Exposition au DES et projet d'enfant en
2004 : quelles problématiques, quelle prise en charge quand la grossesse
ne s'initie pas spontanément ?
S. EPELBOIN*
L'histoire du Diéthylstilboestrol
(DES) n'appartient pas encore au passé : ses prescriptions ont duré en
France de 1950 à 1977 avec un pic de 1964 à 1974. Si le risque d'adénocarcinome
à cellules claires (ACC) du col et du vagin s'amenuise, les complications de
la reproduction de la génération exposée sont à prévoir
jusqu'en 2020 environ. Un résumé de l'histoire de cette thérapeutique
introduit la compréhension des problématiques de cette génération,
des modalités de leur prise en charge.
La prescription de DES (Diéthylstilboestrol)
des fifties aux seventies
Le Diéthylstilbestrol (DES), mis sur le marché
sous le nom de Distilbène* et de Stilbestrol-Borne, est apparu pour la première
fois dans la littérature médicale en 1946, préconisé dans la
prévention ou le traitement des fausses couches spontanées et de la prématurité.
Le traitement est rapidement proposé
pour d'autres indications qui dépassent les fausses couches avérées
ou leur prévention. En consultation, le questionnement systématique
des filles de la génération exposée sur les événements
ayant marqué la vie obstétricale de leur mère avant leur propre conception
est riche d'enseignements quant à la variété des motifs de prescription
du DES : métrorragies de début de grossesse, diabète, toxémie
gravidique, antécédents obstétricaux divers tels que mort in utero
ou naissance d'un enfant malformé, vie professionnelle jugée trépidante,
donc à risques, etc... Le schéma posologique moyen, prôné par
O. et G. Smith comportait des cures répétées à doses progressives
de 5 à 125 mg par jour de la 6e à la 35e semaine
d'aménorrhée. Il a été modifié de façon extrêmement
variable en France, le plus souvent sous forme de cures moins prolongées et
de doses moindres.
Le travail de Dieckman mené à
Chicago et publié dès 1953 [1] est une des premières études
randomisées en double aveugle à partir d'un groupe de 840 patientes
traitées par Distilbène* et d'un groupe de 800 femmes témoins. Il
conclut à une absence d'efficacité du Distilbène* comparé au
placebo. Ces conclusions passeront cependant inaperçues pour de multiples raisons.
C'est en 1970 qu'Herbst publie dans
la revue Cancer l'observation de 7 cas d'adénocarcinomes cervico-vaginaux
à cellules claires (ACC) chez de très jeunes filles, le lien entre leur
survenue et la prise de DES par la mère pendant sa grossesse, et que la Food
and Drug Administration américaine interdit la prescription du DES dans les
indications obstétricales. Un registre des cancers du vagin est mis en place.
En Europe, l'interdiction intervient en 1973 en Angleterre, 1975 aux Pays-Bas et
en Belgique, en 1976 en Irlande. En France, il faudra attendre l'année 1976
pour que le Vidal ne mentionne plus le DES comme traitement des fausses couches,
et 1977 pour qu'il y soit contre-indiqué chez la femme enceinte. Le premier
cas d'ACC est décrit en France en 1975.
En 1977, Kauffmann [2] fait la première
description des anomalies utérines suspectées d'être liées à
l'exposition au Distilbène in utero. En 1981, Herbst [3] détaille
les accidents per-gravidiques fréquents chez les filles exposées au DES.
En France, en 1983, A. Cabau lance l'une des premières enquêtes sur les
traitements par DES dans notre pays par l'intermédiaire de la Mutuelle Générale
de l'Éducation Nationale.
Qui est concerné ?
Il semble qu'au total 4 millions de femmes en
aient absorbé aux USA ; en Europe les prescriptions ont été extrêmement
diverses selon les pays puisque 200 000 prescriptions sont relevées par les
études françaises et corroborées par les chiffres du laboratoire,
et seulement 8 000 en Angleterre. La figure 1 empruntée à une étude
d'A. Cabau [4] montre la courbe des prescriptions, maximales entre 1964 et 1974.
On note sur la figure 2 l'incroyable décalage dans le temps entre les prescriptions
américaines et françaises, celles-ci ayant grimpé en flèche
quand les Américains ont cessé de prescrire.
On estime que 160 000 grossesses traitées
par DES ont évolué jusqu'à terme, soit 80 000 naissances de filles.
Celles-ci sont âgées en 2004 de 27 à 54 ans, le plus fort contingent
se situant entre 30 et 40 ans. Étant donné l'âge tardif actuel des
projets de grossesses en France, on doit s'attendre à prendre en charge 70
à 100 000 grossesses à l'avenir et, comme nous le détaillerons ci-dessous,
de nombreuses consultations pour stérilité concernant environ 30 % de
ces femmes.
Figure 2. Années de prescription
du DES aux USA et en France (selon Melnick et Cabau)
Le retentissement de l'exposition au DES
sur
la fertilité féminine
Les conséquences sur l'appareil génital
féminin sont multiples et le plus souvent associées. Elles se manifestent
dans deux phases fondamentales de la vie reproductive, la conception, et le déroulement
de la grossesse marquée par divers accidents. Bien que ces derniers aient été
les premiers décrits, nous analyserons chronologiquement les difficultés
de conception, puis les accidents précoces de la grossesse susceptibles de
retentir sur la fertilité et le projet familial.
L'augmentation de fréquence des stérilités
Cette augmentation est retrouvée par différents
auteurs, notamment dans l'étude de cohorte de l'équipe de Chigago en 1987
[5]. Parmi ses causes, on retrouve :
Les anomalies de la cavité utérine
L'étude de Kauffmann de 1977 [2]
analyse 267 hystérographies chez des filles DES ; elle indique la présence
d'anomalies utérines dans 70 % des cas.
