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2007 > Périnatalité > Diarrhèes aïgues du nourriisson  Telecharger le PDF

Prise en charge actualisée de la diarrhée aiguë

J. Girardet

Les gastro-entérites aiguës du nourrisson sont des maladies infectieuses d’évolution généralement bénignes en quelques jours. Leur principale complication est la déshydratation aiguë, encore responsable d’une quarantaine de décès chaque année en France. Leur prise en charge repose donc toujours sur la réhydratation orale suivie d’une réalimentation précoce, alors que la place des traitements médicamenteux est très limitée. Nous envisagerons donc successivement les modalités de la réhydratation, celles de la réalimentation et du traitement diététique, avant de préciser les indications actuelles des médicaments.

La réhydratation

En dehors des cas où l’intensité de la déshydratation nécessite un remplissage vasculaire et une réhydratation par voie intra veineuse, la réhydratation par voie orale permet de restaurer l’équilibre hydro électrolytique. La réhydratation par voie orale est basée sur l’observation que le système de co-transport Na+- Glucose reste fonctionnel au cours des diarrhées aiguës infectieuses. L’intestin de l’enfant diarrhéique conserve donc un pouvoir potentiel d’absorption du sodium, et par conséquent de l’eau qui suit passivement les mouvements du sodium, favorisée par la présence concomitante de glucose dans la lumière intestinale [1]. De ce fait, les solutés gluco-électrolytiques de réhydratation orale (SRO) permettent de compenser les pertes fécales et de positiver le bilan hydrique. Leur efficacité a été largement démontrée par de nombreuses études depuis plusieurs années [2]. Ces solutés constituent à l’heure actuelle l’élément essentiel, incontournable, du traitement des diarrhées aiguës du nourrisson, au mieux pour prévenir la survenue d’une déshydratation, sinon pour la traiter.

La composition en électrolytes des SRO a fait l’objet de recommandations de la part de la Société Européenne de Gastroentérologie, Hépatologie et Nutrition Pédiatrique (ESPGHAN), établies en fonction de la composition électrolytique des pertes fécales observées au cours des diarrhées aiguës du nourrisson dans les pays industrialisés [3]. Sept SRO sont actuellement commercialisés en France (tableau N°1); leur composition est définie par un arrêté de Mai 2003 fixant la concentration en sodium entre 50 et 60 mmol/L, la concentration en potassium entre 20 et 25 mmol/L, la concentration en citrate entre 8 et 12 mmol/L, la concentration en bicarbonates entre 24 et 36 mmol/L et l’osmolarité entre 200 et 270 mOsm/L [4]. Cette composition est mieux adaptée que la solution OMS contenant 90 mmol/L de sodium aux diarrhées infectieuses non cholériques, même dans les pays en voie de développement. Certains SRO contiennent d’autres hydrates de carbone que le glucose, soit du saccharose en raison de son goût sucré favorisant l’acceptation de la solution, soit des dextrines afin d’augmenter la teneur énergétique en conservant une osmolarité faible. Il n’a pas été démontré que ces modifications améliorent significativement l’efficacité des SRO. Certaines études font état d’une réduction de la durée de la diarrhée par l’utilisation d’amidon résistant à l’amylase ou par l’adjonction au SRO de gomme guar ou de certains probiotiques. Ces solutés ne sont pas disponibles en France actuellement.

