La balance bénéfice/risque du
traitement hormonal de la ménopause. Comment l'évaluer, et
comment la réévaluer
Christian JAMIN*
Le traitement hormonal de la ménopause
(THM), après avoir été paré de toutes les vertus, est à
ce jour tellement décrié dans certaines revues scientifiques, dans les
médias et par voie de conséquence par les pouvoirs publics que l'on peut
légitimement se poser la question de savoir comment tant de médecins inconscients
continuent à le prescrire, et tant de femmes écervelées à le
consommer. Ces deux positions extrêmes sont à l'évidence déraisonnables
mais il est à ce jour quasiment impossible tant sont vives les polémiques
de se faire une opinion claire sur la réalité des risques encourus par
les patientes qui bravent les oukases des jugements péremptoires du médicalement
correct. Ceci est d'autant plus vrai que les études de qualité se résument
à deux essais américains utilisant des traitements non prescrits en France
et pour le moins peu adaptés aux terrains sur lesquels ils ont été
testés. Terrains qui par ailleurs n'ont rien à voir avec celui sur lesquels
ces traitement son habituellement utilisés. De nombreux travaux, malheureusement
non basés sur la sacro sainte médecine basée sur les preuves, permettent
de nuancer les craintes venues d'outre Atlantique. Il faut cependant savoir que,
du fait de l'absence d'implication des pouvoirs publics dans la recherche dans ce
domaine en France (l'étude WHI (9, 10) a été financée par le
NIH aux USA) et des firmes pharmaceutiques (du fait de la non brevetabilité
des hormones naturelles), nous n'aurons jamais la réponse au problème
posé par l'utilisation du THM « à la française ».
Les avantages du THM
La qualité de vie
Il ne fait de doute pour personne que le THM améliore
le syndrome climatérique avec un effet net sur les bouffées de chaleur,
les sueurs nocturnes et la sécheresse vaginale. Ces effets sont dose-dépendants
et l'utilisation des doses minimum efficaces sur la durée minimum nécessaire
comme proposée par l'AFSSAPS est raisonnable, bien que les courtes durées
et les faibles doses n'aient jamais démontré une plus grande innocuité
que les doses standard comme nous le verrons plus loin. Il s'agit des items majeurs
entrant dans le plus vaste domaine de l'amélioration de la Qualité de
Vie (QdV) démontrée avec le THM. Il semble acquis aussi que les bénéfices
sur la QdV disparaissent chez les femmes plus âgées en l'absence de bouffées
de chaleur. Aucune étude ne permet de savoir si le THM en post ménopause
immédiate améliore la QdV de femmes dénuées de BdC.
En terme de sexualité il est prouvé
que l'amélioration de la sécheresse vaginale améliore la qualité
des rapports sexuels et par ce biais la libido. En revanche pour obtenir un effet
direct sur la libido il faut soit ajouter des androgènes ou plus simplement
donner de la tibolone.
La prévention de la perte osseuse et de l'ostéoporose
post-ménopausique
Le THM a sans conteste démontré son
efficacité dans la prévention primaire et secondaire du risque de perte
osseuse post-ménopausique ainsi que du risque fracturaire. Il a été
démontré que les estrogènes administrés en début de ménopause
prévenaient la perte osseuse post-ménopausique et qu'il s'agissait d'une
prévention de la diminution du contenu minéral osseux ou de l'altération
de la structure osseuse (micro- architecture). Cet effet se poursuit tout au long
de la prise du traitement et la perte osseuse reprend son rythme normal à l'arrêt
de la substitution hormonale. Les femmes sous traitement ont un contenu minéral
osseux supérieur à celles qui n'en ont jamais pris ou qui ont cessé
d'en prendre. Si l'on compare à des femmes qui n'ont jamais pris de traitement
des femmes qui ont commencé ou tôt ou tard un THM, seules celles encore
sous traitement au moment de l'évaluation ont un contenu minéral osseux
différent de celui des femmes n'ayant jamais utilisé le traitement. En
revanche les femmes ayant utilisé dans le passé un THM ont un contenu
minéral osseux peu différent de celles n'en ayant jamais utilisé.