On identifie les anomalies de taille
et les anomalies de forme de la cavité, souvent intriquées :
- L'hypoplasie
utérine est retrouvée dans 13 % des cas isolément, dans 31 % d'entre
eux associée à une anomalie morphologique (utérus en forme de T).
Elle est définie par une distance intercornuale inférieure à 4 cm,
et une inversion du rapport des longueurs du corps et du col.
- Les anomalies
de forme sont dominées par les aspects en T. Multiples sont par ailleurs les
anomalies autres décrites : dilatations sus-isthmiques donnant un aspect de
constriction (sténose ou rétrécissement) médio-cavitaire), distensions
bulbaires ou contractions annulaires des cornes, fonds arqués, synéchies
marginales, polypes, diverticules, irrégularités diverses des bords et
du fond.
- La béance
cervico-isthmique est peu fréquente, on parle plutôt d'incompétence
cervicale fonctionnelle.
Selon Kauffmann, les malformations
sont indépendantes de la dose, dépendantes de la précocité du
traitement in utero et définitives. Leur taux est décroissant de
12 à 19 semains d'aménorrhée (SA). Après 19 SA (c'est-à-dire
après la fin de la formation de l'utérus), on note que 40 à 45 %
des malformations utérines sont présentes. Cette constatation entraînera
ultérieurement l'interrogation de plusieurs auteurs sur une action directe
du DES sur le développement ultérieur du muscle utérin.
Dans un travail ultérieur publié
en 1986, Kauffmann analyse les rapports entre les anomalies utérines et les
anomalies cervico-vaginales : il existe 50 % d'anomalies utérines en cas d'absence
de lésions cervico-vaginales. La notion d'exposition au DES, ou la suspicion
hystérographique non confirmée par un aspect de col sain, ne doivent pas,
en conséquence, empêcher de pousser les investigations dans un contexte
évocateur.
Les travaux de Kauffmann déjà
évoqués, font état d'un risque de stérilité évalué
en fonction des anomalies retrouvées, majeur en cas d'association de l'hypoplasie
et de la forme en T.
À l'heure actuelle, plus que l'hypoplasie
seule, les anomalies de structure du muscle utérin semblent participer au pronostic
de la grossesse. Une seconde étude de cohorte a été publiée
en 1987 par E. Senekjian [5]. Cette étude concerne les filles des sujets de
Chicago concernés par l'étude prospective et randomisée de 1951 à
1953. L'auteur évalue la fertilité de 343 filles exposées, versus
303 témoins, le taux de stérilité primaire est de 33 % dans le premier
groupe contre 14 % dans le groupe témoin.
Les anomalies tubaires
De Cherney décrit des trompes
filiformes avec parfois un aspect agglutiné des pavillons. Par ailleurs, nous
avons noté la présence quasi-constante à l'exploration clioscopique
de kystes vestigiaux souvent nombreux ; inclus dans la séreuse de l'ampoule,
ils en rétrécissent la lumière et jouent probablement un rôle
dans la survenue des grossesses extra-utérines distales, appendus en grappe
aux pavillons, ils modifient les rapports entre ovaire et frange de Richard.
La stérilité cervicale
C'est la cause d'infertilité isolée
la plus fréquemment rencontrée. Elle est liée à une insuffisance
ou à une incompétence de la glaire cervicale, authentifiée par des
tests de Hühner négatifs.
L'adénose cervicale (une présence
anormale d'un épithélium glandulaire ectopique sur le col et le vagin)
en est rarement seule responsable. Les anomalies structurales cervico-vaginales
sont fréquemment associées. Elles concernent, selon les auteurs, 22 à
58 % des femmes exposées. Elles évoluent à la régression avec
le temps. Drapier évoque des anomalies du tissu de soutien à l'origine
des cicatrisations anormales de ces gestes thérapeutiques.
L'insuffisance de glaire cervicale
n'est pas améliorée par les traitements strogéniques.
L'endométriose
Son augmentation de fréquence
a été décrite dès 1984 par Stillman ; elle est souvent
directement la conséquence d'une sténose iatrogène du col utérin
après divers traitements de l'adénose cervicale, ce qui favorise le reflux
utéro-tubaire.
Les perturbations de la fonction ovarienne
Le premier travail évoquant le
rôle du Distilbène dans les perturbations de la fonction ovarienne des
filles exposées, et leurs conséquences sur la fertilité, a été
présenté dès 1977. Ces perturbations, et leurs conséquences
sur la fertilité, ont été reprises par de nombreux auteurs, confirmées
par certains, niées par d'autres. Les descriptions sont celles de dysménorrhée,
d'oligoménorrhée et de dysovulation. Dans les dysménorrhées
a été évoqué le rôle de la sténose cervicale. L'hyperprolactinémie
modérée a été décrite par Menczer en 1986 dans 31 % des
cas chez 40 jeunes filles exposées au Distibène*. Peu de séries ont
étudié la prolactinémie et ces données ne sont pas à l'heure
actuelle confirmées.
Kerjean [6] a publié une étude
sur la maturation ovocytaire et les taux de fécondation dans une série
de 126 tentatives de FIV pratiquées au sein de notre équipe chez 56 femmes
exposées au DES, comparées à 73 tentatives pratiquées dans un
groupe témoin de 45 femmes présentant une stérilité tubaire.
Les caractéristiques des couples (âge, fertilité du conjoint, rang
de la tentative) étaient similaires dans les 2 groupes. Si l'on met à
part l'arrêt plus fréquent, pour mauvaise réponse ovarienne ou kystes,
des stimulations hormonales des femmes DES, rien ne distingue les femmes exposées
des témoins. Nous n'avons en effet trouvé aucune différence entre
le groupe DES et le groupe témoin concernant le nombre d'ovules recueillis
et la qualité ovocytaire, le taux de fécondation et la qualité évolutive
des embryons obtenus.
