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Titre: Devenir des enfants nés apres ICSI
Année: 1998
Auteurs: - Olivennes F.
Spécialité: Infertilité
Theme: stérilité masculine

Devenir des enfants nés après ICSI

 

François OLIVENNES

 

Service de Gynécologie-Obstétrique, Hôpital A. Béclère, 157, Rue de la Porte de Trivaux, 92140 Clamart Cedex

Tél : 01-45-37-40-53Fax: 01-45-37-49-80

La microinjection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI) a révolutionné la prise en charge de la stérilité masculine. Elle permet d’obtenir des embryons, et donc des chances de grossesses, avec très peu, voire un seul spermatozoïde (Schoysman, 1993). Le "court-circuit" de la fécondation fait craindre l’existence d’un certain nombre de risques qui pourraient éventuellement atteindre les enfants ainsi conçus. Ces risques peuvent appartenir à deux grandes catégories.

Ceux liés à la méthode elle-même, avec par exemple le risque d’introduction de matériel étranger dans l’ovocyte (toxine, virus, ADN, particule etc...). Il n’existe pas dans la littérature de publication confirmant l’existence de ce risque ou ayant démontré son incidence. On peut aussi penser que le traumatisme ovocytaire qu’entraîne l’ICSI pourrait retentir sur l’embryon et donc le foetus.

Le deuxième grand groupe de risques et celui lié à la population même des hommes infertiles traités, pour les indications liées à une atteinte masculine. Ces hommes sont plus fréquemment porteurs d’anomalies chromosomiques. Il semble que la fréquence des anomalies chromosomiques soit inversement proportionnelle au niveau de production spermatique. Cette fréquence dans la population masculine générale est de 0.6 à 1 %. Elle est d’environ 5 % pour les hommes oligospermes et de 10 % pour les azoospermes. Ces anomalies chromosomiques peuvent intéresser le nombre ou la macro-structure des chromosomes (Klinnefelter, translocations etc...), ou, il peut s’agir d’anomalies beaucoup plus fines se situant au niveau génique. Les microdélétions affectant le chromosome Y ont été associées à une atteinte de la spermatogénèse. Plusieurs gènes (ou régions) candidats ont été décrits (AZF, DAZ, RBM) dans le cadre des azoospermies ou des OAT sévères. Le risque de transmission à la descendance de ces délétions constitue un sujet de préoccupation. La transmission de la stérilité à la descendance masculine constitue une interrogation qui n’aura pas de réponse avant une vingtaine d’années. Enfin, il peut exister des pathologies connues ou inconnues associées à la stérilité. Le cas le plus évident est celui de l’absence de canaux déférents parfois associée à la mucoviscidose qui pose bien entendu de graves problèmes si la femme est également porteuse de l’une des mutations décrites. L’existence d’autres pathologies associées, aujourd’hui inconnues, fait partie des interrogations posées.

Concernant les microdélétions, les relations entre les délétions du chromosomes Y et l’infertlité masculines ont été décrites dès 1976 (Tiepolo, 1976). Les grandes délétions retrouvées appartenaient à une region nommée AZF (azoospermic factor). Plus tard, 2 gènes candidats ont été décrits. Le RBM par le groupe de Chandley ( Ma et al, 1992) et le DAZ par le groupe de Page (Riejo et al 1995). La région AZF a été séparée en région AZFa, AZFb et AZFc, cette dernière serait équivalente au DAZ. Ces mutations ne sont pas spécifiques des azoospermies mais semblent également retrouvées en cas d’OAT sévéres. La fréquence de ces microdélétions chez les hommes infertiles varie selon les publications entre 3% et 19%. Cependant les critères d’inclusion des patients diffèrent d’une étude à l’autre, de même que les zones du chromosomes Y étudiées. Enfin, très peu de données cliniques sont disponibles.

