Améliorer le taux de succès en
AMP : le possible et les limites. Aspects obstétricaux
DR LIONEL LARUE*
Le succès d'une AMP est la naissance
d'un enfant en bonne santé. L'amélioration des conditions obstétricales
passe par la réduction du nombre de grossesses multiples, gémellaires
incluses, sources de séquelles pédiatriques. Cet objectif nécessite
d'augmenter le potentiel d'implantation de chaque embryon en augmentant sa qualité
ou en réalisant une sélection plus efficace. C'est, comme nous l'avons
vu, essentiellement les techniques de biologie d'AMP qui permettent d'atteindre
cet objectif par la définition de critères plus performants de sélection
embryonnaire (critères précoces ou au contraire plus tardifs lors des
cultures prolongées, tri des anomalies génétiques ou manipulations
d'embryons à l'étranger). Nous pouvons également agir sur la qualité
de l'accueil embryonnaire maternel en optimisant la réceptivité endométriale
(hormones, substances vasoactives) ou en améliorant les conditions des transferts
embryonnaires.
L'analyse de nos résultats nous
a fait prendre conscience de l'importance de ce dernier facteur. Nous rapportons
ici notre contribution originale sur ce sujet.
L'étude des résultats de
notre centre comme ceux de la littérature met en évidence une diminution
des taux de grossesses lorsque le transfert embryonnaire est réalisé avec
difficultés même légères.
Depuis 1998 nous avons opté pour
un transfert direct avec un cathéter simple (KT de Frydman-CCD) chargé
des embryons. Lorsque ce transfert n'est pas facile et rapide ce cathéter est
redonné au biologiste et nous utilisons alors un set de transfert difficile
(KTD-CCD) avec un cathéter coudé ou courbé selon les cas. Nous avons,
grâce à cette technique, vu quasiment disparaître les transferts
dit difficiles.
Malheureusement l'analyse des résultats
sur 2 900 transferts exploitables réalisés dans le service, montre une
différence persistante et très significative des taux de grossesses qui
passent de 31,8 % si le transfert est direct à 22,6 % lorsqu'une difficulté
de transfert est rencontrée (p = 0,0009).
Un travail de recherche sur les causes
des transferts difficiles et les facteurs influençant le taux de grossesse
a été entrepris dans le but d'améliorer les résultats. Afin
de mieux comprendre les causes des difficultés de transfert nous avons réalisé
un bilan cervico-utérin complet en dehors de la tentative d'AMP chez 100 patientes
candidates à une AMP. Ce bilan comprenait dans le même temps une étude
minutieuse de l'anatomie et de l'orientation du canal cervical (cervicoscopie) et
de l'utérus (hystéroscopie + échographie) ainsi qu'un test de transfert
avant et après repérage anatomique. Le compte rendu de ce bilan était
joint au dossier afin de personnaliser le transfert.
Technique
L'examen est réalisé sous anesthésie
locale de contact (xylocaine) avec une optique rigide de 3 mm de diamètre (Stortz)
sous irrigation continue de sérum physiologique. Après nettoyage du col,
l'optique est introduite dans l'orifice externe du col puis le spéculum est
enlevé. La progression dans le canal cervical se fait sous contrôle visuel
relayé par une caméra sur un moniteur TV. L'endocol franchi, l'examen
se poursuit par une hystéroscopie conventionnelle.
Le compte rendu comporte : la description
de l'orifice externe et la facilité de son exposition ; la description de l'anatomie
du canal cervical : son orientation, sa régularité, l'existence et la
localisation de cryptes, de plis muqueux ou d'obstacles ; la description de l'orifice
interne : son orientation, sa souplesse et la facilité de son franchissement,
la présence éventuelle d'un spasme ; la position du corps utérin.
Résultats
1) Une modélisation anatomique
fonctionnelle, utilisable en clinique, a été au préalable nécessaire.