Tous les SRO se reconstituent à raison d’un sachet pour 200 ml d’eau faiblement minéralisée. Ils ne doivent en aucun cas être mélangés à l’alimentation ni donnés par sonde naso-gastrique. Pour éviter les vomissements, on débute habituellement en proposant des prises répétées de petites quantités de soluté. Au cours des premières heures, on doit proposer à l’enfant au moins 100 ml/kg, mais en pratique, si on laisse l’enfant boire à volonté, il peut prendre plus de 200 ml/kg au cours des premières 24 heures pour corriger sa déshydratation. Il est important d’expliquer aux parents que le SRO n’a pas pour but de traiter la diarrhée mais de corriger ou prévenir la déshydratation. Une augmentation modérée du nombre de selles peut même être observée au cours des premières heures de traitement. Il faut évidemment proscrire toute autre boisson : eau pure, eau de riz, soupe de carottes, sodas à base de cola dont la composition n’est pas adaptée. Les parents doivent également être avertis qu’en cas de diarrhée profuse, de vomissements incoercibles, de perte de poids, l’enfant doit être hospitalisé pour une réhydratation intraveineuse. Passées les premières heures et la phase de réhydratation, après la reprise de l’alimentation, le SRO pourra continuer à être proposé à l’enfant entre ses repas pendant la durée de la diarrhée [1].

La réalimentation

La précocité de la réalimentation constitue le deuxième principe de la prise en charge des diarrhées aiguës. En effet, si les diarrhées infectieuses s’accompagnent d’un certain degré de malabsorption liée aux lésions entérocytaires et à l’accélération du transit, cette malabsorption n’est que partielle. La reprise rapide de l’alimentation en phase diarrhéique permet d’améliorer les troubles de la perméabilité intestinale induits par l’agent infectieux, de favoriser la réparation de la muqueuse intestinale et de maintenir l’activité disaccharidase et, au total, de réduire le risque de dénutrition et de raccourcir la durée de la diarrhée.

A la suite des travaux de KH Brown[5] et de BK Sandhu, les modalités de la réalimentation ont fait l’objet de recommandations de la part de l’ESPGHAN et du Comité de nutrition de la Société Française de Pédiatrie qui sont fonction de l’âge du nourrisson, de la tolérance digestive et du mode d’alimentation au début de la diarrhée [1,6]

Chez les enfants nourris au sein,

il n’y a pas de justification à arrêter l’allaitement maternel qui peut être poursuivi en proposant à l’enfant des biberons de SRO entre les tétées..

Chez les enfants recevant un allaitement artificiel.

* en cas de diarrhée faible ou modérée, chez un nourrisson eutrophique, il n’y a pas de justification à prolonger la réhydratation orale plus de 4 heures avant de reprendre l’alimentation selon des modalités variant avec l’âge de l’enfant :

- chez les nourrissons de moins de 4 mois : malgré l’absence d’étude contrôlée sur ce sujet, et en raison de la sévérité potentielle de la diarrhée à cet âge, la plupart des auteurs préconisent d’utiliser de façon systématique un hydrolysat poussé de protéines sans lactose pendant une à deux semaines afin de prévenir la survenue d’une allergie secondaire aux protéines du lait de vache.

- Chez les nourrissons âgés de plus de 4 mois : il est licite de reprendre l’alimentation avec le lait que l’enfant recevait avant le début de la diarrhée (préparation pour nourrisson ou préparation de suite). Ce n’est qu’en cas de réapparition ou d’aggravation de la diarrhée dans les heures suivant la réalimentation que l’on utilisera en seconde intention une préparation sans lactose dans l’hypothèse d’une intolérance secondaire à ce sucre.

* Cependant, l’utilisation d’une préparation sans lactose d’emblée pour réalimenter un nourrisson de plus de 4 mois est indiquée pendant une à deux semaines en cas de diarrhée sévère (ce qui est le cas de la majorité des gastroentérites justifiant un hospitalisation), ou en cas de diarrhées traînante ou récidivante.

Les médicaments.

Les médicaments n’ont que de rares indications au cours des diarrhées aiguës de l’enfant [7]. .

Les inhibiteurs de la motricité intestinale

tels que les anti-cholinergiques et les opiacés (Lopéramide) sont formellement contre indiqués chez les enfants de moins de 2 ans en raison du risque d’iléus paralytique et de translocation bactérienne à l’origine de plusieurs décès.

