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2007 > Obstétrique > Diagnostic anténatal  Telecharger le PDF

Échographie, marqueurs sériques et risque intégré. Peut-on améliorer la qualité du dépistage de la trisomie 21?

B. Carbonne , E. Cynober et V. Castaigne

Que les raisons en soient culturelles, médicolégales ou scientifiques, le dépistage de la trisomie 21 est, depuis quelques années, sous forte pression médiatique. Les modalités de dépistage évoluent parallèlement à l’identification de nouveaux facteurs de risque : âge maternel, épaisseur de la clarté nucale et autres marqueurs échographiques plus tardifs, enfin, marqueurs sériques du premier et du deuxième trimestre. Pour un taux de dépistage de la trisomie 21 donné, les différentes combinaisons d’utilisation de ces marqueurs aboutissent à des taux faux positifs très différents.

L’objectif de plus en plus affiché de réduire le taux d’amniocentèses et donc de pertes foetales inutiles est-il compatible avec un taux de détection performant ? 

Paramètres d’évaluation du risque de trisomie 21

Les principaux paramètres actuellement validés pour l’évaluation du risque sont :

-l’âge maternel : Le risque de trisomie augmente avec l’âge de la mère, ce qui justifie la politique de remboursement des frais d’amniocentèse et de caryotype après 38 ans en France. Cependant, les femmes enceintes de plus de 38 ans étant très largement minoritaires, de nombreux enfants trisomiques naissent de femmes de moins de 38 ans. Néanmoins, ce paramètre sert de risque de base pour tout calcul de risque à partir des autres marqueurs détaillés plus bas (Morris 2002). 

Age maternel

Risque de trisomie 21

20 ans

1 pour 1500

25 ans

1 pour 1250

30 ans

1 pour 840

35 ans

1 pour 350

40 ans

1 pour 94

45 ans

1 pour 24

-La mesure de la clarté nucale au premier trimestre (Nicolaides 1992 ; Snidjers 1998) : les modalités de réalisation de cet examen ont été largement détaillées. Des logiciels ont été élaborés, notamment par l’équipe de Nicolaides (1992) qui a introduit ce paramètre, afin de calculer le risque de trisomie 21 pour chaque patiente à partir de son âge et de la mesure de clarté nucale en fonction de la longueur cranio-caudale du foetus.

-Les marqueurs biochimiques sériques sont tous basés sur le même principe : les résultats, exprimés en multiples de la médiane (MoM) pour l’âge gestationnel (Wald 2000). Le risque individuel est calculé en multipliant le risque lié à l’âge de la mère par le rapport de vraisemblance obtenu à partir des distributions gaussiennes des valeurs pour des populations trisomiques et non-trisomiques. Les principaux marqueurs du premier trimestre sont la HCG et la PAPP-A ; ceux du deuxième trimestre sont l’hCG, l’FP, l’oestriol et l’inhibine-A.

Les différentes stratégies de dépistage de la trisomie

Les principales stratégies actuelles opposent : 

-les méthodes séquentielles : chaque information nouvelle donne lieu à un calcul de risque qui est discuté avec la patiente. Ceci permet d’avoir rapidement accès à un prélèvement invasif si les premiers tests sont perturbés, et donc un résultat rapide. Mais cette stratégie est génératrice d’un nombre élevé de prélèvements invasifs.

-les méthodes intégrées : un seul calcul de risque est réalisé, une fois réunis les résultats de tous les tests réalisés. Ceci permet de revoir à la baisse certains risques paraissant élevés au premier trimestre et donc d’éviter des amniocentèses. En revanche, le recours à un éventuel prélèvement invasif est retardé et la réalisation éventuelle d’une interruption de grossesse également

L’évaluation de la qualité du dépistage repose sur deux paramètres principaux : 1) le taux de détection des fœtus trisomiques (sensibilité); et 2) le taux de faux positifs, qui correspond au nombre d’amniocentèse réalisées pour des fœtus non trisomiques et qui permet d’apprécier le risque de pertes fœtales liées au dépistage.

La seule stratégie qui permettrait 100% de détection serait la réalisation de 100% d’amniocentèses, dont les résultats seraient normaux dans la très grande majorité des cas et qui serait source d’un taux très élevé de pertes foetales inutiles. L’évolution actuelle du dépistage tend à privilégier une réduction des amniocentèses et donc à trouver le meilleur compromis entre taux de détection et taux de faux positifs.

Résultats des différentes stratégies

Dans une étude de 2005, Malone et al. ont analysé les résultats de différentes stratégies de dépistage chez 38167 femmes enceintes ayant eu une mesure de clarté nucale à l’échographie du premier trimestre, un double test sérique au premier trimestre (PAPP-A et HCG), entre 10 et 14 SA, et un quadruple test au deuxième trimestre (hCG, FP, oestriol et inhibine-A) entre 15 et 18 SA.

Le tableau suivant indique, pour chaque stratégie et pour chaque seuil utilisé, les taux de détection de la trisomie et le taux de faux positifs.

 

Stratégie

Seuil utilisé

Taux de détection

Taux de faux positifs

Risque combiné 1er trimestre

(CN+marqueurs sériques)

1/150

82%

3,2%

Risque combiné 1er trimestre

(CN+marqueurs sériques)

1/300

86%

5,6%

Quadruple test sérique 2ème trimestre

 

1/300

85%

8,5%

Risque séquentiel 1er et 2ème trimestres

1/150 au 1er T

1/300 au 2è T

94%

11%

 

Les stratégies utilisant les marqueurs de manière combinée au premier trimestre permettent les taux de faux positifs les plus faibles. Un taux de détection de plus de 85% est obtenu en utilisant un seuil de 1/300. Pour un même taux de détection (85%), le quadruple test du deuxième trimestre, donc plus tardif, a un taux de faux positifs plus élevé. On constate que l’utilisation séquentielle des différents marqueurs aboutit à des taux de détection élevés, mais aussi de loin aux taux d’amniocentèses les plus élevés.

