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2006 > Gynécologie > Ménopause  Telecharger le PDF

Quelle prise en charge de la symptomatologie ostéo articulaire de la ménopause ?

G. André

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Les douleurs articulaires et musculaires sont un problème de santé publique majeur. Si la prévalence de l’arthrose de la hanche, du genou et des doigts est plus importante chez l’homme que chez la femme avant 50 ans, cette pathologie touche davantage la femme après 50 ans. Ceci est en faveur d’une relation entre carence estrogénique et développement de l’arthrose. La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie multi factorielle pour laquelle environnement et génétique ont un rôle initiateur. Là aussi, de nombreuses observations suggèrent un effet possible des hormones sexuelles dans la pathologie de la PR : cela est évident au vu du sexe ratio en fonction de l’âge.

La femme est 3 fois plus touchée avant 30 ans, et le sexe ratio s’équilibre après la soixantaine. Sans lien ni avec l’arthrose ni avec la PR, des arthralgies ou des douleurs m u s c u l o - t e n d i n e u s e s ou un simple dérangement articulaire sont des plaintes très souvent exprimées en ménopause. Ces troubles concernent 5 0 % des femmes symptomatiques. À l’arrêt du traitement hormonal substitutif (THS), ces douleurs articulaires ou musculaires gênant la qualité de vie sont susceptibles d’apparaître ou de ré-apparaître chez de nombreuses patientes.

Ces données laissent à penser que les estrogènes sont trophiques pour le cartilage et qu’une ambiance estrogénique pourrait être un plus au niveau du fonctionnement articulaire. La littérature concernant ces symptômes est extrêmement pauvre et il n’est pas possible aujour-d’hui d’apprécier leur fréquence exacte ni d’avoir une idée de leur phys i o p a t h o l o g i e .

Les arguments théoriques d’un effet favorable des œstrogènes sur le cartilage ne manquent pas

Les chondrocytes contiennent des ERa et ERb fonctionnels. Le collagène de type II est presque exclusivement situé au niveau du cartilage dont il constitue un composant structurel majeur. Comme au niveau de l’os, il existe des produits de dégradation C-télopeptide (CTX II). Ces marqueurs de dégradation du collagène cartilagineux sont augmentés en ménopause (comme le sont les marqueurs du remodelage osseux).

Leur variation peut être appréciée par un dosage urinaire. En ménopause, les CTX II urinaires s’élèvent et un THS les normalise. La situation est ici exactement parallèle à celle de l’os. Ceci est en faveur d’un effet trophique protecteur des estrogènes sur le cartilage. En ménopause, les cytokines inflammatoires, IL-1, TNFa, IL-6 sont augmentées entraînant un accroissement de la dégradation du cartilage et une réponse inflammatoire articulaire. Les estrogènes sont susceptibles de diminuer ces mêmes cytokines.

Pour ce qui est de l’arthrose

Ces données fondamentales favorables contrastent avec l’ensemble des études épidémiologiques où un effet du THS n’est vraiment pas démon-t r é . Pourtant dès 1925, CE C I L & AR C H E R décrivaient Arthritis of the M e n o p a u s e ayant déjà constaté un accroissement de l’arthrose avec l’ar-rêt du fonctionnement ovarien. Mais depuis l’ensemble des données n’ap-paraît pas univoque et laisse perplexe quant au rôle favorable quepourraient avoir les estrogènes…

  • Onconstate globalement une inversion de la prévalence selon le sexe après la ménopause, cette maladie touchant davantage l’homme que la femme avant 50 ans.
  • De même, en post-ménopause, l’arthrose de la hanche et du genou progresse plus vite et est plus souvent symptomatique chez la femme que chez l’homme
  • Aucune corrélation avec l’estradiolémie n’a cependant été trouvée.
  • L’étude des ERa et ERb, qui sont fonctionnels au niveau des chondrocytes et du tissu synovial, pourrait faire penser à un rôle protecteur des e s t r o g è n e s : lorsque l’ambiance estrogénique est moindre (mutation de ERa ou polymorphisme), l’incidence de l’arthrose est augmentée.
  • Ces œstrogènes pourraient en fait agir sur les facteurs de croissance I G F -1, IGF-2, IGF–BP2 et 3.
  • L’estradiol a également un effet favorable sur la puissance musculaire et la fonction neuromusculaire, protégeant d’autant les articulations.
  • Certains travaux laissent cependant à penser que l’estradiol pourrait être bénéfique à doses physiologiques, mais délétère à fortes doses.
  • Lesrelations arthrose – ostéoporose sont complexes : l’ostéoporose est un facteur protecteur d’arthrose. Dans le même temps, les femmes arthrosiques ont une DMO plus élevée.
  • Lesfemmes obèses sont à haut risque d’arthrose (alors qu’elles sont à faible risque d’ostéoporose).
  • Les estrogènes diminuent le remodelage de l’os sous chondral, os directement au contact du cartilage et dont l’importance est fondamentale pour sa trophicité et son intégrité.
  • Enfin, les effets d’un traitement peuvent être variables selon les articulations et l’appréciation d’un bénéfice thérapeutique est difficile, les scores cliniques étant différents des scores radiologiques et les radiographies standards ont tendance de nos jours à être supplantées par l ’ I R M .