Une petite différence doit cependant être notée : lorsque le traitement
a été commencé tôt après le début de la ménopause,
il persiste à distance un petit effet bénéfique.
Lorsqu'on compare le contenu minéral
osseux des femmes en cours de traitement, on constate que celles qui ont commencé
la prise d'hormones tout de suite après la ménopause ont un contenu minéral
osseux sur tous les sites supérieur à celui des femmes ayant commencé
le traitement à distance de la ménopause.
Il existe un effet dose apparent des
estrogènes sur la perte osseuse post ménopausique. En réalité
ce n'est pas tout à fait le cas : plus la dose d'estrogènes augmente,
plus le pourcentage de femmes qui perdent de l'os diminue. Ainsi si l'on prend l'administration
par patch en post ménopause immédiate, environ 80 % des femmes sous placebo
perdent de l'os ; ce chiffre tombe à 50 % avec 25 microgrammes d'estradiol,
à 25 % avec 50 microgrammes et à moins de 10 % avec 100 microgrammes.
Avec l'âge, au fur et à mesure que le remaniement osseux s'amenuise, les
doses d'oestrogènes peuvent être revues à la baisse pour un maintien
du contenu minéral osseux.
Le risque fracturaire est diminué
chez les femmes en cours de traitement, que celui-ci ait été débuté
tard ou tôt. La diminution du risque fracturaire est cependant plus importante
chez les femmes ayant débuté le traitement tôt après la ménopause.
L'efficacité préventive du THM s'observe quel que soit le groupe de femmes
étudié, en particulier la diminution du risque relatif de fracture est
le même quel que soit l'âge, le poids, le statut tabagique, l'histoire
des chutes et les antécédents personnels ou familiaux de fracture, la
prise de calcium, l'utilisation d'un traitement hormonal substitutif antérieur
et le poids. Bien évidemment ceci n'est vrai qu'en termes de risque relatif
(RR) et en termes de risque attribuable, l'influence du RR augmentant avec les facteurs
de risque de fracture classiques. Après l'arrêt du traitement le bénéfice
en termes de contenu minéral osseux de même qu'en termes de risque fracturaire,
tant au niveau vertébral que fémoral, semble disparaître rapidement.
La dose d'œstrogènes nécessaire
à la diminution du risque fracturaire n'est pas aujourd'hui déterminée,
cette baisse est prouvée avec les doses dites classiques (50 microgrammes par
patch). Pour les doses plus faibles rien n'est prouvé. En revanche le type
d'estrogènes (en dehors de l'œstriol) et sa voie d'administration sont sans
importance. Pour la tibolone l'effet anti fracturaire à été confirmé
dans l'étude MWS une étude randomisée versus placebo est en cours.
Pour conclure on peut dire à ce
jour que l'efficacité du THM en termes de contenu minéral osseux est d'autant
plus important que le traitement a été commencé plus tôt et
poursuivi sur une longue durée. Le bénéfice pour le contenu minéral
osseux s'amenuise rapidement avec l'arrêt du traitement. Pour le risque fracturaire
la diminution est elle aussi d'autant plus importante que le traitement a été
débuté tôt et pris pendant longtemps. Cependant le traitement reste
efficace quel que soit l'âge auquel il a été débuté, y
compris pour des débuts très tardifs. Ceci peut s'expliquer ainsi : il
existe en début de ménopause une destruction de la micro architecture
osseuse, ce qui entraîne une baisse du contenu minéral osseux et une fragilisation
de l'os. Sous traitement hormonal les estrogènes ralentissent fortement cette
altération de la micro-architecture ainsi que la diminution de la charge calcique.
