Actualités thérapeutiques sur
les impériosités et l'incontinence urinaire d'effort
Fabien DEMARIA*, Gérard AMARENCO**, Jean-Louis
BENIFLA*
Introduction
L'hyperactivité vésicale est
responsable de symptômes urinaires tels que la pollakiurie, les impériosités
conduisant à des fuites urinaires très invalidantes. À long
terme, ce dysfonctionnement vésical peut menacer l'intégrité du haut
appareil urinaire et ainsi la fonction rénale.
Cette hyperactivité vésicale
relève de mécanismes lésionnels complexes tant au niveau du système
nerveux central, entraînant un défaut d'inhibition mictionnel ou
une exagération du réflexe mictionnel (miction réflexe et automatique),
qu'au niveau du système nerveux périphérique avec une hyperproduction
d'influx afférents facilitant le réflexe mictionnel.
Le principe des thérapeutiques
est de cibler la voie efférente du réflexe mictionnel (activité
du detrusor) et/ou la voie afférente périphérique viscérale
somatique et autonome du réflexe mictionnel. Leur traitement repose sur la
suppression des afférences sensitives pérennisant ou exacerbant le réflexe
mictionnel excessif « épines irritatives » (traitements médicaux
et rééducation), puis toujours sur l'essai des parasympathycolytiques
(anticholinergiques atropiniques) pour stabiliser les pressions détrusoriennes.
Ensuite, en cas d'échec, sur l'instillation intravésicale de dérivés
vanilloïdes ou l'injection intradétrusorienne de toxine botulique A. En
cas d'échec la neuromodulation indirecte (SPI) ou directe (racines sacrées).
Et enfin, dans les cas rebelles, sur l'entérocystoplastie d'agrandissement.
L'incontinence urinaire d'effort,
elle, relève de plusieurs mécanismes parfois intriqués. Les deux
principaux sont l'hypermobilité cervico-uréthrale (théorie du hamac
de De Lancey) et l'insuffisance sphinctérienne. Les principes thérapeutiques
restent d'abord médicaux (œstrogénothérapie locale, la rééducation
périnéo-sphinctérienne, les médicaments) puis chirurgicaux en
cas d'échec.
Définitions
Les impériosités sont pour l'ICS
un symptôme urinaire appelé "Increased daytime frequency". Elle correspond
à une plainte décrite par le patient(e) comme une envie trop fréquente
d'uriner pendant la journée. Au point de vue urodynamique, l'ICS définit
une vessie hyperactive par le terme "Detrusor overactivity". Il s'agit d'une observation
urodynamique caractérisée par une contraction involontaire du detrusor
pendant la phase de remplissage qui est spontanée ou provoquée.
L'incontinence urinaire d'effort définie
par l'ICS par le terme "Stress urinary incontinence" est la plainte par le patient(e)
de la perte d'urines lors d'efforts ou lors d'éternuements ou lors de la toux.
Au point de vue urodynamique, l'ICS définit ce terme par « Urodynamic
stress incontinence". Il s'agit d'un phénomène qui se produit pendant
la phase de remplissage vésical par la perte involontaire des urines lors d'une
augmentation de la pression abdominale, en l'absence de contraction du detrusor.
Rappel sur les récepteurs vésicaux
et sur le sphincter uréthral
Les récepteurs vésicaux muscariniques
sont au nombre de 5 sous-types (M1-M5). Les récepteurs prédominant sur
le muscle lisse vésical sont de 2 sous-types M2 (80 %) et M3. La stimulation
par l'acéthycholine du sous-type M3 provoque l'hydrolyse des phosphoinositols
permettant l'accumulation de calcium intracellulaire et ainsi la contraction vésicale.
L'activation du sous-type M2 provoque l'inhibition de l'adenyl-cyclase et ainsi
la contraction vésicale par inhibition indirecte du sympathique (récepteur
? -adrénergique). Cependant cette stimulation permet l'augmentation de l'adénosine
monophosphate et la relaxation vésicale.Cr. chapple.
urology 2000, 55 (Suppl 5A) : 33-46.