Le pourcentage de stérilités masculines liées à des atteintes génétiques pourrait être en fait beaucoup plus important que ne le laissent supposer les études publiées actuellement. D’abord car la totalité du chromosome Y n’a pas été étudiée pour rechercher des microdélétions, de plus l’application de la PCR peut passer à côté de l’existence d’un mosaïsisme, comme l’a suggéré Kent-First (1996) qui a retrouvé des microdélétions chez des garçons nés après ICSI alors que la recherche de ces délétions s’est avérée négative chez le père. Enfin, la mise en évidence de nouveaux gènes candidats, aujourd’hui inconnus, est très probable.

Cependant, la démonstration de la transmission de la stérilité par la transmission des microdélétions n’est pas prouvée. Ceci complique clairement l’attitude à adopter vis-à-vis du dépistage systématique de ces microdélétions et de l’attitude à avoir quant au conseil génétique qu’il faut donner à ces couples. Par contre, Vogt et coll (1996) ont rapporté la conception naturelle d’un enfant porteur de la microdélétion dont était atteint son père.

La fréquence élevée des microdélétions du chromosome Y dans la population des hommes infertiles établit clairement l’existence d’une étiologie génétique à certaines infertilités, et donc à son risque de transmission par le biais des techniques de microfécondations. Ceci serait-il pour autant un motif d’interrompre la prise en charge de ces couples si une transmission de la stérilité était établie ? Pour ma part, je ne le pense pas si la stérilité est la seule pathologie transmise. Ceci consisterait à prendre le postulat que le patient pris en charge n’a pas le droit à un enfant atteint du même problème que lui. Il s’agirait de plus d’un eugénisme très critiquable si l’on pense par exemple que la prise en charge des femmes diabétiques a augmenté le nombre d’enfants diabétiques conçus, et que peu de gens penseraient à s’opposer à cette attitude alors que le diabète est une affection autrement lourde de conséquences.

Peu d’études, portant sur un nombre d’enfants permettant de considérer les résultats comme digne d’intérêt, ont été publiées. Le suivi à long terme est inexistant puisque les premiers enfants conçus ont entre 4 et 5 ans. De plus, le nombre d’enfants nés par centre est relativement petit en dehors des quelques centres pionniers de la méthode et l’on imagine la complexité pour mettre en place des études multicentriques. De manière surprenante, et malgré les inquiétudes et mises en garde soulevées par les premières naissances décrites, aucun pays à notre connaissance, n’a mis en place un suivi multicentrique exhaustif. En France, où l’application de l’ICSI a fait l’objet d’une polémique très médiatisée, il n’existe même pas de registre des enfants conçus par ICSI.

Les principales études émanent des groupes ayant fait le plus grand nombre de cas.

Dans une étude sur 877 enfants âgés de 1 mois à 2 ans, l’équipe belge (Bonduelle et coll, 1996) retrouve 2,6% de malformation et il n’y a pas de malformation particulièrement plus fréquentes. Sur un total de 486 caryotypes (sur 904 grossesses), ils ont retrouvé 1,2% d’anomalies chromosomiques touchant les chromosomes sexuels, en plus de 1,2% d’anomalies héritées des parents. Le suivi à 1 et 2 ans ne montre pas de particularité mais le taux de perdus de vue est important. Sur les même grossesses, Wisanto et coll (1996) ne retrouve pas de complications périnatales plus fréquentes chez les grossesses après ICSI.

L’ESHRE a rapporté en 1996 l’activité des centres (pour 1994) et ne retrouve pas d’augmentation, ni pour les malformations ni pour les anomalies chromosomiques (Tarlatzis, 1996).

Pour Palermo et coll (1996), sur 578 enfants nés, 2,6% présentaient des malformations. Ils n’ont retrouvé que 0,17% d’anomalie des chromosomes sexuels mais le nombre exact de prélèvement n’est pas mentionné.

