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Titre: Prise en charge des endométrioses complexes. L'endométriose de localisations anopérinéales
Année: 2005
Auteurs: - Atienza P.
Spécialité: Périnéologie
Theme: Endométriose

Prise en charge des endométrioses complexes. L'endométriose de localisations anopérinéales

Dr PATRICK ATIENZA*

Cette affection proctologique, rare, se définit par la présence de foyers
ectopiques de muqueuse endométriale (cellules glandulaires et chorion), fonctionnelle ou non, au niveau du canal anal et du périnée. Elle pose des problèmes diagnostiques mais aussi thérapeutiques par sa situation possible dans l'appareil sphinctérien anal. L'échographie endo-anale est, pour cette localisation, l'examen d'imagerie incontournable. Son traitement chirurgical doit s'attacher à protéger au mieux la fonction sphinctérienne afin de
préserver la continence anale de ces jeunes opérées. Les publications concernant l'endométriose digestive, forme extra-génitale la plus fréquente, sont nombreuses. La localisation rectosigmoïdienne est la plus importante, retrouvée dans environ 50 % des formes digestives [1,7]. à l'opposé, l'endométriose anopérinéale est l'objet d'une faible littérature regroupant quelques articles sporadiques souvent d'un seul cas clinique. La première observation d'endométriose périnéale a été rapportée en 1923 et celle d'endométriose du canal anal en 1968. En 1991, une revue exhaustive de la littérature ne colligeait que 60 cas dont 10 localisations dans le sphincter externe ; à ce jour moins d'une centaine de cas ont été rapportés. Un important ouvrage de synthèse en 2003 n'en fait pas mention [1]. Sa physiopathologie reste discutée mais l'hypothèse migratoire est communément admise, renforcée par les localisations préférentielles tant au niveau des épisiotomies que des déchirures périnéales de nature obstétricale.

Les aspects cliniques

de l'endométriose anopérinéale

Pathologie apanage de la femme en période d'activité génitale, ses signes révélateurs sont variables. Devant des tuméfactions anopérinéales, deux contextes doivent orienter préférentiellement vers des nodules endométriosiques : les antécédents d'épisiotomies et les déchirures périnéales d'origine obstétricale.

Diagnostic positif

Le diagnostic est à évoquer devant tout syndrome douloureux et/ou tumoral anopérinéal chez une femme en période d'activité génitale [4].

-   une tuméfaction périnéale d'aspect bleutée (Fig. 1), sensible, de volume variable selon le cycle menstruel. Son contenu d'aspect brun noirâtre est très évocateur ;

-   des douleurs anopérinéales rythmées par les cycles génitaux [2] ;

-   une fistule anale. L'examen histologique systématique de toute fistule anale opérée a permis d'identifer exceptionnellement du tissu endométriosique ;

-   une fistule anovaginale. De type basse et siègeant souvent au niveau de l'épisiotomie (8), le diagnostic est souvent fait a posteriori sur l'examen histologique du tissu d'exérèse ;

-   parfois fortuite par l'exérèse puis l'histologie d'un nodule périnéal asymptomatique ;

-   exceptionnellement par l'issue de sang noirâtre due à la fistulisation spontanée d'un nodule périnéal superficiel.

L'examen proctologique

L'inspection peut visualiser la tuméfaction périnéale et la palpation mesurer ses dimensions. Le toucher rectal perçoit un nodule intra-canalaire ou intra-sphinctérien. Il apprécie le tonus canalaire, de base et lors de la contraction volontaire puis vérifie la paroi du bas rectum. Le toucher vaginal dans ce contexte est systématique à la recherche de nodules vaginaux (cul de sac postérieur), d'une infiltration des ligaments utéro-sacrés et de la paroi anovaginale.

Diagnostic différentiel

Il est important et parfois seule l'analyse histologique de la pièce d'exérèse redresse le diagnostic.