Le sphincter urétral est
composé de 3 couches musculaires. Une couche longitudinale interne lisse composant
en grande partie l'urètre, une fine couche musculaire lisse moyenne et une
couche externe musculaire striée. L'innervation efférente extrinsèque
est composée des 3 principales composantes du système nerveux périphérique
: sympathique, parasympathique et somatique qui proviennent de 3 principaux nerfs
: pelviens et pudendal (moelle sacrée) et hypogastrique (moelle lombaire).
Les portions parasympathique (acéthycholinergique) et sympathique (adrénergique)
innervent la couche longitudinale interne et circulaire moyenne du muscle lisse.
La portion somatique innerve la couche striée externe.
Karl B. Thor, Urology 62 (Suppl 4A) : 3-9, 2003
Actualités
thérapeutiques sur les impériosités
Les médicaments de référence de
l'hyperactivité vésicale restent les anticholinergiques antimuscariniques.
Ils sont antagonistes des récepteurs muscariniques (M1-M3). Leur rôle
est d'atténuer la contraction du detrusor par fixation de l'acéthylcholine
sur les récepteurs. Certains sont commercialisés et évalués
depuis un certain temps tels que l'Oxybutynine (Ditropan®, Driptane®),
la Toltérodine (Détrusitol®) et le Chlorure de trospium (Céris®).
D'autres font partie d'essais pharmaco-cliniques et par conséquent ne sont
pas encore commercialisés, la Darifénacine, la Solifénacine et la
Fésotérodine. Il existe aussi d'autres anticholinergiques comme la Propantheline
(Probanthine®).
D'autres classes thérapeutiques
sont utilisées. Les antispasmodiques musculotropes (FLAVOXATE). L'Urispas®
en est le chef de file. Il n'a pas d'effet anticholinergique. Son action est anticalcique
et son rôle est d'inhiber les phosphodiestérases. Les analogues synthétiques
de l'hormone antidiurétique (DESMOPRESSINE), dont le chef de file est le
Minirin®, ont une action antidiurétique avec un effet inhibiteur central
de l'activité vésicale. Leur risque est l'hyponatrémie majeure. Les
antidépresseurs tricycliques (IMIPRAMINE, Tofranil®), par leur action
antimuscarinique périphérique et leur action centrale diminue la recapture
de la sérotonine et diminue l'activité détrusorienne. Leurs effets
secondaires sont cardio-vasculaires notamment chez les sujets âgés. Les
activateurs des canaux potassiques entraînent une hyperpolarisation membranaire
des cellules musculaires lisses et ainsi inhibent la contraction du muscle lisse.
Cependant leur affinité cardio-vasculaire est supérieure à celle
du détrusor. Leurs effets secondaires cardio-vasculaires sont trop important
pour être utilisés en pratique quotidienne. Il s'agit donc d'une voie
de recherche. Les substances vanilloïdes qui sont utilisées en
instillation intra-vésicale, ont une action neurotoxique locale et spécifique
sur les fibres C. Elles suppriment les afférences du réflexe mictionnel.