Or si le traitement est débuté tardivement la destruction de la micro-architecture
a déjà eu lieu et est irréversible. Le traitement hormonal substitutif
n'agit alors plus que sur la diminution de la charge classique et la poursuite de
la destruction de la trame protéique. Ainsi un traitement débuté
tardivement diminue le risque fracturaire mais ne sera jamais aussi efficace que
si, ayant été débuté tôt, il avait prévenu les altérations
irréversibles de la structure osseuse. Il existe par ailleurs des effets anti-fracturaires
des traitements hormonaux de la ménopause, par un autre biais que la structure
osseuse ou son contenu en calcium. La diminution du risque fracturaire à distance
de la ménopause est beaucoup trop rapide pour être expliquée par
ces simples phénomènes structurels. Ainsi, pour être efficace en
termes osseux, le THS doit être débuté tôt et poursuivi très
longtemps. (1,4,6)
Le cancer du côlon
Depuis de nombreuses années les études
épidémiologiques étaient en faveur d'un effet préventif du THM
sur le cancer colique. La récente étude WHI (9) randomisée versus
placebo chez des femmes de 63 ans en moyenne confirme cet effet bénéfique
avec une diminution de 40 % des cas sous traitement actif. Un résultat identique
a été aussi observé dans une autre étude lors de l'administration
cutanée de l'estradiol. Le mécanisme ne serait donc pas lié à
une diminution de l'excrétion des sels biliaires mais à un effet génomique.
Dans le bras WHI par œstrogènes seuls cet effet semble moins net. Rappelons
que la mortalité par cancer du côlon est de 50 % : une baisse de ce cancer
pèsera lourd dans le rapport bénéfice risque. Cependant cette baisse
des découverte de cancer du colon apparaît dès la première année
de traitement ce qui n'est pas compatible avec un effet protecteur vrai, il pourrait
ne s'agir que d'un retard au diagnostic.
Les risques du THS
Les risques du traitement hormonal substitutif
dépendent du terrain, de l'âge et de la durée de celui-ci. Ces trois
notions sont extrêmement importantes, en effet comme nous le verrons ci-dessous
certains risques sont directement liés à la durée du traitement (lithiases
biliaires) et ne seront donc pas à prendre en compte dans la balance bénéfice
risque de la grande majorité des traitement proposés pour la prise en
charge du syndrome climatérique. En effet dans cette seule indication les durées
sont et ont toujours été faibles (inférieures à 5 ans). D'autres
risques dépendent du terrain, le THM venant révéler (cancer du sein)
ou déclencher un accident sur une pathologie sous jacente (AVC, infarctus du
myocarde). L'âge étant en soi un facteur de risque (phlébite, pathologies
coronariennes et vasculaires cérébrales) il est logique que les risques
attribuables (nouveaux cas induits par le traitement) à la différence
du risque relatif augmente lui aussi avec l'age. Certains enfin, comme probablement
le cancer du sein, dépendent à la fois de la durée (temps nécessaire
à l'apparition d'une tumeur détectable) et de l'âge (augmentation
âge dépendant du risque spontané), et, c'est une lapalissade, il
y a sommation de ces deux paramètres puisque plus on a été traité
longtemps plus on est âgé !
Les lithiases biliaires
Il est connu depuis longtemps que la prise orale
d'oestrogènes modifie la composition de la bile vers un risque lithogène.
Le risque a été confirmé en particulier dans l'étude HERS (2)
randomisée versus placebo OR = 1,38 (1,00-1,92). La modification de la bile
n'est pas observée avec l'administration cutanée des oestrogènes,
ce qui rend optimiste pour cette voie d'administration sur ce point.
Le risque thromboembolique veineux
L'administration orale d'oestrogènes s'accompagne
de modifications des facteurs de coagulation veineux vers un versant thrombogène.