1)   La thrombose hémorroïdaire, (hormis sa teinte bleutée due au sang noirâtre coagulé et son siège anomarginal), ne prête pas vraiment à confusion avec un nodule endométriosique après un examen proctologique rigoureux.

2)   L'abcès anopérinéal, dans sa forme très localisée, fluctuante, récidivante, éventuellement d'origine actinomycosique peut, parfois, en imposer pour un nodule endométriosique.

3)   Le mélanome anal, très rare, de couleur souvent bleutée peut survenir chez la femme jeune. Dû à la présence de mélanocytes au niveau de la muqueuse canalaire, son pronostic est gravissime. Sa moindre suspicion impose son exérèse et son analyse histologique le plus rapidement
possible.

4)   Les autres tumeurs sous-muqueuses anopérinéales à type d'adénocarcinome soit colloïde, développés à partir de l'épithélium des glandes d'Hermann et Desfosses justifiant une amputation abdomino-périnéale, soit développé à partir de la muqueuse du canal anal ou d'origine métastatique. Des léïomyomes ou léïomyosarcomes d'origine sphinctérienne du canal anal ; l'histologie redresse le diagnostic.

Les examens complémentaires

Parfois situés dans les structures musculaires de la continence anale (sphincter externe ou faisceau puborectal du muscle releveur de l'anus), le recours à l'imagerie (échographie endo-anale) est ici essentiel. Une manométrie anorectale peut être proposée en pré et post-sphinctérroplastie.

Un avis gynécologique sera systématiquement demandé dans le cadre d'une endométriose génitale associée.

Endoscopie

L'anuscopie et la rectoscopie font partie intégrante de l'examen proctologique. Le siège sous-muqueux de cette tumeur bénigne explique souvent un canal anal intact à l'anuscopie. En cas de symptômes rectocoliques une coloscopie, complétée par un lavement opaque en cas de sténose infranchissable, sera prescrite.

Imagerie

L'échographie endo-anorectale et périnéale.

L'endosonographie par voie endo-anorectale est une excellente indication dans ce créneau très spécifique de l'endométriose anopérinéale tout comme de la paroi rectale. Elle confirme les nodules endométriosiques superficiels, perçus aux touchers pelviens, sous la forme de zones hypoéchogènes, mais surtout vérifie la présence de localisations anopérinéales plus profondes [5]. Elle précise leur taille et leurs relations avec les structures musculaires de la continence (Fig. 2), leur enchâssement ou non [10]. Elle visualise une endométriose rectale ou profonde associée dans le cadre de localisations multiples.

Elle prend l'aspect non spécifique de nodules habituellement hypoéchogènes et hétérogènes (selon leur composante solide et/ou liquide), parfois hyperéchogènes (formes hémorragiques), à limites externes volontiers floues et irrégulières, ayant une forme et une taille variables (selon la quantité de sang et de fibrose, le moment du cycle et/ou le traitement médical en cours).

Ces nodules sont soigneusement recherchés dans l'atmosphère d'une cicatrice d'épisiotomie éventuelle.

En cas de fistule, elle précise le trajet, la hauteur dans l'appareil sphinctérien et l'existence d'éventuel(s) diverticule(s).

Certaines précisions doivent être rappelées :

-   Un lavement évacuateur rectal précédera cet examen en raison des artefacts créés par l'interposition des selles entre le ballonnet et la paroi rectale sus-jacente.

-   L'endosonographie ne remplace pas l'histologie et un nodule d'endométriose peut ressembler à une tumeur. L'échodoppler par voie endorectale n'a pas été évalué dans cette indication mais pourrait contribuer à affiner le diagnostic différentiel des nodules hypervascularisés.

-   On suggère souvent de faire l'examen en période menstruelle afin d'en améliorer les performances (nodules plus volumineux, recherche de liquide dans le Douglas). Toutefois, cette optimisation des images n'a pas été démontrée. En outre, la pratique quotidienne montre que l'examen est souvent plus douloureux dans cette période du cycle.

Ces douleurs expliquent d'ailleurs en partie la durée en général plus longue de l'endosonographie dans cette indication.