Pour un taux de détection donné, les risques de faux positifs sont également différents comme l’indique le tableau suivant (les chiffres indiqués mini et maxi correspondent aux valeurs pour 11 et 13 SA respectivement) :

Taux de détection

75%

85%

95%

Nuque 1er T seule

 

8,1 – 12%

20 – 27%

55 – 64%

Marqueurs sériques 1er T seuls

7,1 – 10%

16 – 21%

42 – 48%

Nuque + marqueurs 1er T combinés

1,2 – 2,3%

3,8 – 6,8%

18 – 26%

Marqueurs sériques 1er et 2è T intégrés

1,2 – 2%

3,6 – 5,2%

15 – 19%

Nuque + marqueurs 1er et 2ème T intégrés

0,2 – 0,3%

0,6 – 1,2%

4,0 – 6,9%

L’utilisation des tests de manière « intégrée », c’est à dire en ne donnant les résultats qu’à l’issue de la réalisation de tous les tests permet, à taux de détection identique, les taux de faux positifs les plus faibles. L’inconvénient majeur de cette stratégie est qu’elle ne permet pas de faire bénéficier les patientes des la possibilité d’un caryotype par biopsie de trophoblaste au premier trimestre. Le diagnostic ne peut être fait qu’au deuxième trimestre dans ce cas.

Les avantages d’un diagnostic précoce par les marqueurs combinés du premier trimestre doivent donc être mis en balance avec ceux d’un taux particulièrement faible de faux positifs d’un dépistage par intégration de tous les marqueurs de risque (nuque plus marqueurs du 1er et du 2ème trimestre) au deuxième trimestre.

Encore plus récemment, Rozenberg et al. (2006) ont montré un taux de dépistage de la trisomie 21 par les marqueurs combinés du premier trimestre de 79,6% pour un taux de faux positifs de 2,7% seulement. Ce taux de détection s’élevait à 89,7%, pour un taux de faux positifs de 4,2% lorsque l’échographie du deuxième trimestre était utilisée pour « rattraper » certains des diagnostics de trisomie non identifiés par les marqueurs précoces. Cette approche pragmatique, car correspondant aux pratiques échographiques en France parait acceptable en termes de coûts, par rapport aux stratégies comportant plusieurs dosages de marqueurs à différents moments de la grossesse. Surtout, cette étude confirme qu’une stratégie utilisant de manière combinée des marqueurs sériques du 1er trimestre et des données échographiques, est réalisable en population (celle des Yvelines) et non seulement au sein d’unités cliniques hyper-spécialisées. Cependant, malgré ces bons résultats, les marqueurs sériques du 1er trimestre ne sont pas encore disponibles en France.

Que choisir ?

Les données de la littérature concernant les stratégies de dépistage de la trisomie 21 sont en cours d’analyse par la Haute Autorité de Santé (HAS) afin d’élaborer des recommandations nationales. Les recommandations de la HAS ne devraient être rendues publiques que courant 2007.

Les données de l’étude des Yvelines plaident d’ores et déjà fortement en faveur de l’utilisation des marqueurs sériques du premier trimestre dès qu’ils seront disponibles, combinés à la mesure de la clarté nucale échographique, plutôt que pour le dosage des marqueurs du 2ème trimestre. Le « rattrapage » de certains cas par l’échographie morphologique reste possible et correspond aux pratiques déjà en cours à l’heure actuelle.

Bibliographie

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Snijders RL, Noble P, Sebire N, Souka A, Nicolaides KH. UK multicenter project on assessment of risk of trisomy 21 by maternal age and fetal nuchal-translucency thickness at 10-14 weeks of gestation. Lancet 1998; 352:343-6.

Wald NJ, Watt HC, Hackshaw AK. Integrated screening for Down’s syndrome on the basis of tests performed during the first and second trimesters. N Engl J Med 1999; 341:461-7.

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Wald N, Hackshaw A. Tests using multiple markers. In: Wald N, Leck I, eds. Antenatal and neonatal screening. 2nd ed. Oxford, England: Oxford University Press, 2000:23-57

Wald NJ, Hackshaw AK, George LM. Assay precision of serum alpha fetoprotein in antenatal screening for neural tube defects and Down’s syndrome. J Med Screen 2000;7: 74-7.

Rozenberg P, Bussieres L, Chevret S, Bernard JP, Malagrida L, Cuckle H, Chabry C, Durand-Zaleski I, Bidat L, Lacroix I, Moulis M, Roger M, Jacquemot MC, Bault JP, Boukobza P, Boccara P, Vialard F, Giudicelli Y, Villle. Screening for Down syndrome using first-trimester combined screening followed by second-trimester ultrasound examination in an unselected population. Am J Obstet Gynecol 2006;195:1379-87

Malone FD, Canick JA, Ball RH, Nyberg DA, Comstock CH, Bukowski R, Berkowitz RL, Gross SJ, Dugoff L, Craigo SD, Timor-Tritsch IE, Carr SR, Wolfe HM, Dukes K, Bianchi DW, Rudnicka AR, Hackshaw AK, Lambert-Messerlian G, Wald NJ, D'Alton ME; First- and Second-Trimester Evaluation of Risk (FASTER) Research Consortium. First-trimester or second-trimester screening, or both, for Down's syndrome. N Engl J Med 2005;353:2001-11.

 

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