Les silicates et les probiotiques ont des indications discutables

Les silicates (Actapulgite®, Smecta®) sont des médicaments souvent prescrits en raison de leur bonne tolérance. De plus, plusieurs études randomisées contre placebo ont montré leur efficacité sur la durée de la diarrhée, mais il n’a pas été montré d’effet sur le volume des selles [8]. Ces médicaments agissent en effet par leur fort pouvoir absorbant sur l’aspect des selles mais non sur le processus sécrétoire. Il s’agit donc d’un traitement de confort, purement symptomatique, et qui surtout ne dispense pas d’une réhydratation orale.

- Les probiotiques (Lactéol®, Ultralevure®) sont des substances d’origine microbienne qui sont susceptibles d’avoir un effet bénéfique sur l’évolution de la diarrhée par différents mécanismes : modification de la flore intestinale, inhibition compétitive de l’adhésion bactérienne, facilitation de la digestion du lactose et/ou stimulation de l’immunité locale. Des études randomisées ont montré des effets bénéfiques de certaines souches de probiotiques en association avec un soluté de réhydratation en terme de durée de la diarrhée et de nombre de selles mais non en terme de débit de selles [9]. Il s’agit donc là encore de médicaments d’appoint dont les indications futures sont sans doute d’avantage à envisager dans le cadre de la prévention des gastro-entérites infectieuses que de leur traitement.

L’Acétorphan (Tiorfan®)

est un médicament ayant une action anti-sécrétoire pure par inhibition de l’enképhalinase. Son efficacité sur la durée de la diarrhée mais aussi sur le débit des selles a été démontrée par des études contrôlées en double aveugle contre placebo [10]. Son mode d’action spécifique conduit à l’utiliser principalement dans les diarrhées aqueuses sécrétoires telles que le sont habituellement les infections à rotavirus. L’Acétorphan est d’autant plus efficace qu’il est donné rapidement dès le début de la diarrhée. Sa tolérance est bonne et il peut donc être prescrit chez le nourrisson, en association avec un SRO, à la dose de un sachet à 10 mg, suivi de trois sachets répartis dans la journée ? Cette dose peut être doublée chez les enfants de plus de 9 mois.

Les antibiotiques

ont des indications bien précises. Celles-ci sont rares car les diarrhées bactériennes ne représentent pas plus de 10 à 15 % des gastro-entérites infectieuses du nourrisson en France et la majorité d’entre elles ont une évolution rapidement et spontanément favorable dont la durée n’est pas améliorée par un éventuel traitement antibiotique. Les indications de l’antibiothérapie sont de deux ordre : les premières sont liées à la virulence du germe, les secondes à la fragilité du terrain ou à la sévérité du syndrome infectieux [7].

Les indications liées au germe :

si l’on excepte la Typhoïde et le Choléra, les antibiotiques ne sont indiqués de façon systématique qu’en cas d’infection à Shigelle. Le traitement de première intention reste l’Ampicilline à la dose de 100 mg/kg/jour en trois ou quatre prises. En cas de résistance, on utilise la Ceftriaxone (Rocéphine®) en une injection de 50 mg/kg/jour.

Chez les enfants en collectivité ayant une diarrhée persistant pendant plus de 8 jours, on peut également être amené à traiter un campylobacter jejuni par Erythromycine à la dose de 50 mg/kg/jour.

Les autres indications de l’antibiothérapie

sont liées au terrain (âge inférieur à 6 mois, dénutrition sévère, déficit immunitaire etc..) ou à la sévérité du tableau clinique (syndrome toxi-infectieux grave, diarrhée sanglante et profuse, fièvre persistante, présence d’une bactériémie aux hémocultures etc…). C’est dans ces situations que l’on peut être amené à traiter :

- une salmonellose par Ceftriaxone relayée par l’Amoxicilline per os (50 à 70 mg/kg/jour en trois prises) pendant 14 jours. En cas d’échec thérapeutique, il est proposé d’utiliser en seconde intention la Ciprofloxacine (Ciflox®) à la dose de 20 mg/kg/jour en deux prises pendant cinq jours.