L'axe de référence du pelvis n'est plus l'axe ombilico-coccygien mais
l'axe longitudinal médian du corps repérable en échographie. La position
utérine est alors décrite comme anté ou rétroversée par
rapport à cet axe avec trois degrés (30°/45°/90°) définissant
les 6 positions possibles (AV 1.2.3 et RV 1.2.3). La direction du trajet cervical
est décrite à partir de la position de 3 points : les orifices externe
et interne et un « orifice moyen » virtuel situé au milieu du canal
cervical qui permet la description des trajets cervicaux complexes dans les axes
antéro-postérieurs et latéraux. Chaque orifice (externe, moyen, interne)
est repéré dans le plan sagittal et frontal par ses coordonnées verticales
et latérales (Planche 1).Planche 1 : Modélisation
de l'anatomie fonctionnelle cervico-utérine en AMP
Critères
de cotation cervico-utérine dans le plan sagitta
2) Ce premier travail permet
de décrire quelques situation typiques :
• Le col
« normal » : l'orifice cervical est centré lors
de l'exposition par le spéculum. Le trajet cervical se fait en arrière
et légèrement vers le bas (insertion des ligaments utéro-sacrés),
l'endocol est souple et s'ouvre activement sous la pression du sérum, la cavité
utérine est antéversée. La structure du canal cervical est régulière,
l'optique de 3 mm passe sans frottement, un arbre de vie discret est visible sur
les faces antérieure et postérieure du canal, source de quelques cryptes
de petites tailles, la muqueuse forme quelques plis souples et les glandes endo-cervicales
sont visibles. La vascularisation est diffuse donnant une couleur rosée homogène.
L'examen est facile, la patiente relaxée. Le transfert sera facile.
• Les variantes
anatomiques sources de difficultés de transfert :
les cryptes :
conséquences d'un arbre de vie très développé, des cratères
sont parfois présents, plus ou moins nombreux et profonds. Ces cryptes peuvent
être diffuses ou localisées alors plutôt dans le tiers externe du
col, de tailles variables elles peuvent constituer de véritables pièges
pour l'extrémité du cathéter. L'utilisation d'un cathéter coudé
à l'extrémité permet par rotation de se dégager de ces cryptes.
• Les déviations
du canal cervical : reflet des variations anatomiques ou conséquences
d'une pathologie (infection ou endométriose par exemple), elles peuvent être
simples dans 1 seul plan antéro-postérieur ou latéral ou complexes,
l'association la plus fréquente est alors l'orientation du col vers le bas,
en arrière et à droite. L'utilisation d'un cathéter courbé est
cette fois-ci logique, la connaissance de la version utérine complètera
la réflexion sur le type de courbure souhaitable.
• Le spasme
de l'orifice interne (OI) : l'ouverture de l'OI se fait sous la pression du
sérum physiologique, en l'absence d'anesthésie générale le relâchement
du « sphincter de l'OI » est généralement bien visible. Un spasme
de l'OI est parfois parfaitement net.
• Les anomalies
acquises : de nombreuses situations différentes sont
possibles et répertoriées par la cervicoscopie : trajet en plusieurs segments
du canal cervical, fausse route, synéchie, sténose, cul de sac d'une cicatrice
de césarienne...
Conclusion
L'amélioration du taux de succès obstétrical
en AMP passe par l'augmentation du potentiel implantatoire des embryons afin de
pouvoir en diminuer le nombre transféré. De nombreux efforts de recherches
cliniques et biologiques permettent d'améliorer la qualité et surtout
la sélection des embryons à transférer. Nous avons souhaité
rapporter le travail que nous avons réalisé sur les conditions de réalisation
des transferts embryonnaires. La première phase de ce travail était de
modéliser une anatomie cervico-utérine utilisable en AMP afin de pouvoir
décrire et surtout prédire à titre individuel les difficultés
de transfert. Le bilan cervico-utérin complet permet de mieux comprendre les
difficultés de transfert des embryons liées à des anomalies du défilé
cervical et au cas par cas de proposer des conseils pour un transfert personnalisé.
Ces conseils peuvent être généraux : remplissage ou non de vessie,
traitement relaxant ou spasmolytique pour les spasme de l'OI, transfert sous échographie
ou bien locaux : type de cathéter, trajet à suivre.
Nous évaluons actuellement l'intérêt
de ces transferts personnalisés pour améliorer les résultats du groupe
de patientes présentant des difficultés de transfert. La mise au point
de nouveau matériel de transfert peut également contribuer à une
augmentation des taux de succès en AMP.
Mots clés :
AMP, transfert embryonnaire, bilan cervical, hystéroscopie, cervicoscopie.
Critères de cotation du défilé cervical
dans le plan frontal
* Centre de Fertilité
- Groupe hospitalier Diaconesses-Croix Saint Simon - 18, rue du Sergent-Bauchat,
Paris 12.
Contact : llarue@hopital-dcss.org
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OE OM OI : orifices externe-moyen et interne
AV RV : anté et rétroversion
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