Depuis de nombreuses années il était craint par certains que ceci ait
une sanction clinique. Cette sanction est confirmée dans les études HERS
(2) et WHI (9) avec un OR de 2 à 3. Le risque d'embolies pulmonaires est augmenté
dans les mêmes proportions. Le risque de thrombose veineuse est maximum en
termes de RR en début de traitement, mais se poursuit tout au long de sa durée,
pour peu qu'il soit administré par voie orale. Comme le risque spontané
est relativement faible à l'âge de 50 ans, l'augmentation du risque attribuable
hors des femmes à risque (thrombophilie, surpoids, immobilisation...) est modeste
jusqu'à l'âge de 65 ans. Au-delà l'augmentation du risque spontané
rend l'augmentation du RR beaucoup moins acceptable. 65 ans est précisément
l'âge auquel le THS est efficace en termes de diminution du risque fracturaire.
Le risque thrombo-embolique veineux est très loin d'être négligeable
chez les femmes au-delà de 60 ans puisqu'en particulier dans l'étude WHI
il représente 44 % de sur-risque induit par le traitement (9). La publication
de Scarabin (Lancet 2003) semble innocenter l'administration cutanée
des estrogènes vis-à-vis de ce risque comme le laissait présager
l'absence d'activation de la coagulation sous cette voie d'administration de l'œstrogène.
La tibolone n'active pas les facteurs
de coagulation et à la lumière de la méta analyse des études
randomisées disponibles elle ne semble pas augmenter les TEV.
En première approche on peut donc
dire que si un THM est prescrit pour la prévention fracturaire, l'utilisation
des formes orales est contre-indiquée au-delà d'un certain âge, âge
mal défini correspondant cependant à celui de la prévention fracturaire.
En tout état de cause, pourquoi utiliser une forme orale quel que soit l'age
si nous disposons d'autres traitements plus sûres ?
Le risque coronarien
La prévention du risque coronarien a très
longtemps été longtemps l'une des raisons principales de la diffusion
du THM. Cependant depuis toujours quelques voix, françaises en particulier,
s'élevaient contre cette assurance basée sur des études épidémiologiques
en redoutant l'effet « bonne santé » c'est-à-dire la prescription
préférentielle de ces traitements à des femmes sélectionnées.
De plus, si les propriétés pharmacologiques de l'œstrogénothérapie
orale montraient de nombreuses propriétés favorables (effets endothéliaux,
élévations du HDL cholestérol, baisse du LDL cholestérol ...)
elles étaient aussi souvent en contradiction avec celles observées lors
du fonctionnement ovarien pré ménopausique (élévation des triglycérides,
modification des facteurs de coagulation et de la CRP...). De plus très récemment
a été mis en évidence sous oestrogénothérapie orale une
élévation des matrix métallo protéinases, facteur d'instabilité
des plaques d'athérome, non observée sous oestrogénothérapie
cutanée. Enfin on connaît le rôle joué par l'insulionorésistance
dans la régulation de la fibrinolyse en relation avec l'élévation
du PAI1 : la totalité des progestatifs de synthèse altèrent l'insulinosensibilité
et par ailleurs certains de ces progestatifs, par leurs propriétés glucocorticoïdes,
augmentent la génération de récepteurs de la thrombine au niveau
des muscles lisses endothéliaux. Dans les études HERS et WHI le traitement
associant estrogènes conjugués équins et MPA augmente le risque coronarien
la première année OR = 1,8 puis le sur risque disparaît rapidement,
faisant fortement suspecter un effet pro thrombotique sur plaques d'athérome
préexistantes. Il ne semble pas à ce jour que les bénéfices
de l'oestrogénothérapie sur l'athérogénèse, tout au moins
en début de carence hormonale, soient remis en cause. Le risque coronarien
n'a été démontré qu'avec l'estrogénothérapie orale
administrée en association avec du médroxyprogestérone acétate,
et même s'il existe des arguments pour penser que cette augmentation du risque
serait moindre ou inexistante avec les formes non orales, rien ne permet aujourd'hui
de l'affirmer. En revanche la responsabilité du progestatif est bien mise en
exergue par l'absence de sur risque coronarien observé dans le bras oestrogènes
seuls de l'étude WHI (10). Le risque coronarien est maximum en début de
traitement, mais là encore le risque spontané augmentant avec l'âge,
le risque attribuable est relativement faible chez les femmes récemment ménopausées,
mais devient préoccupant au-delà d'un certain âge, surtout lors de
l'induction tardive des traitements.