Plus récemment cependant, l'étude
de la réserve ovarienne de jeunes femmes exposées de moins de 38 ans,
incluses dans un programme d'Aide Médicale à la Procréation (AMP),
Inséminations Intra-Utérines (IIU) ou Fécondation In Vitro
(FIV) révèle un taux d'insuffisance prématurée de la réserve
ovarienne (IRO) élevé. Trente-huit femmes parmi 144 (26,4 %) ont un bilan
hormonal à J3 perturbé, avec une valeur de FSH supérieure à
9 UI/L, et/ou une réponse insuffisante à la stimulation ovarienne.
Les difficultés d'implantation
embryonnaire
Elles sont bien connues depuis les
progrès de l'étude de l'endomètre en échographie, d'une part,
l'analyse des résultats après transfert embryonnaire en FIV, d'autre part.
Leurs causes, inadéquation de l'endomètre pré-implantatoire et anomalies
de la vascularisation utérine, sont fort semblables à celles qui déterminent
les fausses couches précoces dont nous reparlerons plus loin.
Deux études, l'une de Karande
[7], l'autre menée par notre équipe, [8] prennent le modèle de la
Fécondation in Vitro pour témoigner de la moindre implantation
embryonnaire chez les femmes exposées comparées à la population témoin.
L'exploration échographique de
ces utérus montre que la diminution de taille est globale, touchant à
la fois la morphologie externe et la surface endométriale. Viscomi fut le premier
en 1980, à rapporter une étude échographique des utérus Distilbène*.
Les échographies réalisées par voie abdominale objectivent une différence
de volume entre les utérus témoins et les utérus DES de 50 % ; le
volume utérin moyen des témoins était égal à 90 cm3
tandis que les utérus exposés au DES étaient évalués à
50 cm3.
Depuis, les échographies par voie
vaginale ont largement enrichi l'approche de l'utérus en raison de l'utilisation
de sondes à hautes fréquences et de la proximité de la sonde avec
les organes à explorer. Deux études évaluent des facteurs anatomiques
et fonctionnels dans leur caractère prédictif de la survenue et de l'évolution
d'une grossesse. B. Salle [9] confirme la diminution des mesures utérines par
rapport aux utérus non exposés, cette diminution affectant le volume du
corps utérin et la surface endométriale. La diminution de la surface de
l'endomètre explique la fréquente diminution du volume menstruel déjà
décrite par Herbst, et Hornsby.
Noyes [10] compare de façon prospective
la possibilité d'une grossesse selon le statut endométrial dont les critères
sont l'épaisseur et l'homogénéité de l'endomètre. Comparant
50 cycles de FIV chez des patientes exposées au DES avec 490 cycles chez des
femmes non exposées, il conclut que ce statut endométrial est une des
variables les plus significatives dans la prédiction de la survenue de la grossesse,
la fréquence des endomètres inadéquats étant significativement
élevée chez les femmes exposées.
Salle utilise le couplage de l'échographie
endo-vaginale avec le Doppler pulsé couleur pour obtenir plus d'informations
sur la réceptivité endométriale en étudiant à la fois la
croissance endométriale et les variations hémodynamiques vasculaires.
L'index de pulsatilité utérine des utérus non exposés au DES
tend à diminuer en phase lutéale. L'index de pulsatilité utérine
des utérus DES est supérieur à celui des utérus non exposés
dans les deux phases du cycle. En phase lutéale, à l'inverse des utérus
non exposés, les indices de pulsatilité restent supérieurs à
3. Salle formule deux hypothèses : le DES entraînerait une anomalie histologique
au niveau des artères utérines ; les artères utérines pourraient
être insensibles, par défaut de récepteur, à l'action vasodilatatrice
de l'estradiol. Il en résulte une diminution des flux sanguins nécessaires
à une bonne implantation embryonnaire. L'étiologie des absences d'implantation
ou des fausses couches spontanées très précoces serait alors plutôt
fonctionnelle et non pas mécanique, ou bien une association des deux.
Nous avons étudié de façon
prospective l'endomètre de 50 femmes exposées au DES candidates à
une insémination intra-utérine ou une fécondation in vitro
[8]. Cette étude s'appuie à la fois sur les données de l'hystéroscopie
pratiquée en pré-ovulatoire, de l'étude de l'endomètre en pré-ovulatoire
et en phase lutéale échographique couplée au Doppler des artères
utérines, et des données apportées par l'IRM en phase lutéale
en mode T2 (sur un cycle protégé). L'apport fondamental de l'IRM est de
confirmer l'hypothèse vasculaire, suggérée par l'augmentation des
résistances vasculaires en phase lutéale par l'étude de la zone jonctionnelle
parfaitement visible entre endomètre et myomètre. Chez 7 patientes dont
l'endomètre était particulièrement fin, sans modification visible
de la phase pré-ovulatoire à la phase lutéale, pour lesquelles les
résistances vasculaires étaient systématiquement élevées,
l'IRM a toujours retrouvé une zone jonctionnelle d'épaisseur diminuée.
Cet examen, que l'on ne peut préconiser en pratique courante, a permis dans
cette étude de conforter l'idée que dans certains utérus hypoplasiques,
il existe une diminution des flux sanguins nécessaire à une bonne implantation
embryonnaire. La qualité actuelle des échographies endovaginales permet
une analyse satisfaisante de cette zone jonctionnelle.
Les perturbations de l'équilibre
immunitaire
Way & Coll ont publié en 1987
une étude concernant l'altération de l'immunité humorale et de l'immunité
cellulaire après administration de DES à des animaux nouveau-nés.
Cette réaction hyperimmunitaire a été évoquée comme responsable
des stérilités dites inexpliquées. Une étude de Noller va également
dans ce sens. Cependant, les rapports entre anomalies immunologiques et pathologie
de la fertilité sont encore très discutés.
Au total, l'insuffisance de glaire
cervicale, les anomalies de la cavité utérine, et les problèmes d'implantation
sont les causes les plus spécifiques et le plus fréquemment retrouvées,
isolées ou associées, dans l'exploration de la stérilité chez
les femmes exposées au DES in utero.