L’attitude vis-à-vis des anomalies des chromosomes sexuels est l’objet de controverse. Des malformations associées peuvent être observées avec le syndrome de Turner mais pas avec le syndrome de Klinefelter, ni avec les patients XXX et les XYY. L’infertilité est presque systématique avec les Klinefelter et les Turner mais la microinjection et le don d’ovocyte peuvent apporter des solutions à ces patients. Les retards mentaux sévères ne sont pas plus fréquents chez les sujets porteurs de ces anomalies mais les performances scolaires semblent globalement moins bonnes. Cependant, le rôle très important que peuvent jouer les parents sur le devenir de ces enfants a été montré. Il n’y a donc pas de handicap majeur et la conduite à tenir en cas de découverte de ces anomalies reste controversée (Meschede et Horst, 1997).

La réalisation d'une amniocentèse dans les grossesses issues d'ICSI n’est pas proposée de manière systématique par tous les centres en dehors des groupes à risque et des patients qui, informés des incertitudes évoquées plus haut, souhaitent la réaliser. Cette attitude est le fruit des résultats plutôt rassurant des études publiées. On doit également ajouter la probable sélection naturelle des embryons porteurs d'une anomalie dont l'implantation ou le caractère évolutif pourraient être compromis.

Le suivi attentif de la grossesse s'impose avec si possible le dépistage sanguin, l'échographie de 12 SA à la recherche des petites anomalies suspectes et celle de 20/24 SA pour l'analyse morphologique détaillée. Une alternative consiste à proposer une amniocentèse tardive (>32 ou 34 SA) qui permet, en cas d'accident, d'avoir un enfant vivant, mais pose de lourds problèmes éthiques en cas d'anomalie. L'information des couples est un impératif et leur décision est un des éléments clef de la réalisation de l'amniocentèse.

Les données concernant le suivi des enfants issus d’ICSI restent donc limitées à un nombre relativement réduits d’enfants pour accorder une fiabilité aux constatations rassurantes retrouvées par les quelques études publiées à ce jour. Ces données retrouvent des taux de malformations comparables à ceux observés dans la population générale. Une augmentation des anomalies portant sur les chromosomes sexuels est décrite par les rapports successifs de l’équipe belge, à l’origine des premières naissances, et qui a la plus grande cohorte d’enfants étudiés. Il n’est pas exclu que ces anomalies soit en fait héritées d’anomalies paternelles non diagnostiquées au caryotype qui porte sur les lymphocytes. L’existence d’un caryotype différent des cellules germinales, ou d’un mosaïsisme a été évoquée. Le taux global de ces anomalies reste faible (0,6-0,8%), mais ce taux est doublé par rapport à la population générale. Il faut noter que ces études n’ont pas de groupe contrôle, ce qui est pourtant un impératif pour toute étude de suivi. De plus les enfants sont aujourd’hui trop jeunes pour conduire des évaluations plus complètes sur les performances scolaires par exemple.

En tout état de cause les études de suivi des enfants issus d’ICSI vont se heurter aux mêmes problèmes que celles s’adressant aux enfants issus de FIV classique. La nécessité d’un groupe contrôle alourdit considérablememt l’étude, le suivi à moyen et long terme entraîne un risque de perdu de vue pouvant fausser les possibilités d’interprétation des résultats, la méthodologie à mettre en œuvre, et en particulier le type de tests à réaliser, reste controversée. Cependant les implications de la micro-injection sont telles, que le suivi des enfants est nécessaire à l’évaluation de cette nouvelle méthode. La France n’a pas mis en place de suivi spécifique, ni même de registre des enfants conçus par ICSI. Nous risquons donc de nous retrouver dans la même situation dans quelques années, où les études n’auront pas été menées et où nous serons tributaires des résultats des équipes étrangères si celles-ci mènent des études méthodologiquement irréprochables ce qui n’est pas le cas pour l’instant. De plus, les grands nombres nécessaires à l’analyse fiable des données impose la réalisation d’études multicentriques difficiles à mettre en oeuvre.