Enfin le modèle expérimental
de la guenon castrée nous a appris que l'effet bénéfique sur l'athérome
de l'hormonothérapie ne s'observait que si celle-ci était débutée
rapidement après la ménopause. Si celle-ci est débutée tardivement
elle perd cette vertu. Ainsi tant l'étude HERS que l'étude WHI ne pouvaient
mettre en évidence de bénéfices tant les femmes incluses étaient
âgées.
Les accidents vasculaires cérébraux
Le risque d'AVC a été trouvé élevé
dans les deux bras (œstroprogestatifs et oestrogènes seuls) de l'étude
WHI (9, 10) OR = 1,41 (0,86-2,31) et dans l'étude HERS (2). L'augmentation
en risque attribuable est faible de 0,1 cas supplémentaire pour 100 femmes
par an. Mais en fonction de l'âge cette augmentation n'est pas homogène
et le sur risque s'observe principalement chez les femmes de plus de 70 ans. Une
élévation de la tension artérielle observée sous oestrogènes
conjugués équin per os dans ces études peut en partie être incriminée.
Ici encore les effet de la prise orale d'œstrogène sur le foie en stimulant
le système rénine angiotensine ont pu jouer un rôle néfaste.
Si on intègre ceci dans le risque
global, l'augmentation du risque artériel, coronarien et vasculaire cérébral
est maximum en termes de risque attribuable à l'âge où le traitement
est efficace sur le risque fracturaire alors que l'objectif du THM est préventif
de l'ostéopénie en particulier mais pas curatif.
Les démences
On attendait une diminution des risques de démence
en particulier de maladies d'Alzheimer sous THM et c'est une augmentation qui a
été observée +0,02 cas pour 100 femmes par an. Les fonctions cognitives
ont aussi été faiblement perturbées statistiquement par le traitement.
Il n'est pas possible actuellement
de comprendre ces résultats du fait de la contradiction entre les effets connus
des stéroïdes et cette augmentation des démences. Il faut probablement
y voir la conséquence de micro thromboses des vaisseaux cérébraux
induites par ce traitement.
Le cancer du sein
Jusqu'en 1997 il y a eu environ 60 études
sur l'association potentielle entre THM et cancer du sein. Les résultats de
ces études étaient tellement discordants qu'il était impossible de
se faire une opinion. Contrairement aux suivantes, ces études portaient sur
des populations en post ménopause immédiate et la majorité des traitements
ne comportaient que des oestrogènes. La méta-analyse du Lancet en les
compilant trouva un OR de 1,26, ce qui est trop faible pour être affirmatif
sur la réalité du risque, du fait des innombrables biais en particulier
d'inclusion et de surveillance inhérents à ces études d'observation.
L'étude WHI a pour certain levé le doute sur l'augmentation du risque
de cancer du sein au-delà de 5 ans d'utilisation. Même si cette étude
est ce que nous avons et aurons de mieux, elle ne permet cependant pas de lever
toutes les incertitudes avec son RR de 1,26 (0,83-1,92) tant est faible cette augmentation
(+0,08 cas par an pour 100 femmes traitées). (7,8) Elle est cependant concordante
avec la méta-analyse et d'autres études publiées depuis. Mais les
mêmes biais ne sont ils pas susceptibles de reproduire les mêmes résultats
?
De plus dans ces étude randomisées
HERS et WHI il s'agit d'une fausse étude en aveugle en effet la survenue de
saignements ou d'autres effets collatéraux de l'hormonothérapie a levé
l'aveugle chez la majorité des femmes modifiant du fait de l'anxiété
générée l'attitude des femmes et des médecins vis-à-vis
du dépistage.