Les causes secondaires de stérilité
Les traitements parfois abusifs sur
le col (électrocoagulation, cryothérapie, conisation), sont également
à l'origine des insuffisances ou des absences de glaire cervicale. Schmidt
décrit en 1990 74 % de sténose cervicale après cryothérapie
chez 42 filles DES.
La fréquence des accidents de
début de grossesse, que nous détaillons dans le paragraphe suivant, peut
créer en retour une pathologie secondaire de la fertilité. Celle-ci peut
devenir tubaire quand une salpingectomie sanctionne une GEU, de survenue 6 fois
plus fréquente que dans la population générale, ou utérine quand
se forment des synéchies fréquentes après curetage pour fausses couches
ou geste d'hystéroplastie sur ces utérus fragiles.
Les causes transmises
La connaissance du passé obstétrical
de la mère est précieuse, quand il est possible de l'obtenir, ce qui est
parfois malaisé. Quand la prescription de DES a été faite pour des
motifs différents de fausses couches à répétition, voire systématiques,
il n'y a pas lieu en général de pousser plus loin les explorations chez
la fille. À l'inverse, quand la prescription s'est effectuée dans un contexte
lourd de fausses couches à répétition, de métrorragies ou mortinatalité
lors de grossesses précédentes, et ce d'autant que la stérilité
de la fille est secondaire à des fausses couches, point n'est besoin d'attendre
la troisième pour entreprendre un bilan complémentaire : c'est dans ces
cas que se révèlent des pathologies transmises (translocations robertsonniennes,
mutations de facteurs de la coagulation tels que le V de Leyden ou le II...), dont
les conséquences s'ajoutent à la pathologie acquise lors de l'exposition.
Les conséquences sur les accidents du premier
trimestre de la grossesse
Si le retentissement des malformations utérines
liées à l'exposition au DES peut être la difficulté à obtenir
une grossesse, le deuxième volet de la reproduction est bien sûr celui
de l'évolution de la grossesse.
Les avortements spontanés
Sandberg, en 1980, regroupant plusieurs
séries, a démontré que 24 % d'avortements spontanés survenaient
chez 281 femmes exposées contre 7 % chez 84 témoins. Il ne note aucun
lien avec la présence ou l'absence d'anomalies cervicales ou vaginales ; celles-ci
ne permettent donc pas d'identifier une population spécifiquement menacée
par les fausses couches.
Dans ces avortements du premier trimestre,
Kauffmann évoque des éléments qui seraient prédictifs sur l'hystérographie,
tels que la forme de la cavité et l'irrégularité des bords. Les données
récentes de l'échographie vaginale quant au statut endométrial et
à la qualité de la vascularisation utérine font étendre les
conclusions sur le pronostic implantatoire au pronostic d'évolutivité
d'une grossesse au premier trimestre.
Les grossesses extra-utérines
(GEU)
Elles sont de nombre significativement
élevé. Une combinaison de séries le situe à 1 sur 24 chez les
femmes exposées contre 1 sur 141 chez les témoins. A. Cabau décrit
la survenue de 9,8 % de GEU chez des filles exposées tandis que ce risque est
de 1,8 % chez leurs surs non exposées. Ce risque n'est pas corrélable
aux modifications cervicales ou vaginales. Selon Kauffmann, il est augmenté
quand existent des anomalies de formes de la cavité utérine (utérus
en T, isthme tubuliforme). Ce risque élevé doit impérativement faire
rechercher l'antécédent DES au même titre que d'autres facteurs favorisants
classiques en cas de suspicion de GEU.
Les fausses couches tardives
Les fausses couches tardives sont les
complications obstétricales les plus fréquemment décrites comme conséquences
spécifiques des malformations utérines liées au DES [11, 12].
Elles surviennent le plus souvent de façon brutale entre 17 et 22 SA. L'étiologie
de l'« incompétence cervicale », également incriminée dans
les accouchements prématurés qu'il serait hors-sujet de détailler
ici, est encore mal comprise, Ludmir [35] suggère l'hypothèse d'une diminution
et d'une désorganisation du contingent de fibres collagènes.
Au total, les complications gravidiques
conduisent à un pourcentage diminué de naissances d'enfants vivants [5].
Dans l'étude de Senekjian, 60 % de femmes enceintes exposées ont eu un
enfant vivant contre 83 % dans le groupe témoin. Dans une étude récente
en cours de publication, dont les conclusions sont partiellement exposées dans
les Mises à jour du CNGOF 2004, nous étudions les antécédents
obstétricaux de femmes exposées ayant mené 595 grossesses à
Saint-Vincent-de-Paul entre janvier 1996 et décembre 2003. On dénombre
838 grossesses menées antérieurement par ces femmes. À l'issue des
accidents précoces de la grossesse (fausses couches précoces ou tardives,
GEU), et si l'on exclut les grossesses non désirées ayant abouti à
une IVG, le nombre d'accouchements au-delà de 24 semaines est significativement
abaissé dans les antécédents de la population DES : il est de 400
pour 782 grossesses désirées (51,2 %) contre 78,5 % dans la population
témoin (p<0,001). Ces données confirment celles de la littérature,
et indiquent à quel point dans cette population l'obtention d'une grossesse
n'est pas la conclusion du problème d'infertilité.
Comment dépister l'exposition au DES in utero
?
Toute femme née entre 1951 et 1976 est susceptible
d'avoir été exposée au DES. En conséquence, la recherche de
cet antécédent fait partie de l'interrogatoire lors d'une consultation
gynécologique, au même titre que les nombreuses questions classiques d'une
première consultation. La généralisation de ce questionnement permet
de s'informer, d'informer sans inquiéter.
Faut-il pratiquer un bilan chez une jeune femme
qui se sait exposée au DES, ou pour qui
un faisceau d'arguments le laisse soupçonner ?