En conclusion, en dehors des anomalies des chromosomes sexuels retrouvées avec une plus grande fréquence par l’équipe ayant suivi le plus grand nombre d’enfants, les résultats des études publiées sont plutôt rassurants. Aucune anomalie n’est signalée. Cependant une grande prudence doit être de mise, compte-tenu des petits nombres d’enfants étudiés et de l’absence de groupe contrôle. Les développement de la génétique des infertilités restent également à suivre de près. Le conseil des couples est à l’heure actuelle un impératif et les futurs parents doivent être clairement informés des risques évoqués, connus ou inconnus, et peuvent alors consentir ou refuser de manière éclairée la prise en charge.

Bibliographie

Bonduelle et al. Prospective follow-up study of 877 children born after ICSI with ejaculated, epididymal and testicular spermatozoa and replacement of cryopreservd embryos obtained after ICSI Hum.Reprod. 1996, 11: 131-55.

Wisanto et al. Obstetric outcome of 904 pregnancies after ICSI. Hum. Reprod. 1996 11: 121-29.

Tarlatzis et al Report on the activities of the ESHRE Task Force on ICSI. European Society Of Human Reproduction and Embryology. Hum. Reprod. 1996, 11:160-85.

Meshede D. and Horst J. Sex Chromosomal anomalies in pregnancies conceived through ICSI: a case for genetic counselling. Hum. Reprod. 1997, 12: 1125-7.

Kent-First M et al. Infertility in ICSI derived sons. Lancet 1996, 348, 332.

Tiepolo L. and Zuffardi O. Localization of factors controlling spermatogenesis in the nonfluorescent portion of the human Y chromosome long arm. Hum. Genet. 1976,34:119-24.

Ma et al. Towards the molecular localization of the AZF locus : mapping of microdeletions in azoospermic men within 14 subintervals of interval 6 of the human Y chromosome. Hum. Mol. Genet, 1992,1:29-33.

Riejo R. Diverse spermatogenetic defects in human caused by Y chromosome deletions compassing a novel RNA-binding protein gene. Nature Genet. 1995,10:383-93.

Palermo et al. Evolution of pregnancies and initial follow-up of newborns delivered after intracytoplasmic sperm injection. JAMA.1996,276:1893-97.

Schoysman R., Vanderzwalmen P., Nijs M., Segal L., Segal-Bertin G., Geerts L., Van Roosendaal E., Schoysman D. : Pregnancy after fertilization with human testicular spermatozoa. Lancet, 1993 ; 342 : 1237.

 

Bibliographie complémentaire

Debate. Rewards and risks in ICSI. Hum. Reprod. 1995,10:2518-28. (plusieurs articles).

Debate. Genetic consequences of ICSI. Hum. Reprod. 1996,11:921-32. (plusieurs articles)

Terriou P., Giorgetti C., Hans E., Spach J.L., Salzmann J., Bille V., Roulier R. : Intracytoplasmic injection and embryo quality : comparison with conventional in vitro fertilization. Contr. Fert. Sex., 1995 ; 23 (7-8) : 471-473.

Cohen-Bacrie P., Hamamah S., Parinaud J., Zerah S. : La micro-injection en France : Rapport de l'enquête multicentrique des BLEFCO. Contr. Fert. Sex. 1995 ; 23 (7-8) : 477-480.

Mansour R.T., Aboulgar M.A., Serour G.I., Amin Y.M., Ramzi A.M. : The effect of sperm parameters on the outcome of intracytoplasmic sperm injection. Fertil. Steril. 1995 ; 64 (5), 982-986.

Libaers I., Bonduelle M., Van-Assche E., Devroey P., Van Steirteghem A. : Sex chromosome abnormalities after intracytoplasmic sperm injection. Lancet, 1995 ; 346 (8982) : 1095.

Stora de Novion H. : Le caryotype constitutionnel dans les hypofertilités et les infertilités du couple. Contr. Fert. Sex., 1995 ; 11 : 655-659.

Libaers I., Bonduelle M., Legein J., Wilikens A., Van Assche E., Buysse A., et al. Follow-up of children born after intra cytoplasmic sperm injection. In Btedan J. Bruger R. et Mares P. Fertility and Sterility: a current overview. Proceedings of the 15th world Congress on Fertility and Sterility. Montpellier France, 1995: 409-12.