Les XXIIe JTA
> Présentation
> Programme
> Comité scientifique
> Intervenants
> Contacter les JTA

En pratique
> S'inscrire
> Renseignements
> Hébergement
> Programme social
> Post-congrès

Les archives
> Andrologie
> Biologie
> Gynécologie
> Infertilité
> Médecine foetale
> Néonatologie
> Nutrition
> Obstétrique
> Pédiatrie
> Périnatalité
> Périnéologie
> Phlébologie
> Psychosomatique

Rechercher

Titre: Infection à VIH questions pour les annees 2000
Année: 2001
Auteurs: - Delfraissy J-F.
Spécialité: Gynécologie
Theme: Infection à HIV

INFECTION à VIH
QUESTIONS POUR LES ANNEES 2000

Professeur J.F DELFRAISSY

CHU Bicêtre
78, Rue du Général Leclerc
94275 KREMLIN BICETRE Cédex
Tél : 01/45/21/28/91
Fax : 01/45/21/27/41
E-mail : jean-francois.delfraissy@bct.ap-hop-paris.fr

En cette fin d’année 2000, les progrès thérapeutiques intervenus dans les pays du Nord ne doivent pas masquer que l’infection à VIH demeure une épidémie dramatique en Afrique, en Asie du Sud et du Sud-Est. Il existe de grandes inégalités dans l’accessibilité aux traitements entre les pays du Nord et les pays du Sud (7).

Le succès des multithérapies

En Europe et aux USA, le pronostic de l’infection à VIH s’est nettement amélioré au cours des trois dernières années grâce à l’utilisation des multithérapies (combinaison de plusieurs antiviraux). Sous traitement, le contrôle partiel de la multiplication du virus s’accompagne d’une restauration fonctionnelle du système immunitaire et d’une amélioration clinique. On observe une diminution d’environ 2/3 des cas de SIDA, des décès ou du nombre de journées en hospitalisation classique. Parmi les patients suivis en France, environ 85% reçoivent un traitement, et on peut donc parler d’une « maladie chronique sous traitement » (6).
On estime que le taux de nouvelles contaminations en France est stable (autour de 5000/an environ). L’expérience quotidienne montre que les services cliniques prennent de plus en plus en charge des personnes d’origine étrangère et/ou en situation de précarité, renforçant la nécessité des liens avec les travailleurs sociaux. La déclaration obligatoire et anonyme de l’infection à VIH, au moment du dépistage, devrait être prochainement généralisée en France et permettra de mieux connaître l’épidémiologie de l’infection à VIH. Cette déclaration devra être effectuée par le prescripteur du test ou le laboratoire le réalisant; elle complètera la déclaration des cas de sida, non modifiée. En 1998, 20% des patients ne connaissaient pas leur séropositivité au moment du diagnostic de sida.

Les limites des multithérapies

Plusieurs points importants, confirmés ces derniers mois, sont susceptibles de modifier les stratégies thérapeutiques dans les années à venir :
- une efficacité confirmée des multithérapies permettant d’obtenir de façon durable une charge virale plasmatique (ARN VIH) non détectable (<200 ou 50 copies/ml) chez un grand nombre de patients, mais sans baisse significative du DNA viral.
- la notion d’une prise en charge au long court avec des effets indésirables plus fréquents que prévus conduisant à nuancer le moment de l’initiation au traitement et à renforcer la relation entre les soignants et les soignés ;
- la persistance du virus, sous une forme intégrée, quiescente ou plutôt faiblement réplicative, au niveau des lymphocytes CD4 et des monocytes du sang périphérique, y compris chez les patients ayant depuis plus de deux ans un ARN VIH plasmatique inférieur à 50 copies/ml (4, 9, 10, 18);
- une restauration immunitaire sous traitement retardée, efficace vis à vis des agents infectieux endogènes ou exogènes, mais incomplète vis à vis du VIH lui-même en particulier au niveau de la fonction CD4 amplificatrice (1, 5, 14, 15).
Ces données suggèrent qu’en l’absence de nouvelle classe d’antiviraux l’éradication n’est plus l’objectif à court – moyen terme, mais que l’on s’oriente plutôt vers l’obtention d’un état d’équilibre immunovirologique éventuellement favorisé par une immunothérapie (6).