Si oui, quel bilan faire ?
Les spécialistes sont divisés sur l'indication
de l'hystérographie systématique avant tout début de grossesse, ses
opposants soutenant à juste titre qu'une grossesse peut se dérouler sans
problème, ses tenants préférant jouer la sécurité et ne
pas attendre le premier accident obstétrical pour juger du volume utérin.
À l'heure actuelle, il semble
logique de ne plus rentrer dans ce débat et de profiter de l'examen moins agressif
que représente l'échographie pelvienne. Celle-ci, quand un projet de grossesse
est envisagé, peut permettre d'évaluer le volume utérin et préciser
l'importance d'une éventuelle hypoplasie utérine, dont la connaissance
indique des mesures de prévention tôt dans la grossesse. La mesure du
col est confrontée aux constatations cliniques, sans que son caractère
prédictif avant grossesse n'ait été à ce jour évalué.
Si l'attente d'enfant se prolonge,
dans le cadre du premier bilan d'infertilité, l'échographie couplée
au Doppler couleur apporte des informations intéressantes quant au pronostic
d'implantation d'une grossesse (volume utérin, statut endométrial, résistances
vasculaires). Elle sera complétée par l'hystérographie qui reste
l'examen le plus démonstratif des anomalies cavitaires.
L'hystéroscopie apporte des renseignements
complémentaires. Le caractère tubuliforme de la cavité peut être
confirmé, le rétrécissement médio-cavitaire mieux apprécié
ainsi que l'aspect des cornes. La visualisation de l'endomètre permet de confirmer
ou d'infirmer une finesse évoquée à l'échographie. Enfin, quand
une procréation assistée est envisagée, l'appréciation du trajet
cervical est utile avant insémination ou transfert d'embryons.
L'étude de la réserve ovarienne
rapportée à l'âge permet, en fonction de la pathologie par ailleurs
en cause, de gérer la stratégie thérapeutique. La découverte
d'une altération précoce de la réserve ovarienne est un argument
pour médicaliser plus vite dans des situations ou l'infertilité relative
aurait autrement suggéré de « laisser du temps au temps ».
La recherche des antécédents
maternels détermine, comme nous l'avons vu, une sous-population de femmes exposées,
dont la pathologie est plus complexe, à la fois acquise et transmise, et répond
à une stratégie thérapeutique autrement élaborée.
Y a-t-il des attitudes spécifiques en AMP
dans les cas d'exposition au DES ?
L'évaluation de l'ensemble des paramètres
de la fertilité des deux membres du couple est intégrée à celle
des facteurs spécifiques liés au DES.
Les traitements inducteurs de l'ovulation
Ils sont indiqués en cas de dysovulation
isolée. La réponse ovarienne est, comme nous l'avons précédemment
évoqué, souvent inadéquate, soit insuffisante, soit marquée
par une croissance multifolliculaire faisant craindre une hyperstimulation, même
à doses modérées.
L'insémination intra-utérine
Elle est la thérapeutique de choix chez les
femmes qui présentent une insuffisance de glaire cervicale avec tests de Hühner
négatifs ou faiblement positifs. Il existe peu de séries dans la littérature.
Le tableau 1 résume les résultats d'une série comparative rétrospective
cas-témoins présentée aux journées de la FFER 2004. La population
DES présente une stérilité cervicale quasiment pure, à la différence
de la population témoin. Le traitement de principe est l'auto-injection sous-cutanée
de 37,5 à 75 unités de FSH recombinante à partir du cinquième
ou sixième jour du cycle. Le déclenchement de l'ovulation par HCG urinaire
ou recombinante est décidé dès l'obtention d'un follicule de
17 mm ou plus, différé d'un jour ou 2 si nécessaire et possible selon
les dosages plasmatiques d'estradiol, LH et progestérone, notamment en cas
d'endomètre jugé trop fin ou inadéquat. L'IIU est classiquement effectuée
40 heures plus tard, ou après16 heures en cas d'élévation prématurée
de la LH. Pour les deux populations, l'induction vise à obtenir une réponse
monofolliculaire ; la stimulation est interrompue, l'insémination annulée,
et parfois les rapports protégés préconisés quand l'échographie
préovulatoire objective 2 follicules de plus de 14 mm, ou plus, chez les femmes
exposées au DES. Cette attitude apparemment rigide vise à éviter
les grossesses gémellaires dans le contexte d'utérus hypoplasiques, elle
est moduIée après plusieurs échecs, ou quand l'âge de la femme
dépasse 39 ans. Dans la population générale, une même attitude
est observée quand le nombre de follicules préovulatoires atteint ou dépasse
3, avec discussion au cas par cas du risque de jumeaux si l'on visualise 2 follicules
murs. Le traitement de la phase lutéale est adapté au bilan préalable
de l'implantation (voir plus loin). Selon l'âge et l'appréciation de la
réserve ovarienne, un maximum de 4 à 6 tentatives est pratiqué. Il
n'y a pas de différence significative en ce qui concerne l'âge des femmes
dans les 2 populations ; les femmes de la population DES ont démarré 98
cycles, les femmes de la population témoin 144, les taux d'annulation sont
plus élevés dans la population DES (26 % des cycles et 19 % chez les témoins).
Treize grossesses ont été obtenues pour les 72 IIU réalisées
dans la population DES (18 % par IIU), 17 sur 117 chez les témoins (14.5 %).
Le pourcentage de fausses couches précoces est de 23 % dans la population DES,
supérieur à celui de la population témoin (18 %), mais le pourcentage
de grossesses évolutives comparable. La taille des effectifs indique une tendance
mais non la significativité. Les conditions de prise en charge décrites
permettent d'obtenir 100 % de grossesses uniques évolutives dans la population
DES et 86 % dans la population témoin, avec conservation de résultats
acceptables.
