Les complications métaboliques
de l'obésité : l'explosion du diabète de type 2 ?
SOPHIE CHRISTIN-MAITRE*
L'explosion du diabète de type
2 chez les enfants, les adolescents et les adultes jeunes est un sujet d'actualité
à travers le monde. Une conférence de consensus s'est tenue à Santa
Monica en Californie en 2003 ayant pour titre « Le diabète de type 2 chez
le jeune : une épidémie en évolution » [1].
D'après les études épidémiologiques,
la survenue du diabète de type 2 a triplé depuis 1985, à travers
le monde. À titre d'exemple, en Australie, 1,7 % des sujets entre l'âge
de 35-44 ans, et 1,4 % des sujets entre 45 et 54 ans avaient un diabète de
type 2 en 1981. Ce chiffre a augmenté, il a été mesuré à
2,5 et 6,2 %, respectivement pour les deux groupes de patients en 2000. Le diabète
survient donc plus précocement dans la vie des patients.
D'autre part, la prévalence de
l'obésité parmi les enfants et les adolescents américains augmente.
Elle était entre les âges de 6-11 ans et de 12-19 ans de 4,2 % et 4,6
% respectivement entre les années 1963 et 1970. Ces chiffres depuis ont augmenté.
Ils sont passés à 4 % et 6,1 % entre 1971-74 et 15,3 % et 15,5 %
en 1999-2000. Dans les pays européens, le chiffre de prévalence de l'obésité
est plus faible puisqu'il atteint selon les études de 6 à 10 % des enfants.
Une question majeure est de savoir s'il existe ou non un lien entre l'obésité
et la survenue de certains troubles métaboliques, en particulier l'intolérance
aux hydrates de carbone et le diabète de type 2.
Si le lien entre la surcharge pondérale
et la survenue d'un diabète de type 2, est démontré chez les adultes,
ce lien n'est pas évident chez les enfants. En effet, le contexte génétique
et le contexte environnemental jouent un rôle prépondérant, peut-être
plus important que l'obésité en elle-même. En effet, dans des populations
avec un taux faible de prévalence du diabète, comme dans une étude
italienne récente, les enfants obèses ont une prévalence de diabète
relativement faible de 0,2 % et d'intolérance aux hydrates de carbone de 4,5
% [2]. Au contraire, dans les études américaines, réalisées
dans des populations multiethniques, la prévalence du diabète chez les
enfants obèses est plus forte avec 4 % de sujets diabétiques, surtout
chez les enfants de race noire. Le diabète n'a été diagnostiqué
que chez les adolescents et non les enfants. D'autre part, dans les études
américaines, la prévalence d'une intolérance aux hydrates de carbone
est élevée chez les enfants obèses. Elle est de 16, 27 et 26 % chez
les enfants américains blancs, les enfants américains noirs et les enfants
américains d'origine hispanique [3]. Elle est particulièrement élevée
chez les adolescentes avec un syndrome des ovaires polykystiques. La survenue du
diabète est 1,7 fois plus élevée chez les filles que chez les garçons.
Une histoire familiale de diabète chez un membre au premier degré est
un élément majeur dans la survenue du diabète chez les enfants obèses.
La pathogénie du diabète
chez l'enfant ou l'adolescent a été déterminée dans un certain
nombre de cas. Il existe les cas de diabète MODY (Maturity Onset Diabetes of
the Young) où six gènes différents ont été identifiés.
Il existe des formes rares génétiques d'insulinorésistance et certains
syndromes comme les syndromes de Prader Wili, Alstroms et Bardet-Beidel. Le diabète
de type 2 est probablement causé par les mêmes anomalies génétiques
chez les adultes que chez les enfants. Cependant, ces gènes ne sont pas identifiés
à l'heure actuelle, même s'il existe des loci de susceptibilité en
1q, 12q, 20q et 17q. Une théorie plus récente implique la vie intra-utérine
avec surtout une malnutrition mais aussi dans certains cas une alimentation trop
importante. Ainsi, un faible poids de naissance, ou au contraire un poids trop élevé
à la naissance seraient impliqués dans la génèse d'un diabète
chez les adolescents. Les enfants avec un faible poids de naissance et un poids
prépubertaire élevé ont un risque particulièrement élevé
de diabète [4]. D'autre part, l'exposition in utero à un diabète
gestationnel maternel, est associé à un risque particulièrement élevé
de diabète lors de l'enfance ou chez les adultes jeunes. Le mécanisme
de cette exposition in utero sur la survenue d'un diabète est encore
mal connue. Elle semble diminuer la sécrétion insulinique plus que son
action.