Il n'y a à ce jour pas de raison
de penser que le risque est différent suivant l'oestrogène utilisé
ou sa voie d'administration. Le risque augmente avec la durée du traitement.
Globalement le RR est faible mais il semble que sur de longues durées de traitement
(10 ou 15 ans) il devienne élevé, induisant de ce fait un risque attribuable
élevé. On manque de données sur l'influence des traitements sur de
très longues durées. En effet s'il s'agit d'un risque de promotion, il
serait logique de constater une diminution après un certain temps. Cette diminution,
possible d'après certains travaux, est cependant loin d'être prouvée.
L'augmentation du risque disparaît rapidement à l'arrêt du traitement
: il s'agit donc probablement d'un phénomène de promotion de cancers existants.
Ainsi comme le risque spontané de cancer du sein augmente avec l'âge,
la révélation de ces cancers par stimulation exogène augmente elle
aussi logiquement avec l'âge.
Le bras œstrogène seul de l'étude
WHI (10) et de nombreuses autres études de cohorte ne montrent pas d'augmentation
avec les oestrogènes seuls (RR = 0,77 (0,57-1,06)). Enfin dans l'étude
française E3N (non encore publiée) il n'est pas mis en évidence d'augmentation
du risque sous l'association oestrogène/ progestérone naturelle. Tous
ces résultats sont en harmonie avec la mesure des rapports apoptose/prolifération
qui montre une promotion maximum avec l'association oestrogène MPA ou NETA
(ce qui concorde avec l'étude MWS (5) dite du Million) intermédiaire avec
les oestrogènes seuls et minimum avec l'association oestrogènes progestérone
ou la tibolone.
L'influence des traitements sur la
mortalité globale par cancer du sein est aujourd'hui encore objet de débats.
Il reste admis, malgré les récents résultats de l'étude WHI,
que les cancers découverts seraient de forme histologique mieux différenciée
et de meilleur pronostic.
Pour conclure, on se trouve donc face
à ce paradoxe : le THM a une efficacité prouvée vis à vis de
la prévention de la perte osseuse et du risque fracturaire, à la condition
que celui-ci soit débuté tôt et poursuivi longtemps. Le risque est
diminué même s'il est commencé de manière tardive. Si le traitement
testé est commencé tôt et poursuivi longtemps, les bénéfices
osseux sont à terme obérés par l'augmentation du risque attribuable
en termes vasculaires (AVC surtout) et par l'augmentation du risque de cancer du
sein. Si ce traitement est commencé tard, son efficacité fracturaire existe
même si elle est moindre, mais dans ce cas c'est l'induction du traitement
qui devient dangereuse en termes vasculaire, sachant que nous disposons de peu de
données pour le sein, même si dans l'étude WHI les traitements de
courte durée chez les femmes d'un âge avancé ne semblent pas augmenter
le risque de cancer du sein.
Les arguments sont nombreux pour penser
que l'utilisation d'oestradiol par voie cutanée, seul chez les femmes hystérectomisées,
ou associé à de la progestérone naturelle ou à un progestatif
délivré par voie endoutérine à l'aide d'un stérilet, induirait
un rapport bénéfice risque très favorable, mais nous manquons et
manquerons probablement à jamais de démonstration !
Y a-t-il d'autres stratégies ?
Le THM est efficace dans la première partie
de la ménopause sur la symptômalogie ménopausique et sur la préservation
de la micro-architecture osseuse. Pour peu que les traitements soient bien choisis
et les terrains sélectionnés, il ne semble pas y avoir d'inconvénient
majeur à l'utilisation de ces traitements hormonaux en début de ménopause
sur des durées de 5 ans environ et peut être même au-delà. L'arrêt
du traitement fait disparaître le bénéfice osseux, il faut donc chez
les femmes à risque trouver une solution ultérieure.
Le raloxifène donne les mêmes
inconvénients au niveau veineux et on ne sait rien sur son influence sur les
risques artériels. Il n'a pas d'effet, même au contraire, sur le risque
mammaire. Malheureusement ce traitement n'a démontré d'efficacité
que sur les fractures vertébrales : il pourrait donc malgré tout représenter
une réponse au problème posé en relais chez les femmes n'ayant qu'un
risque vertébral.