Les échecs thérapeutiques

A coté du succès virologique, déjà cité, il faut souligner que 40% des patients traités gardent une charge virale détectable. Les causes d’insuccès sont essentiellement liées à des problèmes d’adhésion au traitement et aux problèmes de résistance acquise. Environ 8% des patients sont en échec thérapeutique sévère. Il s’agit surtout de patients traités de longue date. Cette catégorie de patients nécessite à court terme l’obtention de nouvelles molécules en association avec la collaboration active des différentes agences et de l’industrie pharmaceutique.
Les facteurs d’échec peuvent être liés au virus lui-même : charge virale très élevée, présence de mutations de résistance aux différents antirétroviraux ou au traitement prescrit, interactions pharmacocinétiques réduisant le taux sérique des médicaments ou leur métabolisme intracellulaire, puissance thérapeutique insuffisante en particulier en cas de charge virale élevée, difficultés d’adhésion (on estime qu’environ 30% des patients ont une adhésion incomplète à leur traitement). On dispose maintenant d’outils permettant d’expliquer l’échec et d’aider au choix du nouveau schéma antirétroviral de relais. Les dosages plasmatiques des inhibiteurs de protéase permettent d’authentifier un éventuel sous-dosage lié à des problèmes d’absorption ou d’interactions médicamenteuses. Les inhibiteurs de protéase sont en effet métabolisés au niveau du foie par le cytochrome p450 et de nombreux médicaments dont les inhibiteurs non nucléosidiques de la Reverse Transcriptase peuvent modifier leur métabolisme.

Les tests de résistance

La réalisation de tests génotypiques de résistance doit être généralisée dans les laboratoires de virologie dans le courant de l’année 2000. On dispose ainsi de l’analyse des mutations des gènes de la transcriptase inverse et de la protéase, associées à une baisse de la sensibilité connues à certaines molécules. L’utilisation de ces tests est recommandée dans les échecs de deuxième et troisième intention. Elle est à discuter en cas d’échecs multiples, d’échec de premier traitement et de prescription pendant la grossesse. Les tests permettent de guider vers le choix des molécules encore actives, en sachant que de nombreuses molécules de même classe thérapeutique ont une résistance croisée et que, par exemple, l’échappement à un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse donné s’accompagne généralement d’une résistance à l’ensemble de ce type d’inhibiteurs. Chez des patients en multiéchec, avec des virus résistants à tous les antirétroviraux, des protocoles de mégathérapies comportant 6 à 8 antirétroviraux ou d’interruption thérapeutique pour resensibiliser le virus sont à l’étude.

Toxicité fréquente des antiviraux

La toxicité des mono- ou bithérapies d’analogues nucléosidiques est bien connue probablement par un mécanisme d’atteinte mitochondriale (2): toxicité hématologique, hépatique, musculaire, neurologique... L’ère des multithérapies a fait émerger de nouveaux effets secondaires inconnus jusqu’alors dans cette population. Plus de 50% des patients traités présentent un syndrome lipodystrophique caractérisé par une anomalie de la répartition des graisses, avec des signes de lipoatrophie. Ce syndrome entraîne un aspect dysmorphique avec un préjudice esthétique parfois majeur, très difficile à accepter par le patient atteint. Des hyperlipidémies et des intolérances glucidiques peuvent également survenir, nécessitant une prise en charge diététique voire médicamenteuse correctrice. Le mécanisme de ces anomalies métaboliques n’est pas connu. Les inhibiteurs de protéase initialement suspectés ne sont pas seuls en cause. La réversibilité de ces anomalies est inconstante en cas de modification thérapeutique. Des conséquences à long terme, en particulier cardiovasculaires, sont redoutées et l’interrogatoire d’un patient infecté par le VIH doit maintenant comporter la recherche de facteurs de risque cardiovasculaire.

Quelles stratégies pour le long terme ?