Tableau 1. Résultats des IIU chez
les femmes exposées au DES et chez les témoins (1/1/2002-1/7/2003),
FFER 2004
Population « DES » Population
témoin
Cycles de stimulations pour IIU 98 144
âge moyen 35 +-2.3 36
+-2.1
Stérilité primaire % 25 % 53 %
%
abandon pour ovulation prématurée, |
| | |
˙réponse
inadéquate ou réponse > 2 follicules |
˙ |
˙26 % |
˙19 % |
˙IIU réalisées |
˙ |
˙72 |
˙117 |
˙Grossesses cliniques |
˙ |
˙13 |
˙17 |
˙ |
˙% |
˙18,0 |
˙14,5 |
˙ |
˙FCS |
˙3 |
˙3 |
˙ |
˙GEU |
˙ |
˙0 |
˙Évolutives > 12 SA |
˙ |
˙10 |
˙14 |
˙ |
˙% |
˙13,8 % |
˙12,0 % |
˙ |
˙Uniques |
˙100 % |
˙86 % |
˙ |
˙Gémellaires |
˙0 |
˙2 |
La fécondation in vitro
La FIV est une méthode de deuxième intention,
en cas d'échec des inséminations. Elle est proposée d'emblée
s'il existe un problème tubaire ou une endométriose aux stades III ou
IV. Les indications de la FIV par microinjection (ICSI) sont classiques en cas d'infertilité
masculine, elles ne présentent aucun intérêt particulier vis-à-vis
du problème DES. L'hyperstimulation thérapeutique permet parfois d'améliorer
un endomètre fin et jugé inadéquat, elle ne résout pas toujours
les problèmes antérieurs de fausses couches. Le problème, retrouvé
dans les études publiées, est à l'évolutivité des grossesses.
Notre équipe a analysé les résultats de 141 tentatives ayant abouti
à une ponction pratiquées entre 1986 et 1996 chez des patientes exposées,
comparés à ceux de FIVNAT sur la même période. Il n'y avait
pas dans ces années-là de politique thérapeutique spécifique
de la période d'implantation. Les résultats en terme de grossesses débutantes
étaient comparables à la population non exposée (20 % versus
20,2 %), mais le pourcentage de grossesses évolutives significativement abaissé
(61 % des grossesses versus 76,2 %).
La politique de transfert embryonnaire
se doit d'être spécifique, les choix sont souvent difficiles face au paradoxe
entre un pronostic d'implantation embryonnaire moins favorable que chez des femmes
non exposées, et les risques obstétricaux encore supérieurs en cas
d'implantation multiple.
En effet, ce que l'on connaît
des risques de prématurité incite à éviter à tout prix
une grossesse gémellaire, au même titre que pour les femmes non exposées
le souci est avant tout d'éviter des grossesses triples et plus.
Le bilan utérin préalable
: évaluation de la taille de l'utérus à l'hystérographie et
l'hystéroscopie, étude de l'épaisseur et de l'aspect de l'endomètre,
Doppler utérin pour évaluer l'importance des résistances vasculaires
utérines, guident les choix qui, dans tous les cas, seront, dans le doute,
marqués par la plus grande prudence.
Le transfert d'un nombre extrêmement
limité d'embryons (2 maximum) est souhaitable. L'idéal serait le transfert
d'un embryon unique. La culture prolongée sur cellules Vero a permis pendant
plusieurs années de transférer un embryon au stade de blastocyste entre
le cinquième et le sixième jour suivant la fécondation, en phase
avec l'endomètre, garantissant les meilleures chances au moindre risque. Abandonné
pour des motifs sécuritaires, ce milieu est remplacé par des milieux biologiques
séquentiels, avec des résultats à l'heure actuelle variables selon
les centres, de performance parfois décevantes.
Le pronostic de la FIV est parfois
altéré par un geste de transfert embryonnaire rendu difficile par une
sténose cervicale post-cicatricielle serrée. Un transfert intra-tubaire
peut être proposé quand les trompes sont perméables, mais la lourdeur
clioscopique de ces techniques, GIFT, ZIFT (Gamete ou Zygote Intra Fallopian Transfer),
ou TET (Tubal Embryo Transfer) ne les fait proposer qu'à titre exceptionnel.
Par contre, un transfert sous anesthésie générale brève peut
être la solution adoptée, elle représente 4 % des transferts dans
notre population de femmes DES, contre 0 % dans notre population témoin. Le
transfert échoguidé est souhaitable dans ces canaux cervicaux souvent
tortueux, dans lesquels de faux trajets sont difficiles à apprécier sans
contrôle.
L'aide médicale à l'implantation,
la prévention des fausses couches précoces après Aide Médicale
à la Procréation (AMP) restent un sujet extrêmement délicat
: au cours du monitorage de l'ovulation, on apprécie le pronostic qui est lié
au potentiel évolutif embryonnaire, à la réceptivité endométriale,
à la qualité de la vascularisation utérine.
Il est admis que les chances de grossesse
sont infimes si l'épaisseur de l'endomètre est inférieur à 8
mm ou très inhomogène, et les indices de pulsatilité des artères
utérines supérieurs à 2,5. Certains, après les travaux de Wada,
préconisent la prescription d'aspirine à doses nourrissons dès le
transfert embryonnaire après fécondation in vitro, ou encore plus
tôt dans les cycles de traitement sans prélèvement ovarien chirurgical,
mais certaines études en contestent l'efficacité.
D'autres traitements adjuvants de l'implantation
ont été suggérés, tels le Sildefanil* ou les dérivés
nitrés, mais n'ont pas fait l'objet d'études dans ces situations.
En cas de résistances vasculaires
élevées au bilan préalable, un traitement vasodilatateur associant
la Pentoxyphylline et la Vitamine E peut être proposé ; préconisé
initialement par S. Delanian dans les fibroses laryngées, ce traitement a été
proposé par H. Letur et S. Delanian dans des cas de dons d'ovules chez des
femmes présentant une fibrose utérine post-radique. Ces auteurs ont publié
en 2001 l'efficacité de cette association sur la baisse des résistances
vasculaires. Les doses habituelles proposées aux femmes exposées au DES
sont de 400 mg de Pentoxyphylline et 500 de Vitamine E en 2 prises quotidiennes.