Pour le THS, nous disposons de 12 études d’observation et de cohorte : 2 trouvent un effet favorable, 2 un effet défavorable et 8 ne mettent en évidence aucun effet significatif !

Nous retiendrons l’étude de FR A M I N G H A M, étude prospective sur 8 ans s’adressant à 551 femmes, d’âge moyen 71 ans, 349 étaient sans traitement et 162 d’anciennes utilisatrices. Les critères radiologiques retenus sont ceux de KE L L G R E N et LA U W R E N C E. Durant les 8 ans de suivi, il y a une aggravation de l’arthrose du genou plus importante sans THS (17,4 % des patientes ont varié d’1 grade et 5,8 % de 2 grades) alors que les patientes utilisatrices anciennes ou actuelles du T H S n’étaient que 11 , 7 % à s’aggraver d’1 grade et aucune n’a présenté une variation de 2 grades. Globalement, le THS réduit de 50 % l’incidence radiographique de l’arthrose du genou dans cette étude.

La seule étude randomisée et contrôlée dont nous disposons est l’étude HE R S. Dans cette étude, il n’y avait aucune différence de « prévalence des genoux douloureux » suivant la prise ou non de THS et il n’y avait pas non plus de différence de sévérité ou de handicap avec ou sans traitement. Disons tout de suite que ce sous-groupe de 189 femmes coronariennes âgées de 70 ans et évaluées sur 4 ans, l’ont été dans des conditions bien peu satisfaisantes. En effet, l’évaluation des symptômes douloureux a été recherchée par le seul interrogatoire et aucune évaluation n’a été pratiquée avant le THS… Dans ces conditions, il n’est possible de tirer aucune conclusion de ce travail. Beaucoup plus intéressante est l’appréciation du cartilage au niveau du genou par IRM.

Dans une étude d’observation, 45 femmes, âgées en moyenne de 57 ans et prenant un THS depuis plus de 5 ans ont été comparées à 39 témoins appariés. Le THS est associé à une augmentation du volume du cartilage tibial de 7,7 % (p = 0,008). En fait, la seule étude contrôlée randomisée d’un THS au long cours, concerne la guenon… 3 groupes de guenons castrées âgées de 9,6 à 15,8 ans (= 30 à 45 ans femme) ont reçu du PR E M A R I N à dose équivalente humaine et ont été comparées à un groupe contrôle sur 3 ans d’observation. Les résultats ont été significatifs : les œstrogènes diminuent la sévérité de l’arthrose, diminue la perte osseuse sous chondrale et le nombre des ostéophytes.

La conclusion d’une revue exhaustive des études épidémiologiques, IRM et radiologiques, (HA N N A 2004) est la suivante : « bien que des données épidémiologiques suggèrent que le THS ait un effet sur la fonction articulaire et qu’il pourrait être un facteur protecteur de l’arthrose, toutes les données sont observationnelles. Les arguments sont plus forts pour les grandes articulations que pour les petites. » Les recommandations de l’American College de Gynécologie et d’Obstétrique d’octobre 2004 vont dans le même sens : « le THS, au jour d’aujourd’hui, n’a pas d’indication dans la prévention et/ou le traitement de l’arthrose ». Sans être aussi pessimiste, reconnaissons qu’au vu des données actuelles, il n’est effectivement pas possible de démontrer un effet protecteur du THS dans la survenue de cette a ffection. Peut-être un traitement au long cours pourrait-il être bénéfique pour ralentir la protection de l’arthrose ? La polyarthrite rhumatoïde est dépendante des hormones sexuelles

Certes, l’âge de la puberté, la parité et l’âge de la ménopause sont sans lien avec l’âge du début de la PR. Cependant, il est depuis longtemps reconnu que l’activité de la maladie régresse durant la grossesse. Chez les femmes pré-ménopausées, les symptômes fluctuent avec le cycle menstruel. Ils ont tendance à s’aggraver durant les règles. Dans les modèles expérimentaux animaux d’« arthrite induite », l’ovariectomie aggrave la maladie alors qu’un traitement estrogénique apparaît bénéfique. La prolactine pourrait jouer un rôle : l’aggravation dans le post-partum et bien connu : l’allaitement et l’infertilité sont deux situations où la prolactine est élevée et le risque augmenté. Le gène de la prolactine est situé sur le bras court du chromosome 6, non loin de la région HLA. Les patientes qui développent une PR dans l’année qui suit l’accouchement sont plus souvent HLA-DR4 positives. La DHEA pourrait elle aussi intervenir.