La prise en charge d’un patient infecté par le VIH s’envisage donc maintenant dans la chronicité. Cet allongement de l’espérance de vie s’observe chez des patients dont l’état de santé est préservé ou a été amélioré par la restauration immunitaire sous traitement. Un traitement démarré doit être poursuivi à vie. Les espoirs avancés parfois d’éradication virale étant quasi-inexistants avec les stratégies thérapeutiques proposées, même si celles-ci permettent d’obtenir une charge virale indétectable dans le plasma, on sait maintenant qu’il persiste du virus latent intégré dans les cellules sanguines circulantes et dans les organes lymphoïdes. Ce virus peut reprendre son cycle replicatif sous divers stimuli, ou en cas d’arrêt de traitement. Ceci explique l’apparition inéluctable d’un rebond virologique en cas d’arrêt de traitement, même chez des patients parfaitement contrôlés sous traitement prolongé. Les modèles mathématiques estiment à plusieurs dizaines d’années la durée nécessaire pour aboutir à une éradication virale avec les traitements actuels, ce qui oblige à envisager d’autres approches thérapeutiques.
Dans de rares cas d’arrêt de traitement, l’existence d’une réponse immune cellulaire anti-VIH permettrait de contrôler la réplication virale mais cette stratégie d’interruption thérapeutique programmée n’est pas encore validée et pourrait avoir des effets délitérés. Par ailleurs, on sait que certains patients sont infectés depuis plus de 8 à 10 ans, mais gardent un taux de lymphocytes CD4 normal et une charge virale basse. Ces patients « non progresseurs » présentent également une réponse immune spécifique anti-VIH qui a disparu chez les patients »progresseurs ». Ceci amène à développer des approches visant à stimuler la réponse anti-VIH efficace , soit par le biais de cytokines telles que l’interleukine-2, soit par une immunothérapie spécifique avec des peptides immunogènes du VIH. L’interleukine-2 a d’ores et déjà prouvé son efficacité avec l’observation d’une restauration immunitaire quantitative - augmentation du taux de CD4- et qualitative - restauration des réponses spécifiques d’antigènes - lorsqu’elle est associée à un traitement antirétroviral actif. L’IL-2 peut également contribuer à diminuer le pool de cellules latentes (3). Des protocoles d’immunothérapie spécifique (vaccins de type lipopeptides) associés ou non à l’Interleukine-2, viennent de débuter chez des patients ayant une charge virale indétectable en chronique ou après primo-infection traitée.
D’autres pistes sont à envisager : Simplification des traitements avec une prise par jour, apparition de la 2ème ou 3ème génération des inhibiteurs de protéase actifs sur des virus multirésistants, inhibiteurs de fusion T20, ligands modifiés des récepteurs de chemokines, inhibiteurs d’Intégrase mais il s’agit de perspectives à 2 ou 3 ans.
Une autre approche consiste en une prescription thérapeutique plus individualisée prenant en compte en particulier les différences immuno-génétiques. Des mutations ou des délétions sur les récepteurs de chimiokines peuvent influencer l’histoire naturelle, en retardant (11, 12, 13, 17) ou au contraire en accélérant l’évolution par le SIDA (8).
Ceci reste vrai à l’air des multithérapies. Il est donc logique de proposer des traitements plus ou moins lourds, avec des stratégies d’interruption et/ou d’immunothérapie de façon plus individualisé en fonction du risque évolutif.

Les Pays du Sud

L’ampleur de l’épidémie, son extension à l’Asie et probablement maintenant aux pays de l’Est est encore trop souvent méconnue ou sous estimée par les pays du Nord. L’accès aux médicaments antiviraux très limité pour l’instant en raison des coûts est devenue un enjeu politique et associatif important. La prévention de la transmission de la mère à l’enfant par un traitement court (Névirapine ou AZT) est considéré comme un objectif prioritaire ou en tout cas raisonnable à court-moyen terme.
On doit souligner que la lutte contre le SIDA ne doit pas se focaliser sur tel ou tel aspect. On ne peut pas faire de bonne prévention si l’ont ne fournit pas aux personnes atteintes un minimum de prise en charge. Il serait donc illusoire de consacrer la totalité des budgets à l’aide thérapeutique, mais celle-ci doit se mettre en place pour montrer que c’est possible, y compris dans les pays du Sud.