Ce traitement n'est indiqué qu'en cas de résistances authentiquement élevées,
et son efficacité contrôlée après 2 mois sur la baisse des indices
et l'optimisation de l'endomètre. La prise en charge en AMP n'est effectuée
qu'après cette vérification. Le traitement est poursuivi pendant la tentative
de FIV, la Pentoxyphylline étant arrêtée au transfert embryonnaire
en l'absence d'évaluation de ses effets pendant la grossesse, le relais étant
volontiers pris par l'aspirine à doses nourrissons. Dans une étude préliminaire
concernant 48 patientes dont les indices de pulsatilité 5 jours après
l'ovulation étaient élevés, ce traitement a permis dans 85 % des
cas d'obtenir une baisse de plus de 15 % de leur valeur.
Le tableau 2 résume les résultats
de 76 cycles de FIV et d'ICSI réalisés en 2002 et 2003 dans notre équipe.
Les anomalies présumées de l'implantation ont fait l'objet d'une exploration
et d'un traitement spécifique préalables. Les annulations pour réponse
ovarienne insuffisante sont de 18 % des cycles, 41 FIV et 21 ICSI ont été
réalisées, ces dernières pour indications essentiellement masculines,
l'antécédent DES des femmes n'étant jamais en soi une indication,
mais un facteur associé. Le nombre moyen d'embryons transféré est
de 1,86, identique dans les 2 techniques. Le taux de grossesses cliniques cumulé
par ponction est de 25,4 %, donc satisfaisant dans ce contexte, mais le nombre élevé
de fausses couches précoces et GEU abaisse considérablement le pourcentage
de grossesses évolutives aboutissant à un accouchement (13,6 %). Toutes
ces grossesses sont uniques.
Tableau 2. Résultats des FIV
et des ICSI chez les femmes exposées au DES (Centre d'AMP Cochin-Saint-Vincent
de Paul, 2002-2003)
|
˙Total
FIV |
˙Total ICSI |
˙Total DES AMP |
| |
˙ |
˙ |
˙ |
˙2002-2003 |
|
˙Cycles |
˙ |
˙ |
˙ |
˙76 |
˙ |
˙Ponctions |
˙41 |
˙21 |
˙62 |
˙ |
˙%/arrêt de stimulation |
˙ |
˙ |
˙18,5 % |
˙Transferts |
˙ |
˙40 |
˙19 |
˙59 |
˙% ET/Pc |
˙ |
˙ |
˙ |
˙1,86 |
˙ |
˙% cycles avec congélation |
˙45 % |
˙42 % |
˙44 % |
˙Grossesses cliniques |
˙ |
˙11 |
˙4 |
˙15 |
˙ |
˙% |
˙27,5 % |
˙21,0 % |
˙25,4 % |
˙ |
˙FCS |
˙2 |
˙1 |
˙3 (20 %) |
˙ |
˙GEU |
˙2 |
˙2 |
˙4 (27 %) |
˙ |
˙Évolutives >
12 SA |
˙7 |
˙1 |
˙8 |
˙ |
˙% |
˙17,0 % |
˙5,0 % |
˙13,6 % |
˙ |
˙Uniques |
˙7 |
˙1 |
˙8 (100 %) |
˙ |
˙Gémellaires |
˙ |
˙ |
˙0 |
Faut-il opérer les malformations utérines ?
Pendant très longtemps il a été
dit qu'aucune intervention n'était efficace, à la différence des
interventions sur d'autres malformations.
À l'heure actuelle, les progrès
de l'hystéroscopie opératoire ont incité plusieurs équipes à
des hystéroplasties d'agrandissement en cas d'hypoplasie utérine (Tureau,
Garbin, Aubriot, Castaigne). Il est encore trop tôt pour avoir du recul sur
ces interventions dont les indications s'élargissent cependant, malgré
l'absence d'évaluation de leur efficacité et de leur innocuité. Un
rapport récent de l'ANAES recommande de ne jamais pratiquer cette intervention
de première intention, et de peser leurs indications, détaillées
dans un autre chapitre de cet ouvrage.
Cas particuliers
Certaines malformations utérines ou utéro-vaginales
complexes, ayant justifié d'interventions parfois multiples, associées
à une hypoplasie utérine majeure, représentent une contre-indication
à la prise en charge en AMP ; dans ces situations, les faibles chances de succès
en terme d'implantation embryonnaire sont associées à des risques obstétricaux
majeurs de prématurité.
L'antécédent d'adénocarcinome
vaginal à cellules claires (ACC) n'est pas une contre-indication absolue à
la grossesse ni à l'AMP. Il est évalué à 1 pour 1000 cas d'exposition
au DES, 80 étant donc le chiffre maximal total attendu en France. Aux USA,
715 ACC ont été diagnostiqués sur 1700 attendus, leur traitement
a été généralement radical. En France les traitements pratiqués
dans le service de référence de l'Institut Gustave Roussy (IGR) ont été
pour la plupart conservateurs, la curiethérapie vaginale (minimum 60 Gray)
étant précédée d'une transposition ovarienne. À distance
de la découverte et du traitement du cancer, huit jeunes femmes sur la trentaine
suivies à l'IGR, présentant un projet d'enfant, nous ont été
adressées. Le suivi de ces jeunes femmes a fait l'objet du mémoire de
sage-femme de M. Dufour. Deux patientes ont débuté une grossesse sans
traitement, marquées par un retard de croissance intra-utérin et une naissance
par césarienne à 37 et 35 semaines d'enfants de 2 390 et 2 060 g dont
l'évolution de l'état de santé a été satisfaisante. Les
autres ont consulté pour infertilité.