- ou, beaucoup plus rarement, un Escherichia Coli entéro-invasif. Le traitement de première intention est alors le Cotrimoxazole (Bactrim®) à la dose de 50 mg/kg/jour en deux prises per os. Il faut cependant savoir qu’en cas de diarrhée à Escherichia Coli O15H7 porteur de vérotoxine, le traitement antibiotique pourrait augmenter le risque d’évolution vers un syndrome hémolytique et urémique.

En conclusion : Le traitement des gastro-entérites du nourrisson repose sur la réhydratation orale qui doit être instituée précocement. A l’exception des rares indications de l’antibiothérapie, les traitements médicamenteux doivent être considérés comme des traitements d’appoint et toujours associés à une réhydratation orale.

Références

  1. Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie. Traitement nutritionnel des diarrhées aiguës du nourrisson et du jeune enfant. Arch Pediatr 2002 ;9 :610-19
  2. Gavin N, Merrick N, Davidson B. Efficacy of glucose-based oral rehydration therapy. Pediatrics 1996;98:45-51
  3. Booth I, Cunha ferreira R, Desjeux JF et al. Recommendations for composition of oral rehydration solutions for the children of Europe. Report of an ESPGAN working group. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1992;14:113-5
  4. Arrêté relatif à l’inscription des solutés de réhydratation orale au titre de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l’article L.165-1 du code de sécurité sociale. Journal officiel de la république française, 5 juin 2003, 9572
  5. Brown KH, Peerson JM, Fontaine O. Use of non human milk in the dietary management of young children with acute diarrhoeas: a meta-analysis of clinical trial. Pediatrics 1994;93:17-27
  6. Walker-Smith JA, Sandhu BK, Isolauri E et al. Medical position paper. Guidelines prepared by the ESPGAN working group on acute diarrhoea. Recommendations for feeding in childhood gastroenteritis. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1997;24:619-20.
  7. Cezard JP, Chouraqui JP, Girardet JPh, Gottrand F et le Groupe Francophone d’Hépatologie, Gastro-entérologie et Nutrition Pédiatriques. Traitement médicamenteux des diarrhées aiguës infectieuses du nourrisson et de l’enfant. Arch Pediatr 2002 ;9 :620-8
  8. Guarino A, Bisceglia M,Castellucci G et al. Smectite in the treatment of acute diarrhoea: a nation wide randomized controlled study of the Italian Society of Pediatric Gastroenterology and Hepatology (SIGEP) in collaboration with primary care pediatricians. SIGEP study group for smectite in acute diarrhoea. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2001;32:71-5.
  9. Szajewska H, Mrukowicz JZ. Use of probiotics in children with acute diarrhoea. Pediatr Drugs 2005;7:111-122.
  10. Cézard JP, Duhamel JF, Meyer M et al. Efficacy and tolerability of Racecadotril in acute diarrhoea in children. Gastroenteology 2001;120:799-805

Tableau N° 1: composition des solutés de réhydratation commercialisés en France (pour 1 litre reconstitué)

Adiaril® (Gallia)

Alhydrate® (Nestlé)

Hydrigoz® (Guigoz)

Fanolyte® (Bioprojet)

GES 45® (Milupa)

Picolite® (Picot)

Viatol® (Axcan)

Glucides (g)

- glucose

- dextrines

- saccharose

25,8

13,3

-

12,5

82,5

-

59

20

16,2

16,2

-

-

38

15

12,5

10,5

89,6

-

69,5

20

20

20

-

-

Sodium (mmol)

60

60

60

52

55,5

50

Potassium (mmol)

20

20

20

25

24,5

24,5

Bicarbonates

(mmol)

-

-

-

-

-

-

Citrates (mmol)

10

18

10

12

13,4

12

Energie (kcal)

105

330

64

155

355

80

Osmolarité (mOsm)

250

< 270

240

246

268 ?5

248,5

Hôpital Armand-Trousseau, Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie, Paris