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Titre: Les 7 erreurs en nutrition du nouveau-né, du nourrisson, de l'enfant et de l'adolescent
Année: 2005
Auteurs: - Duhamel J F.
Spécialité: Pédiatrie
Theme: Nutrition

Les 7 erreurs en nutrition du nouveau-né, du nourrisson, de l'enfant et de l'adolescent

JF. DUHAMEL*, M. LAURANS*, A. ARION*,
I. SEVIN*, J. BROUARD*

L'exercice qui consiste à relever lors de consultations ou hospitalisations en Pédiatrie, les erreurs dans l'apport nutritionnel quantitatif ou qualitatif est difficile et quelque peu présomptueux : difficile car il faut rapidement en notant les apports journaliers les traduire en Kcalories, grammes, mg ou μg et rapporter ces valeurs aux recommandations pour l'âge, le poids, le sexe et à l'activité, présomptueux car le relevé même précis et parfois écrit de la famille ou de l'enfant ne peut être accepté comme tel, que s'il reflète l'apport moyen sur une semaine alors que les approximations quantitatives et qualitatives sont obligatoirement nombreuses.

Néanmoins, cet exercice est nécessaire d'autant qu'il s'agit d'un organisme en croissance et qu'en France comme en Europe occidentale et en Amérique du Nord, les excès et plus rarement, les insuffisances nutritionnelles sont de plus en plus nombreuses.

Dans ce cadre, nous avons essayé de dégager aux différents âges de l'enfant et en l'absence de pathologie aiguë ou chronique majeure, les erreurs qui pourront être à l'origine de difficultés certaines. Ceci intéresse le nouveau-né, prématuré ou à terme, le nourrisson, l'enfant et l'adolescent.

Le nouveau-né

Pour lui et en excluant les prématurés de poids de naissance inférieur à 1 500 g, la première erreur est de ne pas proposer l'allaitement maternel. Le lait de sa mère place en effet le nouveau-né, sur le plan nutritionnel et de prévention allergique comme sur le plan immunitaire, dans les conditions les plus favorables hormis bien sûr les rares situations de contre-indications liées à une pathologie maternelle sévère avec ou sans administration de médicaments agressifs pour le nouveau-né, de rares pathologies métaboliques du nouveau-né comme la galactosémie ou un trouble du cycle de l'urée et d'exceptionnels problèmes mammaires. Il faut y ajouter, bien entendu, le tabagisme ou alcoolisme maternel et la consommation de drogues.

Quelques nuances et informations récentes doivent être apportées.

Des nuances d'abord car si indiscutablement sur le plan nutritionnel, le lait de femme est inégalé, il faut reconnaître que des progrès considérables ont été apportés à la composition des préparations artificielles les plus récentes, réduction de la charge protéïque, enrichissement en acides gras essentiels et poly-insaturés à longue chaîne (PUFA), adaptation des apports minéraux et en micro-nutriments.

Sur le plan immunitaire également, des avancées significatives sont apparues avec l'enrichissement en probiotiques et en prébiotiques ; si sur ce plan, des évolutions sont encore à prévoir, une étape importante a été franchie.

Pour les informations récentes et les interrogations, on peut citer les travaux de B. SALLE et al quant aux nécessaires supplémentations en vitamine D mais aussi A, E et C dès la naissance et même à terme (1, 2).

La présence de l'acide docosahexaenoïque dans le lait de femme et son rôle dans le développement de la vision et du système nerveux semblent se confirmer (3, 4).

Le bénéfice de l'allaitement maternel apparaît encore à d'autre niveaux : prévention de pathologies allergiques telles l'asthme (5), la rhinite allergique (6) et probablement aussi les dermatites atopiques (7).

En complément, l'allaitement maternel semble réduire les risques de voir apparaître une maladie coeliaque (8), il pourrait aussi avoir un effet protecteur quant au risque d'obésité et ceci pour des raisons de composition, mais peut être aussi du contenu hormonal (9), enfin l'allaitement maternel semble également réduire les risques de mort subite du nourrisson (10).

D'autres travaux récents confirment la responsabilité majeure de l'allaitement maternel dans la transmission du virus HIV 1 (11).