Dans cette classe thérapeutique, on en compte deux. La Capsaïcine, qui
est un extrait naturel de piment rouge mexicain. L'instillation est effectuée
après une vidange vésicale (100 ml de capsaïcine à 1 ou 2 mmol/l
dilués dans l'éthanol à 30 %, sont administrés en 2 à 3
minutes, laissés 30 minutes et évacués par sondage). La Résinifératoxine,
extraite de certaines espèces de cactus possède une action désensibilisante
sur les afférences amyéliniques C. Son action est 1 000 fois supérieure
à celle de la capsaïcine. Elle est administrée à plus faible
dose réduisant les effets secondaires. Cependant, elle n'est pas utilisée
en France. La toxine botulique A, produite par Clostridium botulinium possède
une action bloquante de la transmission de l'influx dans le système nerveux
parasympathique. Son administration se fait sous contrôle cystoscopique. L'injection
est réalisée sur plusieurs sites (30) du détrusor répartis de
façon symétrique en épargnant le trigone à la dose de 200 à
300 UI de Botox®. Cette thérapeutique est proposée aux patients réfractaires
aux autres thérapeutiques. Elle implique la réalisation de sondages intermittents
(vessie rendue rétentionniste). La tolérance générale et locale
de cette molécule est bonne. La neuromodulation est le dernier des traitements
médicaux. Celle-ci est soit indirecte par stimulation du sciatique poplité
interne, 20 minutes deux fois par jour (TENS ECO), ou directe par stimulation des
racines sacrées S3.
En cas d'échec de toutes ces thérapeutiques
et de régimes à hautes pressions intra-vésicales, il faut savoir
proposer un traitement chirurgical qui consiste en une entérocystoplastie d'agrandissement.
Les Résultats
De nouvelles molécules anticholinergiques
sont développées dans le but d'améliorer la sélectivité
sur le detrusor et donc de diminuer leurs effets secondaires. Une étude récente
multicentrique de 561 patients, ramdomisée en double aveugle, placebo vs
Darifénacine à la posologie respectivement de 7,5 mg et 15 mg montre par
rapport au placebo une amélioration : de la fréquence des mictions (p
< 0,001 ; p < 0,001), de la capacité vésicale (p < 0,040
; p < 0,001), de la fréquence des urgences (p < 0,001 ; p = 0,005), de
la sévérité des urgences (p < 0,001 ; p = 0,002), du nombre d'épisodes
d'incontinence urinaire amenant à se changer (p < 0,001 ; p = 0,002) et
une réduction du nombre de réveils nocturnes dus à l'hyperactivité
vésicale (NS). Cependant les mêmes effets secondaires persistent tels
que la sensation de bouche sèche (modéré à sévère)
et la constipation. Il n'est pas retrouvé de trouble de la vision ni d'effet
cardiaque.
La Fésotérodine a, elle,
été évaluée dans une étude randomisée en double aveugle
contre placebo. Six groupes ont été constitués : Fésotérodine
4, 8, 12, 20 et 28 mg, avec dans chaque groupe : 6 sujets Fésotérodine,
2 placebo. Plus la posologie de cette molécule est élevée plus il
existe des effets secondaires (bouche sèche et trouble du rythme), plus le
volume résiduel post-mictionnel est élevé par hyper-relaxation du
detrusor.
La Solifénacine a été
évaluée dans une étude multicentrique (98 centres), randomisée
de 1077 patients : 279 (Solifénacine 5 mg), 269 (Solifénacine 10 mg),
266 (Toltérodine 2,2 mg), 267 (placebo). De cette étude ressort que la
Solifénacine 5 et 10 mg a une action supérieure au placebo et à la
Toltérodine. Cette efficacité est démontrée en 4 semaines, avec
une augmentation du volume uriné/24 heures, une diminution des épisodes
d'urgences et une diminution du nombres des mictions. On compte 3 % d'arrêt
du traitement pour effets secondaires qui sont notamment la sècheresse buccale
(5 % placebo, 14 % Solifénacine 5 mg, 21 % Solifénacine 10 mg, 17 % Toltérodine
(p < 0,001 vs placebo)).
Actualités thérapeutiques
sur l'incontinence urinaire d'effort
En premier lieu il est recommandé de proposer
à la patiente de commencer par la rééducation périnéo-sphinctérienne.
Ensuite en cas d'échec il peut être proposé un traitement médicamenteux.
Plusieurs classes thérapeutiques ont été essayées avec plus
ou moins de succès : les a et b -bloquants, les a -mimétiques, l'oestrogénothérapie
orale et locale et enfin récemment la duloxétine (yentreve®).