Bibliographie

  1. Autran B., Garcelain G., Li TS., Blanc C., Mathez D., Tubiana R., Katlama C., Debré P., Leibowitch J. Positive effects of combined antiretroviral therapy on CD4+ T cell homeostasis and function in advanced hiv disease. Science,1997 ;277 :112-116.
  2. Blanche S., Tardieu M., Slama A., Rustin P., Barret B., Firtion G., Ciraru-Vigneron N., Lacroix C., Rouzioux C., Mandelbrot L., Bavoux F., Desguerre I., Munnich A., Mayaux M.J., Delfraissy J.F. Mitochondrial dysfunction and in utero exposure to antiretroviral nucleoside analogues. Lancet. 1999;354:1084-89.
  3. Chun TW, Engel D, Mizell SB, Hallahan CW., Fischette M., Park S., Davey RT., Dybul M., Kovacs JA., Metcalf JA., Mican JM., Berrey MM., Corey L., Lane HC., Fauci AS.. Effect of interleukin-2 on the pool of latently infected resting CD4+ T-cells in HIV-1 infected patients receiving highly active anti-retroviral therapy. Nature Med. 1999 ;5(6): 651-655.
  4. Chun TW, Fauci AS. Latent reservoirs of HIV: obstacles to the eradication of virus.Proc Natl Acad Sci U S A 1999 ;96(20):10958-61
  5. Dalod M, Dupuis M, Deschemin J-C, Goujard C, Deveau C, Meyer L, Ngo N, Rouzioux C, Guillet J-G, Delfraissy J-F, Sinet M, Venet A. Weak anti-HIV CD8+ T cell effector activity in HIV primary infection. J. Clin. Invest. 1999;104:1431-1439.
  6. Delfraissy J.F. Prise en charge thérapeutique des personnes infectées par le VIH. Recommandations du Groupe d’Experts. 1999. Médecine Sciences Flammarion.
  7. Fauci AS. The AIDS epidemic. Considerations for the 21st Century. The N. Eng J. of Medecine. 1999,341:1046-1050.
  8. Faure S., Meyer L., Costagliola D., Vaneensbergue C., Genin E., Autran B., French ALT and IMMUNOCO Study groups, Delfraissy J.F., SEROCO Study Group, McDermott D.H., Murphy Ph., Debré P., Theodorou I., Combadière C. Rapid progression to AIDS AMONG HIV+ individuals with an allelic variant of the CX3CR1 chemokine receptor. SCIENCE 2000 ; 287 :2274-2277.
  9. Finzi D, Blankson J, Siliciano JD,Margolick JB., Chadwick K., Pierson T., Smith K., Lisziewicz J., Lori F., Flexner C., Quinn TC., Chaisson RE., Rosenberg E., Walker B., Gange S., Gallant J., Siliciano RF.. Latent infection of CD4+ T-cells provides a mechanism for lifelong persistence of HIV-1 even in patients on effective combination therapy. Nature Med. 1999 ; 5(5): 512-7.
  10. Lambotte O, Taoufik Y, De Goer MG, Goujard C., Wallon C., Delfraissy JF.. Détection of infectious HIV in monocytes from patients on prolonged HAART. J. AIDS ,2000;23:114-119.
  11. Meyer L., Magierowska M., Hubert J.B., Mayaux M.J., Misrahi M., Le Chenadec J., Debre P., Rouzioux C., Delfraissy J.F., Theodorou I., and the SEROCO-HEMOCO-SEROGEST study groups. CCR5 D 32 deletion and reduced risk of toxoplasmosis in persons infected with human immunodeficency virus type-1. J. Infect. Dis.1999;180:920-24.
  12. Meyer L., Magierowska M., Hubert JB., Rouzioux C., Deveau C., Sanson F., Debré P., Delfraissy J.F., Theodorou I., and the SEROCO Study Group. Early protective effect of CCR5 ∆ 32 heterozygosity on HIV-1 disease progression: relationship with viral load. AIDS. 1997;11:F73-F78.
  13. Misrahi M., Teglas JP., N'Go N., Burgard M., Mayaux MJ., Rouzioux C., Delfraissy J.F., Blanche S for the French Pediatric HIV infection Study Group.. CCR5 chemokine receptor variant in HIV-1 mother-to-child transmission and disease progression in children. JAMA.1998.279:277-280.
  14. Ortiz GM., Nixon DF., Trkola A., Binley J., Jin X., Bonhoeffer S., Kuebler PJ., Donahoe SM., Demoitie MA., Kakimoto WM., Ketas T., Clas B., Heymann JJ., Zhang L., Cao Y., Hurley A., Moore JP., Ho DD., Markowitz M. HIV-1-specific immune responses in subjects who temporarily contain virus replication after discontinuation of highly active anti-retroviral therapy. J. Clin. Invest. 1999, 104(6) :R13-R18.
  15. Pitcher C., Quittner C., Peterson DM., Connors M., Koup R., Maino VC., Picker LJ. HIV-1-specific CD4+T cells are detectable in most individuals with active HIV-1 infection, but decline with prolonged viral suppression. Nat. Med. 1999,5 :518-525.
  16. Rosenberg E., Billingsley J., Caliendo A., Boswell S., Sax P., Kalams S., Walker B. Vigourous HIV-1 specific CD4+ T cell responses associated with control of viremia. Science, 1997, 278: 1447-1450.
  17. Teglas JP., N’Go N., Burgard M., Mayaux M.J., Rouzioux C., Blanche S., Delfraissy J.F., Misrahi M., for the French Pediatric HIV infection study Group. CCR2B-641 chemokine receptor allele and mother-to-child HIV-1 transmission or disease progression in children. J. AIDS.1999 ;22 :267-271 .
  18. Zhang L, Ramratnam B, Tenner-Racz K., He Y., Vesanen M., Lewin S., Talal A., Racz P., Perelson AS., Korber BT., Markowitz M., Ho DD.. Quantifying residual HIV-1 replication in patients receiving combination antiretroviral therapy.N Engl J Med 1999 ;340(21):1605-13