Compte tenu de l'ensemble de ces données, il est difficile de comprendre la place modeste de l'allaitement maternel en France en comparaison de celle publiée dans d'autres pays européens et en particulier, Scandinaves tant à la sortie de la maternité 50 % que dans la durée de l'allaitement exclusif 10 semaines.

Ce dernier point est d'une grande importance dans notre pays : compte tenu de notre sociologie et des lois sociales, quelle durée recommander ? Il ressort d'une étude récente comportant trois mois versus six mois d'allaitement exclusif qu'en regard des risques de pathologie digestive, six mois seraient la meilleure proposition ; ceci conforte les recommandations de l'OMS (12).

La seconde erreur est plus spécifique au nouveau-né prématuré.

Beaucoup de pédiatres n'ont pas intégré que le rattrapage staturo-pondéral des prématurés doit également intégrer la notion de composition corporelle. Ainsi, le prématuré dont la croissance pondérale devrait atteindre 18 à 20g/kg/jour doit pour cela recevoir, après quelques semaines de vie, 130 à 135 kcal/kg avec 3 à 3,5g/kg de protéines et un enrichissement en acides gras polyinsaturés à longue chaîne, avec un complément d'apports en calcium, phosphore et magnésium, en oligoéléments et en vitamines pour ceux recevant du lait de femme.

La nécessité de ces compléments caloriques minéraux et en micronutriments ont été démontrés en France par l'équipe de B. SALLE, elle reste pourtant insuffisamment suivie.

Nous devons en particulier insister sur la nécessité de supplémentations en vitamines liposolubles et ceci quel que soit le mode d'alimentation (13), en fer même pour ceux traités par l'érythropoïetine (14) et en zinc (15). Pour le nouveau-né avec un retard de croissance intra-utérin, le lait de femme semble avoir, comme chez le nouveau-né à terme, un impact sur le développement cognitif, les auteurs proposent ici aussi 24 semaines d'allaitement (16).

Les troisième et quatrième erreurs : intéressent le nourrisson. Il s'agit d'une part de la réduction trop rapide du nombre de repas, de l'autre d'une diversification trop précoce.

Compte tenu de la biologie du développement du tube digestif, il est souhaitable de respecter pour le nombre de repas la règle de 6 repas jusqu'à un poids de 5 kg, de 5 repas de 5 à 8 kg puis de 4 repas.

Pour la diversification, que le nourrisson soit allaité ou sous alimentation artificielle, aucune diversification n'est souhaitable avant 4 ou 6 mois. Elle doit dans tous les cas être progressive et doit écarter initialement les aliments les plus responsables d'une intolérance ou d'allergie (17).

Il faut par ailleurs respecter les règles d'utilisation des laits de suite jusqu'à l'âge d'un an, d'une supplémentation systématique en vitamine D quel que soit aussi le mode d'alimentation et de l'adjonction de fluor dès la naissance quand la concentration du fluor dans l'eau est inférieure à 0,3 mg/l (18).

Chez l'enfant

Après l'âge de trois ans et l'abandon du lait de croissance, il faut rester attentif à l'apport en laitages donc en calcium, en fer donc en viande et en poisson. En règle, entre 3 et 10 ans, période de croissance très progressive, les erreurs sont moins fréquentes que chez le nourrisson et l'adolescent.

L'adolescent et surtout l'adolescente cumulent les risques des trois dernières erreurs :

Apports insuffisants en fer, en calcium et en vitamine D (19, 20, 21).

Pour le fer d'abord, si une étude européenne récente situe la carence à 7,2 % à l'âge de 12 mois, après 10 ans chez l'adolescent et surtout l'adolescente, les niveaux de déficits sont plus élevés en raison d'un apport insuffisant d'une part et d'une majoration des besoins de l'autre.

C'est ainsi que dans notre pays, comme dans ceux qui nous entourent, les niveaux des carences se situent à environ 15 % chez les garçons et à 20 à 25 % dans le sexe féminin ; les conséquences apparaissent au niveau physique, immunitaire mais aussi intellectuel et méritent prévention ou traitement (22).

Pour le calcium, il faut d'abord souligner que l'AFSSA en 2001 a relevé les apports recommandés en calcium de 1 000 à 1 200mg/jour dès l'âge de 10 ans.