Les biphosphonates ont eux démontré
une efficacité au niveau fémoral et vertébral en prévention
de la perte osseuse, y compris avec de faibles doses, et en diminution du risque
fracturaire avec les doses classiques. Ils pourraient représenter une solution
chez les femmes chez qui on arrête un THM après la durée définie
ci-dessus, chez les femmes à risque osseux évalué sur le contenu
minéral osseux. Cependant nul ne sait quelles seraient les conséquences
de l'utilisation au-delà de 10 ans de ce type de traitement, donc statistiquement
au-delà de 65 ans (50 + 5 ans de THM + 10 ans de bisphosphonates). Même
si leur effet rémanent est supérieur à celui du THM, l'arrêt
des biphosphonates à 65 ans fera à terme perdre tout effet protecteur
osseux. Il y a donc une nécessité urgente de poursuivre l'évaluation
de ces traitements sur de très longues durées, en particulier en relais
du THM.
La tibolone
La tibolone pourrait, elle, être proposée
en début de ménopause à la place du traitement hormonal classique
ou en relais de celui-ci. Elle est en effet efficace sur la symptômatologie
ménopausique. La tibolone prévient la perte osseuse post-ménopausique
au même titre que les traitements estrogéniques et représente donc
indiscutablement un outil dans la prévention primaire. Des travaux sur le risque
fracturaire sont en cours et dans l'étude MWS son effet anti-fracturaire est
équivalent à celui du THM. Certains arguments biochimiques, d'expérimentation
animale, et de mesure du rapport apoptose/prolifération chez la femme, et certaines
études cliniques suggèrent que ce traitement n'aurait pas les mêmes
inconvénients mammaires que le traitement hormonal classique, ce qui permettrait
de le poursuivre bien au-delà des durées admises aujourd'hui pour le THM.
Les travaux disponibles sur le risque veineux ne nous donnent pas les mêmes
inquiétudes qu'avec le THM oral. Nous manquons en revanche de résultats
sur le risque vasculaire artériel, coronarien et vasculaire cérébral.
Les résultats seront certainement disponibles dans les critères secondaires
des études randomisées en cours sur l'ostéoporose et le cancer du
sein. La tibolone pourrait donc représenter un traitement alternatif intéressant
pour la prévention du risque fracturaire, grâce à une utilisation
de plus longue durée.
La prise en charge du syndrome climatérique
par le THM (au mieux oestradiol cutané+progestérone naturelle) ou tibolone
ne pose ainsi pas de réel problème tant en terme d'efficacité que
de tolérance. La prise en charge préventive du risque d'ostéoporose
est aujourd'hui encore ouverte à discussion. Le THM, soit œstroprogestatif,
soit tibolone, peut être utilisé dans la prévention de l'altération
de la micro-architecture osseuse. Il doit être interrompu au fur et à
mesure que les facteurs de risque vasculaire et mammaire apparaissent : un relais
est donc nécessaire (sauf pour l'oestradiol cutané seul chez la femme
hystérectomisée), soit par le raloxifène, soit par les biphosphonates,
sachant qu'aujourd'hui ni l'un ni l'autre ne représentent de solution validée
sur de très longues durées de traitement. Il est possible que la tibolone
puisse être poursuivie bien au-delà des durées admises aujourd'hui
pour le THM, mais il faut attendre les résultats des études en cours pour
pouvoir être affirmatif. (Pour ce qui est de l'association oestradiol cutané+progestérone
naturelle il est à craindre que nous n'ayons jamais la réponse).
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* Service de Gynécologie
Obstétrique (Pr Madelénat). CHU Bichat F75877 Paris cedex 18. E-mail :
ch.jamin@laposte.net
Correspondance : Christian Jamin
169 bd Haussmann F75008 Paris. 410 C.
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