Une corrélation inverse a été montrée entre un taux élevé d’IL-12 chez les femmes pré-ménopausées avec PR et une concentration faible de DHEA. Cependant, en post-ménopause les travaux sont davantage controversés. Nous ne savons toujours pas si un taux faible de DHEA précède la maladie ou s’il est un phénomène secondaire en relation avec cette affection chronique ou une anomalie surrénalienne. Mais comme pour l’arthrose, les études sont souvent contradictoires et de qualité médiocre.

Le THS augmente-t-il le risque de développer une AR ?

Une étude cas-contrôle trouve un OR = 0,22 (IC 0,7-0,66). Il n’y a cependant aucune association avec la durée du traitement et non plus entre le début des symptômes et la prise de traitement hormonal. La plupart des études cas-témoins et de cohorte ne retrouvent aucun effet significatif.

Le THS peut–il aggraver une PR préexistante ?

L’ensemble des études disponibles concluaient à une neutralité du traitement. Nous disposons cependant ici d’une étude randomisée contrôlée récente, celle d’ELIA (2003) qui est fort intéressante. 68 femmes postménopausées avec une PR ont été randomisées en deux bras : THS + vit.D3 + calcium v s vit.D3 + calcium sur 2 ans. Le THS a diminué significativement les signes inflammatoires, a amélioré significativement le score d’activité, a retardé la progression des destructions articulaires évaluées par la radiologie et bien sûr a augmenté la masse osseuse. Cette étude est en faveur d’un effet favorable du THS sur l’évolution de la PR de la femme ménopausée.

Pour les douleurs articulaires accompagnant la ménopause et celles dites de « sevrage » du THS Ici les choses sont encore plus floues.

Cette pathologie semble étonnamment méconnue. Nous ne disposons d’aucune étude pouvant permettre d’en apprécier la fréquence et la durée. La seule qui puisse donner une indication est celle de PA N S I N I (1994). La prévalence des douleurs articulaires dans cette étude est d’autant plus élevée que les bouffées de chaleur sont importantes, avec pour des bouffées de chaleur sévères 2,5 fois plus de troubles articulaires que lorsqu’elles sont absentes (p < 0,0001). Ces mêmes douleurs, apparaissent d’autant plus fréquentes que la transition ménopausique se fait vers la post-ménopause et elles sont maximum en cas de castration. Nous n’avons pas non plus d’idées quant au substratum physiopathologique de ces troubles articulaires.

Un modèle pouvant permettre d’approcher cette situation de façon indirecte est l’étude des troubles articulaires sous inhibiteurs de l’Aromatase. Dans les études randomisées v s placebo, l’incidence des troubles articulaires et myalgiques est significativement augmentée par les anti-aromatases, mais dans une proportion relativement faible. L’étude MA-17 qui évalue 5 187 patientes durant 2,4 ans avec du Letrozol v s placebo, trouve 22 % d’arthralgie sous traitement hormonal v s 1 7 % sous placebo (p < 0,001). E

n fait, les études indépendantes rapportent entre 10 et 16 % d’arthralgie avec les inhibiteurs de l’aromatase de 3e génération chez des patientes auparavant indemnes de toute pathologie ostéo-articulaire. Ces inhibiteurs entraînent un niveau d’estradiol pratiquement nul au niveau de l’articulation et là aussi il est très probable que la chute brutale des estrogènes soit responsable des troubles articulaires. Ces douleurs articulaires pourraient avoir aussi pour origine une augmentation du seuil douloureux du fait d’une perte d’inhibition estrogénique. Cette hypothèse mérite discussion.

Les estrogènes modulent sélectivement les récepteurs m et Kapa des opiacés. Une chute hormonale brutale pourrait s’accompagner d’un accroissement du seuil de la douleur et favoriser ainsi l’apparition de la symptomatologie musculo-articulaire observée à l’arrêt du THS. Articulation et cartilage sont les grands oubliés du THS. Nous avons u rgemment besoin d’études épidémiologiques randomisées pour apprécier l ’ e ffet du traitement hormonal sur la progression des rhumatismes inflammatoires d’autant que nous avons de bons arguments concernant l’eff e t trophique des estrogènes sur le cartilage. Il est très étonnant que personne ne se soit intéressé aux petits troubles articulaires qui gâchent la vie de nos patientes à l’arrêt du THS. Nous n’en connaissons ni l’origine ni même la fréquence ; tout ce que nous savons, c’est que la ré-introduction du traitement les fait disparaître.

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