Enfin en cas d'échec des traitements
médicamenteux, un traitement chirurgical peut être envisagé. Le traitement
de référence devient le soutènement sous-urétral soit par voie
rétro-pubienne du vagin vers le pubis (TVT) ou du pubis vers le vagin (SPARC).
D'autres auteurs, pour éviter les plaies vésicales per-opératoires
ont proposé cette pose en pré-pubien (Boulanger). Récemment une autre
voie a été utilisée avec succès en réduisant la morbidité
per-opératoire avec une efficacité identique : le soutènement sous- urétral
par le trou obturateur, soit de dehors en dedans (Delorme) ou plus récemment
de dedans en dehors (De Leval). D'autres techniques ont été développées,
notamment en cas d'insuffisance sphinctérienne à type d'injection péri-urétrale
soit par les macroplastiques ou l'acide hyaluronique (Zuidex®).
Les résultats
Les agonistes a sont nombreux (éphédrine,
noréphédrine, phénylpropanolamine (PPA), norphényléphrine,
midodrine, méthoxamine...). L'Éphédrine et PPA sont les molécules
les mieux évaluées. Ils se prescrivent à la dose de 25 à 50
mg, 3 à 4 fois/j et 50 à 100 mg 2 à 3 fois/j respectivement. Cependant
ils ont de nombreux effets secondaires (troubles du sommeil, palpitations,
tremblements, céphalées...). Le PPA a été retiré du marché
en 2000, car incriminé dans des accidents vasculaires cérébraux.
La Midodrine et Méthoxamine sont eux, non recommandés pour utilisation
de routine. Quelques études ont montré une amélioration des symptômes
en cas d'associations PPA + œstrogènes. Les antagonistes a ou b -bloquants
(Propanolol) sont rapportés dans 2 études comme ayant un bénéfice
sur l'IUE, cependant ces études sont non randomisées. Les agonistes ?
devraient provoquer une relaxation du sphincter lisse, cependant 2 études randomisées
montrent une amélioration significative des symptômes IUE. Le clenbuterol
vs placebo montre une amélioration de 73 % vs 55 % respectivement,
avec une augmentation significative de la pression de clôture. Le clenbuterol
seul vs rééducation seule ou thérapies combinées montre
une amélioration de 76,9 % vs 52,6 % et 89,5 % respectivement. Les œstrogènes
qu'ils soient pris oralement ou localement ne montrent pas de différence dans
les études randomisées comparés à un groupe placebo. Cependant
ils apportent des bénéfices subjectifs en améliorant plutôt
les symptômes d'urgences et de fréquences. Bien qu'ils soient très
prescrits, les œstrogènes locaux améliorent la qualité de vie mais
n'améliorent pas de façon évidente les symptômes d'incontinence,
sauf s'ils sont associés à un sympathomimétique qui potentialise
la contraction du muscle lisse urétral. Le dernier médicament qui vient
d'avoir l'AMM en Europe, est la Duloxetine (Yentreve®). Il s'agit d'un inhibiteur
sélectif de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline.
Il augmente la contractilité du muscle strié urétral via la
stimulation du motoneurone ?-1 du nerf pudendal et des récepteurs 5-H-2 adrénergiques.
Il augmente la capacité vésicale et l'activité du sphincter
strié de l'urètre. Ainsi il permet une diminution des épisodes IUE
de 50 % dans le groupe Duloxetine vs 27 % dans le groupe placebo. Dans toutes
les études randomisées publiées à ce jour, il existe une
décroissance significative de la fréquence des épisodes d'IUE dans
le groupe Duloxetine vs placebo, avec amélioration des scores de qualité
de vie sur l'incontinence (I-QOL) dans le groupe Duloxetine vs placebo. Cette
efficacité est dose-dépendante, avec augmentation des effets secondaires
en fonction de la dose.
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** service de rééducation
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