L'évaluation du projet de grossesse
est multifactoriel. Sur le plan de la fertilité, la stérilité cervicale
a été constamment retrouvée, le col étant quasi-inexistant,
le plus souvent sa portion intravaginale réduite à un orifice rétracté
au fond du vagin ; paradoxalement, une fois repéré, il peut être
facilement cathétérisable ; l'absence de glaire est systématique.
La fonction ovarienne est variable, le plus souvent préservée. Dans ces
conditions, le bilan clioscopique objective la situation actuelle des annexes,
retombées en situation pelvienne, ou restées en situation haute sous-péritonisées,
la taille de l'utérus comparée aux données échographiques et
hystérographiques. De ces constatations est déduite la faisabilité
d'une IIU (une annexe au moins normale), ou d'une FIV dans le cas contraire, moyennant
l'accessibilité des ovaires à la ponction. Le bilan échographique
révèle particulièrement des résistances vasculaires élevées
en raison de la fibrose utérine, l'épreuve du traitement vasodilatateur
est un facteur pronostique précieux. Il participe également avec le reste
du bilan utérin à l'évaluation du pronostic de la grossesse, selon
l'importance de l'hypoplasie corporéale et cervicale.
La littérature internationale
est pauvre, puisque le traitement préconisé aux USA aux jeunes femmes
atteintes d'ACC a presque toujours été radical. Sur la base de l'ensemble
de cette évaluation et de l'information donnée en retour sur les chances
de grossesse et leur évolution, six jeunes femmes et leurs conjoints ont renoncé
ou ont été récusées, et 4 d'entre elles se sont tournées
vers l'adoption, 3 ont été prises en charge. L'une a renoncé après
échec, une autre est en cours de FIV. Une femme a mené successivement
2 grossesses. La première obtenue à la troisième IIU a été
marquée par un alitement précoce, une annexectomie pour torsion de l'unique
annexe en situation pelvienne à 29 semaines de grossesse, et accouchement
par voie basse à 35 semaines. La seconde a été obtenue 2 ans plus
tard en FIV, la ponction de l'ovaire unique situé en regard de la crête
iliaque, inaccessible par voie vaginale ou clioscopique, s'effectuant par voie
transcutanée échoguidée. Elle est survenue à la troisième
tentative et la naissance a eu lieu par césarienne à 37 semaines d'aménorrhée.
Les 2 enfants vont bien.
Ces cas restent exceptionnels.
Conclusion
Dans les quinze années à venir, nombreuses
seront les jeunes femmes exposées au DES qui consulteront pour un désir
d'enfant ou un suivi de grossesse. La connaissance de cet antécédent est
fondamentale à obtenir, de façon à mettre en uvre une prise en charge
diagnostique et thérapeutique adaptée.
La fréquence des insuffisances
précoces de réserve ovarienne peut induire une médicalisation relativement
rapide. Les stérilités d'origine cervicale représentent des indications
optimistes des inséminations intra-utérines, après stimulation à
visée monofolliculaire.
Les anomalies utérines sont incluses,
chez les femmes exposées au DES, dans une problématique multifactorielle.
Les données récentes apportées par les progrès de l'imagerie
montrent l'importance de l'exploration des facteurs d'implantation embryonnaire,
tant anatomiques que fonctionnels. Les traitements des anomalies de l'implantation
et du développement embryonnaire nécessitent un complément d'évaluation,
qu'ils soient médicaux ou chirurgicaux. Efficacité et innocuité doivent
être mises en balance dans les choix thérapeutiques ; les résultats
dela FIV sont satisfaisants en terme de grossesse débutante, mais les accidents
du premier trimestre grèvent encore les taux de grossesse évolutive.
L'amélioration de l'exploration
permet d'établir, outre la mise en uvre des traitements de l'infertilité,
une stratégie de prévention de la pathologie obstétricale liée
aux mêmes étiologies.
Le projet d'enfant des filles DES se
situe souvent dans le contexte compliqué de relations mères-filles marquées
par la culpabilité réciproque, l'appréhension de la stérilité
dans un vécu transgénérationnel d'échecs de la reproduction,
l'implication du groupe familial dans le parcours thérapeutique.
Certaines situations ne peuvent être
résolues par l'AMP quand la grossesse apparaît trop à risques, mais
la majorité des cas répond à un pronostic optimiste.
Moyennant un suivi spécifique,
l'obtention de grossesses et de naissances à un terme satisfaisant d'enfants
en bonne santé est, en définitive, un espoir réel pour ces patientes.
Bibliographie
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au DES. Arnette, 1991.
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Lepercq J, Epelboin S : The daughters of diethylstilbestrol, lessons from an error.
European Journal of Obstetrics and Gynecology and Reproductive Biology 75 (1997)
25-27.
* Service de Gynécologie-Obstétrique,
Hôpital-Saint Vincent-de-Paul, 82 avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris.
444 S.
EPELBOIN EXPOSITION
AU DES ET PROJET D'ENFANT EN 2004 445
Figure 1. Évolution dans le temps des
prescriptions de DES en France (selon Cabau)
446 S.
EPELBOIN EXPOSITION
AU DES ET PROJET D'ENFANT EN 2004 447
448 S.
EPELBOIN EXPOSITION
AU DES ET PROJET D'ENFANT EN 2004 449
450 S.
EPELBOIN EXPOSITION
AU DES ET PROJET D'ENFANT EN 2004 451
452 S.
EPELBOIN EXPOSITION
AU DES ET PROJET D'ENFANT EN 2004 453
454 S.
EPELBOIN EXPOSITION
AU DES ET PROJET D'ENFANT EN 2004 455
456 S.
EPELBOIN EXPOSITION
AU DES ET PROJET D'ENFANT EN 2004 457
458 S.
EPELBOIN EXPOSITION
AU DES ET PROJET D'ENFANT EN 2004 459
460 S.
EPELBOIN |