à la population générale le recours à l’ART multiplie par 20 le taux de jumeaux et par 400 le taux de triplés [1]. C’est ainsi qu’en 2001 on comptait parmi toutes les naissances issues d’ART 35,8 % de grossesses multiples, dont 3,8 % de grossesses de rang ³ 3.

En France, en 2001, année où on a dénombré 6299 ICSI et 7629 FIV, le taux d’accouchement gémellaire a été de 15 pour 1000, alors qu’il était de 8,8 pour 1000 en 1972, soit une augmentation de + 70 % [3]. Cette augmentation a été rattachée à 2 éléments principaux : d’une part, l’élévation de l’âge maternel à l’accouchement, qui est passé de 26,5 ans en 1972 à 29,4 ans en 2001 ; d’autre part, la progression des traitements de la stérilité, puisque selon le registre FIVNAT 2001 la FIV a abouti à 26 % de jumeaux et l’ICSI à 24 % de jumeaux (taux de jumeaux identique pour les 2 techniques). Actuellement, un tiers des grossesses gémellaires sont issues de l’AMP [4].

Le risque de grossesse de rang ³ 3 n’a pas connu la même évolution puisque le taux d’accouchement de triplés, qui était de 0,9 pour 10 000 en 1972 puis de 4,1 pour 10 000 en 1989, est redescendu en France à 2,9 pour 10 000 en 2001. Cette diminution récente est bien entendu à rapprocher du transfert d’un nombre de plus en plus réduit d’embryons après fécondation in vitro quelle qu’en soit la technique.

A ce point de vue, la prévention des grossesses multiples faisant suite au recours à l’AMP, après 25 ans de FIV et 12 ans d’ICSI, et alors que de par le monde plus de 1,5 millions d’enfants, dont 750000 issus de grossesses multiples, ont été obtenus par ces techniques, repose probablement dans l’avenir sur la pratique du transfert d’un embryon unique.

Conséquences sur la santé à la naissance

La prématurité est la principale conséquence des grossesses multiples : 43,7 % des jumeaux naissent avant 37 SA révolues, soit un risque multiplié par 9 par rapport aux singletons [3]. De façon plus détaillée, le risque de naissance très prématurée entre 26 et 30 SA est multiplié par 10, et celui de naître entre 31 et 34 SA est multiplié par 7. Il est important de souligner que le risque de prématurité existe pour les enfants issus d’AMP même quand ils sont singletons !

L’hypotrophie fœtale, ou retard de croissance intra-utérin (RCIU), est également une complication très fréquente : 52,7 % des jumeaux ont un poids de naissance inférieur à 2500 g, soit un risque multiplié par 11 par rapport aux singletons ; de façon globale, environ 50 % des jumeaux quel que soit leur terme ont un poids de naissance inférieur au 10ème percentile des courbes de référence.

Existe également la possibilité d’une discordance de croissance entre les 2 jumeaux, circonstance qui correspond à un poids de naissance des 2 enfants qui diffère de plus de 20 à 30 % [5] : il est établi que cette discordance augmente le risque de prématurité, de morbidité et de mortalité périnatales pour les 2 enfants. Elle peut être à l’origine d’un conflit d’intérêt entre les jumeaux [6].

La mortalité néonatale des enfants issus de grossesses multiples est en effet importante : chez les enfants nés avant 29 SA, les singletons survivent plus que les jumeaux ; de plus, les hémorragies intra-ventriculaires de haut grade III et IV sont plus fréquentes chez les jumeaux que chez les singletons, et chez les enfants nés avant 32 SA les maladies respiratoires néonatales sont plus fréquentes que chez les singletons [7].

En Grande-Bretagne, il a été calculé que le taux de mortalité néonatale est de 23,9 pour 1000 chez les jumeaux, soit un risque multiplié par 7 par rapport aux singletons. Cette surmortalité néonatale est principalement rattachée : aux différentes caractéristiques de la période intra-utérine des grossesses multiples ; à la prématurité et/ou au RCIU. Il est en effet important de souligner que la mortalité est liée à la prématurité mais pas seulement à elle, puisque dans les dernières années la mortalité chez ces enfants a progressivement diminué alors même que le taux de prématurité a augmenté [8].

Dans l’étude française EPIPAGE, concernant les enfants nés entre 24 et 30 SA, il a été constaté qu’à âge gestationnel égal il existait une surmortalité hospitalière pour les enfants issus de grossesses multiples (35,6 % versus 29,6 % pour les singletons). Il convient enfin de souligner que dans la décennie 1990-2000, la forte augmentation du nombre de grands prématurés multiples pris en charge dans les unités de réanimation néonatale a largement contribué à multiplier les dilemmes éthiques rencontrés dans ces unités.