Un autre phénomène important
dans la physiopathogénie du diabète de type 2 chez l'adulte mais probablement
aussi chez l'enfant et l'adolescent est la diminution de la sensibilité à
l'insuline. Dans l'histoire naturelle des troubles de la glycorégulation chez
les enfants avec une obésité importante, il existe une insulinorésistance
avec hyperinsulinémie et une hyperproinsulinémie [3]. Lors d'un stade
ultérieur, survient l'altération du fonctionnement des cellules béta
pancréatiques avec diminution de l'insulinosécrétion. Il a été
montré que cette altération de la sensibilité à l'insuline,
chez l'enfant, est particulièrement liée à l'activité physique.
Des études au Japon et aux États-Unis ont montré une nette diminution
de l'activité physique chez les enfants ces dernières années. De
plus, au moment de l'adolescence aux États-Unis, il existe une diminution de
2/3 de l'activité physique entre l'âge de 9 et de 18 ans, chez les jeunes
d'origine caucasienne. Chez les adolescentes d'origine africaine, cette diminution
est encore plus importante [5]. Cette diminution est particulièrement corrélée
à la durée de vision de la télévision. Cette durée de vision
de la télévision est directement corrélée à l'obésité,
d'autant plus qu'il existe sur les chaînes regardées, un nombre de publicité
pour des produits alimentaires élevé. Les influences parentales sont importantes
car l'étude NHANES III a montré qu'un tiers des mères avec des enfants
en surpoids pensent que leur enfant ont un poids normal. Le phénomène
d'insulinorésistance est directement corrélé au degré d'obésité
abdominale. Il est nécessaire de rappeler qu'une cause importante de l'insulinorésistance
est la puberté. En effet, la sensibilité à l'insuline diminue d'environ
30 % pendant la puberté avec un hyperinsulinisme. Cette diminution est identique
chez les patients de race blanche et les sujets de race noire.
En conclusion, il existe une augmentation
importante du taux de diabète de type 2 parmi les jeunes mais surtout de l'intolérance
aux hydrates de carbone. Cette augmentation est en rapport avec des facteurs génétiques
et familiaux, des facteurs environnementaux pendant la vie fœtale, et des facteurs
de style de vie induisant une augmentation du poids. Un diabète gestationnel
maternel, un retard de croissance intra-utérin et une diminution de l'activité
physique pendant l'enfance et l'adolescence sont les éléments majeurs
de l'insulinorésistance, élément important dans la physiopathogénie
du diabète de type 2. Ce diabète de l'enfant est particulièrement
associé à une maladie microvasculaire, en particulier une néphropathie
et une atteinte macrovas-culaire précoce. Le traitement doit impliquer les
mesures hygiéno-diététiques avec activité physique et diminution
du poids et des thérapeutiques médicamenteuses, en particulier la metformine
et les thiazolidinediones.
Bibliographie
[1] Bloomgarden, Z : Type 2 diabetes
in the young. Diabetes care, 2004. 27: p. 998.
[2] Invitti C , Guzzaloni
G, Gilardini L, Morabito F, Viberti G : Prevalence and concomitants of glucose intolerance
in European obese children and adolescents. Diabetes care, 2003. 26: p. 118-124.
[3] Sinha R, Fisch
G, Teague B, Tamborlane WV, Banyas B, Allen K, Savoye M, Rieger V, Taksali S, Barbetta
G, Sherwin RS, Caprio S : Prevalence of impaired glucose tolerance among children
and adolescents with marked obesity. N Engl J Med, 2002. 346: p. 802.
[4] Forsen, T, eriksson
J, Tuomilehto J, Reunanen A, Osmond C, Barker D : The fetal and childhood growth
of persons who develop type 2 diabetes. Ann Inter Med, 2000. 133: p. 176-180.
[5] Kimm, S, Glynn
NW, Kriska AM, Barton BA, Kronsberg SS, Daniels SR, Crawford PB, Sabry ZI, Liu K :
Decline in physical activity in black girls and white girls during adolescence.
N Engl J Med, 2002. 347: p. 709-715.
* Service d'endocrinologie,
Hôpital Saint-Antoine, Paris. 570 SOPHIE
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COMPLICATIONS MÉTABOLIQUES DE L'OBÉSITÉ : L'EXPLOSION DU DIABÈTE
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