-   L'utilisation de sondes de 5 à 10 MHz de fréquence restreint la profondeur de champ échographique à un maximum de 5 cm et est donc bien adaptée aux localisations anopérinéales.

Image par Résonance Magnétique (IRM)

Elle n'est pas spécifique mais donne des informations utiles en cas d'endométriose intrasphinctérienne (siège, importance) ou d'autres greffes à
distance. Au niveau anopérinéal aucune étude à ce jour ne l'a comparée à
l'échographie endo-anale.

Ponction à l'aiguille

Utilisée dans les formes profondes et n'ayant de valeur que positive, elle est rarement rapportée dans la littérature [3].

Excision et histologie

Réalisée sous anesthésie, c'est la méthode diagnostique de choix parfois avec examen extemporané. Elle peut être complète ou partielle selon les relation avec l'appareil sphinctérien anal et la paroi vaginale.

Traitement

Méthodes

Plusieurs options (voir tableau) ont été rapportées dans la littérature :

-   abstention thérapeutique

-   traitement hormonal

-   exérèse simple

-   exérèse avec sphinctérroplastie

Indications

- Abstention thérapeutique

Elle est de règle dans les formes asymptomatiques (30 % des endométrioses).

-   Traitement médical

•   soit prescrit seul, il est efficace sur les douleurs et consiste en l'arrêt des menstruations par des progestatifs (Danazol) ou analogues de la GnGH,

•   soit en complément d'un traitement chirurgical limité ou incomplet par l'importance de la résection musculaire à effectuer.

-   Traitement chirurgical

Il dépend de plusieurs paramètres, expliqués à la patiente :

• le caractère nodulaire ou fistuleux de l'endométriose anopérinéale,

•   l'existence de localisations sphinctériennes [6], authentifiées par l'échographie endo-anorectale, leur taille, leurs rapports avec les sphincters anaux, interne et externe, [10] et le faisceau puborectal du releveur de l'anus,

•   l'âge « génital » de la patiente,

•   le désir de future(s) grossesse(s),

•   les lésions génitales ou digestives associées.

Forme nodulaire

-   En l'absence de localisation intrasphinctérienne

Le traitement de choix est la résection chirurgicale à adapter dans ses modalités selon l'âge des patientes [10]. Elle peut être réalisée sous anesthésie locale [10], locorégionale ou générale [9], selon la taille du nodule.

-   En présence de localisation(s) intrasphinctérienne(s)

Sous anesthésie générale [6], deux attitudes ont été adoptées selon l'âge de la patiente [3] :

•   excision large avec sphinctérroplastie dans le même temps. Cette technique s'adresse plutôt aux femmes jeunes afin d'éviter le recours aux thérapeutiques additionnelles ;

•   excision réduite ou incomplète avec thérapeutique hormonale complémentaire.

Cette option est plutôt destinée aux femmes plus âgées en période ménopausique ou si risque de fistule anovaginale.

Forme fistuleuse

En cas de fistule anovaginale ou anopérinéale, une exérèse de tout le tissu endométriosique s'impose dans un premier temps avec drainage et réparation secondaire par lambeau d'avancement, sphinctérroplastie voire injection de colle biologique.

-   Traitement des récidives :

•   surveillance simple si patiente asymptomatique

•   nouvelle exérèse

•   traitement hormonal

Conclusion

L'endométriose anopérinéale est rare. Elle doit être évoquée puis prouvée
histologiquement devant des douleurs récurrentes et/ou une tuméfaction du canal ou de la marge anale typiquement chez une femme en période d'activité génitale ayant accouché par voie vaginale. Son traitement délicat vient des localisations intrasphinctériennes dont la chirurgie peut compromettre la continence anale, voire être à l'origine d'une fistule anovaginale. Sa forme asymptomatique relève de l'abstention thérapeutique. Le pronostic fonctionnel sur la continence anale des reconstitutions sphinctériennes en un temps après exérèse semble satisfaisant mais à nuancer compte tenu du petit effectif d'opérées rapporté dans la littérature, à ce jour.