Les enquêtes récentes effectuées en France en milieu rural ou urbain ont montré que si chez les garçons, les apports en calcium sont le plus souvent corrects, chez les jeunes filles, au contraire, 25 % au moins d'entre elles ont des apports insuffisants (20). L'erreur est donc ici très significative.

Enfin, reste toujours chez le préadolescent et l'adolescent le problème de la vitamine D. Ici aussi, plusieurs études concordantes ont mis en évidence dans les deux sexes même en fin de l'été un niveau de 25 OH D inférieur à 10 ng/ml chez 20 % et même inférieur à 6 ng/ml chez 10 % (21). Ceci souligne l'intérêt d'administrer des doses de charges de cholecalciferol (D3) 100 000 unités en octobre et éventuellement aussi en février ou mars chez ces enfants en phase de croissance rapide. ou à la peau pigmentée.

Conclusion

Voilà sept des principales erreurs à rechercher lors de nos consultations pédiatriques. Bien sûr, certains pourraient ajouter que d'autres aspects méritent attention, insuffisance des apports en fruits et légumes, contrôle insuffisant de la composition des repas dans les cantines, place croissante de la restauration rapide. Tout ceci est exact et s'ajoute aux données précédentes. Mon message se devait d'être bref. C'et la raison pour laquelle j'ai retenu en première ligne, les sept erreurs dont les conséquences sont plus néfastes.

Bibliographie

[1]   SALLE BL, GLORIEUX FH, LAPILLONNE A. Vitamin D status in breatsfead term babies. Acta Paediatr 1998 ; 87 : 726-7.

[2]   DELVIN EE, SALLE BL, REYGROBELLET B, MELLIER G, CLARIS O. Vitamin A et E supplementation in breast-fed newborns. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2000; 31 : 562-5.

[3]   INNIS SM, GILLEY J, WERKER J. Are human milk long-chain polyunsaturated fatty acids are related to visual and neural development in breast-fed term infants ? J Pediatr 2001; 139: 532-8.

[4]   BOUWSTRA H, DIJCK-BROUWER DA J, WILDEMAN JAL, TJOONK HM, VAN DER HEIDE JC, BOERSMA ER et al. long-chain polyunsaturated fatty acids have a positive effect on the quality of general movements of healthy term infants. Am J Clin Nutr 2003; 78 : 313-8.

[5]   GDALEVICH M, MIMOuNI D, MIMOUNI M. Breast-feeding and the risk of bronchial asthma in childhood : a systematic review with meta-analysis of prospective studies. J Pediatr 2001; 139: 261-6.

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[8]   IVARSSON A, HERNELL O, STENLUND H, PERSSON LA. Breast-feeding protects against celiac disease. Am J Clin Nutr 2002 ; 75 : 914-21.

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[10]   ALM B, WENNERGREN G, NORVENIUS SG, SKJAERVEN R, LAGERCRANTZ H, HELWEG-LARSEN K et al. Breast feeding and the sudden infant death syndrome in Scandinavia, 1992-95. Arch Dis Child 2002 ; 86 : 400-2.

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[13]   DELVIN E, CLARIS O, PUTET G, SALLE LB, MESSAI S. Apports vitaminiques A, E et D chez le prématuré pendant les trois premiers mois de vie. Société Européenne de recherche en pédiatrie. Utrecht 4-7 septembre 2002.

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[19]   HALTERMAN JS, KACZOROWSKI JM, ALIGNE A, AUINGER P, SZIBAGYI PG. Iron deficiency and cognitive achievement among school-aged children and adolescents in the United States. Pediatrics 2001; 107: 1381-6.

[20]   DUHAMEL JF, LAURANS M, HAMEL A, BACH N. Le calcium à l'adolescence : quoi de neuf ? Paediatrica 2002 ; 13 : 22-4.

[21]   DUHAMEL JF, ZEGHOUD F, SEMPE M, BOUDAILLIEZ B, ODIEVRE M, LAURANS M. et al. Prophylaxie de la carence en vitamine D chez l'adolescent et le préadolescent. Etude interventionnelle multicentrique sur les effets biologiques d'un apport répété de 100 000 U de vitamine D. Arch Paediatr 2000 ; 7 : 148-53.

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* Service de Pédiatrie- CHU Clémenceau - Caen 14000 - France.

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