Les grossesses monochoriales rajoutent aux données précédentes des conséquences spécifiques sur l’état de santé des nouveau-nés issus de ces grossesses. Parmi elles, le syndrome transfuseur-transfusé est une complication particulière qui affecte 5 à 10 % des grossesses gémellaires monochoriales biamniotiques.

Conséquences pédiatriques ultérieures

Elles sont dominées par la possibilité de séquelles neuro-développementales [9]. En Australie, entre 1980 et 1989, il a été calculé que le taux de paralysie cérébrale était de 7,3 pour 1000 chez les jumeaux, soit un risque multiplié par 5 par rapport aux singletons [10]. Toutes les tranches de prématurité n’étaient pas également concernées, les prématurités modérées entre 33 et 36 SA étant les moins à risque de séquelles ultérieures de ce type : ceci souligne probablement le rapport qu’il y a entre ces séquelles et la cause de la prématurité (dans cette tranche intermédiaire de prématurité, la gémellité par elle-même est volontiers la cause de l’accouchement prématuré, sans pathologie préalable des fœtus).

De telles séquelles concernent tout particulièrement les jumeaux survivants après mort fœtale in utero de leur co-jumeau, situation qui comporte 20 à 40 % de séquelles chez le survivant [11].

La mortalité infantile est également plus importante chez les enfants issus de grossesses multiples que chez les singletons.

Le devenir des jumeaux comporte potentiellement des difficultés relationnelles et comportementales qui sont notamment conditionnées par la dialectique entre maintien du cordon gémellaire et ouverture vers l’extérieur du couple formé par les jumeaux [12].

Conséquences psychosociales sur les parents

Les naissances multiples exposent les parents à des difficultés psychosociales variées [12] :

surcharge (physique) de travail pour la mère, qui conjugue travail domestique et soins des bébés (une douzaine d’heures par jour en moyenne) ;

surcharge psychique, dominée par la préoccupation de répondre de façon adéquate à la demande des 2 bébés, et qui est dominée par la dialectique collectivisation versus individualisation des enfants : on observe environ 25 % de dépressions maternelles dans les premiers mois chez ces mamans.

Certaines circonstances peuvent aggraver ces difficultés à partir de la période néonatale précoce : pathologie asymétrique des jumeaux au cours de leur séjour hospitalier initial [13] ; perte d’un des deux jumeaux [14].

Conséquence sociétales

Au Royaume-Uni, il a été récemment estimé que le coût de la prise en charge des enfants multiples issus de FIV ou ICSI représentait une somme ³ 75. 10 6 euros [10]. Il est donc clair que le développement rapide actuel du recours aux différentes techniques d’AMP comporte une charge financière lourde pour la collectivité !

AMP et malformations congénitales

Risque global

Il est actuellement estimé que d’une façon globale la fécondation in vitro double le taux de malformations congénitales, soit 2.4 % versus 1,2 dans la population générale [15]. Le risque de malformations congénitales majeures, c’est-à-dire comportant un risque vital ou séquellaire chez le nouveau-né, est de 3,8 % après FIV et 3,4 % après ICSI ; si l’on additionne à ces taux les cas diagnostiqués dans la période prénatale et les morts fœtales in utero, on obtient des taux cumulés de 4,6 % après FIV et 4,2 % après ICSI [16]. Il faut souligner qu’après AMP, les malformations congénitales sont plus fréquentes chez les enfants multiples que chez les enfants uniques.

Risque de transmission d’anomalie chromosomique après ICSI

Ce risque a fait l’objet de l’avis n° 75 du Comité Consultatif National d’Ethique Français [15]. Il tient à la fois à la technique utilisée et au terrain qui fait l’objet de son indication principale, c’est-à-dire l’infertilité masculine. On sait en effet que 5,3 % des hommes stériles sont porteurs d’une anomalie du caryotype, et qu’il existe une augmentation d’anomalie chromosomique dans toutes les situations de production spermatique faible (ce taux est de 10 % chez les hommes « azoospermiques », versus 0,62 % dans la population générale). Enfin, existe également le risque de transmission aux garçons de la stérilité masculine.

La situation a été résumée par André VAN STEIRTEGHEM lors de la conférence inaugurale des JTA 2005 [16] : « Dans l’état actuel des connaissances, le message aux futurs parents concernant l’ICSI devrait être que : les grossesses multiples constituent un facteur de risque majeur, il existe une petite augmentation du nombre des anomalies chromosomiques héritées et de novo, particulièrement en présence d’un sperme très anormal, il y a un risque augmenté de prématurité et de petit poids de naissance même dans les grossesses uniques, il y a probablement un peu plus de malformations congénitales majeures (3,5 % au lieu de 2,5 %) qui pourraient être en relation avec l’âge de la femme et avec la problématique d’infertilité ».

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