Tableau. Principales publications des endométrioses anopérinéales et résultats

EM = excision minimale ; LE = large excision ; SP = sphinctérroplastie primaire

* Régresssion spontanée après grossesse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

[1]   Belaisch J, Audebert A, Brosens IA et al. : L'endométriose. Précis de gynéco-obstétrique. Masson. 2003.

[2]   Cheng DL, Heller DS, Oh C : Endometriosis of the perineum : report of two new cases and a review of literature. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 1991;42 :81-4.

[3]   Dougherty LS, Hull T : Perineal endometriosis with anal sphincter involvement: report of a case. Dis Colon Rectum. 2000;43(8):1157-60. Review.

[4]   Gordon PH, Schottler JL, Balcos EG et al. : Perianal endométrioma : report of five cases. Dis Colon Rectum 1976;19,260-5.

[5]   Hauge C, Nielsen MB, Rasmussen OO, Christiansen J : Clinical findings and endosonographic. Appearance of endometriosis in the anal sphincter. J Clin Ultrasound 1993 ;21 :48-51.

[6]   Kanellos I, Kelpis T, Zaraboukas T, Betsis D : Perineal endometriosis in episiotomy scar with anal sphincter involvement. Tech Coloproctol. 2001;5(2):107-8.

[7]   Olive DI, Schwartz LB : Endometriosis. N Engl J Med 1993;328:1759-69.

[8]   Sayfan J, Benosh L, Segal M, Orda R : Endometriosis in episiotomy scar with anal sphincter involvement. Report of a case. Dis Colon Rectum 1991;34 :713-6.

[9]   Rakotomalala L, De Parades V, Bauer P, Hofmann-Guilaine C, Parisot C : Ano-perineal endometriosis with external sphincter involvement: a rare disorder. Gastroenterol Clin Biol. 1998;22(4):476-7.

[10]    Watanabe M, Kaliyama G, Yamazaki K, Hiratsuka K, Takata M, Tsunoda A, Shibusawa, Kusano M : Anal endosonography in the diagnosis and management of perianal endometriosis: report of a case. Surg Today. 2003;33(8):630-2.

* Service de proctologie Médico-Interventionnelle - Groupe Hospitalier Diaconesses-Croix Saint-Simon 75012 Paris

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   PRISE EN CHARGE DES ENDOMéTRIOSES COMPLEXES   523

 

˙âge (année)

˙Suivi (mois)

˙Excision

˙Récidives

˙Complications

˙

 
˙Prince and Abrams (1957)

˙25

˙6

˙EM

˙Oui

˙Aucune

 
˙Beischer (1966)

˙22

˙-

˙*

˙Non

˙Aucune

 
˙Gordon et al. (1976)

˙37

˙5

˙EM

˙Oui

˙Aucune

 
˙ 

˙36

˙30

˙EM

˙Non

˙Aucune

 
˙ 

˙37

˙5

˙EL avec SP

˙Non

˙Aucune

 
˙Hambrick et al. (1979)

˙32

˙12

˙Incomplète

˙Oui

˙Aucune

 
˙Sayfan et al. (1991)

˙28

˙3

˙LE avec SP

˙Non

˙Aucune

 
˙Rakotomalala et al. (1998)

˙44

˙10

˙EM

˙Oui

˙Aucune

 
˙Dougherty et al. (2000)

˙47

˙-

˙EM

˙-

˙Aucune

 
˙Kanellos et al. (2001)

˙39

˙12

˙LE

˙Non

˙Aucune

 
˙Watanabe et al. (2003)

˙39

˙-

˙EM

˙-

˙Aucune

Figure 1. Vue périnéale
(décubitus latéral gauche).
Nodule d'endométriose sous-cutané
près de la cicatrice d'épisiotomie (flèche).

Figure 2. Échographie endo-anale.
Nodules d'endométriose
enchâssés dans le sphincter externe
de l'anus (flèche).

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